ARCPED-3980; No of Pages 4

Rec¸u le : 26 janvier 2015 Accepte´ le : 28 avril 2015

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ScienceDirect www.sciencedirect.com



Fait clinique

Supple´mentation en vitamine D : ni trop, ni trop peu ! Vitamin D supplementation: Not too much, not too little! S. Hamoa, C. Freycheta,b, A. Bertholet-Thomasa, A.-L. Poulatc, P. Cochata,b, C. Vuillerotb,c,d, J. Bacchettaa,*,b a

Service de ne´phrologie rhumatologie dermatologie pe´diatriques, centre de re´fe´rence des maladies re´nales rares, hoˆpital Femme-Me`re-Enfant, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France b Faculte´ de me´decine Lyon-Est, universite´ de Lyon, 69008 Lyon, France c Service de neurologie pe´diatrique, hoˆpital Femme-Me`re-Enfant, 69677 Bron cedex, France d Service de re´e´ducation fonctionnelle pe´diatrique, hoˆpital Femme-Me`re-Enfant, 69677 Bron cedex, France

Summary

Re´sume´

Vitamin D deficiency is common in the general population and even more frequent in patients with chronic diseases. The prevention of rickets with native vitamin D supplementation is one of the oldest and most effective prophylactic measures ever reported in medicine, leading to an almost complete eradication of vitamin D-deficient rickets in developed countries. We report on two children with vitamin D abnormalities: the first, 10-year-old child developed rickets without any vitamin D supplementation despite different risk factors (autism, ethnicity, nutritional problems, chronic antiepileptic therapies). In contrast, the second, 8-month-old child received double doses of native vitamin D from birth for several months and was referred for acute and symptomatic hypercalcemia. As such, vitamin D supplementation must follow specific rules: neither too much nor too little! We also discuss the emergence of ‘‘new’’ genetic diseases such as mutations in the 24hydroxylase (CYP24A1) gene inducing neonatal hypercalcemia and nephrocalcinosis: we believe that before prescribing conventional vitamin D supplementation as recommended by the national guidelines, pediatricians should quickly rule out a potential genetic abnormality in phosphate/calcium metabolism (namely a history of lithiasis or hypercalcemia) that would lead to further biological investigations. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le de´ficit en vitamine D est fre´quent dans la population ge´ne´rale et encore plus chez les patients souffrant de maladies chroniques. La pre´vention du rachitisme par la supple´mentation en vitamine D est l’une des mesures prophylactiques efficaces les plus anciennes connues en me´decine. Elle a pratiquement e´radique´ le rachitisme dans les pays de´veloppe´s. Nous rapportons le cas de deux enfants, l’un ayant de´veloppe´ un rachitisme mixte (carentiel et iatroge`ne lie´ aux antie´pileptiques) et l’autre ayant pre´sente´ un tableau d’hypercalce´mie se´ve`re symptomatique secondaire a` une intoxication a` la vitamine D. Nous rappelons l’importance de la supple´mentation en vitamine D qui doit obe´ir a` des re`gles pre´cises : ni excessive, ni insuffisante. Par ailleurs, en dehors des exceptionnels surdosages en vitamine D, il doit eˆtre tenu compte du risque d’hypercalce´mie par mutation de la 24-hydroxylase (CYP24A1). ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction La pre´vention du rachitisme par la supple´mentation en vitamine D est l’une des mesures prophylactiques les plus

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (J. Bacchetta).

anciennes et efficaces. Elle a pratiquement e´radique´ le rachitisme dans les pays de´veloppe´s. Le Comite´ de nutrition de la Socie´te´ franc¸aise de pe´diatrie (SFP) a publie´ en 2012 des recommandations de supple´mentation en vitamine D native, de 0 a` 18 ans [1]. Les doses optimales restent ne´anmoins de´battues, dans un contexte ou` des mutations inhibitrices de l’enzyme 24-hydroxylase (CYP24A1), enzyme de´gradant la

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.04.023 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-4 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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ARCPED-3980; No of Pages 4 S. [(Figure_1)TD$IG] Hamo et al.

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o Figure 1. Observation n 1 : radiographie du poignet droit avant (A) et apre`s 3 mois de traitement (B). Le rachitisme est e´vident sur la figure A, avec e´largissement me´taphysaire, spicules et aspect global de de´mine´ralisation osseuse.

vitamine D active en forme inactive, ont e´te´ re´cemment de´crites, sans pour autant que l’on sache quelle est exactement la pre´valence de cette anomalie dans la population ge´ne´rale [2]. Jusqu’a` une e´poque re´cente, la concentration minimale satisfaisante en vitamine D e´tait de´finie comme celle permettant de pre´venir la survenue du rachitisme carentiel chez l’enfant et de l’oste´omalacie chez l’adulte, soit environ 8 ng/mL (20 nmol/L) [3]. Cependant en 2015, la plupart des experts internationaux s’accordent pour fixer chez l’adulte le seuil de´finissant un de´ficit en vitamine D entre 20 et 30 ng/mL (50 a` 75 nmol/L) [3]. En pe´diatrie, il n’y a pas de consensus. Lorsque la concentration se´rique en 25-OH-vitamine D exce`de 200 nmol/L, ce qui est exceptionnel en pratique, les effets toxiques de la vitamine D peuvent s’observer, tout particulie`rement l’hypercalce´mie et l’hyperphosphate´mie. Nous rapportons les cas de deux enfants, l’un ayant de´veloppe´ un rachitisme mixte (carentiel et iatroge`ne lie´ aux antie´pileptiques) et l’autre une intoxication a` la vitamine D.

