Rec¸u le : 22 de´cembre 2013 Accepte´ le : 23 septembre 2014 Disponible en ligne 22 octobre 2014

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com



Fait clinique

Convulsions hyponatre´miques et bronchiolite a` VRS : a` propos de 3 cas VRS bronchiolitis with severe hyponatremia leading to acute seizures: A report of three cases D. Pop Joraa,*, N. de Suremaina, C. Arnauda, S. Gre´teaub, I. Guellecc, S. Renolleauc, R. Carbajala,d,e a Service des urgences pe´diatriques, hoˆpital Armand-Trousseau, assistance publique–hoˆpitaux de Paris, 26, avenue du Dr-Netter, 75012 Paris, France b Service de pe´diatrie, re´animation pe´diatrique, ne´onatologie et urgences pe´diatriques, universite´, centre hospitalier de Pau, 4, boulevard Hauterive, 64046 Pau cedex, France c Service de re´animation pe´diatrique, hoˆpital Armand-Trousseau, assistance publique-hoˆpitaux de Paris, 26, avenue du Dr-Netter, 75012 Paris, France d Universite´ Pierre et Marie-Curie, Paris VI, 75005 Paris, France e Inserm U953, 75012 Paris, France

Summary

Re´sume´

Acute bronchiolitis due to respiratory syncytial virus (RSV) can present with extrapulmonary manifestations, notably severe hyponatremia. Hyponatremia is caused by excess secretion of antidiuretic hormone and can be exacerbated by intravenous infusion of hypotonic solutions. We report three cases of infants admitted for acute bronchiolitis and hyponatremia leading to acute seizures. We describe how hyponatremia was corrected and analyze the management aspects that might have worsened the magnitude of hyponatremia. We underline the basic principles of water and electrolyte management of bronchiolitis. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La bronchiolite aigue¨ due au virus respiratoire syncytial (VRS) peut se compliquer d’atteintes extra-pulmonaires et notamment d’une hyponatre´mie se´ve`re. Cette hyponatre´mie est due a` une se´cre´tion augmente´e d’hormone antidiure´tique et peut eˆtre aggrave´e par l’utilisation de solute´s de perfusion hypotoniques. Nous rapportons trois cas de jeunes nourrissons hospitalise´s pour une bronchiolite a` VRS ayant eu une hyponatre´mie se´ve`re avec des crises convulsives. Nous de´crivons la correction de l’hyponatre´mie et analysons les conditions de perfusion qui ont pu aggraver l’hyponatre´mie. Nous rappelons les principes de prise en charge hydroe´lectrolytique des bronchiolites. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

plus souvent, a` un apport de solute´ hypotonique [3]. Nous pre´sentons dans cette e´tude les cas de trois jeunes nourrissons hospitalise´s pour une bronchiolite a` VRS complique´e d’une hyponatre´mie se´ve`re avec des crises convulsives et nous rappelons la physiopathologie de cette complication et les principes de sa pre´vention et de son traitement d’urgence.

La bronchiolite aigue ¨ est une infection virale respiratoire e´pide´mique saisonnie`re du nourrisson, le plus souvent due au virus respiratoire syncytial (VRS) [1]. Les bronchiolites a` VRS peuvent s’accompagner de complications extra-pulmonaires cardiovasculaires, neurologiques ou endocriniennes [2]. Une des complications rare mais potentiellement grave est la survenue d’une hyponatre´mie se´ve`re responsable de crises convulsives. L’hyponatre´mie observe´e est lie´e a` une se´cre´tion inapproprie´e d’hormone anti-diure´tique (SIADH) associe´e, le * Auteur correspondant. e-mail : [email protected], [email protected] (D. Pop Jora).

