Article
Utilisation des tests de diagnostic rapide du streptocoque du groupe A en dehors de l’angine Use of group A streptococcal rapid diagnostic test in extra-pharyngeal infections A. Wollner1, C. Levy1,2,3,*, M. Benani1, F. Thollot3, S. Béchet1, J. Cohen4, S. Bonacorsi5,6, Ph. Bidet5,6, R. Cohen1,2,3,7 1ACTIV (Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne), 27, rue Inkermann, 94100 Saint-Maur-des-Fossés, France 2Centre de recherche clinique (CRC) et Centre hospitalier intercommunal (CHI), 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, France 3AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire), 4, rue Parmentier, 54270 Essey-lesNancy, France 4INSERM, Epidemiological Research Unit on Perinatal Health and Women’s and Children’s Health (UMR S953), hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France 5Université Paris-Diderot, PRES Sorbonne-Paris-Cité, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 6Service de microbiologie, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France 7Unité court séjour, petits nourrissons, service de néonatologie, CHI de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, France
Résumé Le but de ce travail était d’évaluer les performances des tests de diagnostic rapide (TDR) du streptocoque du groupe A (SGA) dans les infections extra-pharyngées. Entre octobre 2009 et juin 2014, 368 patients (âge médian : 48 mois) ont été inclus. Les enfants présentaient les pathologies suivantes : 160 infections périnéales (44 %), 69 tournioles (19 %), 55 adénites cervicales (15 %), 31 rhinites croûteuses ou hémorragiques (8 %), 53 autres pathologies (14 %). La sensibilité du TDR du SGA utilisé était de 96 % (IC 95 % : 92-99 %), la spécificité de 81 % (IC 95 % : 7586 %), la valeur prédictive négative de 97 % (IC 95 % : 93-99 %), la valeur prédictive positive de 79 % (IC 95 % : 73-85 %). Enfin, les rapports de vraisemblance positif et négatif étaient respectivement de 5 (IC 95 % : 4-7) et de 0,05 (IC 95 % : 0,02-0,11). Les TDR du SGA mis au point pour l’angine ont des performances comparables dans ces différentes pathologies et de ce fait peuvent être utilisés. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
*Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] (C. Levy).
S84 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2014;21:s84-s86
Summary The purpose of this study was to assess the performances of the group A streptococcus (GAS) rapid antigen diagnostic tests (RADTs) in extra-pharyngeal infections. Between October 2009 and June 2014, 368 patients (median age: 48 months) were enrolled. The pathologies involved were : 160 perineal infections (44 %), 69 blistering distal dactylitis (19 %), 55 cervical lymphadenitis (15 %), 31 crusty or bleeding rhinitis (8 %), and 53 other diseases (14 %). The sensitivity of GAS-RADT used was 96 % (95 % CI: 92-99 %), the specificity 81 % (95 % CI: 7586 %), the negative predictive value 97 % (CI 95 %: 93-99 %), and the positive predictive value 79 % (95 % CI: 73-85 %). Finally, positive and negative likelihood ratio were 5 (95 % CI: 4-7) and 0.05 (95 % CI: 0.02-0.11) respectively. The GAS-RADTs developed for pharyngitis have comparable performances in these settings and therefore can be used. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Utilisation des tests de diagnostic rapide du streptocoque du groupe A en dehors de l’angine
1. Introduction
Le tableau I montre la part attribuable au SGA dans l’ensemble de ces situations retrouvées dans l’étude (TDR positif ou culture positive).
