Bull Cancer 2015; 102: 390–397

Innovations

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Autorisation de mise sur le marché du trastuzumab emtansine (Kadcyla®) dans les cancers du sein métastatiques HER2-positifs Mathilde Guerin 1,2, Renaud Sabatier 1,2,3, Anthony Gonçalves 1,2,3

Reçu le 3 octobre 2014 Accepté le 17 novembre 2014 Disponible sur internet le : 16 mars 2015

1. Institut Paoli-Calmettes, oncologie médicale, 232, boulevard Ste-Marguerite, 13009 Marseille, France 2. Inserm U1068-CNRS U7258, Aix-Marseille université, centre de recherche en cancérologie de Marseille, 13009 Marseille, France 3. Aix-Marseille université, 13284 Marseille cedex 07, France

Correspondance : Anthony Gonçalves, Institut Paoli-Calmettes, oncologie médicale, 232, boulevard Ste-Marguerite, 13009 Marseille, France. [email protected]

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Mots clés Trastuzumab emtansine Cancer du sein métastatique HER2

Résumé HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) est surexprimé dans 15 à 20 % des cancers du sein. L'avènement des thérapies ciblées anti-HER2, et notamment du trastuzumab, a transformé l'histoire naturelle de cette maladie. Le trastuzumab emtansine (T-DM1, Kadcyla®), composé du trastuzumab et de l'agent cytotoxique emtansine (ou DM1) couplés par un agent de liaison stable, a obtenu en novembre 2013 une Autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. Le trastuzumab emtansine cible et inhibe la voie de signalisation de HER2, tout en permettant de délivrer l'emtansine directement à l'intérieur des cellules cancéreuses HER2-positives. Il est indiqué en monothérapie dans le traitement de patientes prétraitées par taxane et trastuzumab pour un cancer du sein surexprimant HER2, d'évolution métastatique ou localement avancée non résécable, ou en rechute dans les 6 mois suivant un traitement adjuvant. Cette indication découle des résultats de l'étude EMILIA, essai ouvert de phase III randomisé contre la combinaison lapatinib-capécitabine. Le trastuzumab emtansine permettait une amélioration significative des deux critères de jugement principaux : la survie sans progression passait de 6,4 mois dans le bras lapatinib-capécitabine à 9,6 mois pour le bras trastuzumab emtansine (Hazard Ratio [HR] = 0,65 ; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] = 0,55–0,77 ; p < 0,001) ; et la survie globale de 25,1 mois à 30,9 mois (HR = 0,68 ; IC 95 % = 0,55–0,85 ; p < 0,001) lors la deuxième analyse intermédiaire. Les taux d'évènements indésirables étaient supérieurs dans le bras lapatinibcapécitabine.

tome 102 > n84 > avril 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.007 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Introduction

Summary Trastuzumab emtansine (Kadcyla®) approval in HER2-positive metastatic breast cancers HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) is overexpressed in 15 to 20% of breast cancer. Anti-HER2 targeted therapies, notably trastuzumab, have transformed the natural history of this disease. Trastuzumab emtansine, consisting of trastuzumab coupled to a cytotoxic agent, emtansine (DM1), by a stable linker, has been approved in November 2013 by the European Medicine Agency. Trastuzumab emtansine targets and inhibits HER2 signaling, but also allows emtansine to be directly delivered inside HER2-positive cancer cells. It is indicated as single-agent in taxane and trastuzumab-pretreated HER2-positive breast cancer patients with metastatic and locally recurrent unresecable disease or relapsing within 6 months of the end of adjuvant therapy. This indication is based on the results of the EMILIA study, an open label phase III randomized trial comparing trastuzumab emtansine to lapatinib-capecitabine. The two primary endpoints were reached. The progression-free survival was 6.4 months in the lapatinib-capecitabine arm versus 9.6 months for the trastuzumab emtansine arm (HR = 0.65; 95% CI = 0.55–0.77, P < 0.001). Overall survival at the second interim analysis was 25.1 months in the lapatinib-capecitabine arm versus 30.9 months in the trastuzumab emtansine arm (HR = 0.68; 95% CI = 0.55–0.85, P < 0.001). Moreover, adverse events were more frequent in the lapatinib-capecitabine arm.

