Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 611—619

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ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Syndrome des ongles jaunes : deux cas pédiatriques Yellow nail syndrome: Two pediatric case reports P. Dessart a, X. Deries b, M. Guérin-Moreau a, F. Troussier c, L. Martin a,∗ a

Service de dermatologie, l’UNAM, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France Les Capucins, centre régional de rééducation et de réadaptation fonctionnelle, 28, rue des Capucins, CS 40329, 49103 Angers cedex 02, France c Service de pédiatrie, l’UNAM, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France b

Rec ¸u le 18 octobre 2013 ; accepté le 19 juin 2014 Disponible sur Internet le 20 aoˆ ut 2014

MOTS CLÉS Ongles jaunes (syndrome des) ; Xanthonychie ; Lymphœdème ; Poumons ; Anasarque ; Enfant



Résumé Introduction. — Le syndrome des ongles jaunes (SOJ) associe des ongles dystrophiques (jaunâtres ou verdâtres, anormalement incurvés, avec onycholyse distale), un lymphœdème et des manifestations respiratoires variées (hyperréactivité bronchique, pneumopathies récidivantes, bronchectasies, épanchements pleuraux). D’autres manifestations, essentiellement ORL (sinusite), sont parfois associées. Ce syndrome rare est classiquement décrit chez l’adulte. Nous en rapportons deux cas pédiatriques. Observations. — Cas no 1. Un garc ¸on de 9 ans était adressé pour une dystrophie unguéale de 20 ongles et un lymphœdème des membres inférieur et supérieur gauches évoluant par poussées. Il était né à 32 semaines d’aménorrhée (SA), en état d’anasarque marqué par un épanchement pleural chyleux. Il souffrait depuis lors d’une dysplasie bronchopulmonaire. Dans la première année de vie, il avait présenté de nombreuses rhinopharyngites et otites séromuqueuses. La lymphoscintigraphie des membres n’avait pas été réalisée. Cas no 2. Un garc ¸on de 14 ans présentait des ongles jaunes de tous les orteils et de deux doigts des mains. Il était né à 36 SA en anasarque fœtoplacentaire. Il avait eu des otites séromuqueuses à répétition et un asthme. La lymphoscintigraphie des membres inférieurs montrait une hypoplasie lymphatique plus marquée à gauche. Discussion. — Ces enfants ont un SOJ puisque deux critères sur trois, incluant la dystrophie unguéale, sont suffisants pour retenir le diagnostic. Les trois catégories de symptômes ne sont

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Martin).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.06.026 0151-9638/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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P. Dessart et al. présentes simultanément que dans un tiers des cas. Dans la littérature, on trouve 13 cas chez l’enfant, survenus depuis la naissance jusqu’à 10 ans, dont une fratrie de trois cas. Le caractère classiquement sporadique est donc discutable. Au vu des cas familiaux, un facteur génétique n’est pas exclu. Une des hypothèses physiopathologiques pour la constitution de la dystrophie unguéale est une anomalie des vaisseaux lymphatiques ; des ectasies et des hypoplasies sont observées sur les lymphoscintigraphies. Le lien entre dystrophie unguéale et anomalie de la circulation lymphatique existe dans d’autres syndromes génétiques comme le syndrome de Turner. Le pronostic du SOJ est parfois sévère chez l’adulte et conditionné par l’atteinte pulmonaire. Il est inconnu chez l’enfant. Conclusion. — La constatation d’ongles jaunes dystrophiques chez l’enfant doit faire rechercher un lymphœdème et une maladie pulmonaire, comme chez l’adulte. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Yellow nail syndrome; Xanthonychia; Lymphedema; Lung; Hydrops; Child

Summary Background. — Yellow nail syndrome (YNS) is a combination of specific nail dystrophy (yellowish or green nails, transverse ridging, increased curvature with ‘‘a hump’’ and distal onycholysis), lymphoedema and respiratory tract involvement (mainly bronchial hyper-responsiveness, recurrent pneumonia, bronchiectasis and pleural effusion), with or without sinusitis. This rare condition is most often seen in middle age. We report two pediatric cases. Patients. — A 9-year-old boy had 20 yellow nails and lymphedema of the lower and upper left limbs. He was born at 32 weeks of gestation. At birth, he had fetal hydrops with bilateral chylothorax. Since then, he presented bronchopulmonary dysplasia. In his first year of life, he had recurrent nasopharyngitis and serosal otitis. Lymphoscintigraphy was not performed. A 14-yearold boy had 10 yellow toenails and 2 yellow fingernails. He was born at 36 weeks of gestation with fetal hydrops. He had recurrent serosal otitis and asthma attacks. Lymphoscintigraphy showed lymphatic hypoplasia, especially of the left limbs. Discussion. — These two children have the classic triad of YNS, including yellow nails, lymphedema and respiratory tract involvement. Thirteen cases have been reported in children from birth to 10 years of age, three of whom were siblings, thus suggesting genetic predisposition. In most cases lymphoscintigraphy showed hypoplasia and/or ectasia of lymphatic vessels. These lymphatic abnormalities may be responsible for nail changes as seen in Turner’s syndrome. The prognosis of YNS in adults may be serious because of the pulmonary tract involvement. However, it is not known in children. Conclusion. — Yellow dystrophic nails in children may be associated with lymphedema and respiratory tract involvement, as in adults, and this condition should therefore be investigated in cases of YNS. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Observations