2. Cas cliniques 2.1. Cas no 1 Il s’agissait d’un garc¸on ne´ a` 40 semaines d’ame´norrhe´e (SA) avec un poids de naissance de 4055 kg sans ante´ce´dent

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.09.012 Archives de Pe´diatrie 2014;21:1359-1363 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1359

D. Pop Jora et al.

ne´onatal particulier. A` 15 j de vie, dans un contexte de toux et de difficulte´s alimentaires sans fie`vre e´voluant depuis 24 h, des mouvements tonico-cloniques du membre supe´rieur gauche e´taient apparus pendant 10 min. Il avait e´te´ pris en charge par le service d’aide me´dicale d’urgence a` son domicile et, devant la re´cidive de mouvements anormaux, il avait rec¸u une dose de charge de phe´nobarbital (20 mg/kg) qui avait permis de faire ce´der les mouvements anormaux, puis il avait e´te´ transfe´re´ dans le service de re´animation pe´diatrique. A` son arrive´e, il pesait 4375 kg, e´tait apyre´tique, avec une fre´quence respiratoire (FR) a` 40/min, une fre´quence cardiaque (FC) a` 150/min, une saturation en oxyge`ne (SpO2) de 97 % en ventilation spontane´e sous 0,5 L/min d’oxyge`ne nasal. A` l’examen clinique on avait note´ des cre´pitants bilate´raux, un temps de recoloration cutane´ (TRC) a` 2 s, l’absence de souffle cardiaque, un abdomen souple sans organome´galie, une hyperexcitabilite´ neurologique sans mouvements anormaux, une fontanelle normotendue et l’absence d’œde`me. Le bilan infectieux s’e´tait ave´re´ ne´gatif hormis l’immunoflurescence sur le liquide de se´cre´tion nasale qui e´tait positive pour le VRS. La radiographie de thorax avait re´ve´le´ une ate´lectasie du lobe supe´rieur droit sans cardiome´galie. L’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) ce´re´brale et la ponction lombaire (PL) e´taient normales. L’enfant e´tait arrive´ perfuse´ avec un solute´ polyionique de type B55 (solution glucose´e a` 10 % de tonicite´ 102 mOsmL/L, apportant 0,9 g/L de NaCl) a` raison de 33 mL/ kg/j apportant 0,5 mmol/kg/j de sodium. Le bilan sanguin initial avait donne´ les re´sultats suivants : sodium 117 mmol/L, potassium 4,6 mmol/L, chlore 81 mmol/L, ure´e 3,6 mmol/L, cre´atinine 21 mmol/L, glucose 5,4 mmol/L, protides 63 g/L, calcium 2,34 mmol/L, phosphore 1,26 mmol/L, aspartate aminotransfe´rase (ASAT) 43 UI/L, alanine aminotransfe´rase (ALAT) 13 UI/L, ammonie´mie 49 mmol/L, prote´ine C re´active (CRP) < 1 mg/L. La natriurie e´tait a` 24 mmol/L. Les osmolarite´s sanguines et urinaires n’avaient pas e´te´ mesure´es. Le de´bit de perfusion avait alors e´te´ augmente´ a` 100 mL/kg/j avec ajout de 3 mmol/kg de NaCl (13 mL de NaCl 5,85 %) permettant des apports sode´s de 5 mmol/kg/j. Le ionogramme re´alise´ 6 h apre`s avait montre´ la persistance de l’hyponatre´mie a` 117 mmol/L. La perfusion avait alors e´te´ modifie´e au profit du PediavenW (NaCl 1,16 g/L) a` raison de 60 mL/kg/j avec maintien d’un supple´ment de 3 mmol/kg de NaCl. Par ailleurs, une charge en sel avait e´te´ effectue´e en 4 h avec 4,5 mmol/kg de NaCl (20 mL de NaCl 5,85 %). La natre´mie 2 h apre`s cette charge sode´e e´tait a` 123 mmol/L et a` 137 mmol/L le lendemain. La re´cupe´ration neurologique a e´te´ comple`te.

2.2. Cas no 2 Il s’agissait d’une fille ne´e a` 30 SA avec un poids de naissance de 1,3 kg. Une maladie des membranes hyalines avait ne´cessite´ son intubation, une dose de surfactant et une ventilation invasive me´canique pendant 10 h, relaye´e par une ventilation nasale en pression positive continue pendant 9 j. L’e´chographie transfontanellaire (ETF) et l’e´lectroence´phalogramme

