Orthod Fr 2013;84:333–341 c EDP Sciences, SFODF, 2013  DOI: 10.1051/orthodfr/2013067

Disponible en ligne sur : www.orthodfr.org

Article original

Traitement des dents ankylosées par corticotomie partielle : l’Orthodontic Bone Stretching. Étude préliminaire Philippe BOUSQUET1 *, Christèle ARTZ2 , Pierre CANAL2 1

(Reçu le 2 septembre 2013, accepté le 10 septembre 2013)

MOTS CLÉS : Corticotomie / Dents ankylosées / Bone stretching

RÉSUMÉ – Les dents antérieures ankylosées entraînent une infraclusion et un déficit esthétique important. Après une revue des techniques utilisées pour replacer ces dents sur l’arcade, cet article décrit une nouvelle technique permettant de rétablir l’occlusion et l’esthétique, ou de préparer le cas à un traitement prothétique ou implantaire, l’Orthodontic Bone Stretching (OBS). Cette technique associe corticotomie partielle et traitement orthodontique et permet un étirement osseux. Après 8 à 12 semaines d’application des forces, les dents ankylosées sont repositionnées en occlusion ou, en cas d’extraction, la crête osseuse est à un niveau compatible avec une réalisation prothétique ou implantaire. La technique d’OBS pourrait être adaptée aux implants en infraclusion, ou à l’augmentation verticale des crêtes atrophiées.

KEYWORDS: Corticotomy / Ankylosed teeth / Bone stretching

ABSTRACT – Treatment of ankylosed teeth by segmental corticotomy: the Orthodontic Bone Stretching technique. Preliminary study. Ankylosed anterior teeth are associated with infraclusion and can lead to a concomitant significant esthetic defect. After a review of the techniques used move these teeth into the arch, this article describes a new technique to restore occlusion and improve esthetics, or to prepare the case for either a prosthetic or implant treatment, Orthodontic Bone Stretching (OBS). This technic combines partial corticotomy and orthodontic treatment and produces bone stretching. After 8 to 12 weeks of force application, the ankylosed teeth are repositioned into occlusion or, if extraction is necessary, the bone crest is at a level consistent with a prosthetic or implant treatment. OBS technique can be adapted to implant infraclusion, or the vertical regeneration of atrophied ridge.

1. Introduction Le traumatisme des dents antérieures est un phénomène fréquent chez l’enfant et l’adolescent. Il a été décrit une prévalence de 10,5 % d’atteinte traumatique sur une population d’écoliers des deux sexes, âgés de 12 ans [27]. Les dents antérieures maxillaires sont les plus touchées, particulièrement chez les garçons. À la suite du traumatisme, la dent peut être plus ou moins impactée et conservée sur l’arcade, * Auteur pour correspondance : [email protected]

ou expulsée et réimplantée. Ce grave trauma a des conséquences importantes, telles que la perte de vitalité des dents, des fractures radiculaires ou coronaires [5] et peut entraîner une ankylose, caractérisée par la fusion d’une partie de la racine dentaire avec l’os alvéolaire adjacent associée à une altération du ligament parodontal [3]. Il est important de pouvoir conserver ces dents le plus longtemps possible, mais leur taux de survie est faible ; en effet, l’ankylose est souvent associée à des résorptions externes et internes [4].

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Département de Parodontologie, Université Montpellier 1, 545 avenue du Professeur Jean-Louis Viala, 34193 Montpellier Cedex 5, France, exercice privé, 34500 Béziers, France Département d’Orthodontie, Université Montpellier 1, 545 avenue du Professeur Jean-Louis Viala, 34193 Montpellier Cedex 5, France, exercice privé, 34130 Mauguio, France