Le syndrome des ongles jaunes (SOJ) a été décrit par Samman et White en 1964 comme l’association d’ongles jaunes dystrophiques et d’un lymphœdème des membres [1]. Deux ans plus tard, Emerson y ajoutait la notion d’épanchements pleuraux, constatés chez trois patients [2]. Pour retenir le diagnostic de SOJ, deux des critères cliniques listés ci-dessus sont nécessaires, dont des ongles jaunes caractéristiques [3] (Tableau 1). À partir de 1994, la rhinosinusite à répétition a également été reconnue comme faisant partie de ce syndrome. En effet, Varney et al. ont constaté cette association dans 14 cas sur 17 [4]. Le SOJ est rare et survient essentiellement chez l’adulte d’âge moyen [1]. Nous en rapportons deux cas pédiatriques.

Cas no 1 Un garc ¸on de 9 ans était adressé pour une dystrophie unguéale de 20 ongles évoluant depuis l’âge de 2 ans (Fig. 1) et un lymphœdème congénital. Deux des ongles des mains n’avaient jamais été atteints. Les ongles atteints avaient une hypercourbure et une striation longitudinale, une onycholyse, une coloration jaune-vert. Ils étaient épaissis, durs et ne poussaient pas. Le lymphœdème était classé stade I minimal selon la classification de l’International Society of Lymphology [5]. Il concernait les membres inférieur et supérieur gauches et évoluait par poussées sans facteur déclenchant évident (Fig. 2).

Critères diagnostiques du SOJ.

Références

Sexe

Manifestations Ongles

Poumons

Lymphœdème

Autres

Âge de début

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

M

ND

ND

ND

Infections

« Précoce »

ND

Retard mental

M

Congénital

ND

ND

Infections, épanchements pleuraux

Congénital

ND

Retard mental

Al Hawsawi et al. [15]

F

Congénital

Épaissis, jaune-verts, hypercourbure longitudinale et transversale, stries longitudinales, absence de cuticules, onycholyse, atteinte des 20 ongles

ND

ND

7 ans

ND

ND

Nanda et al. [12]

M

Congénital

Croissance lente, coloration jaunâtre à brunâtre, perte de la cuticule, hypercourbure convexe pour tous les ongles, onycholyse pour 2 d’entre eux

Néonatal

Épanchements pleuraux

ND

ND

Un frère décédé d’une anasarque fœtoplacentaire non immune (liquide chyleux), dysmorphie (pigmentation bleutée des conjonctives, bosse frontale strabisme) consanguinité au 1er degré

Cebeci et al. [14]

F

Congénital

Tablette unguéale épaissie, croissance lente, hypercourbure dans les 2 axes, coloration jaune-verte, perte des cuticules pour les 20 ongles

ND

Pneumopathies, dilatation des bronches

ND

ND

Pansinusite

Kamatani et al. [10]

Syndrome des ongles jaunes : deux cas pédiatriques

Tableau 1

613

614

Tableau 1 (Suite) Références

Sexe

Manifestations Ongles

Poumons

Lymphœdème

Autres

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

M M M

Congénital Congénital Congénital

Hypercourbure transversale, onycholyse, couleur jaune-verte, stries transversales des 20 ongles

ND

ND ND Épanchements pleuraux, chylothorax en lien avec des lymphangiectasies pulmonaires

ND ND ND

ND ND ND

Fratrie de 3 ; hypoplasie des ongles et anasarque fœtoplacentaire du cas no 3 à la naissance

Sacco et al. [17]

F

ND

10 ongles des mains mous, épaissis, partiellement jaunes, onycholyse distale pour certains et stries transversales et hallux jaune épaissi. Hypercourbure dans les 2 axes des ongles des pieds

