Progrès en urologie (2016) 26, 89—95

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ARTICLE ORIGINAL

Le traitement des petites tumeurs du rein : efficacité et comparaison des coûts Treatment of small renal masses: Effectiveness and cost-comparison analysis J. Piechaud-Kressmann a,∗, L. Bellec b, M.-C. Delchier-Bellec c, J.-B. Beauval a, M. Roumiguié a , X. Gamé a, M. Soulie a, P. Rischmann a, B. Malavaud a,d a

Département d’urologie, transplantation rénale et andrologie, centre hospitalo-universitaire de Toulouse, 1, avenue du Professeur-Jean-Poulhes, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France b Clinique de l’Union, boulevard de Ratalens, BP 24336, 31240 Saint-Jean, France c Service d’imagerie, centre hospitalo-universitaire de Toulouse, 1, avenue du Professeur-Jean-Poulhes, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France d Département de chirurgie oncologique, IUCT-oncopôle, 1, avenue Irène-Joliot-Curie, 31059 Toulouse cedex 9, France ut 2015 ; accepté le 9 novembre 2015 Rec ¸u le 6 aoˆ Disponible sur Internet le 21 d´ ecembre 2015

MOTS CLÉS Comparaison des coûts ; Tumeur rénale ; Épargne néphronique



Résumé Objectif. — Le stade de découverte et le traitement du cancer du rein ont changé. La néphrectomie partielle est le traitement de référence pour les petites tumeurs du rein (PTR). Sont recommandées également les techniques thermo-ablatives. Le coût de ces traitements pour l’établissement et pour la société est souvent mal connu. Le but de cette étude était de calculer le coût du traitement des PTR afin d’en apprécier la rentabilité pour un établissement de santé qui investit dans l’innovation. Matériel et méthodes. — Une étude rétrospective monocentrique a été menée avec 124 patients traités pour une PTR de stade T1a par néphrectomie partielle ouverte (NPO), cœlioscopique (NPC) et robot-assistée (NPCR), par radiofréquence (RF) et cryothérapie (CT) entre 2009 et 2011. Nous avons calculé le prix du séjour de chaque patient, recherché la somme facturée à l’Assurance maladie et calculé la rentabilité du traitement pour l’établissement. Résultats. — La NPO coûtait en moyenne 7884 ± 1201 D et rapportait 451 ± 1861 D , la NPC coûtait en moyenne 6973 ± 3503 D et rapportait 2271 ± 3370 D , la NPCR coûtait en moyenne

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Piechaud-Kressmann).

http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.11.002 1166-7087/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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J. Piechaud-Kressmann et al. 9600 ± 4595 D et entraînait un déficit de 838 ± 3007 D . La radiofréquence coûtait en moyenne 2724 ± 813 D et entraînait un déficit de 954 ± 684 D , la cryothérapie coûtait en moyenne 6702 ± 857 D et entraînait un déficit de 4723 ± 941 D . Conclusion. — Au moment de l’étude, la NPC était le traitement des PTR qui offrait la meilleure rentabilité. Niveau de preuve.— 4. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Cost-comparison; Renal tumor; Nephron sparing surgery