Le gène HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) est amplifié dans 15 à 20 % des cancers du sein et la surexpression de sa protéine est associée à un pronostic défavorable [1–3]. Cette protéine HER2 est un membre de la famille du récepteur du facteur de croissance épidermique (Epidermal Growth Factor Receptor, EGFR ou HER1). Elle est composée d'un domaine extracellulaire, d'un domaine trans-membranaire et d'un domaine intracellulaire à activité tyrosine kinase responsable de la régulation en aval des cascades de signalisation impliquées dans la croissance cellulaire, la prolifération, la différenciation, la néo-angiogenèse et la lutte contre l'apoptose [4,5]. HER2 n'a pas de ligand spécifique mais est capable de former des homodimères ou des hétérodimères avec les autres récepteurs de la famille HER, en présence de leurs ligands spécifiques. Après dimérisation, les domaines kinases des récepteurs se phosphorylent mutuellement afin de s'activer. Le trastuzumab, anticorps monoclonal humanisé reconnaissant le domaine 4 (portion juxta-membranaire) de HER2, a transformé l'histoire naturelle de ces cancers et est actuellement le traitement de référence de cette pathologie en association à la chimiothérapie cytotoxique, pour les cancers du sein localisés [6] ou en phase métastatique [7]. Il permet d'inhiber l'homodimérisation d'HER2, le clivage protéolytique du domaine extracellulaire d'HER2 à l'origine d'une activation pathologique, ou encore d'activer le recrutement des effecteurs immunologiques aboutissant à l'activation de la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (antibody dependant cellular cytotoxicity, ADCC) [6–8]. Toutefois, une partie des patientes présente une résistance primaire au trastuzumab et en phase métastatique,

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toutes développeront une résistance au traitement. Les bases biologiques de la progression sous trastuzumab restent mal connues mais incluent notamment l'activation aberrante des voies de signalisation intracellulaires telles que la voie de la phosphatidylinositol 3-kinase (PI3 K)/AKT/mammalian target of rapamycin (mTOR) [9–11], l'activation compensatoire du récepteur à l'Insuline Growth Factor-I (IGF-I) [12,13] et des autres récepteurs de la famille HER ligand-dépendants [14,15], ou encore l'existence d'une forme tronquée active de HER2, nommée p95HER2 [16,17]. Un des protocoles de références après progression sous trastuzumab est la combinaison lapatinib-capécitabine. L'ajout du lapatinib, un inhibiteur double de tyrosine kinase HER2/EGFR, à la capécitabine améliore le temps avant progression chez les patientes prétraitées par trastuzumab, anthracycline et taxanes, passant à 8,4 versus 4,4 mois dans le bras capécitabine seule [18]. Malheureusement, même en cas de réponse initiale, une progression est inéluctable sous cette combinaison. Des résultats similaires sont obtenus lorsqu'on associe la capécitabine à la poursuite du trastuzumab [19]. Cependant, dans les 2 cas, aucun bénéfice en survie globale n'est retrouvé. Une autre approche possible après progression de la maladie sous trastuzumab consiste en l'association concomitante des 2 thérapies anti-HER2, trastuzumab et lapatinib, qui améliore significativement la survie globale, par rapport au lapatinib seul, essentiellement dans la population des cancers HER2-positifs n'exprimant pas de récepteurs hormonaux [20]. Ainsi, le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques efficaces en situation de résistance au trastuzumab est un impératif urgent.