Streptococcus pyogenes ou streptocoque du groupe A (SGA) est impli-
Dans chacune des pathologies ciblées, la part du SGA dépasse 38 %.
qué dans un nombre considérable d’infections courantes en dehors des
La figure 1, montre la courbe d’inclusion des patients et la part attri-
angines [1]. La plus connue est l’impétigo, mais d’autres infections ne
buable au SGA en fonction de la saison, avec une forte décroissance
sont pas rares : infections périnéales (anites, vulvo-vaginites, balano-
de ces pathologies pendant l’été.
posthites), tournioles, adénites cervicales, rhinites croûteuses ou hémor-
Le tableau II présente les performances des TDR du SGA comparées
ragiques, otorrhées spontanées [2-4]. Si de très nombreuses études ont
à la culture bactériologique classique. Si la sensibilité est bonne
tenté d’évaluer les performances des tests de diagnostic rapide (TDR)
(> 95 %), la spécificité est moindre que celle qui était attendue
du SGA dans les angines, une seule publication rapporte leur utilisation
(environ 80 %), témoignant d’un nombre relativement important de
dans les infections extra-pharyngées chez 239 enfants [5]. Elle montrait
TDR apparaissant comme faussement positifs comparés à la culture.
que les TDR avaient des performances comparables à celles décrites dans
Le tableau III compare les pourcentages d’enfants dont la culture
les angines [6]. Dans chacune de ces pathologies, en identifiant rapide-
était positive à S. aureus en fonction des résultats du TDR et de la
ment le SGA, la pratique du TDR permet soit d’épargner des prescriptions
culture, classés en trois groupes : faux positif du TDR, vrai négatif du
d’antibiotiques, soit de prescrire des antibiotiques à spectre le plus étroit,
TDR, vrai positif du TDR. S. aureus était le plus souvent isolé chez les
soit de prescrire ceux qui sont les plus efficaces afin de prévenir au mieux
patients pour lesquels le TDR était faussement positif.
les complications et d’éviter les échecs de traitements ou les récidives. Le but de ce travail était d’évaluer les performances du TDR pour le SGA dans ces différentes pathologies.
4. Discussion Cette étude est, à notre connaissance, la seconde évaluant de façon
2. Patients et méthodes
prospective les performances d’un TDR dans les infections extra-pharyngées chez un grand nombre d’enfants (n = 368) [5]. Elle confirme
Dix-sept pédiatres ambulatoires du groupe ACTIV devaient inclure
que ces tests mis au point pour l’angine ont des performances
prospectivement des patients présentant une pathologie extrapharyngée suspectée d’être due au SGA. L’étude a été approuvée périnéales, d’adénites cervicales sans angine, de panaris péri-
Tableau I Fréquence du SGA (TDR+ ou culture SGA+) dans les différentes pathologies.
unguéaux (tournioles), de rhinites croûteuses ou hémorragiques.
Pathologies
N (%)
Infections périnéales
38
cliniques essentiels était complétée. Chaque patient était prélevé
Tournioles
44
avec un double écouvillon, le premier servait à la réalisation d’un
Adénopathies
51
Rhinites croûteuses ou hémorragiques
55
Autres
42
par le Comité d’éthique Ile-de-France XI. Il s’agissait d’infections
Ces enfants ne devaient pas avoir reçu d’antibiotiques dans les 7 jours précédant l’inclusion, et une fiche comportant les éléments
TDR (StreptAtest®, Dectrapharm, France), le second étant conservé dans un milieu de transport (Venturi transystem Amies agar Copan Diagnostics®) et envoyé dans les 48 heures au laboratoire de microbiologie de l’hôpital Robert-Debré (Paris). En même temps que Staphylococcus pyogenes, Staphylococcus aureus était recherché. Les
70
méthodes de culture utilisées ont été précédemment décrites [6-7].
60
SGA+
SGA–
50
giques (8 %), et 53 autres patients (14 %).
J Se uille t pt em b O re ct ob N ov re em b D éc re em br e
55 adénites cervicales (15 %), 31 rhinites croûteuses ou hémorra-
0
Ju in
suivantes : 160 infections périnéales (44 %), 69 tournioles (19 %),
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ril M ai
été inclus. Les pathologies présentées par les enfants étaient les
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Av
48 mois, âge moyen : 56 mois, déviations standard : 38 mois) ont
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ie Fé r vr ie r M ar s
Entre octobre 2009 et juin 2014, 368 patients (âge médian :
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Ja nv
3. Résultats
Figure 1. Courbe d’inclusion des patients en fonction de la saison.