2. Cas cliniques

n’avait e´te´ prescrite. Sur le plan biologique, il existait a` l’admission une hypocalce´mie (1,32 mmol/L), une e´le´vation des phosphatases alcalines totales circulantes (PAL) [1600 UI/L ; N < 500 UI/L], une hyperparathyroı¨die secondaire (parathormone [PTH] = 442 ng/L ; 10 < N < 46 ng/L), un effondrement du taux de 25-OH-vitamine D (< 13 nmol/L ; 75 < N < 150 nmol/L) avec une phosphate´mie normale (1,36 mmol/L). La radiographie du poignet a re´ve´le´ un de´faut de mine´ralisation globale avec amincissement des corticales, les me´taphyses e´tant e´largies avec un aspect en toit de « pagode » (fig. 1A). L’enfant pre´sentait donc une hypocalce´mie lie´e a` un rachitisme d’origine mixte, carentiel et iatroge`ne. Avec un traitement phosphocalcique adapte´ (supple´mentation calcique, phosphate´e et vitaminique D par vitamine D native et analogue de la vitamine D alfacalcidol), l’e´volution s’est faite vers l’ame´lioration des troubles de la marche et de la faiblesse musculaire et sur le plan paraclinique par la normalisation progressive de la calce´mie, de la PTH, des PAL puis de la 25-OH-vitamine D, ainsi que des images radiologiques (fig. 1B).

2.1. Observation no 1

2.2. Observation no 2

Ce garc¸on aˆge´ de 10 ans, d’origine togolaise, ne´ en France, avait des ante´ce´dents d’e´pilepsie symptomatique, de dysplasie parie´tale gauche stable et de troubles envahissants du de´veloppement (TED). Il recevait un traitement antie´pileptique (carbamaze´pine) depuis 2 ans. A` l’examen, il pre´sentait des troubles de la marche avec une de´formation des membres infe´rieurs d’aggravation progressive depuis l’aˆge de 8 ans. Il avait par ailleurs des troubles nutritionnels avec une diversification alimentaire extreˆmement limite´e sans aucun apport en produits laitiers. Aucune supple´mentation en vitamine D

Ce garc¸on d’origine turque, aˆge´ de 8 mois, e´tait ne´ de parents consanguins. Il pre´sentait une hypotonie depuis la naissance, de cause probablement musculaire (taux se´riques de cre´atinephosphokinase e´leve´s en moyenne a` 1500 UI/L [normale 30– 200 UI/L]). Il e´tait alimente´ exclusivement avec du lait maternel et be´ne´ficiait d’une prise en charge orthope´dique pour des pieds en e´quin. Lors d’une consultation au service d’accueil des urgences pour des vomissements ite´ratifs e´voluant depuis une semaine, une cassure de la courbe ponde´rale depuis environ 3 mois a e´te´ note´e. A` l’examen physique, l’enfant

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[(Figure_2)TD$IG]

Supple´mentation en vitamine D

Figure 2. Observation no 2 : e´chographie re´nale : ne´phrocalcinose.

e´tait de´nutri, asthe´nique, de´shydrate´ avec une perte de 12 % de son poids en une semaine (de 7,5 kg a` 6,6 kg), et pre´sentait une hypotonie marque´e. Le bilan re´alise´ en urgence a montre´ une hypercalce´mie (5,38 mmol/L) avec hypophosphate´mie (1,08 mmol/L), et un taux se´rique de 25-OH-vitamine D > 350 nmol/L [N = 75–150 nmol/L]. La PTH e´tait < 6 ng/L. Le diagnostic retenu a e´te´ celui d’hypercalce´mie sur intoxication a` la vitamine D. L’enfant a alors e´te´ hospitalise´ en service de soins continus pour prise en charge de l’hypercalce´mie avec une hyperhydratation, du furose´mide, deux perfusions de pamidronate et un arreˆt de la vitamine D native. L’e´chographie re´nale a montre´ une couronne hypere´choge`ne au sein des pyramides re´nales en faveur d’une ne´phrocalcinose (fig. 2). L’interrogatoire a alors re´ve´le´ que la me`re prenait des comple´ments calciques (entre 4 et 6 g par jour), et avait administre´ a` son enfant depuis l’aˆge de 1 mois au moins le double de la dose requise de vitamine D, c’est-a`-dire approximativement 2400 UI par jour. L’e´volution a e´te´ marque´e par une normalisation progressive de la calce´mie, alors que 2 mois apre`s le diagnostic le taux de 25-OH-vitamine D circulante e´tait toujours tre`s e´leve´ (> 350 nmol/L) alors que celui de 1-25-OH2 vitamine D e´tait normal (74 pmol/L ; 48 < N < 240 pmol/L), permettant d’e´liminer l’existence associe´e d’une mutation de la 24-hydroxylase. Sur le plan nutritionnel, un bilan de malabsorption et une nutrition ente´rale par sonde nasogastrique ont e´te´ re´alise´s. Dans le cadre de l’investigation des troubles neuromusculaires d’origine inde´termine´e, une imagerie par re´sonance magne´tique ce´re´brale et une biopsie musculaire ont e´te´ programme´es sous anesthe´sie ge´ne´rale, et plusieurs fois annule´es du fait de viroses respiratoires re´cidivantes.