1360

Archives de Pe´diatrie 2014;21:1359-1363

(EEG) e´taient normaux. Elle e´tait sortie du service de ne´onatalogie a` 2 mois de vie avec un poids de 3,1 kg. A` l’aˆge de 2 mois et 10 j, elle avait pre´sente´ une toux fe´brile (37,9 8C). Son me´decin traitant avait diagnostique´ une rhinite et prescrit un traitement par amoxicilline, parace´tamol et de´sobstructions rhinopharynge´es. Le lendemain, en raison d’une toux e´me´tisante, elle avait e´te´ amene´e au service d’accueil des urgences. Son poids e´tait de 3470 kg, la FR a` 34/min, la SpO2 a` 99 % en air ambiant, la FC a` 183/min et la tempe´rature a` 37,3 8C. A` l’examen clinique on avait note´ un discret tirage intercostal, une auscultation cardiopulmonaire normale. La radiographie pulmonaire avait montre´ une distension thoracique. L’examen du liquide d’aspiration nasopharynge´e avait re´ve´le´ la pre´sence de VRS. Le bilan sanguin initial e´tait le suivant : sodium 134 mmol/L, protides 54 g/L, potassium 4,8 mmol/L, chlore 99 mmol/L, ure´e 2,5 mmol/L, cre´atinine 15 mmol/L, glucose 7,9 mmol/L. En raison des vomissements, l’enfant avait e´te´ perfuse´e avec du solute´ poly-ionique B27 (solution de glucose a` 5 % de tonicite´ 115 mOsmL/L apportant 2 g/L de NaCl) a` la dose de 140 mL/kg/jour. L’alimentation orale poursuivie de fac¸on fractionne´e etait bien tole´re´e. L’apport hydrique total e´tait de 200 mL/kg/j et l’apport sode´ de 5,2 mmol/kg/j. Apre`s 16 h de prise en charge, une crise convulsive tonico-clonique des 4 membres e´tait survenue durant plus de cinq minutes. La tempe´rature e´tait alors a` 36 8C. Une dose rectale de diaze´pam (0,5 mg/kg) avait fait ce´der la crise, mais une apne´e de 30 s et une bradycardie a` 55/min avaient conduit a une ventilation au masque et motive´ son transfert en re´animation. A` son arrive´e en re´animation, il existait des mouvements de pe´dalage des membres infe´rieurs et d’hyper-extension des 4 membres, il n’y avait pas de contact et la tension de la fontanelle ante´rieure e´tait normale. Une dose de charge de phe´nobarbital avait e´te´ administre´e. Le bilan sanguin re´alise´ juste apre`s l’e´pisode convulsif e´tait le suivant : sodium 118 mmol/L, protides 56 g/L, potassium 4,1 mmol/L, chlore 84 mmol/L, ure´e 1,4 mmol/L, cre´atinine 9 mmol/L, glucose 6,2 mmol/L, calcium 2,18 mmol/L, phosphore 1,26 mmol/L, ASAT 58 UI/L, ALAT 22 UI/L, ammonium 58 mmol/L, CRP 11 mg/L. La perfusion de solute´ B27 avait alors e´te´ diminue´e a` 100 mL/kg/j, apportant 3,1 mmol/kg/j de sodium et une charge en sel de 3 mmol/kg de NaCl (10 mL de NaCl 5,85 % en perfusion sur 4 h) a e´te´ effectue´e mais le ionogramme de controˆle avait montre´ une aggravation de l’hyponatre´mie a` 116 mmol/L. Trois autres charges en sel avaient permis de remonter la natre´mie a` 120 mmol/L 12 h apre`s le de´but de la prise en charge en re´animation, puis a` 130 mmol/L 12 h plus tard. Il n’y avait pas eu de mesure de la natriure`se ni de l’osmolalite´ sanguine. L’enfant avait e´te´ intube´e en raison d’apne´es-bradycardies et la ventilation me´canique avait e´te´ poursuivie pendant 10 j du fait d’une hypoxe´mie re´fractaire. La radiographie thoracique avait montre´ une ate´lectasie partielle du culmen associe´e a` des opacite´s alve´olaires du lobe supe´rieur droit. Les explorations neurologiques (tomodensitome´trie [TDM] ce´re´brale, PL) s’e´taient

Hyponatre´mie et VRS

ave´re´es normales. Les EEG initialement perturbe´s avec un trace´ de fond alte´re´ et des pointes positives temporales bilate´rales s’e´taient secondairement normalise´s. La re´cupe´ration neurologique avait e´te´ comple`te.

