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TROUBLES DE LA SEXUALITÉ ET MALADIES CHRONIQUES

Dossier thématique

Commentaire

Presse Med. 2014; 43: 1125–1126 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Où va la sexologie ? Francis Collier

CHRU de Lille, hôpital Jeanne-de-Flandre, clinique de gynécologie, avenue EugèneAvinee, 59037 Lille cedex, France Disponible sur internet le : 29 août 2014

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What is happening to sexology?

tome 43 > n810 > octobre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.05.007

engouement permet de prendre conscience des conséquences psychologiques désastreuses des dysfonctions sexuelles, de l’aspiration des couples à améliorer la qualité de leur vie érotique, et surtout de cette très importante incidence des troubles sexologiques. En conséquence, il devient possible d’espérer un mieux être et plus facile de consulter, parler de sa souffrance, aller au-delà de la gêne, de la honte. Aujourd’hui, tout permet de penser que ce mouvement vers une plus vaste médicalisation de la sexualité va s’intensifier. Tout amène à ce que, dans la majorité des spécialités médicales, l’abord de la symptomatologie sexuelle passe progressivement du statut de « sujet dont on ne parle pas » à celui de « donnée importante de la qualité de vie ». C’est aussi qu’après des années de priorité absolue donnée à la technique et au traitement de la maladie, la médecine retrouve l’intérêt de la prise en charge de l’individu dans sa globalité. Dans cette dernière, apparaissent, et très souvent en bonne place, l’affectivité, la sensualité, la sexualité, la capacité à communiquer, échanger, partager ? Nombreux sont les domaines où la preuve scientifique est faite que la prise en compte de l’aspect humain et sexologique permet d’améliorer significativement les résultats des traitements étiologiques et le vécu des patients. Le concept de santé sexuelle est bien né. Malheureusement, aujourd’hui, force est de constater que la formation du monde médical en ce domaine reste insuffisante, et que les conditions d’exercice des sexologues ne sont pas adéquates. Certes, une dizaine de facultés françaises dispensent désormais un enseignement spécialisé dans le cadre d’un diplôme interuniversitaire. Les « déserts » de la médecine sexuelle n’ont

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a sexualité est longtemps restée synonyme de secret d’alcôve, plongée dans le silence pudique de convenances culturelles et religieuses. Logiquement, son approche par la science, la médecine a subi les mêmes influences. Il a fallu attendre la fin des années 1960 pour que, véritablement, les prémices de la sexologie moderne ne se fassent jour. Pendant que les bouleversements sociaux permettaient alors aux femmes de revendiquer une certaine liberté et le droit au plaisir et à une sexualité épanouie, libérées par une contraception efficace, quelques auteurs anglo-saxons révolutionnaient le regard apporté sur la sexualité par la publication des observations de sa physiologie, puis de la prise en charge thérapeutique de ses dysfonctions [1,2]. Malgré le désintérêt, voire le dédain, manifesté par l’université à son encontre, la sexologie va alors se développer grâce aux sociétés médicales, et tirera constamment bénéfice des échanges entre toutes les disciplines concernées, anatomie, physiologie, psychologie, anthropologie, philosophie, éthique. . . La demande des patients, des patientes et des couples reste cependant modérée au regard de la fréquence réelle de la pathologie sexologique estimée par toutes les enquêtes statistiques. C’est que les tabous, le non-dit et les interdits règnent encore en maître en la matière, confortés par des médias où le discours sur le sexe ne se fait le plus souvent que sous l’angle du scandale, de la lubricité et de la perversion. La seconde grande étape de l’histoire de la sexologie survient dans les années 2000, quand la commercialisation de substances pharmacologiques très efficaces dans le traitement de la dysfonction érectile devient une bombe médiatique. Cet

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cependant pas disparu, loin s’en faut, et la formation de base du jeune médecin, dans son cursus normal d’études, reste insignifiante, quand elle n’est pas totalement absente. Dans le cadre des maladies chroniques comme dans bien d’autres domaines, il est pourtant évident que le besoin est double : d’une part, disposer de spécialistes de la sexualité à qui confier les situations délicates, mais aussi, d’autre part, permettre à tout soignant, de par une formation adaptée, de prendre en charge les cas les plus simples, les questionnements de base, si fréquents ici. À défaut et à n’en point douter, notre société verra croître et embellir une population ésotérique faite de gourous du sexe ! Enfin, un symptôme sexuel n’est jamais un symptôme comme les autres. D’abord, il est souvent la conséquence de plusieurs causes associées. Ensuite, parmi celles-ci, interviennent volontiers des éléments psychologiques, contractuels ou historiques, personnels ou liés à la dynamique conjugale, à l’environnement familial, social ou professionnel. Enfin, le symptôme lui-même est générateur de répercussions fonctionnelles et psychiques qui peuvent à leur tour participer à l’entretien du problème, voire en devenir la cause principale. Dans ces conditions, jamais la prise en charge d’un symptôme sexuel ne peut se limiter dans tous les cas à la prescription d’une pilule, si magique soit-elle ! Elle nécessite d’y consacrer du temps, d’analyser de manière précise la symptomatologie,

l’histoire de la sexualité du patient, son contexte personnel et environnemental. Un accompagnement est toujours nécessaire. Même si celui-ci est parfois assez simple, il demande toujours des qualités humaines, la capacité de manifester de l’empathie. Pour tout cela, il faut de la disponibilité, du temps, éléments de plus en plus difficiles à trouver dans le contexte socioéconomique d’une médecine qui récompense et privilégie encore l’acte technique. Titulaires d’un titre qui ne correspond pas à une vraie spécialité au regard du Conseil de l’Ordre des Médecins, contraints de demander, pour des consultations très longues, des honoraires supérieurs à ceux remboursés par la sécurité sociale, « peu rentables » pour des hôpitaux désormais prisonniers de la course à l’équilibre budgétaire, les sexologues ne peuvent pas apporter aux patients, aux patientes, aux couples, tout ce que ceux-ci attendent d’eux dans l’idéal. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] [2]

Masters WH, Johnson VE. Les réactions sexuelles. Paris: Robert Laffont; 1968. Masters WH, Johnson VE. Les mésententes sexuelles et leur traitement. Paris: Robert Laffont; 1971.

tome 43 > n810 > octobre 2014

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