Summary Objective. — The stage of discovery and treatment of kidney cancer have changed. Partial nephrectomy is the standard treatment for small renal masses (SRM). Also are recommended the thermal ablative techniques. The cost of these treatments for the establishment and society is often unclear. The purpose of this study was to calculate the cost of treatment of SRM in order to assess the profitability for a health institution that invests in innovation. Materials and methods. — A retrospective single-center study was conducted with 124 patients treated for SMR (T1a) by open partial nephrectomy (OPN), laparoscopic partial nephrectomy (LPN) and robot-assisted partial nephrectomy (LRPN), radio frequency (RF) and cryotherapy (CT) between 2009 and 2011. We calculated the price of stay of each patient, searched the amount billed to health insurance and calculated the profitability of treatment for the establishment. Results. — The OPN cost on average 7884 ± 1201 D and reported 451 ± 1861 D , the LPN cost on average 6973 ± 3503 D and reported 2271 ± 3370 D , the cost of the LRPN was on average 9600 ± 4595 D and resulted in a deficit of 838 ± 3007 D . The radiofrequency cost on average 2724 ± 813 D and caused a deficit of 954 ± 684 D , cryotherapy cost on average 6702 ± 857 D and resulted in a deficit of 4723 ± 941 D . Conclusion. — According to current repayment terms, the LPN was the treatment of SRM that offered the best profitability. Level of evidence.— 4. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’incidence du cancer du rein est en augmentation constante dans les pays développés depuis 30 ans [1], ceci grâce à l’utilisation de plus en plus banale de l’imagerie en coupe qui permet de découvrir de fac ¸on fortuite des petites tumeurs de rein, classées T1 dans la classification TNM. Le développement de l’entité « petite tumeur du rein » intervient dans un contexte de diminution de l’acceptation par la population générale de la morbi-mortalité thérapeutique même dans le cadre du traitement du cancer, surtout pour des maladies asymptomatiques au moment du diagnostic. Le système de soins franc ¸ais est basé sur une prise en charge complète de tous les soins liés au cancer. Or l’innovation en santé se traduit souvent par une augmentation des coûts diagnostiques et thérapeutiques et pose le problème de sa prise en charge par la collectivité. Les médecins, seuls à même d’évaluer l’efficacité des soins, doivent aussi tenir compte des aspects économiques des progrès technologiques afin d’éclairer l’assurance maladie sur l’évolution des pratiques et la nécessaire réévaluation de leur remboursement. Selon les recommandations des sociétés savantes franc ¸aise et européenne, l’offre de soin des PTR (T1a) repose sur la chirurgie partielle et les techniques thermoablatives [2,3].

L’objectif primaire de cette étude était de calculer le coût du traitement des petites tumeurs du rein, afin d’en apprécier la rentabilité pour un établissement hospitalouniversitaire qui investit dans l’innovation.

Matériels et méthodes Population Une étude rétrospective monocentrique a été menée avec 124 patients consécutifs traités pour une PTR (stade T1a) par néphrectomie partielle, radiofréquence ou cryothérapie entre septembre 2009 et décembre 2011.

Efficacité-mordibité Le succès était caractérisé par l’absence de récidive locale ou à distance après un an de suivi. Les complications ont été séparées en complications majeures et mineures selon la classification de Clavien. L’efficacité et la morbidité ont été évaluées en fonction de la complexité des lésions selon le Renal score.

Calcul des coûts A été recherché pour chaque patient l’ensemble des coûts de son séjour.

Le traitement des petites tumeurs du rein : efficacité et comparaison des coûts Tableau 1

91

Caractéristiques de la population.

N = 124

NPO (11)

NPC (29)

NPCR (24)

RF (43)

CT (17)

Âge médian Sex-ratio OMS médian Anatomopathologie Malin Bénin NR

56 (40—76) 1,2 1 (0—2)

63 (21—75) 2,6 0 (0—1)

61 (28—79) 1,2 1 (0—3)

70 (39—88) 1,7 1 (0—3)

67 (51—86) 3 1 (0—3)

11 (100 %) 0 0

24 (82,8 %) 5 (17,2 %) 0

21 (87,5 %) 3 (12,5 %) 0

23 (53,5 %) 8 (18,6 %) 14 (27,9 %)

8 (47 %) 1 (5,9 %) 8 (47 %)

NPO : néphrectomie partielle ouverte ; NPC : néphrectomie partielle cœlioscopique ; NPCR : néphrectomie partielle cœlioscopique robot-assistée ; RF : radiofréquence percutanée ; CT : cryothérapie percutanée.