2.3. Cas no 3 Il s’agissait d’un garc¸on ne´ a` terme par voie basse avec un poids de naissance a` 3180 kg. A` 26 j de vie, il avait e´te´ hospitalise´ pour une toux et une rhinite e´voquant une bronchiolite. Le lendemain, sa tempe´rature e´tait a` 38 8C et il e´tait en de´tresse respiratoire avec une oxyge´node´pendance a` 0,5 L/min, un geignement continu, une FR supe´rieure a` 60/min, une FC a` 140/min, une tension arte´rielle a` 102/55 mmHg et un TRC infe´rieur a` 3 s. Il existait des raˆles cre´pitants diffus mais pas de souffle cardiaque. La radiographie pulmonaire avait montre´ un syndrome alve´olaire et une silhouette cardiaque normale. L’examen du liquide d’aspiration nasopharynge´e s’e´tait ave´re´ positif a` l’amplification ge´nique pour le VRS. Le bilan sanguin initial e´tait le suivant : sodium 122 mmol/L, un pH 7,34 et pCO2 62 mmHg. L’alimentation orale avait e´te´ arreˆte´e et l’enfant avait rec¸u 113 mL/kg/j d’un solute´ poly-ionique B26 (solution glucose´e a` 5 % de tonicite´ 190 mOsmL/L apportant 4 g/L de NaCl), soit 7 mmol/kg/j de sodium. Il avait e´te´ mis en ventilation nasale non invasive avec une pression expiratoire positive a` 7 cm, une la fraction inspire´e en oxyge`ne (FiO2) a` 40 %, puis transfe´re´ en re´animation. A` l’arrive´e, il e´tait re´actif et la tension de sa fontanelle ante´rieure e´tait normale. L’alimentation par lait 1er aˆge avait e´te´ reprise par sonde gastrique en continu (50 mL/kg/j) et la perfusion avait e´te´ maintenue avec du solute´ B27 (40 mL/kg/j), le tout assurant des apports sode´s de 1,8 mmol/kg/j. Quatorze heures apre`s son arrive´e en re´animation, l’enfant avait eu des mouvements toniques du membre supe´rieur gauche avec une de´saturation a` 40 %. Les re´sultats du bilan sanguin e´taient alors : sodium 116 mmol/L, protides 61 g/ L, potassium 5,4 mmol/L, chlore 76 mmol/L, bicarbonates 36 mmol/L, cre´atinine 18 mmol/L, glucose 6,2 mmol/L, calcium 2,33 mmol/L, phosphore 1,34 mmol/L, ASAT 30 UI/L, ALAT 12 UI/L et CRP 46 mg/L. En raison de l’aggravation de l’hyponatre´mie, l’enfant avait rec¸u 3 charges de NaCl successives, 1,5 mEq/kg en 3 h, puis 6 mEq/kg en 6 h, associe´es a` une perfusion (100 mL/kg/jour) de solute´ poly-ionique B45 (solution glucose´e a` 10 % de tonicite´ 123 mOsmL/ L apportant 2 g/L de NaCl). La natre´mie e´tait remonte´e a` 126 mmol/L au bout de 12 h, puis 137 mmol/L apre`s 24 h. L’enfant avait rec¸u du midazolam et de l’hydroxyzine et il n’y avait pas eu de re´cidive des convulsions. L’EEG s’e´tait ave´re´ normal. En raison d’une hypercapnie persistante l’enfant avait e´te´ intube´ et mis en ventilation me´canique pendant 4 j. Il e´tait reste´ apyre´tique et aucun antibiotique n’avait e´te´ prescrit. Son e´tat he´modynamique e´tait reste´ normal et l’e´chographie cardiaque e´tait normale. L’e´volution neurologique avait e´te´ favorable.