D  30 ng/mL est en ge´ne´rale conside´re´e comme suffisante [6]. Les enfants et les jeunes adultes sont a` risque de de´ficit en vitamine D du fait du contexte actuel de vie a` l’inte´rieur, du peu de sorties en plein air, du port de veˆtements trop couvrants, d’utilisation de cre`mes solaires en pre´vention des cancers cutane´s, de faibles apports en vitamine D dans l’alimentation quotidienne et d’explosion de l’obe´site´ [3]. Ceci a e´te´ bien montre´ dans des e´tudes nord-ame´ricaines a` Boston et dans le Maine, dans lesquelles 52 % des adolescents hispaniques et noirs [7] et 48 % des adolescents caucasiens [8] avaient un taux de 25-OH-vitamine D < 50 nmol/L. Dans une cohorte lyonnaise monocentrique d’enfants suivis en ne´phrologie pe´diatrique, nous avons montre´ qu’une grande majorite´ d’enfants, qu’ils soient insuffisants re´naux ou pas, e´tait carence´e en vitamine D [9,10]. Notre premier cas clinique illustre que le rachitisme carentiel, meˆme s’il est devenu exceptionnel, n’a pas disparu en France en 2015. Cet enfant avait une hypocalce´mie majeure symptomatique. Il cumulait de nombreux facteurs de risque de carence vitaminique D : peau fonce´e, carences alimentaires majeures, absence de supple´mentation en vitamine D et traitement antie´pileptique. Il a en effet e´te´ clairement de´montre´ que les antie´pileptiques (notamment la carbamaze´pine et la phe´nytoine) peuvent entraıˆner, voire majorer, un de´ficit en vitamine D du fait de l’induction du cytochrome P450 dans le foie [11]. Le deuxie`me cas clinique illustre a` l’oppose´ le risque d’une intoxication chronique a` la vitamine D native. Cette situation est exceptionnelle mais peut eˆtre cause´e par l’ingestion accidentelle ou intentionnelle de fortes doses : en effet, les doses au-dela` de 50 000 UI par jour augmentent la concentration de 25-OH-vitamine D a` plus de 150 ng/mL (ou 374 nmol/L) et sont associe´es a` une hypercalce´mie et une hyperphosphate´mie [12]. Le patient de notre observation pre´sentait une hypercalce´mie avec phosphore´mie normale, mais aussi une hypercalciurie complique´e d’une ne´phrocalcinose. Inde´pendamment des intoxications iatroge`nes a` la vitamine D, la connaissance de la physiologie phosphocalcique a re´cemment be´ne´ficie´ de la description des mutations de CYP24A1, responsables de certaines hypercalce´mies idiopathiques de l’enfant [2]. Dans ce cas, la sensibilite´ a` la vitamine D est augmente´e et les jeunes enfants se pre´sentent souvent avec des tableaux d’hypercalce´mie avec ne´phrocalcinose, aggrave´s par l’administration des doses prophylactiques de vitamine D qui sont recommande´es chez tous les enfants.

4. Conclusion 3. Discussion Le de´ficit en vitamine D est fre´quent dans la population ge´ne´rale et encore plus chez les patients souffrant de pathologies chroniques [4,5]. Une concentration de 25-OH-vitamine

Ces deux observations rappellent que la supple´mentation en vitamine D doit obe´ir a` des re`gles pre´cises : ni trop, ni trop peu. Les recommandations de la SFP 2012 doivent eˆtre respecte´es, mais non outrepasse´es [1]. . . Les enfants a` risque de carence devraient eˆtre les premiers a` be´ne´ficier d’une supple´mentation

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S. Hamo et al.

en vitamine D. Par ailleurs, en dehors des exceptionnels surdosages en vitamine D, l’existence d’hypercalce´mies par mutation de CYP24A1 devrait inciter les pe´diatres a` ve´rifier rapidement avant la prescription d’une supple´mentation conventionnelle en vitamine D l’absence de contre-indication a` la supple´mentation en vitamine D, et notamment un ante´ce´dent d’hypercalce´mie ou de lithiase. Dans ce cas un bilan phosphocalcique biologique de de´brouillage (calce´mie, phosphore´mie, taux se´riques de 25-OH-vitamine D, et de PTH et rapport calcium/cre´atinine sur une miction) paraıˆt licite.

De´claration d’inte´reˆts Justine Bacchetta est investigateur principal d’une e´tude sur la vitamine D (e´tude VITATOL, finance´e en partie par les laboratoires Crinex). Les autres auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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[Vitamin D supplementation: not too much, not too little!].

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