Il comprenait, le salaire des médecins (chirurgien, anesthésiste, radiologue), l’hôtellerie, l’imagerie, la biologie, le coût horaire d’utilisation du bloc opératoire ou du scanner, le matériel chirurgical ou radiologique et le suivi à 1 an. Nous avons alors calculé la moyenne du coût global pour une néphrectomie partielle ouverte (NPO), par cœlioscopie pure (NPC) ou robot-assistée (NPCR), pour une radiofréquence percutanée (RF) ou pour une cryothérapie percutanée (CT). Les données économiques ont été recueillies en collaboration avec le département d’information médicale. La mesure des coûts était restreinte au coût complet (ou coûts directs médicaux) de l’hospitalisation initiale et des complications et réhospitalisations pour un suivi de 1 an postopératoire. Les coûts non directement attribuables au séjour (coûts liés à la structure) n’ont pas été évalués. La valorisation du traitement était représentée par le GHS ou par le GHM en version 11D de la classification actuellement en vigueur et calculée à partir de l’échelle nationale des coûts 2008.

Analyse statistique Les tests statistiques ont été effectués sur la population en intention de traiter. Les variables descriptives ont été comparées par une analyse de la variance. Les variables quantitatives ont été comparées par le test du Khi2 de Pearson et le test exact de Fischer. Une différence significative était définie par un p < 0,05. L’analyse statistique a été réalisée grâce au logiciel DM 90 (Dr J.P. Charlet, service d’épidémiologie et d’évaluation, université Paul-Sabatier Toulouse).

Résultats Cent vingt-quatre patients ont été inclus dans l’étude, 80 hommes et 44 femmes (sex-ratio = 1,81). L’âge médian au moment du traitement était de 65 ans. Soixante sept pour cent des patients étaient OMS 0 et 1. Soixante-quatre patients ont eu une néphrectomie partielle, 11 par laparotomie, 29 par cœlioscopie pure et 24 par cœlioscopie robot-assistée.

Quarante-trois patients ont été traités par radiofréquence et 17 par cryothérapie. Les caractéristiques de la population sont présentées dans le Tableau 1.

Efficacité—morbidité Le succès thérapeutique a été défini comme l’absence de récidive locale ou à distance. Le suivi a duré un an. Deux patients présentant des tumeurs multiples dans le cadre d’une maladie de Von-Hippel-Lindeau ont été considérés comme des succès du fait que le traitement thermo-ablatif de la lésion en question a été completé. Tous traitements confondus, la survie sans récidive (SSR) était de 84,7 % avec pour la NP, la RF et la cryothérapie des valeurs de SSR de 95,3 %, 79 % et 58,8 % (p = 0,0004). Le test exact de Fischer retrouvait une supériorité de la chirurgie sur la cryothérapie (OR = 13, p = 0,0004) et sur la radiofréquence (OR = 5,29, p = 0,012). Cent pour cent des lésions très complexes selon le Renal score ont été traitées avec succès par NP et RF, seulement 50 % pour la CT. Pour les lésions de complexité moyennes, la NP a été efficace dans 96 % des cas, la RF dans 75 % et la CT dans 62,5 % des cas (p = 0,04). L’efficacité des traitements pour les lésions peu complexes était de 94 % pour la NP, 81,8 % pour la RF et 67 % pour la CT. Dans notre série, le taux de complications était de 24,1 %, 7 patients sur 124 (5,6 %) ont présenté des complications majeures selon Clavien dont un décès. La NP présentait un taux de complication de 26,6 % (10/17 mineures et 7/17 majeures). Deux patients ont présenté des complications majeures (5,8 %) alors que les tumeurs étaient de faible complexité selon le Renal score. Le taux de complication majeure augmentait avec la complexité, 12 % pour les lésions moyennement complexes, 40 % pour les lésions très complexes. Dix patients traités par radiofréquence (23,2 %) ont présenté des complications, toutes étaient mineures. La cryothérapie présentait un taux de complication de 17,6 %., exclusivement de grade 1. La complexité lésionnelle n’était pas prédictive de la survenue de complications pour ces deux traitements.