3. Discussion L’incidence de l’hyponatre´mie au cours d’une bronchiolite a` VRS est tre`s diversement appre´cie´e dans la litte´rature. Une hyponatre´mie mode´re´e (Na < 135 mmol/L) est fre´quente, observe´e dans 21 % des cas de la se´rie de Van Steensel-Moll et al. [4] et 33 % de celle de Hanna et al. qui ne concernait que des enfants admis en re´animation [3]. Une hyponatre´mie plus importante (Na < 130 mmol/L) paraıˆt plus rare : 0,6 % des enfants hospitalise´s chez Willson [5], sauf dans les bronchiolites graves admises en re´animation (11 %) [3]. Des hyponatre´mies beaucoup plus basses, associe´es a` des convulsions, ont e´te´ rarement rapporte´es dans la litte´rature [3,6,7]. La cause principale de l’hyponatre´mie compliquant une bronchiolite est la se´cre´tion e´leve´e d’hormone antidiure´tique (ADH), qui a e´te´ de´montre´e chez les enfants pre´sentant une bronchiolite a` VRS, a` l’instar d’autres affections pulmonaires [8,9]. Dans une e´tude concernant 48 enfants hospitalise´s aux Pays-Bas pour une infection a` VRS, plus de la moitie´ avaient une concentration plasmatique d’ADH significativement plus e´leve´e que ceux qui n’avaient pas d’atteinte pulmonaire [4]. En cas de diminution de l’osmolalite´ plasmatique, la re´ponse normale du rein est d’excre´ter une urine la plus dilue´e possible (Osmu < 100 mOsm/kg d’eau ; densite´ < 1003). Dans le SIADH ce n’est pas le cas : on observe une hyponatre´mie hypo-osmotique (osmolalite´ sanguine < 275 mOsm/kg d’eau) avec une vole´mie normale, une prise de poids sans œde`me, des urines insuffisamment dilue´es (Osmu > 100 mOsm/kg d’eau), une excre´tion urinaire de sodium augmente´e (Nau > 10 mmol/L), en absence de maladie re´nale ou surre´nalienne. Chez nos 3 patients, il existait une hyponatre´mie avec vole´mie normale ; la natriure`se mesure´e dans le premier cas e´tait supe´rieure a` 10 mmol/L. L’osmolalite´ plasmatique et urinaire n’avait e´te´ mesure´e dans aucun des cas mais l’osmolalite´ plasmatique calcule´e e´tait basse (respectivement 243–243–240 mOsm/kg d’eau). L’hyponatre´mie, quelle que soit sa cause, peut eˆtre grave car a` l’origine de complications neurologiques se´ve`res et meˆme de de´ce`s chez des enfants pre´alablement en bonne sante´ jusquela`. D’ou` la ne´cessite´ de reconnaıˆtre rapidement une hyponatre´mie menac¸ante, afin de mettre en place un traitement adapte´ et surtout de la pre´venir par le respect des re`gles essentielles de perfusion qui sont encore trop souvent mal applique´es, comme l’illustrent nos observations. Les symptoˆmes d’ence´phalopathie hyponatre´mique te´moignent d’un œde`me ce´re´bral qui peut entraıˆner une hypertension intracraˆnienne et conduire au de´ce`s par engagement ce´re´bral. Cet œde`me ce´re´bral est secondaire a` la baisse de la tonicite´ du compartiment extracellulaire qui s’accompagne d’un passage d’eau vers le secteur intracellulaire en particulier neuronal. Si elle n’est pas reconnue ou traite´e, l’hyponatre´mie peut avoir des graves conse´quences neurologiques a` type de convulsion, voire un arreˆt cardiorespiratoire [10]. Le diagnostic clinique d’hyponatre´mie est difficile car les symptoˆmes d’une