S85
C. Levy et al.
Archives de Pédiatrie 2014;21:s84-s86
Tableau II Performances des TDR-SGA dans les infections extra-pharyngées. Sensibilité
Spécificité
Valeur prédictive positive
Valeur prédictive négative
Likelihood ratio +
Likelihood ratio
96 [92-99]
81 [75-86]
79 [73-85]
97 [93-99]
5 [4-7]
0,05 [0,02-0,11]
Tableau III Comparaison des pourcentages de patients présentant une culture positive à S. aureus en fonction de la positivité des TDR. Faux positif (n = 40)
Vrai négatif (n = 168)
Vrai positif (n = 150)
TDR
+
–
+
Culture SGA
–
–
+
S aureus +
21/40 (53 %)
63/168 (38 %)
39/150 (26 %)
p
0,004
comparables dans ces différentes pathologies. La sensibilité des TDR
• A. Liboz (service de microbiologie, hôpital Robert-Debré, Paris),
du SGA dans ces situations est excellente, témoignant probablement
M. Boucherat, F. de La Rocque, I. Ramay, D. Menguy et M. Fernandes
de la facilité du prélèvement permettant d’obtenir un inoculum
(ACTIV).
important. La relative mauvaise spécificité du test pourrait être liée en partie à la présence significativement plus fréquente de S. aureus responsable de faux positif. En effet, dans une précédente étude
Liens d’intérêts
évaluant les TDR dans les angines [7], nous avions montré que la majorité des TDR faussement positifs par rapport à la culture était
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet
en fait de vrais positifs car la PCR SGA réalisée s’était avérée positive
article.
dans presque tous les cas. Une des raisons de ces faux positifs serait la présence concomitante de S. aureus inhibant la culture du SGA. La prévalence du SGA dans ces syndromes cliniques est comparable
Références
(40 %) à celle retrouvée dans l’angine et rend les TDR particulière-
[1]
ment intéressants du fait de leurs performances. En effet, avec un rapport de vraisemblance positif à 5 et un rapport de vraisemblance négatif à 0,05, la probabilité post-test est de 80 % en cas de test positif et de moins de 2 % quand il est négatif. Les situations listées dans cette étude sont loin de résumer l’ensemble des utilisations des TDR du SGA en dehors des angines. Même dans des infections graves comme les pleuro-pneumopathies, un TDR réalisé sur quelques gouttes de pus permet, quand il est positif, d’affirmer l’origine streptococcique de l’infection, de cibler l’antibiothérapie sur cette espèce bactérienne et donc de réduire la pression de sélection.
Remerciements • Aux pédiatres investigateurs ayant participé à l’étude : F. Corrard, P. Deberdt, A. Elbez, M. Goldrey, J. Gosselin, A.S. Michot, N. Panis, C. Romain, O. Romain, C. Schlemmer.
S86
Cohen R, Aujard Y, Bidet P, et al. Le streptocoque du groupe A: un pathogène majeur pour la prochaine décennie ? Arch Pediatr 2005;12:1065-7. [2] Hays GC, Mullard JE. Blistering distal dactylitis: a clinically recognizable streptococcal infection. Pediatrics 1975;56:129-31. [3] Yamauchi T, Ferrieri P, Anthony BF. The aetiology of acute cervical adenitis in children: serological and bacteriological studies. J Med Microbiol 1980;13:37-43. [4] Mogielnicki NP, Schwartzman JD, Elliott JA. Perineal group A streptococcal disease in a pediatric practice. Pediatrics 2000;106(2Pt1):276-81. [5] Clegg HW, Dallas SD, Roddey OF, et al. Extrapharyngeal group A Streptococcus infection: diagnostic accuracy and utility of rapid antigen testing. Pediatr Infect Dis J 2003;22:726-31. [6] Cohen JF, Chalumeau M, Levy C, et al. Spectrum and inoculum size effect of a rapid antigen detection test for group A streptococcus in children with pharyngitis. PLoS One 2012;7:e39085. [7] Cohen JF, Cohen R, Bidet P, et al. Rapid-antigen detection tests for group a streptococcal pharyngitis: revisiting false-positive results using polymerase chain reaction testing. J Pediatr 2013;162:1282-4.