ND

Kystes bronchiques

ND

ND

ND

Paradisis et al. [18]

M

ND

ND

ND

Épanchements pleuraux

Congénital

ND

Otites séromuqueuses, surdité de transmission

Göc ¸men et al. [19]

F

ND

ND

ND

Dilatation des bronches

ND

ND

Sinusite chronique

Magid et al. [20]

F

ND

ND

ND

Dilatation des bronches

ND

ND

ND

Lambert et al. [13] no 1 no 2 no 3

ND

P. Dessart et al.

Âge de début

Références

Sexe

Manifestations Ongles

Poumons

Lymphœdème

Autres

Âge de début

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

Âge de début

Caractéristiques

Zefras et al. [21]

F

10 ans

10 ongles des mains jaunes brillants à croissance lente et hypercourbés ; onycholyse pour certains, pas d’atteinte des pieds

ND

Dilatation des bronches

10 ans

Membre inférieur gauche et visage

ND

Siddiq et al. [22]

F

ND

Dyschromie, stries transversales et croissance lente

Congénital

Pneumothorax et pneumomédiastin à la naissance, DDB modérée

2 ans

Bras et membre inférieur gauche

Dysmorphie (philtrum plat, lèvres minces) Ongles absents à la naissance

Cecchini et al. [24]

F

Congénital

20 ongles jaunes épaissis avec onycholyse

ND

ND

ND

ND

ND

Syndrome des ongles jaunes : deux cas pédiatriques

Tableau 1 (Suite)

ND : non déterminé.

615

616

P. Dessart et al. un coefficient de Tiffeneau à 72 % de la valeur théorique. En tomodensitométrie thoracique, il existait des épaississements des septums et des zones d’emphysème.

Cas no 2

Figure 1.

Dystrophie unguéale des orteils (patient 1).

Le patient était né à 32 semaines d’aménorrhée (SA), de parents non consanguins, en état d’anasarque marqué par un épanchement pleural chyleux ayant nécessité vingtquatre jours de ventilation artificielle. Dans la première année de vie, il avait présenté de nombreuses rhinopharyngites et otites séromuqueuses. La lymphoscintigraphie n’avait pas été réalisée. Aux explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), il avait un syndrome obstructif avec

Un garc ¸on de 14 ans consultait pour des ongles jaunes de tous les orteils et de deux des doigts des mains présents depuis la naissance (Fig. 3). Ces ongles jaunes chutaient régulièrement et un ongle normal repoussait à la place. Le patient présentait également un lymphœdème congénital des deux membres inférieurs, prédominant à gauche. Ce lymphœdème s’était amélioré à l’acquisition de la marche et évoluait par poussées. Les poussées, brèves, étaient déclenchées par la chaleur et la station debout prolongée. À l’examen clinique, le lymphœdème était classé stade I minimal selon la classification de l’International Society of Lymphology [5]. L’enfant était né à 36 SA en anasarque fœtoplacentaire. Il avait eu des otites séromuqueuses à répétition. Il présentait un asthme depuis l’âge de un an, invalidant jusqu’à l’âge de 13 ans, puis bien contrôlé par association de bêta-2 mimétiques d’action prolongée et de glucocorticoïdes inhalés. Les prélèvements unguéaux mycologiques répétés étaient négatifs. La lymphoscintigraphie confirmait une hypoplasie lymphatique des membres inférieurs, plus marquée à gauche. En tomodensitométrie thoracique, il existait un syndrome interstitiel réticulaire périphérique.

Figure 2.

Lymphœdème modéré du membre inférieur : effacement du relief malléolaire (patient 1).

Figure 3.

Ongles fins, durs, incurvés longitudinalement, jaunâtres, évocateurs de syndrome des ongles jaunes (patient 2).

Syndrome des ongles jaunes : deux cas pédiatriques Tableau 2

617

Caractéristiques des SOJ pédiatriques dans la littérature. Références

Critères diagnostiques majeurs Ongles jaunes dystrophiques : fins, durs, incurvés longitudinalement et transversalement, croissance lente, couleur jaune à verte, lunule et cuticule absentes, onycholyse distale Critères diagnostiques mineurs Lymphœdème Manifestations respiratoires : épanchements pleuraux, hyperréactivité bronchique, bronchites chroniques, dilatation des bronches et pneumopathies infectieuses

Aux EFR, il avait un syndrome obstructif avec un coefficient de Tiffeneau à 68 % de la valeur théorique.

