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ANNPAT-908; No. of Pages 5 Annales de pathologie (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS POUR DIAGNOSTIC

Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure Unusual tumor of the inferior vena cava Sophie Gardrat a, Arshid Azarine b, Jean-Marc Alsac c,d, Patrick Bruneval a,∗,d a

Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France b Service d’imagerie cardiovasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, 75015 Paris, France c Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, 75015 Paris, France d Université Paris Descartes, 75005 Paris, France Accepté pour publication le 18 mars 2014

Observation Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 43 ans. L’histoire de la maladie avait débuté en avril 2004 par des métrorragies qui avaient conduit à une myomectomie. L’examen anatomo-pathologique concluait alors à un léiomyome utérin bénin. En juin 2005, la patiente a présenté une récidive de ses léiomyomes qui étaient responsables de phénomènes compressifs à l’origine d’une thrombose de la veine cave inférieure. Une hystérectomie totale inter-annexielle avec exérèse de nodules paramétriaux gauches a été effectuée. L’aspect histologique était celui de léiomyomes banals. La patiente a été mise sous anticoagulants pendant 3 mois. En 2010, la patiente a consulté en urgence pour des douleurs abdominales secondaires à la récidive thrombotique de la veine cave inférieure sous-rénale associée à une masse pelvienne en imagerie. L’IRM pelvienne a montré une masse pelvienne de 6,7 × 4,65 cm hypodense traversée par l’uretère. L’angio-IRM avec injection de gadolinium a mis en évidence une tumeur dans la veine iliaque primitive gauche et de la veine cave inférieure (Fig. 1a). L’IRM sans injection a permis de caractériser la richesse en graisse du tissu tumoral (Fig. 1b et c). La patiente a été de nouveau traitée par une anticoagulation à dose curative. Une biopsie transcutanée endoveineuse dirigée vers la lésion de la VCI n’a pas été contributive. En mars 2011, il a été décidé d’effectuer une résection de la tumeur intra-cave et de la masse du petit bassin avec annexectomie droite. L’examen anatomo-pathologique a montré une annexe droite normale. En fait, malgré les aspects « tumoraux » en IRM, aucune véritable tumeur pelvienne



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Bruneval).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005 0242-6498/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Gardrat S, et al. Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005

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S. Gardrat et al.

Figure 1. Imagerie par résonance magnétique. a : angio-IRM : coupe coronale après injection de gadolinium. La tumeur apparaît en hyposignal dans la veine iliaque primitive gauche et la veine cave inférieure (flèches) ; b : IRM sans injection : coupe axiale pondérée en T1. La lésion apparaît en hypersignal dans la veine cave inférieure (flèche). Elle a la même tonalité que la graisse sous-cutanée ; c : IRM sans injection : coupe axiale pondérée en T1 avec suppression du signal de la graisse. La lésion apparaît en hyposignal dans la veine cave inférieure (flèche). Elle a la même tonalité que la graisse sous-cutanée. Magnetic resonance imaging. a: vascular MRI: coronal section after gadolinium injection. The tumor exhibits a hyposignal in the left common iliac vein and the inferior vena cava (arrows); b: MRI without injection: axial section, T1-weighted. The tumor appears as a hypersignal in the inferior vena cava (arrow) similarly to subcutaneous fat tissue; c: MRI without injection: axial section, T1-weighted with suppression of fat signal (fat saturation). The tumor appears as a hyposignal in the inferior vena cava (arrow) similarly to subcutaneous fat tissue.

n’a été retrouvée : des biopsies chirurgicales systématiques ont été effectuées dans la fosse paravésicale gauche et étaient non tumorales. L’exérèse de la tumeur intra-cave a pu être réalisée sans remplacement veineux car la tumeur n’adhérait pas à la paroi veineuse. La pièce d’exérèse de la tumeur intra-cave était constituée d’une formation polyploïde de 7 × 2,2 × 1,5 cm ferme, blanchâtre à surface lisse sans thrombus (Fig. 2a). À la

Figure 2. Aspects macroscopiques de la tumeur extraite de la veine cave inférieure. a : surface lisse sans thrombose ; b : à la coupe, coloration jaunâtre suggérant la présence de tissu adipeux (échelle centimétrique). Gross appearance of the tumor extracted from the inferior vena cava. a: smooth surface of the tumor without any thombosis; b: cut section of the tumor showing yellowish pattern suggesting fat tissue (centimeter scale).