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Keywords Trastuzumab emtansine HER2 Metastatic breast cancers

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Autorisation de mise sur le marché du trastuzumab emtansine (Kadcyla ) dans les cancers du sein métastatiques HER2-positifs

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M. Guerin, R. Sabatier, A. Gonçalves

Trastuzumab emtansine (T-DM1, Kadcyla®) : mécanisme d'action et évaluation préclinique Le trastuzumab emtansine correspond au couplage covalent du trastuzumab et d'un puissant composé anti-microtubulaire, dérivé de la maytansine (derivative of maytansine 1, DM1), grâce à un agent de liaison thioether stable, non réductible (MCC) [21–23]. Au sein de ce composé, le trastuzumab conserve toute son activité biologique, il reconnaît HER2 de façon spécifique avec la même affinité, il inhibe le clivage du domaine extracellulaire, la signalisation ligand-indépendante via les homodimères HER2, et il active l'ADCC. Après fixation au récepteur, le complexe T-DM1-HER2 est endocyté et dégradé par les lysosomes, permettant ainsi la libération intracellulaire du métabolite actif Lys-MCC-DM1 [24] et le déploiement de l'activité biologique du DM1 (figure 1). La maytansine, molécule découverte dans les années 1970, se fixe sur la tubuline, s'oppose à sa polymérisation en microtubule, inhibant ainsi de manière irréversible la division cellulaire en provoquant la disparition de l'appareil mitotique ou en empêchant sa formation si ajoutée à un stade précoce, ce qui induit la mort cellulaire. La maytansine agit de la même manière que la vincristine, par inhibition de la polymérisation de la tubuline in vitro mais est 100 fois plus efficace aux mêmes concentrations [25,26]. Utilisée seule, elle est toxique et peu

efficace aux doses tolérées [24,25,27,28]. La liaison du trastuzumab à ce médicament cytotoxique permet de cibler spécifiquement les cellules sur exprimant HER2, améliorant ainsi l'efficacité thérapeutique. De plus, la liaison thioether non clivable minimise le relargage systémique ce qui contribue à limiter l'exposition du médicament au niveau du tissu normal [22]. Sur le plan préclinique, trastuzumab emtansine a montré une activité cytotoxique majeure dans des modèles cellulaires et murins de cancers du sein HER2-positifs, incluant des formes résistantes au trastuzumab. Cette activité est dépendante du niveau d'expression d'HER2, considérée comme négligeable si ce dernier est faible ou nul [21,22]. Il a également démontré des effets synergiques en association avec différents composés anticancéreux incluant les sels de platine, le 5FU, le lapatinib, le pertuzumab, le bevacizumab et les inhibiteurs de PI3 K.

Résultats cliniques La dose recommandée ainsi que les effets indésirables du trastuzumab emtansine ont été définis par une étude de phase I publiée en 2010 étudiant la molécule sur une cohorte de patientes présentant un cancer du sein HER2-positif avancé et ayant progressé sous trastuzumab [29]. Le trastuzumab emtansine était administré toutes les 3 semaines par perfusion intraveineuse à des doses variant entre 0,3 mg/kg et 4,8 mg/kg. Des thrombopénies transitoires se sont révélées être dose-limitante à 4,8 mg/kg. La dose maximale tolérée a donc été

Figure 1

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Mécanismes d'inhibition du récepteur trans-membranaire à activité tyrosine kinase HER2 et de libération du médicament cytotoxique emtansine