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J. Piechaud-Kressmann et al.

Tableau 2

Efficacité et morbidité.

N = 124 Complications Absence Mineures Majeures SSR à 1 an

NPO N (%)

NPC N (%)

NPCR N (%)

RF N (%)

CT N (%)

9 (81,8 %) 2 (18,2 %) 0 90,9 %

15 (62,5 %) 5 (20,8 %) 4 (16,7 %) 95,8 %

23 (79,4 %) 3 (10,3 %) 3 (10,3 %) 96,5 %

33 (76,7 %) 10 (23,3 %) 0 79 %

14 (82,3 %) 3 (17,7 %) 0 58,8 %

NPO : néphrectomie partielle ouverte ; NPC : néphrectomie partielle cœlioscopique ; NPCR : néphrectomie partielle robot-assistée ; RF : radiofréquence percutanée ; CT : cryothérapie percutanée ; SSR : survie sans récidive.

Les complications sont reportées dans le Tableau 2.

Comparaison des coûts En additionnant tous les critères étudiés, le coût moyen de prise en charge était de 6657D (x ± y = 3811) pour un minimum de 1888,8 D et un maximum de 29 116 D . Selon la tarification à l’activité, en moyenne, l’hôpital était rémunéré 5482 D (x ± y = 3913 D ) par prise en charge de PTR. Le centre hospitalo-universitaire enregistrait donc une perte moyenne de 1174 D par prise en charge. Le coût moyen, la valorisation moyenne et la rentabilité moyenne selon les modalités thérapeutiques sont résumés dans le Tableau 3. Le traitement le moins coûteux était la radiofréquence (2724 D en moyenne), mais la NPC était le traitement le plus rentable avec un gain moyen de 2271 D par intervention. La Fig. 1 illustre la rentabilité des traitements des PTR. Le coût maximum pour une NP était de 28 782 D , le patient avait bénéficié d’une néphrectomie partielle laparoscopique robot-assistée convertie en laparotomie, compliquée d’une fistule urinaire. L’hospitalisation a duré 36 j.

Le coût minimum était de 5 034,74 D , le traitement étant une néphrectomie partielle cœlioscopique avec une durée de séjour de 5 j. Les dépenses chirurgicales les plus importantes sont représentées par l’hôtellerie hors soin (5202 D ), l’utilisation du bloc opératoire (994 D ) et le matériel chirurgical utilisé en robotique (2504,1 D ). Le coût maximum pour une thermo-ablation était de 7802 D , la patiente a eu une cryothérapie nécessitant plusieurs cryodes avec une complication mineure. Le coût minimum était de 1815 D , il représente une radiofréquence percutanée non compliquée avec traitement complet à 1 an. L’essentiel des dépenses des traitements par radiofréquence et cryothérapie réside dans les aiguilles utilisées. La radiofréquence n’utilise qu’une seule aiguille déployable par lésion dont le prix référencé à la pharmacie hospitalière est de 915 D . Un traitement par cryothérapie utilise en moyenne 3 cryodes, le prix est de 3000 D pour le kit d’utilisation comprenant 1 cryode, chaque aiguille supplémentaire coûte 950 D .

Discussion

Figure 1. Coût, valorisation et rentabilité moyenne par traitement. NPO : néphrectomie partielle ouverte, NPC : néphrectomie partielle cœlioscopique, NPCR : néphrectomie partielle robotassistée, RF : radiofréquence percutanée, CT : cryothérapie percutanée.