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Chez l’enfant ou chez l’adolescent, au cours de la croissance, l’ankylose d’une ou de plusieurs dents entraîne un arrêt de l’éruption et un hypodéveloppement de l’os alvéolaire environnant. Le différentiel de croissance, avec les dents adjacentes, conduit a une infraclusion des dents ankylosées, et une déficience esthétique et fonctionnelle, dont l’importance sera fonction de l’âge de survenue du trauma [17, 20]. Le diagnostic clinique de l’ankylose pourra se faire par une absence totale de mobilité de la dent associée à un son à la percussion différent de celui des dents adjacentes [7]. Elle peut être confirmée par l’application de force orthodontique sans réponse de mouvement, associée ou non à une ingression des dents adjacentes. Cette ingression est fréquente et nécessite d’exclure ces dents ankylosées du traitement orthodontique dans un premier temps (cas clinique n◦ 2). La radiographie rétroalvéolaire n’apporte pas d’éléments déterminants sur le degré d’ankylose, contrairement aux radiographies 3D de type cone beam qui permettent de voir les modifications du parodonte profond. La confirmation de l’ankylose peut être également faite par le Periotest [8].

2. Conséquence de l’ankylose L’évolution de la position de la dent est fonction de l’âge du patient. Plus l’ankylose apparaîtra tôt, plus, en fin de croissance, la différence de niveau avec les dents adjacentes et l’infraclusion seront importantes. La typologie verticale du patient est un élément à prendre en considération. Les patients hyperdivergents présenteront un décalage au cours de la croissance plus important que les patients hypodivergents. Le moment du traitement des dents ankylosées devra être choisi le plus près possible de la fin de la croissance et modulé en fonction de la typologie [14, 20]. Différents traitements ont été proposés pour rétablir une fonction et améliorer l’esthétique. La difficulté réside dans l’hypodéveloppement de l’os alvéolaire dont le niveau reste très apical par rapport à celui des dents adjacentes. Cela va nécessiter un repositionnement du complexe alvéolo-dentaire dans sa totalité ou, en cas d’extraction, des techniques de greffe pour retrouver un résultat esthétique.

3. Options de traitement des dents ankylosées 3.1. Extraction et fermeture des espaces Cette première option consiste en l’extraction de la dent ankylosée. Cette extraction pourra être suivie d’une fermeture des espaces, par un traitement orthodontique et des coronoplasties [24]. Cette technique peut être réalisée chez le patient jeune mais elle peut générer des déficits esthétiques, particulièrement pour les incisives centrales. Elle n’est pas possible en présence de plusieurs dents atteintes, et reste une technique peu utilisée.

3.2. Extraction et régénération du volume de la crête L’extraction des dents ankylosées va entraîner un déficit de volume de crête important. Ce déficit pourra être compensé par un apport de tissus mous (greffe gingivale), en plusieurs interventions [2]. Le niveau de crête rétabli, la réalisation d’une prothèse fixée sera possible. La mutilation des dents adjacentes par des préparations coronaires, même limitées, reste un inconvénient majeur. Une prothèse conjointe collée sans préparation des dents est une option en présence d’une occlusion favorable, mais elle n’est pas toujours possible et nécessite une maintenance importante. L’extraction peut être suivie par une régénération osseuse, afin d’améliorer le volume osseux de la crête et permettre la pose d’implant dentaire. La difficulté de cette régénération est liée au déficit vertical. La distance entre le sommet de la crête résiduelle et le sommet des septa des dents adjacentes peut être importante. Dans la quasi totalité des cas, l’augmentation osseuse devra être verticale avec un taux de réussite très faible [23].

3.3. Luxation et déplacement de la dent ankylosée Cette technique décrit une luxation de la dent, suivie d’une contention, puis d’une traction orthodontique [28]. Elle nécessite une fracture de l’interface directe os/racine, et ne pourra pas être réalisée si l’ankylose est importante, le risque de fracture radiculaire est à évaluer. Elle s’adresse à des déplacements limités, à une faible infraclusion et nécessite plusieurs interventions.