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(grade 4) versus 57,6 % dans le groupe HT, et 7,2 % d'effets indésirables avec interruption thérapeutique dans le bras trastuzumab emtansine versus 40,9 % dans le bras HT. Le trastuzumab emtansine était plus associé à des céphalées, une thrombocytopénie, et une élévation des transaminases, alors qu'il y avait plus d'alopécie, neutropénie, œdèmes périphériques et diarrhées observés dans le bras HT. Ces résultats ont conduit à la réalisation de l'essai EMILIA [34], étude de phase III randomisée multicentrique internationale, en ouvert, comparant le trastuzumab emtansine au traitement standard par lapatinib-capécitabine, chez des patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique HER2-positif préalablement traitées par taxane et trastuzumab. Les patientes étaient randomisées au ratio 1:1 et les facteurs de stratification étaient : la région du monde (États-Unis, Europe de l'Ouest, ou autre), le nombre de chimiothérapies antérieures pour une maladie localement avancée non résécable ou métastatique, et l'envahissement tumoral (viscéral versus non viscéral). L'objectif primaire était la SSP selon les critères RECIST modifiés 1.0 [32], évaluée par mesure indépendante et confirmée à 28 jours, la survie globale (SG) et la tolérance et toxicité cardiaque, monitorées par des comités indépendants. Au total, 991 patientes ont été incluses : 496 dans le bras lapatinib-capécitabine et 495 dans le bras trastuzumab emtansine. Les caractéristiques tumorales et démographiques initiales étaient comparables dans les 2 bras de traitement : âge, race, région géographique, performance status selon l'ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) 0 ou 1, envahissement tumoral, statut hormonal, thérapeutiques anti-tumorales antérieures. Les patientes dans le bras contrôle recevaient 1250 mg/jour de lapatinib oral et 1000 mg/m2 toutes les 12 heures de capécitabine orale, 14 jours sur 21. Les patientes du bras expérimental recevaient 3,6 mg/kg de trastuzumab emtansine toutes les 3 semaines en perfusion intraveineuse. L'objectif principal de cette étude a largement été atteint avec une SSP de 9,6 mois pour le bras trastuzumab emtansine versus 6,4 mois dans le bras lapatinib-capécitabine (HR = 0,65 ; IC 95 % = 0,55–0,77 ; p < 0,001) (figure 2). À la seconde analyse intermédiaire la SG médiane était de 30,9 mois dans le bras trastuzumab emtansine versus 25,1 mois dans le bras lapatinib-capécitabine (HR = 0,68 ; IC 95 % = 0,55– 0,85 ; p < 0,001), et les taux de SG à 2 ans étaient respectivement de 64,7 % et 51,8 % (figure 3). Le traitement par lapatinib-capécitabine s'est révélé plus toxique avec 18 % d'effets indésirables graves (n = 88) et 57 % de grade  3 contre 15,5 % et 40,8 % respectivement dans le bras trastuzumab emtansine. Les principaux effets indésirables de grade  3 rapportés dans le bras lapatinib-capécitabine étaient des diarrhées et des syndromes palmoplantaires, alors qu'il s'agissait de thrombopénie et d'élévation des transaminases dans le bras trastuzumab emtansine, réversibles pour la plupart après adaptation des doses. La toxicité