En économie, une analyse coût—efficacité est un outil d’aide à la décision. Il a pour but d’identifier la voie la plus efficace, du point de vue économique, d’atteindre un objectif. L’analyse économique en santé est un moyen de rationaliser les dépenses de santé. Elle peut être utile à la décision de choix de technique en évaluant le service rendu à la population par rapport au coût. La difficulté de cette analyse repose sur la difficulté de mesurer l’ensemble des coûts, de définir un coefficient d’actualisation et d’estimer la valeur d’une vie humaine [4]. Dans notre analyse, à l’instar des résultats déjà publiés dans la littérature, le traitement thermo-ablatif par radiofréquence percutanée était le moins coûteux [5]. La durée de séjour était en moyenne de 2 j, dans un service d’hospitalisation traditionnelle de chirurgie, la morbidité était faible ce qui entraînait peu de surcoût. Le coût moyen de RF égal à 2724 D s’expliquait par le matériel à usage unique utilisé pour le traitement, 915 D par aiguille et par un taux de récidive de 21 % avec nécessité de retraitement.

Le traitement des petites tumeurs du rein : efficacité et comparaison des coûts Tableau 3

Coût et rentabilité des traitements des PTR. Coût moy ± ET (D )

NPO NPC NPCR RF CT

93

7884 6973 9600 2724 6702

± ± ± ± ±

1201 3505 4595 813 857

Valorisation moyenne ± ET (D ) 8336 9244 8762 1770 1979

± ± ± ± ±

2684 2177 2495 789 611

Rentabilité moyenne ± ET (D ) 451 2271 −838 −954 −4723

± ± ± ± ±

1861 3370 3007 684 941

NPO : néphrectomie partielle ouverte ; NPC : néphrectomie partielle cœlioscopique ; NPCR : néphrectomie partielle robot-assistée ; RF : radiofréquence percutanée ; CT : cryothérapie percutanée ; ET : écart-type.

L’absence de rentabilité de la radiofréquence est due au fait qu’il n’existe pour le moment pas de cotation CCAM pour le traitement percutané des tumeurs du rein. La tarification à l’activité pour ce traitement est faite en utilisant le code CCAM du traitement percutané de tumeur du foie. De même, la valorisation du séjour ou GHS répond à l’intitulé « 4303 : tumeur des reins et des voies urinaires, niveau 1 », dont la valorisation est 1831,05 D . Cet intitulé correspond à une hospitalisation à visée diagnostique et non thérapeutique. Si la tarification à l’activité pour les traitements thermoablatifs existait, il est vraisemblable que la radiofréquence percutanée, bien que légèrement moins efficace que la néphrectomie partielle mais mieux tolérée et surtout moins coûteuse, devienne le traitement le plus rentable des PTR. La cryothérapie pose un autre problème. Aujourd’hui le matériel nécessaire est financé par l’institution avec une enveloppe dédiée aux activités nouvelles. Le consommable n’est donc pas remboursé par l’assurance maladie. La différence entre le coût moyen du traitement et la valorisation que l’on peut en attendre fait de la cryothérapie l’option thérapeutique la moins rentable (perte moyenne = 4723 D ). En effet, le traitement est coûteux en matériel à usage unique et en logistique. La valorisation se fait comme pour la radiofréquence par le code CCAM du traitement percutané de lésion hépatique et par un GHS diagnostic de tumeur du rein et des voies urinaires (GHS 4303). La littérature internationale atteste de l’efficacité à moyen terme de la cryothérapie avec une excellente tolérance mais s’accorde à dire que son coût est son principal facteur limitant [6—10]. Dans notre série, le taux de SSR de la cryothérapie était inférieur à celui de la littérature, 58,8 % à 1 an. Cette différence importante peut s’expliquer par la complexité des lésions traitées par cryothérapie, 35 % des tumeurs étaient de complexité élevée. La cryothérapie représentait alors le traitement « de la dernière chance » pour des patients contre-indiqués à la chirurgie et dont la lésion ne pouvait être traitée par radiofréquence. La moyenne des coûts de la néphrectomie partielle ouverte était de 7884 D , elle était supérieure à celle de la NP laparoscopique car la durée moyenne de séjour était de 9 j. Le coût maximal d’une NPO était de 13 602 D et s’expliquait par la survenue d’un faux anévrysme de la tranche de section nécessitant une embolisation. Le remboursement moyen pour ce traitement est de 8336 D . Ce résultat correspond à l’utilisation des GHS