1361

Archives de Pe´diatrie 2014;21:1359-1363

D. Pop Jora et al.

hyponatre´mie aigue ¨ sont non spe´cifiques et inconstants. Ils comportent des nause´es, des vomissements, des ce´phale´es, de la fatigue, une somnolence, une agitation, des convulsions, une de´sorientation, des troubles de la conscience, symptoˆmes qui peuvent eˆtre attribue´s a` tort a` l’atteinte respiratoire chez un enfant ayant une bronchiolite [11]. Il est tre`s important d’eˆtre tre`s attentif a` tout symptoˆme e´vocateur d’œde`me ce´re´bral dans les situations a` risque d’hyperADH, afin de mesurer la natre´mie ; c’est le cas lorsqu’il existe une distension sur la radiographie pulmonaire, une hypercapnie ou une ventilation me´canique, ces e´le´ments e´tant associe´s a` un risque plus e´leve´ d’augmentation de la concentration d’ADH [4]. Il convient d’eˆtre tre`s particulie`rement vigilant en cas de perfusion intraveineuse, situation fre´quente, puisque pre`s de la moitie´ des enfants hospitalise´s pour une bronchiolite rec¸oivent des apports liquidiens par voie veineuse, en raison d’une intole´rance digestive [12]. Les erreurs de prescription des solute´s de perfusion proviennent de la confusion fre´quente entre tonicite´ et osmolarite´. L’osmolarite´ tient compte du nombre total de particules dans la solution alors que la tonicite´ ne tient compte que du nombre de particules non diffusibles. Ainsi, beaucoup de solute´s sont iso-osmolaires, voire hyper-osmolaires mais hypotoniques si la quantite´ de sodium est insuffisante. La National Patient Safety Agency au Royaume-Uni a e´mis une alerte en 2007 afin de re´duire le risque d’hyponatre´mie chez les enfants hospitalise´s pour diffe´rents motifs [13]. Cette alerte souligne que les perfusions doivent eˆtre personnalise´es aux besoins de l’enfant. Lorsqu’elles s’ave`rent indispensables, il est recommande´ d’administrer pour la re´animation he´modynamique, une solution de se´rum sale´ de 0,9 % (isotonique), de corriger un de´ficit, en donnant la perte liquidienne estime´e sous forme d’une solution de se´rum sale´ a` 0,9 % avec du glucose a` 5 % sur une dure´e d’au moins 24 h et de ne pas utiliser pour les perfusions de maintien des solutions de se´rum sale´ a` 0,18 % avec du glucose ; ces solutions augmentent le risque d’hyponatre´mie [13]. Il est signale´ que la plupart des enfants peuvent recevoir en toute se´curite´ une solution de se´rum sale´ a` 0,45 % avec du glucose a` 5 % ou a` 2,5 %. Les recommandations indiquent aussi que les enfants pre´sentant un risque accru (traumatisme craˆnien, natre´mie en dessous de 135 mmol/L, bronchiolite) d’hyponatre´mie doivent recevoir seulement une solution isotonique (se´rum sale´ a` 0,9 % avec du glucose a` 5 %). Ils recommandent que le solute´ de se´rum sale´ a` 0,18 % avec du glucose soit re´serve´ aux enfants ayant des pertes persistantes de liquides hypotoniques. Dans nos observations, deux cas semblent avoir e´te´ aggrave´s par une prise en charge hydrique et ionique inadapte´e. Dans le deuxie`me cas, l’hyponatre´mie mode´re´e initiale s’est aggrave´e sous perfusion avec des apports hydriques excessifs (200 mL/kg/jour) et un solute´ hypotonique (NaCl a` 0,2 %) ; dans le troisie`me, cas l’hyponatre´mie initiale n’a pas e´te´ prise en compte, l’enfant a e´te´

1362

perfuse´ avec une restriction hydrique mode´re´e (90 mL/kg/j) mais avec un solute´ hypotonique et sans charge en sel. En ce qui concerne le traitement d’une hyponatre´mie, il faut retenir que le risque de traitement insuffisant est beaucoup plus e´leve´ que celui d’une correction excessive, le risque de de´mye´linisation centropontine est rare chez l’enfant. La restriction hydrique seule est insuffisante en cas d’hyponatre´mie symptomatique. L’objectif the´rapeutique en cas d’hyponatre´mie symptomatique est de remonter la natre´mie de 5 a` 6 mmol/L dans les deux premie`res heures et de parvenir a` une natre´mie > 125, voire 130 mmol/L. Pour cela une charge sode´e de 3 mmol/kg peut eˆtre effectue´e en 10 min, elle n’entraıˆne pas de risque de correction excessive dans la mesure ou` il s’agit d’une charge limite´e et e´ventuellement re´pe´te´e [14,15]. Les formules de calcul de la quantite´ de NaCl a` administrer par exemple NaCl en mmol = ([0,6  poids]  [Natre´mie vise´e–Natre´mie mesure´e]) sont a` utiliser avec pre´caution [16].