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3.4. Décoronation

3.5. Ostéotomies et déplacement du bloc alvéolo-dentaire L’utilisation d’une ostéotomie segmentaire avec le repositionnement du segment alvéolaire [9, 21], associée ou non avec des greffes osseuses[30], a donné des résultats intéressants. Pour ce type de procédure, la conservation des tissus mous attachés à l’os est importante pour la vascularisation du segment. Cependant, avec ces techniques, la mobilité du bloc dento-osseux peut entraîner une nécrose avec des conséquences catastrophiques. De plus, dans le cas d’infraclusion importante, la tension sur les tissus mous peut être une contre-indication, le risque de perforation étant majeur.

3.6. Ostéotomies et distraction Cette technique demande la réalisation d’ostéotomies autour de la dent ankylosée, avec ou sans mobilisation immédiate du segment alvéolaire, suivi d’une contention permettant la formation d’un cal osseux mou. Après une période variable de deux à trois semaines, la distraction pourra commencer. L’activation des distracteurs se fera à des périodes régulières, entraînant des forces discontinues qui permettront une distraction du cal osseux et l’ostéogénèse. La distraction fait appel à des mécaniques adaptées, qui développent des forces importantes et discontinues [1, 18]. Cette technique amène de bons résultats, mais ne permet pas de modifier la position

des dents ankylosées dans le sens sagittal ; les mouvements obtenus sont très difficiles à contrôler. Elle est également lourde pour le patient et présente des risques non négligeables [15]. À l’heure actuelle, le choix d’une technique dans le repositionnement des dents ankylosées se fait sur l’expérience du praticien et les choix du patient. Dans une revue de la littérature basée sur la preuve scientifique, De Souza, et al. concluent à une absence d’éléments permettant de faire un choix de traitement [12]. Cet article a pour but de décrire le protocole d’une nouvelle technique de replacement des dents ankylosées antérieures ou, en cas de résorption radiculaire importante et dans une prévision d’extraction, d’amener un gain osseux vertical permettant la réalisation d’une prothèse fixée ou d’une réhabilitation implantaire. Cette technique, l’Orthodontic Bone Stretching (OBS), associe corticotomies et mouvements orthodontiques.

4. Technique OBS 4.1. Préparation du cas La chirurgie devra être faite dans un traitement global du cas. Une préparation orthodontique est nécessaire, la chirurgie étant réalisée le plus tard possible. Ceci permettra de terminer le traitement après ou très près de la fin de croissance. Une étude radiologique en 3D permet de visualiser la position des dents et l’anatomie des septa interdentaires. Les tracés de corticotomie ne devront pas créer de lésion sur les racines des dents ankylosées ou sur les dents adjacentes. L’étude radiologique est indispensable. Description sommaire de la préparation orthodontique Dans un premier temps, on réalise une préparation orthodontique : alignement, nivellement des arcades, ainsi que la correction de la denture en excluant les dents ankylosées, jusqu’à la correction complète de la dysmorphose. En pré-chirurgical, le patient doit présenter un ancrage maximum au niveau des arcades (arcs acier 0.021X0.025 inches maxillaire et mandibulaire), l’espace entre la ou les dents ankylosées et les dents adjacentes doit être suffisant tant pour la réalisation des incisions que pour permettre le glissement du bloc osseux jusqu’à la position souhaitée.

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La couronne de la dent ankylosée sera meulée au niveau de l’os adjacent, après l’élévation d’un lambeau muco-périoste. Le canal devra être vidé de son contenu vasculo-nerveux, et nettoyé par une instrumentation endodontique. Le caillot remplira cet espace libre [13]. Une greffe de biomatériau pour épaissir la crête peut être adjointe [10]. Le lambeau est suturé, assurant une fermeture totale du site, par dessus la racine résiduelle. Le caillot à l’intérieur de la racine va entraîner une résorption, après une période critique où il existe un risque d’infection. Une couronne provisoire sur l’arc orthodontique assurera l’esthétique. Cette technique permet une conservation de la crête, autant au niveau muqueux qu’osseux, mais elle n’est efficace que sur des dents proches du plan d’occlusion.