Discussion Ces deux enfants ont les critères pour retenir le diagnostic de SOJ (Tableau 1). De nombreuses anomalies des ongles ont été décrites en association avec le SOJ : augmentation de l’épaisseur, dureté, hypercourbures transversale et longitudinale, coloration jaune totale ou distale, perte de la cuticule, stries transversales. Une onycholyse peut conduire à la chute de l’ongle. On peut également observer un périonyxis [6]. La croissance de l’ongle est lente (0,1 à 0,25 mm/semaine contre 0,5 à 2 mm/semaine en cas de pousse normale) [7]. Les prélèvements mycologiques sont négatifs. En 1986, Nordkild et al. ont rapporté 97 patients dans une revue de la littérature [8]. L’âge moyen de début du SOJ est de 40 ans (âges extrêmes, 0 à 65 ans). Les ongles jaunes sont présents dans 89 % des cas [1]. Quatre-vingt pour cent des patients ont un lymphœdème, le plus souvent des membres inférieurs, de sévérité variable, et 36 % ont, ou ont eu, un épanchement pleural [8]. Les autres manifestations respiratoires sont essentiellement une hyperréactivité bronchique, des poussées de bronchite chronique et parfois des dilatations des bronches et des pneumopathies. La rhinosinusite existe dans 83 % des cas, sans démonstration formelle du caractère non fortuit de l’association [4]. Quand tous les critères du SOJ sont réunis, le diagnostic est assez facile à établir. Mais les symptômes n’apparaissent pas forcément tous en même temps, ce qui entraîne des difficultés diagnostiques notamment concernant les ongles. Les principaux diagnostics différentiels devant une dystrophie des vingt ongles chez l’enfant sont : un lichen plan (un cas de lichen plan mimant un SOJ a d’ailleurs été rapporté par Haneke [9]), une pelade ou un psoriasis. Une coloration jaunâtre des ongles peut faire suite à la prise de tracyclines. Mais l’association de la dystrophie, de la coloration jaune, des manifestations pulmonaires et du lymphœdème est assez caractéristique du SOJ. Nordkild et al. ont trouvé 7 cas congénitaux parmi les 97 patients de leur revue. Depuis, il a été publié 16 cas chez l’enfant, survenus depuis la naissance jusqu’à l’âge de 10 ans [10—24] (Tableau 2). Parmi ces enfants, 9 (56 %) présentaient un lymphœdème. Douze avaient des manifestations pulmonaires (75 %) : trois avaient des infections

Samman et White [1]

Samman et White [1] Emerson [2]

pulmonaires à répétition, 5 des épanchements pleuraux, 4 des dilatations des bronches, un des kystes bronchiques, et un de l’asthme. Quatre enfants ont eu des manifestations ORL, soit 31 %, à type de sinusites et d’otites. L’âge moyen de début était de 1,11 ans, bien que la donnée ne soit disponible que dans neuf cas. Le sex-ratio était de 6 garc ¸ons pour 9 filles. Un enfant a présenté une anasarque fœtoplacentaire sans cause identifiée sexe non précisé dans un cas (Tableau 2). La prévalence du lymphoïde paraît plus élevée dans la série de Nordkild (80 %) que chez les 16 patients publiés postérieurement (56 %). Cela peut s’expliquer soit par la discrétion du lymphoedème, soit par une apparition plus tardive dans l’histoire naturelle de la maladie. Le nombre d’épanchements pleuraux est superposable dans les deux séries : 36 % contre 38 %. L’association SOJ et anasarque fœtoplacentaire n’est probablement pas fortuite. Dans la littérature, en effet, deux enfants dont la mère était atteinte de SOJ sont nés en état d’anasarque [16,25]. De plus, le frère d’un enfant atteint de SOJ est décédé des conséquences d’une anasarque fœtoplacentaire sans autre cause identifiée [12]. On peut faire l’hypothèse que cet enfant aurait également développé un SOJ. Enfin, des anasarques fœtoplacentaires ont été décrites dans d’autres maladies associées à une dysplasie lymphatique diffuse primaire, comme le syndrome d’Hennekam ou le syndrome lymphœdème—distichiasis. La physiopathologie du lymphœdème dans le SOJ est inconnue. La lymphoscintigraphie montre une hypoplasie ou une absence de vaisseaux lymphatiques. Au microscope électronique, il y a des vaisseaux lymphatiques dilatés mais aussi des vaisseaux normaux. Cela suggère une obstruction des vaisseaux lymphatiques de gros calibre ou des nœuds (ganglions) lymphatiques [11]. La diminution du retour lymphatique n’est pas suffisante pour expliquer l’importance du lymphœdème chez ces patients et il n’existe pas d’insuffisance veineuse associée [11]. Un processus inflammatoire qui augmenterait la perméabilité des vaisseaux pourrait expliquer l’importance du lymphœdème, d’autant que celui-ci évolue par poussées. La physiopathologie de la dystrophie unguéale est également inconnue. L’anomalie lymphatique primitive n’a jamais été vérifiée sur l’appareil unguéal. Mais un lien entre lymphœdème et dystrophie unguéale est vraisemblable. En effet, le SOJ n’est pas le seul syndrome où coexistent une dystrophie unguéale et un lymphœdème. Dans le syndrome de Turner, par exemple, existe une