4. Conclusion Les trois cas que nous rapportons rappellent qu’une hyponatre´mie peut compliquer une bronchiolite a` VRS. Les symptoˆmes e´taient ici des convulsions mais ils peuvent eˆtre moins se´ve`res initialement et surtout non spe´cifiques rendant ainsi le diagnostic d’hyponatre´mie plus difficile. Il est important de souligner la ne´cessite´ d’une surveillance rapproche´e de l’e´quilibre hydroe´lectrolytique d’un enfant atteint de bronchiolite en cas de perfusion veineuse. Il faut garder a` l’esprit dans ces situations, le risque de survenue d’un SIADH et il faut e´viter des apports liquidiens trop importants ayant une faible concentration en NaCl.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1]

[2]

[3]

[4]

[5]

American Academy of Pediatrics Subcommittee on Diagnosis and Management of Bronchiolitis. Diagnosis and management of bronchiolitis. Pediatrics 2006;118:1774–93. Eisenhut M. Extrapulmonary manifestations of severe respiratory syncytial virus infection–a systematic review. Crit Care 2006;10:R107. Hanna S, Tibby SM, Durward A, et al. Incidence of hyponatraemia and hyponatraemic seizures in severe respiratory syncytial virus bronchiolitis. Acta Paediatr 2003;92:430–4. Willson DF, Landrigan CP, Horn SD, et al. Complications in infants hospitalized for bronchiolitis or respiratory syncytial virus pneumonia. J Pediatr 2003;143:142–9. Duran Carvajal J, Pen ˜ a Zarza JA, Figuerola Mulet J. Bronchiolitis and convulsions: not always due to apnoeas. An Pediatr (Barc) 2012;77:284–6.

Hyponatre´mie et VRS [6] [7]

[8]

[9]

[10] [11]

Ashraf A, Albert A. Bronchiolitis with hyponatremia. Clin Pediatr (Phila) 2006;45:101–2. van Steensel-Moll HA, Hazelzet JA, van der Voort E, et al. Excessive secretion of antidiuretic hormone in infections with respiratory syncytial virus. Arch Dis Child 1990;65:1237–9. Rivers RP, Forsling ML, Olver RP. Inappropriate secretion of antidiuretic hormone in infants with respiratory infections. Arch Dis Child 1981;56:358–63. Hasegawa H, Okubo S, Ikezumi Y, et al. Hyponatremia due to an excess of arginine vasopressin is common in children with febrile disease. Pediatr Nephrol 2009;24:507–11. Arieff AI. Management of hyponatraemia. BMJ 1993;307: 305–8. Moritz ML, Ayus JC. Improving intravenous fluid therapy in children with gastroenteritis. Pediatr Nephrol 2010;25: 1383–4.

[12]

[13]

[14]

[15]

[16]

Wang J, Xu E, Xiao Y. Isotonic versus hypotonic maintenance iv fluids in hospitalized children: a meta-analysis. Pediatrics 2014;133:105–13. National Patient Safety Agency, Patient safety alert 22. Reducing the risk of hyponatraemia when administering intravenous infusions to children; 2007, http://www.nrls.npsa.nhs.uk/ resources/?EntryId45=59809. Sarnaik AP, Meert K, Hackbarth R, et al. Management of hyponatremic seizures in children with hypertonic saline: a safe and effective strategy. Crit Care Med 1991;9:758–62. Worthley LI, Thomas PD. Treatment of hyponatraemic seizures with intravenous 29.2 % saline. Br Med J (Clin Res Ed) 1986;292: 168–70. Sandhu G1, Zouain E, Chan G, et al. Caution of overdependence on formulas whilte treating hyponatremia. Am J Emerg Med 2012;30:1659.

1363

[VRS bronchiolitis with severe hyponatremia leading to acute seizures: a report of three cases].

Acute bronchiolitis due to respiratory syncytial virus (RSV) can present with extrapulmonary manifestations, notably severe hyponatremia. Hyponatremia...
275KB Sizes 0 Downloads 6 Views