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Figure 1

Figure 2

Figure 3

Infraclusion très sévère.

Incisions verticales. Forte résorption des dents ankylosées.

Fermeture du lambeau.

4.2. Technique chirurgicale Une incision intra-sulculaire est réalisée incluant les dents ankylosées et les deux dents voisines. Deux incisions de décharge permettent de décoller un lambeau de pleine épaisseur. À l’aide d’un insert de piezo-chirurgie (Satelec PiezotomeR BS1 Slim insert, Acteon group, Mérignac, France), deux traits verticaux de corticotomie sont réalisés à travers la corticale vestibulaire, sans atteindre la corticale palatine qui devra être respectée. Une incision de corticotomie apicale rejoint les deux incisions verticales. Cette incision haute n’est pas toujours possible, l’apex des dents pouvant être très proche des fosses nasales. Dans ce cas, seules les corticotomies verticales seront réalisées. En fin d’intervention, le lambeau est suturé dans sa position initiale. Immédiatement après la chirurgie, les forces orthodontiques sont mises en place.

4.3. Traction orthodontique Le jour de l’intervention, un arc 0.016 inches NiTi est superposé partiellement à l’arc principal et relié aux dents ankylosées de façon à exercer, dès le début, une force légère et continue sur le bloc osseux puis, rapidement, on y associera des tractions élastiques intermaxillaire verticales dont l’axe sera modulé en fonction de la direction de déplacement souhaitée (traction palato-vestibulaire, vestibulo-linguale ou verticale, de 2 à 4 Oz soit de 56 à 120 gr). Au fur et à mesure de la progression du bloc osseux, on augmentera le diamètre du fil superposé de façon à mieux contrôler le déplacement dans les trois sens de l’espace, ceci jusqu’au nivellement des dents ankylosées. L’ancrage peut également

Figure 4 Progression des dents vers le plan occlusal.

être assuré par des dispositifs intra-osseux, mandibulaires ou maxillaires, avec ou sans connection, mais dans tous les cas sa résistance devra être supérieure à celle du bloc osseux.

4.4. Stabilisation et contention Après deux à trois mois de traitement, les dents atteignent le plan occlusal. Une période de contention de trois mois avec les arcs inactifs est nécessaire, puis une contention collée palatine assurera la stabilité.

5. Cas clinique n◦ 1 (Fig. 1 à 6) Patient de 20 ans présentant une ankylose de 11 et 21 (Fig. 1). Les dents présentent des résorptions à un stade très avancé, leur pronostic est très défavorable. Si les extractions sont réalisées en l’état, le niveau osseux est incompatible avec une réhabilitation prothétique ou implantaire. Elles vont donc être conservées de façon à permettre une traction osseuse.

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a

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b Fracture de l’incisive centrale gauche.

Figure 6 Comparaison radiologique pré-chirugicale et après fracture de la 21.

Les incisions de corticotomie sont réalisées, la proximité des fosses nasales interdit l’incision horizontale. Les incisions verticales se terminent très près des fosses nasales (Fig. 2). Le lambeau est repositionné et suturé (Fig. 3). La traction orthodontique sur les dents ankylosées peut commencer. En cours de traitement (deux mois de traction), et après une mobilisation et une migration partielle des dents ankylosées (Fig. 3), un choc provoque une fracture de l’incisive centrale gauche (Fig. 4). Le niveau osseux est maintenant plus compatible avec une réhabilitation prothétique (Fig. 5a et 5b). Les avulsions peuvent être réalisées et seront associées à un aménagement parodontal. La comparaison des scanners pré-opératoire et au moment de la fracture montre une migration du septum inter-incisif avec une traction sur le plancher des fosses nasales (Fig. 6). L’augmentation verticale n’a

pas été provoquée par l’incision horizontale qui était ici absente, mais par une descente du plancher des fosses nasales.