« 4112, 4113 et 4114 : interventions sur les reins et les uretères et chirurgie majeure de la vessie pour une affection tumorale, niveau 1 à 3 », valorisé de 7307,58 D à 13 176,6 D . Une néphrectomie partielle laparoscopique coûtait en moyenne 6973 D , la médiane de durée de séjour était 7 j. Le coût minimum était de 4399 D pour une hospitalisation de 4 j, sans complication. La valorisation pour une NPC « standard » était donnée par les GHS 4112, 4113, 4114, soit de 7307,58 D à 13 176,6 D . La NPC était dans notre série le traitement le plus rentable pour l’établissement car la valorisation moyenne était de 9244 D , ce qui représente un gain de 2271 D par intervention. La NP robot-assistée était le traitement le plus coûteux avec une moyenne de 9600 D . Le surcoût était du au consommable robotique dont le prix était de 2504,1 D par intervention par rapport au consommable laparoscopique qui était évalué à 178 D . Aucune pince hémostatique de fusion tissulaire n’a été utilisée, des agents hémostatiques ont pu être utilisés dans certains cas, leur coût a été pris en compte. Ce calcul n’inclut ni l’amortissement de l’achat initial du robot Da Vinci, ni la maintenance. Le coût d’une NPCR « standard », c’est-à-dire sans complication avec traitement complet était de 6166,7 D pour une durée de séjour de 4 j. La valorisation par le GHS était comparable aux autres traitements chirurgicaux (entre 7307,58 D et 13 176,6 D ). La NPCR représentait donc une source de déficit pour l’établissement de soin, égale à 838 D en moyenne par procédure. De nombreuses publications, majoritairement aux ÉtatsUnis, ont comparé les coûts de la chirurgie d’épargne néphronique laparoscopique et robot-assistée. Il en ressort une tendance à la diminution des taux de complications, un temps d’ischémie raccourci et une durée de séjour moins longue au prix d’un surcoût non négligeable pour la NPCR [11—13]. Le coût des traitements médicaux et chirurgicaux est un élément de plus en plus important dans la décision thérapeutique. La littérature internationale comprend un nombre croissant de références portant sur les coûts de prise en charge et leur justification par l’amélioration du service médical rendu. Souvent, une même pathologie dispose de plusieurs traitements, les différences de coût des traitements sont comparées et publiées pour permettre aux praticiens et aux