618 agénésie des vaisseaux lymphatiques lors de la vie fœtale qui est réputée expliquer le lymphœdème et la dystrophie unguéale [26]. Autre exemple, chez les patients souffrant d’un lymphœdème secondaire, les anomalies unguéales sont bien connues. Elles se caractérisent par un épaississement et une dystrophie de l’ongle, mais pas par une coloration jaune-vert [27,28]. Cette coloration jaunâtre pourrait être due à l’épaississement de la tablette de l’ongle et aussi à un dépôt de substance liposoluble, mais cela n’a jamais été démontré [27]. L’étude de Le Fourn et al. a mis en évidence la fréquence des anomalies unguéales chez les patients souffrant d’un lymphœdème secondaire. Les anomalies constatées cliniquement et à l’aide du dermatoscope sont : une hyperkératose sous-unguéale, une friabilité de la surface unguéale, des excoriations du repli sus-unguéal et de la cuticule, et une leuconychie. Ces anomalies sont permanentes et représentent la conséquence d’une stase lymphatique [29]. Dans le SOJ, les anomalies unguéales sont cliniquement différentes et évoluent par poussées. On peut donc penser que la physiopathologie de l’atteinte unguéale ne s’explique pas uniquement par la stase lymphatique. Un processus inflammatoire qui augmenterait la perméabilité des vaisseaux pourrait là aussi expliquer cette différence. En effet, l’atteinte unguéale du SOJ semble être un « baromètre » de son évolution. Les ongles sont plus jaunes en cas d’exacerbations des symptômes et plus clairs dans les périodes calmes [30]. Les ongles de certains patients ont été améliorés par la prednisone intralésionnelle [31]. Enfin, la description de ces cas pédiatriques et de très rares cas familiaux renforce l’hypothèse d’une cause génétique [12,13]. Le pronostic du SOJ est parfois sévère chez l’adulte et conditionné par l’atteinte pulmonaire. Il est inconnu chez l’enfant. Il n’existe pas de traitement dont l’efficacité ait été démontrée. La prise en charge est symptomatique. Pour le lymphœdème, elle repose sur la kinésithérapie par drainages lymphatiques manuels et sur les bandages compressifs à étirement court. Les drainages lymphatiques doivent être faits selon la technique de Leduc et Földi. Pour la dystrophie unguéale, de nombreux traitements ont été utilisés mais aucun n’a fait la preuve de son efficacité [13]. Un traitement par association de fluconazole (hebdomadaire) et de tocophérol (quotidien) a été proposé : une guérison clinique aurait pu être ainsi obtenue chez 11 patients sur 13 [32]. Pour les manifestations pulmonaires, une prise en charge pneumologique spécialisée est indispensable. C’est pourquoi le diagnostic précoce est important. Par exemple, Siddiq et al. rapportent le cas d’une fillette de 8 ans qui avait des ongles jaunes à croissance lente et un lymphœdème des membres supérieur et inférieur gauches depuis au moins l’âge de 2 ans. Une tomodensitométrie thoracique a été réalisée au cours d’un bilan de toux chronique. Elle a mis en évidence une dilatation des bronches. Le diagnostic de SOJ a été retenu [23]. Devant l’association d’un lymphœdème et d’ongles dystrophiques, des explorations pulmonaires auraient pu être réalisées plus tôt. Une prise en charge pulmonaire précoce aurait peut-être pu limiter l’importance de la dilatation des bronches. L’intérêt de diagnostiquer un SOJ est donc de permettre une prise en charge pulmonaire précoce médicamenteuse ou kinésithérapeutique.

P. Dessart et al. En conclusion, la constatation d’ongles jaunes dystrophiques chez l’enfant doit faire rechercher un lymphœdème et une maladie pulmonaire, comme chez l’adulte.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Yellow nail syndrome: two pediatric case reports].

Yellow nail syndrome (YNS) is a combination of specific nail dystrophy (yellowish or green nails, transverse ridging, increased curvature with "a hump...
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