6. Cas clinique n◦ 2 (Fig. 7 à 14) Ce jeune homme de 16 ans se présente pour une consultation orthodontique après une récidive de traitement (Fig. 7). Une ankylose de 12 et 11 est soupçonnée. Après une longue période de réflexion, le début du traitement est réalisé à 18 ans. Il débute par la correction de l’articulé inversé par un quad hélix puis, après la normalisation du sens transversal, un appareil multi-attache est mis en place pour réaliser les phases d’alignement, et de nivellement des arcades. Lors de cette phase, il a été constaté rapidement une ingression des secteurs latéraux, ce qui confirme le diagnostic d’ankylose des incisives 12

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Figure 5

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Figure 7 Figure 8 Figure 9 Vue initiale, 12 et 11 en infraclusion impor- Ingression des dents adjacentes, confir- Vue préchirurgicale après correction tante. de la dysmorphose. mant le diagnostic d’ankylose.

Figure 10

Figure 11

Figure 12

Incision osseuse verticale après réalisation d’un lambeau muco-périosté.

Les deux traits de corticotomie verticaux sont rejoints par une incision horizontale.

Fermeture du lambeau.

et 11 (Fig. 8). Les phases de correction de la denture et d’intercuspidation seront poursuivies jusqu’à la correction complète de la dysmorphose orthodontique sans prendre en charge les dents ankylosées (Fig. 9). La chirurgie est réalisée à l’aide d’un insert de piézo-chirurgie (Satelec PiezotomeR ), et associe deux incisions osseuses verticales et une incision horizontale apicale (Figs. 10 et 11). Après fermeture des lambeaux (Fig. 12), les forces orthodontiques sont appliquées. Après quatre mois de traction, les dents ont atteint le plan occlusal. La phase de stabilisation et de contention peut être réalisée. Après stabilisation, une contention collée est mise en place (Fig. 13). La comparaison des radiographies montre que le septum entre 12 et 11 a migré vers le plan occlusal en même temps que les dents (Fig. 14).

7. Discussion Pour comprendre les mouvements de l’os et des dents ankylosées, nous devons nous référer à la corticotomie et à l’ostéotomie associée à des mouvements

Figure 13 Résultat après contention.

orthodontiques rapides. En 2001, Wilcko, et al. pensent que les mouvements accélérés des dents étaient le résultat du processus de déminéralisation/reminéralisation causé par la corticotomie [29]. L’accélération des mouvements dentaires par corticotomie va faciliter les mouvements des dents dans un os de densité plus faible. Les études animales ont montré qu’une corticotomie augmente l’activité de l’os alvéolaire dans la zone adjacente à la découpe. Sebaoun, et al. ont montré,

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Figure 14

chez l’animal, que les activités cataboliques et anaboliques étaient trois fois plus grandes dans la région de la corticotomie [26]. Lee, et al. ont montré qu’une corticotomie et/ou une ostéotomie produit une réponse osseuse différente chez le rat [19]. Les deux techniques peuvent être exploitées pour le mouvement des dents. Dans le cas d’une dent ankylosée, le ligament parodontal vital manque sur la surface radiculaire. Nous pensons que les mouvements obtenus dans la technique de Bone Stretching sont ceux du bloc dento-osseux des dents ankylosées. Le traitement chirurgical permet de faciliter le traitement orthodontique, et bien que la section de l’os soit partielle, les mouvements sont osseux. Sur les deux cas cliniques présentés, intéressant deux dents, l’os interincisif se déplace avec le bloc. Ce phénomène est confirmé en comparant les images radiographiques avant et après le traitement (Fig. 14). Dans le cas de dents présentant des résorptions radiculaires importantes, cette technique peut permettre d’améliorer le niveau de la crête et de faciliter, après extraction, la réalisation de prothèse fixée (Figs. 4, 5 et 6). Il a été démontré que le déplacement des dents avec un ancrage intra-oral directement dans l’os était possible. Bousquet, et al. ont montré en 1996 que les dents pouvaient se déplacer avec l’aide d’un dispositif d’ancrage osseux temporaire [6]. En 1998, Costa, et al. décrivent un système d’ancrage par une minivis [11]. À l’heure actuelle, ces dispositifs sont utilisés dans la pratique courante. Les deux incisives ankylosées peuvent travailler comme un point d’ancrage. En conséquence, les