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évaluée à 3,6 mg/kg. Les effets secondaires observés étaient pour la plupart de grade 1 ou 2 selon les critères CTCAE (Common Terminology Criteria for Adverse Events) v3.0, et réversibles, et 20,8 % des patientes (5/24) ont eu des effets secondaires de grade 3 ou 4. Trois patientes ont présenté des thrombocytopénies transitoires de grade 3–4, dont 2 avaient reçu une dose de 4,8 mg/kg. Un cas d'hypertension pulmonaire de grade 3 a été observé chez une patiente aux antécédents de métastases pulmonaires et pleurales, traitée par pleurodèse avant inclusion dans l'étude. Les études de phase II qui ont suivi ont montré une efficacité du trastuzumab emtansine chez des patientes prétraitées ou non, avec une bonne tolérance. Deux études de phase 2 ont étudié l'efficacité et le profil de tolérance du trastuzumab emtansine à la dose de 3,6 mg/kg toutes les 3 semaines chez des patientes multi-prétraitées par trastuzumab, lapatinib, anthracyclines, taxane et capécitabine. La première étude, publiée en 2011, a inclus 112 patientes, et a montré un taux de réponse objective selon les critères RECIST 1.0 de 25,9 % (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] = 18,4 %–34,4 %) par évaluation indépendante et 34,5 % avec 4 réponses complètes selon les investigateurs [30]. La médiane de survie sans progression était de 4,6 mois (IC 95 % = 3,9–8,6) par évaluation indépendante et par les investigateurs. Les principaux effets indésirables étaient : fatigue (65,2 %), nausées (50,9 %) et céphalées (40,2 %). Il n'y a eu aucun effet indésirable de grade 4, et les principaux effets de grade 3 étaient fatigue (4,5 %), et hypokaliémie (8,9 %). La deuxième étude, publiée en 2012 a inclus 110 patientes [31]. L'objectif primaire était le taux de réponse objective qui a atteint 34,5 % (IC 95 % = 26,1–43,9) par évaluation radiologique indépendante [32]. Aucune réponse complète n'a été observée. Les effets indésirables principaux étaient fatigue (61,8 %), thrombocytopénie (38,2 %) et nausées (37,3 %). Les effets indésirables de grade  3 les plus fréquents étaient thrombocytopénie (9,1 % dont 1,8 % de grade 4), fatigue (4,5 %) et cellulite (3,6 %). Il n'y a pas eu de toxicité cardiaque. Une troisième étude de phase II, publiée en 2013 a comparé l'efficacité du trastuzumab emtansine versus trastuzumab-docétaxel (HT) chez 137 patientes (T-DM1 n = 70 ; HT n = 67) atteintes d'un cancer du sein métastatique ou localement avancées surexprimant HER2 en première ligne thérapeutique [33]. Les critères principaux de cette étude multicentrique ouverte randomisée 1:1 étaient la survie sans progression (SSP) et la tolérance. La dose de T-DM1 était de 3,6 mg/kg en intraveineux toutes les 3 semaines. Dans le bras HT, la dose de trastuzumab était de 6 mg/kg après une dose de charge de 8 mg/kg, et la dose de docétaxel était de 75 à 100 mg/m2, toutes les 3 semaines. La SSP était de 14,2 dans les bras trastuzumab emtansine versus 9,2 mois dans le bras HT (Hazard Ratio [HR] = 0,59 ; IC 95 % = 0,36–0,97). Le trastuzumab emtansine était mieux toléré, avec 5,8 % d'effets indésirables graves

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M. Guerin, R. Sabatier, A. Gonçalves

Figure 2 Analyse par la méthode de Kaplan-Meier de la survie sans progression dans l'étude EMILIA D'après [34].

cardiaque était similaire dans les deux bras de traitement, avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche > 45 % dans 97,1 % et 93 % dans les groupes trastuzumab emtansine et lapatinibcapécitabine. Une seule patiente traitée par trastuzumab emtansine a eu une dysfonction ventriculaire gauche de grade 3. Sur la base de ces résultats concernant la survie globale, et du profil de tolérance favorable une AMM (Autorisation de mise sur le marché) concernant l'administration du trastuzumab emtansine chez les patientes atteintes d'un cancer du sein sur exprimant HER2, non résécable, localement avancé ou métastatique,

en rechute dans les 6 mois suivant un traitement adjuvant a donc été obtenue en 2013 aux États-Unis et en Europe. Récemment, l'étude de phase III randomisée THERESA a comparé en ouvert trastuzumab emtansine à un traitement choisi par l'investigateur, chez des patientes présentant un cancer du sein métastatique HER2-positif et pré-traitées par un minimum de 2 lignes à base d'anti-HER2 [35]. Les 602 patientes incluses avaient toutes reçu du trastuzumab et du lapatinib et ont été randomisées selon un ratio 2:1 en faveur de trastuzumab emtansine. Les patientes traitées dans le

Figure 3 Seconde analyse intermédiaire de survie globale par la méthode de Kaplan-Meier, en intention de traiter, dans l'étude EMILIA

394

D'après [34].