coupe, le tissu tumoral était homogène, jaunâtre d’aspect adipeux (Fig. 2b). L’examen histologique du prélèvement de tumeur de la veine cave inférieure retrouvait majoritairement du tissu adipeux avec des adipocytes matures associés à quelques groupes de cellules musculaires lisses sans aucune atypie ni mitose (Fig. 3). En surface, il n’a pas été mis en évidence de thrombose. L’étude immuno-histochimique a confirmé la présence de cellules adipeuses majoritaires, positives pour la PS100 (Fig. 4a) associées à des cellules musculaires lisses positives pour l’actine muscle lisse alpha (Fig. 4b). Les noyaux des cellules tumorales étaient positifs pour les récepteurs hormonaux aux estrogènes (Fig. 4c). Les cellules tumorales n’exprimaient pas HMB45, CDK4, MDM2 ni CD34.

Figure 3. La formation tumorale est constituée en majorité de tissu adipeux associé à un contingent de cellules fusiformes, sans aucune atypie ou mitose (HES × 10 original). The tumor tissue is made of prominent adipose tissue combined with smooth muscle cells. Both cell components are regular without mitosis or atypia (HES × 10).

Pour citer cet article : Gardrat S, et al. Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005

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Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure

Figure 4. Marquages immuno-histochimiques (× 20 original). a : marquage des adipocytes par l’anti-PS100 ; b : le contingent de cellules fusiformes exprime l’actine musculaire lisse ; c : les noyaux des cellules de différenciation adipocytaire et musculaire lisse expriment le récepteur aux estrogènes. Immunohistochemistry (× 20). a: labelling of fat cells with antiPS100 antibody; b: the spindle cells express smooth muscle actin; c: the nuclei of both fat and smooth muscle cells strongly express the estrogen receptor.

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Quel est votre diagnostic ?

Pour citer cet article : Gardrat S, et al. Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005

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S. Gardrat et al.

Diagnostic Lipoleiomyomatose intravasculaire.

Commentaires La léiomyomatose intravasculaire avec extension extrautérine est très rare. Cette tumeur est caractérisée par l’extension d’un léiomyome utérin dans des veines pelviennes avec prolongement parfois jusqu’au cœur droit, pouvant mener au décès. La lipoleiomyomatose en est une variante rare bénigne constituée de tissu adipeux et musculaire lisse [1,2]. La leiomyomatose endovasculaire peut évoluer exceptionnellement vers la malignité [1,3]. L’extension intracardiaque de la leiomyomatose intravasculaire est présente dans 10 % des cas et est souvent diagnostiquée à tort comme une tumeur primitive cardiaque ou une extension d’un thrombus veineux. La leiomyomatose intravaculaire concerne des femmes d’un âge médian de 44 ans. La majorité des patientes présente des symptômes de léiomyome utérin classique (douleurs pelviennes, métrorragies, dysménorrhée). Un diagnostic préopératoire est extrêmement difficile si bien que le diagnostic n’est souvent fait qu’en per- ou postopératoire. La lipoleiomyomatose intravasculaire s’étend dans les veines, jamais dans les artères. Son contingent musculaire lisse ressemble histologiquement à celui d’un léiomyome classique pouvant en présenter les variantes morphologiques (épithélioïde, myxoïde, cellulaire). La tumeur est constituée majoritairement d’adipocytes matures associés à des cellules fusiformes musculaires lisses, des vaisseaux hyalinisés et quelques cellules inflammatoires, essentiellement des mastocytes. Dans ce type de tumeur, l’étude immunohistochimique met en évidence des cellules musculaires lisses positives pour l’actine musculaire lisse alpha associées au contingent adipeux positif pour la PS100 avec un index de prolifération KI67 nul [1]. Les noyaux des cellules de différenciation adipocytaire et musculaire lisse expriment le récepteur aux estrogènes. Les principaux diagnostics différentiels devant une masse abdominopelvienne avec extension intraveineuse sont les tumeurs thrombosantes d’origine rénale ou surrénalienne, les leiomyosarcomes utérins avec extension vasculaire et les leiomyosarcomes primitifs de la paroi de la veine cave inférieure [1]. Le leiomyome géant est une tumeur primitive atteignant la veine cave inférieure, les veines iliaques externes ou hypogastriques. En revanche, les veines utérines sont épargnées et il n’est pas détecté de récepteurs hormonaux. L’absence de récepteurs hormonaux est un argument en faveur du diagnostic différentiel que constitue le leiomyome géant de la veine cave inférieure. Le leiomyosarcome utérin avec extension vasculaire à la veine cave inférieure et au cœur droit n’a été reporté qu’une seule fois. Contrairement à la leiomyomatose intravasculaire, le leiomyosarcome s’étend en plus aux petites artères et très rarement aux gros vaisseaux. De plus, le leiomyosarcome présente souvent des atypies cytonucléaires marquées associées à de nombreuses mitoses et de la nécrose [1]. Enfin, deux autres diagnostics différentiels peuvent être discutés : l’angiomyolipome et les tumeurs stromales endométriales. L’angiomyolipome rénal est une tumeur bénigne qui représente entre 1 à 3 % des tumeurs du rein et peut exceptionnellement s’étendre à la veine cave. Il est composé en proportions variables de trois contingents cellulaires : contingent vasculaire, adipocytes matures