dents de l’arcade se déplacent, avec une intrusion rapide du secteur antérieur et latéral droit, démontrant l’immobilité des dents ankylosée (Fig. 8). À ce stade, l’ancrage des dents ankylosées est supérieur à la résistance de l’ensemble de l’arcade. La corticotomie permet de changer les rapports d’ancrage, en diminuant l’ancrage osseux. La force orthodontique permet alors la traction directement du bloc osseux, par l’intermédiaire des dents ankylosées. L’ancrage osseux est inférieur à la résistance de l’arcade, qui reste fixe, et les dents ankylosées et le bloc osseux migrent. Dans certains cas, notamment en cas d’absence de corticotomie apicale, une deuxième intervention à un mois peut être nécessaire, pour réduire la résistance osseuse. Ceci a été également décrit pour les corticotomies d’accélération orthodontique [25]. Le principe n’est pas le même que l’ostéogénèse de distraction [16]. Il n’y a pas de délai avant l’application des forces orthodontiques parce que les coupes sont partielles et il n’est pas nécessaire d’attendre la formation d’un cal osseux. Les forces sont immédiates, faibles et continues. L’ostéogenèse se fait dans l’os médullaire et l’os cortical palatin est étiré (Orthodontic Bone Stretching). Notre expérience nous a montré que la préparation orthodontique était très importante, associée à une bonne gestion des tissus autour des dents ankylosées. La distance doit être suffisante avec les dents voisines pour réaliser des coupes minces de corticotomie tout en laissant assez d’os de chaque côté pour permettre la vascularisation du septum. L’utilisation d’une incision piezo doit être préférée à toute autre technique en raison de la précision de ses coupes et le profil mince de la scie à ultrasons BS1 Slim.

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Comparaison des radiographies : préchirurgicale et période de stabilisation.

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De plus, cette technique ultra-sonique permet une meilleure cicatrisation associée à un potentiel ostéogénique supérieur [22]. Nous savons maintenant que les sections verticales doivent être exactement dans le même axe que celui de la traction et que, s’il y a une différence, l’os, et donc la dent ankylosée, ne bougera pas. Cet élément est une confirmation que le mouvement est un mouvement osseux correspondant à une augmentation verticale alvéolaire. L’incision horizontale est également nécessaire pour diminuer la résistance du bloc à la traction. Cependant, comme dans le cas clinique n◦ 1, le déplacement peut se faire avec seulement deux incisions verticales qui suffisent à elles seules à diminuer la résistance au déplacement. Des études, notamment animales puis sur des cohortes de patient, devront être réalisées pour évaluer ce phénomène. Les résultats de cette étude préliminaire devront être confirmés par des études cliniques prospectives, ce qui nous permettra d’établir un protocole pour tous les types de situation. Cette technique pourra être également employée pour le traitement des implants en infraclusion, dont l’évolution est très similaire aux dents ankylosées. Il nous semble également possible de réaliser des augmentations osseuses dans le cas de crêtes atrophiées, par l’intermédiaire d’un ancrage osseux temporaire.

8. Conclusion La technique d’OBS peut permettre de repositionner les dents ankylosées en infraclusion, afin d’obtenir un résultat esthétique et fonctionnel satisfaisant. En cas de résorption, et dans une prévision d’extraction, cette technique amène un gain osseux vertical permettant la réalisation de prothèse fixée ou d’une réhabilitation implantaire.

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