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Autorisation de mise sur le marché du trastuzumab emtansine (Kadcyla ) dans les cancers du sein métastatiques HER2-positifs

TABLEAU I Principaux effets secondaires observés Effets secondaires

Toxicité (n = 884) Grade 3

Grade 4

Grade 1 à 4

Nombre de patientes

%

Nombre de patientes

%

Nombre de patientes

%

Fatigue

27

3,1

1

0,1

410

46,4

Nausées

10

1,1

0

0

390

43

Thrombocytopénie

84

9,5

21

2,4

295

32,2

Céphalées

5

0,6

0

0

260

29,4

Constipation

5

0,6

0

0

234

26,5

Élévation de ASAT (aspartate aminotransférase)

36

4,1

2

0,2

208

23,5

Anémie

25

2,8

1

0,1

132

14,9

Conclusion L'utilisation du trastuzumab emtansine a ainsi montré une nette amélioration en termes de survie (SSP et SG) des patientes atteintes d'un cancer du sein HER2-positif résistant aux thérapies anti-HER2 standards (trastuzumab et lapatinib). Le trastuzumab conserve son activité biologique habituelle et permet l'internalisation et la libération de l'agent cytotoxique DM1, dérivé de la maytansine, qui agit de façon similaire aux vinca-alcaloides

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(par inhibition des microtubules), mais qui est 100 fois plus puissant que ces derniers. Ce mécanisme d'action permet ainsi une bonne tolérance du traitement, en limitant la toxicité du DM1 au niveau du tissu sain. Ceci a abouti à l'obtention d'une AMM aux États-Unis en février 2013 pour l'utilisation en monothérapie de trastuzumab emtansine (Kadcyla®) chez les patientes atteintes d'un cancer du sein HER2-positif en situation métastatique ayant déjà reçu du trastuzumab et un taxane, ou en situation de rechute dans les 6 mois suivant un traitement adjuvant. En Europe, l'EMA (European Medicine Agency) a délivré une AMM similaire en novembre 2013. En France, la Haute Autorité de santé a considéré que le service médical rendu par le T-DM1 en monothérapie dans cette indication est important ainsi que l'amélioration du service médical rendu (niveau II). Nous attendons les résultats de l'essai MARIANNE (NCT01120184) : essai de phase III randomisé contre placebo, qui compare trastuzumab-taxane versus pertuzumab- trastuzumab emtansine versus trastuzumab emtansine-placebo en première ligne métastatique chez les patientes porteuses d'un cancer du sein sur exprimant HER2. De nombreuses autres études de phase III sont en cours afin d'évaluer le bénéfice du T-DM1 dans différentes situations plus précoces. Citons l'essai KAITLIN (NCT01966471) qui évalue le bénéfice du trastuzumab emtansine-pertuzumab versus taxane-trastuzumab-pertuzumab en situation adjuvante après les anthracyclines. L'objectif principal est la survie sans rechute invasive. L'essai KATHERINE (NCT01772472) évalue l'intérêt du trastuzumab emtansine versus trastuzumab seul, chez les patientes présentant un envahissement ganglionnaire axillaire ou un résidu tumoral intra-mammaire après chimiothérapie préopératoire à base de trastuzumab.

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groupe témoin ont reçu dans 83 % des cas un traitement à base d'anti-HER2 (dans 68 % des cas une association chimiothérapietrastuzumab et dans 10 % des cas une association lapatinibtrastuzumab). La survie sans progression était significativement allongée dans le groupe trastuzumab emtansine (médiane 6,2 mois [IC 95 % = 5,59–6,87] vs 3,3 mois [IC 95 % = 2,89– 4,14] ; Hazard Ratio [HR] = 0,528 [0,422–0,661] ; p < 0,0001). Une tendance similaire était observée en termes de survie globale (HR 0,552 [IC 95 % = 0,369–0,826] ; p = 0,0034) mais qui n'atteignait pas au moment de l'analyse le seuil statistique pré-spécifié. À nouveau le profil de tolérance était en faveur de trastuzumab emtansine, les événements indésirables de grade 3 ou plus étant plus rares (32 % vs 43 %), à l'exception des thrombopénies (5 % vs 2 %). Cette toxicité globalement modérée a été confirmée très récemment par une analyse intégrée évaluant 884 patientes exposées au trastuzumab emtansine dans 6 études prospectives [36] : fatigue, nausée, thrombopénie, céphalée et constipation, l'ensemble étant le plus souvent de faible grade. Environ 11 % des patientes ont présenté une thrombopénie grade 3 ou plus, et 4 % une élévation des transaminases de grade 3 ou plus (tableau I). Le plus souvent, ces toxicités se sont révélées sans symptômes cliniques et facilement gérables.