et cellules musculaires lisses. Ce type histologique est classiquement associé à la sclérose tubéreuse de Bourneville. L’histologie et l’immuno-histochimie (HMB45+) permet de le différencier du lipoléiomyome. Les tumeurs du stroma (ou chorion cytogène) endométrial sont quant à elles divisées en trois principales catégories, le nodule stromal endométrial bénin, les sarcomes endométriaux de bas et haut grades. Ces tumeurs peuvent être le siège de métaplasie adipeuse ou musculaire pouvant alors se rapprocher de l’aspect du lipoléiomyome. L’immuno-histochimie antiactine musculaire lisse permet dans les cas difficiles de détecter les cellules musculaires lisses du léiomyome. Enfin, à l’opposé des lipoléiomyomes intravaculaires, les vaisseaux au sein des tumeurs stromales endométriales sont à parois minces et moins nombreux [2,4]. L’histogenèse de la lipoleiomyomatose est controversée, certains proposent la présence ectopique de lipoblastes durant l’embryogenèse ou bien une métaplasie de cellules musculaires lisses. Il est également évoqué une origine embryologique mésodermique [2]. Il existe plusieurs cas reportés dans la littérature suggérant une relation entre la ménopause, l’obésité, la cholécystite lithiasique et la lipoleiomyomatose. Par contre, aucune corrélation n’a été trouvée avec une hyperlipidémie ou une anomalie du métabolisme des lipides [1]. Le diagnostic est histologique. L’hystérectomie totale apporte en règle générale la rémission. Un traitement par anti-estrogène peut être associé en cas de doute comme l’ont proposé certains auteurs. Le taux de récidive est variable selon les séries, il convient donc d’être prudent pour affirmer le caractère complet d’une exérèse. Le suivi à long terme, essentiellement cardiopulmonaire doit être la règle [5].

Conclusion La lipoleiomyomatose intraveineuse est une variante rare de la leiomyomatose intravasculaire et ne présente pas de critère de malignité histologique (nécrose, atypies cytonucléaires, mitoses). De plus, la leiomyomatose intravasculaire est à garder en mémoire devant toutes patientes présentant des symptômes thrombotiques associés à une masse pelvienne ou dans le cadre d’une symptomatologie cardiaque liée à son potentiel invasif. Le diagnostic est histologique et le traitement est la résection chirurgicale complète par hystérectomie associée à une salpingooorophorectomie bilatérale [5]. Un diagnostic précoce avec traitement approprié joue un rôle prépondérant dans le bon pronostic de cette maladie.

Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

Références [1] Vural C, Ozen O, Demirhan B. Intravenous lipoleiomyomatosis of uterus with cardiac extension: a case report. Pathol Res Pract 2011;207:131—4. [2] Brescia RJ, Tazelaar HD, Hobbs J, Miller AW. Intravascular lipoleiomyomatosis: a report of two cases. Hum Pathol 1989;20:252—6.

Pour citer cet article : Gardrat S, et al. Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005

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Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure [3] Wu CK, Luo JL, Yang CY, Huang YT, Wu XM, Cheng CL, et al. Intravenous leiomyomatosis with intracardiac extension. Intern Med 2009;48:997—1001. [4] Baker PM, Moch H, Oliva E. Unusual morphologic features of endometrial stromal tumors: a report of 2 cases. Am J Surg Pathol 2005;29:1394—8.

5 [5] Du J, Zhao X, Guo D, Li H, Su B. Intravenous leiomyomatosis of the uterus: a clinicopathologic study of 18 cases, with emphasis on early diagnosis and appropriate treatment strategies. Hum Pathol 2011;42:1240—6.

Pour citer cet article : Gardrat S, et al. Une tumeur inhabituelle de la veine cave inférieure. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.005

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