94 établissements de santé de proposer la prise en charge la plus efficace et la moins coûteuse. Des études coût—efficacité ont déjà été publiées dans la littérature anglo-saxone, pour le traitement des PTR [5,14]. Ces auteurs ont mené leurs études selon le même design que la nôtre, l’évaluation des coûts était rétrospective prenant plus ou moins en compte la survenue de complication et le suivi. Nous avons calculé le coût d’une année de suivi après le traitement initial pour intégrer le coût de la récidive précoce quand elle survient, notamment après traitement thermo-ablatif. Matin et al., rapportaient que 69,8 % des traitements thermo-ablatifs incomplets récidivaient dans les 3 premiers mois et que 92,1 % des échecs étaient repérés la première année [15]. Une autre approche consiste à fabriquer un modèle de Markov permettant de prédire l’espérance de vie et le coût de cette espérance de vie adapté à la qualité de vie (QALY) chez un patient type souffrant d’une PTR en fonction du traitement délivré. Dans ces deux études, les résultats sont contradictoires. Chang et al. retrouvent un meilleur rapport coût—efficacité pour la néphrectomie partielle par rapport à la thermoablation [10] alors que Pandharipande et al. imputent à la chirurgie un surcoût par QALY par rapport à la radiofréquence [16]. Ces différentes publications se rapprochent de notre étude dans l’esprit, mais ont été menées essentiellement aux États-Unis. Pourtant la prise en charge financière de la santé est radicalement différente entre les États-Unis et la France. L’originalité de ce travail était de proposer une comparaison des coûts, en France, dans un centre hospitalouniversitaire, des différentes options de traitement des PTR et d’évaluer la rentabilité de ces options en opposants les coûts engendrés au remboursement assuré par l’Assurance maladie. Nous avons rencontré des difficultés de recueil de données. En effet, il n’a pas été possible d’intégrer au calcul des coûts par patients les dépenses de pharmacie car les dotations médicamenteuses sont assignées au service et ne sont pas nominatives. Les médicaments consommés ne sont pas rattachables au séjour d’un patient donné. Nous n’avons pas incorporé les frais liés à la structure et à l’amortissement du matériel. Mais étant donné que ce type de dépenses est présent dans tous les traitements étudiés et qu’il n’a été pris en compte pour aucun, nous avons considéré que la comparaison des coûts et des valorisations était recevable. L’évaluation des coûts souffre d’un effet centre du fait de durées de séjour supérieures à celles de la littérature récente. Nous n’avons pas étudié la surveillance active qui peut être proposée aux patients de plus de 75 ans présentant des comorbidités ou une espérance de vie limitée[2]. La rentabilité n’est pas un concept retrouvé dans la littérature internationale étant donné que nous possédons en France un des rares systèmes de santé qui rembourse intégralement les frais de prise en charge du cancer. Parmi les missions spécifiques du CHU, l’évaluation de l’innovation technologique en santé est une des plus intéressantes. La recherche clinique permet l’évaluation de

J. Piechaud-Kressmann et al. l’efficacité et la tolérance ainsi que la comparaison avec le standard. La réalisation d’études médico-économiques, en partenariat avec les gestionnaires de pôle ajoute un critère supplémentaire aidant à la décision de diffusion de la technologie et sa prise en charge par la Sécurité sociale. L’innovation en santé doit s’inscrire dans un contexte de maîtrise et d’optimisation des dépenses, c’est pour cela que les industriels doivent mener des études sur l’impact médico-économique de leur innovation pour démontrer sa pertinence [4]. Le but de la réflexion que nous avons menée était d’apporter aux tutelles ainsi qu’aux praticiens des réponses sur l’efficacité des thérapeutiques disponibles dans le traitement des PTR et le coût qu’elles engendrent pour l’Assurance maladie et donc pour la collectivité. Une telle étude peut permettre aux autorités de santé de faire évoluer la liste des actes CCAM en y introduisant la radiofréquence des PTR ainsi que la cryothérapie et d’adapter les GHS correspondant à ces actes [4].

Conclusion Le manque d’étude médico-économique en France et la difficulté d’obtenir les informations relatives aux coûts de prise en charge rendent l’évaluation du rapport coût—efficacité des traitements difficile. Pourtant ces analyses sont dorénavant indispensables pour l’inscription des innovations thérapeutiques sur la liste des actes CCAM. La néphrectomie partielle et la radiofréquence sont des traitements efficaces, leur tolérance est bonne. La cryothérapie peut être réalisée pour des lésions complexes chez des patients contre-indiqués pour la chirurgie. Du point de vue de l’établissement de soin, la rentabilité est un facteur de choix d’investissement dans les technologies innovantes dans les limites d’une efficacité et d’une tolérance acceptable. Dans les conditions actuelles de remboursement, la néphrectomie partielle cœlioscopique a la meilleure rentabilité. Une ouverture à la concurrence du matériel robotique ainsi qu’une valorisation adéquate de la radiofréquence dans l’avenir pourraient modifier ce constat.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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[Treatment of small renal masses: Effectiveness and cost-comparison analysis].

The stage of discovery and treatment of kidney cancer have changed. Partial nephrectomy is the standard treatment for small renal masses (SRM). Also a...
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