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M. Guerin, R. Sabatier, A. Gonçalves

Pour la pratique Indication Trastuzumab emtansine (Kadcyla®) est indiqué en monothérapie dans le traitement des patientes adultes atteintes d'un cancer du sein HER2-positif, métastatique, localement avancé non résécable, ou en rechute dans les 6 mois suivant un traitement adjuvant, ayant reçu au préalable un traitement anti-HER2 par trastuzumab et un taxane, séparément ou en association.

Posologie La dose recommandée de Kadcyla® est de 3,6 mg/kg administré en perfusion intraveineuse. La durée d'administration initiale doit être de 90 minutes avec surveillance étroite du point d'injection, suivi d'une surveillance d'au moins 90 minutes (fièvre, frisson, autre). Si le traitement a été bien toléré, les perfusions suivantes pourront être administrées en 30 minutes, suivies d'une surveillance minimale de 30 minutes, sur un rythme de 21 jours.

Précautions d'emploi La fonction hépatique doit être surveillée avant l'initiation du traitement et avant chaque utilisation. L'utilisation concomitante de puissants inhibiteurs du CYP3A4 doit être évitée en raison d'une potentielle augmentation d'exposition au DM1 et de la toxicité. Réactions allergiques : la vitesse de perfusion du Kadcyla® doit être diminuée ou le traitement doit être interrompu en cas de réaction liée à la perfusion, jusqu'à résolution des symptômes.

Le traitement devra être arrêté définitivement en cas de réaction liée à la perfusion menaçant le pronostic vital ou de pneumopathie interstitielle. Une réduction de dose ou interruption temporaire ou définitive du traitement est recommandée dans les cas suivants :  augmentation des transaminases de grade > 2 ;  hyperbilirubinémie de grade > 1 ;  thrombocytopénie de grade > 1 ;  neuropathie périphérique grade > 2 ;  dysfonction ventriculaire gauche (voir ci-dessous). Une évaluation cardiaque est recommandée tous les 3 mois. L'administration du Kadcyla® doit être interrompue pendant 3 semaines en cas de survenue de l'un des évènements suivants :  diminution de la Fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) à une valeur inférieure à 40 % ;  FEVG de 40–45 % associé à une diminution  10 % de la valeur initiale. Kadcyla® pourra être réintroduit si la FEVG s'est améliorée, atteignant une valeur > 45 % ou de 40–45 % associé à une diminution < 10 % par rapport à la valeur initiale. Un arrêt définitif est recommandé si FEVG < 40 % ou si diminution > 10 % par rapport à la valeur initiale persistante au-delà de 21 jours. Déclaration d'intérêts : Guerin M. : laboratoire Roche : financement d'activités de recherche ; Sabatier R. : laboratoire Roche : consultant et co-investigateur d'essais cliniques ; Gonçalves A. : laboratoire Roche : conseil, investigateur principal et co-investigateur d'essais cliniques, financement d'activités de recherche.

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Innovations

Autorisation de mise sur le marché du trastuzumab emtansine (Kadcyla ) dans les cancers du sein métastatiques HER2-positifs

[Trastuzumab emtansine (Kadcyla(®)) approval in HER2-positive metastatic breast cancers].

HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) is overexpressed in 15 to 20% of breast cancer. Anti-HER2 targeted therapies, notably trastuzumab, hav...
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