Rec¸u le : 25 aouˆt 2012 Accepte´ le : 19 novembre 2013 Disponible en ligne 8 janvier 2014

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Fait clinique

Intoxication transplacentaire ou par lait maternel a` la clonidine : un cas de somnolence et d’hypotonie ne´onatale Transplacental or breast milk intoxication to clonidine: A case of neonatal hypotonia and drowsiness C. Sevreza, M.-P. Lavocata, G. Mounierb, E. Elefantc, S. Magnina, G. Teyssiera,d, H. Paturala,*,d a Service de re´animation pe´diatrique et ne´onatologie, centre hospitalier universitaire de Saint-E´tienne, hoˆpital Nord, 42005 Saint-E´tienne, France b Centre de pharmacovigilance, centre hospitalier universitaire de Saint-E´tienne, 42005 Saint-E´tienne, France c Centre de re´fe´rence sur les agents te´ratoge`nes, hoˆpital Trousseau, AP–HP, 75571 Paris, France d EA SNA-Epis 4607, universite´ Jean-Monnet, 42023 Saint-E´tienne, France

Summary

Re´sume´

We report a case of clonidine poisoning in a breastfed newborn. At 2 days of life, this boy presented a consciousness deficit with drowsiness, hypotonia, and suspected generalized seizures. There were no cardiorespiratory problems outside of progressive central apneas beginning the 5th day. Further initial investigations were normal (extensive biological exams, cranial ultrasonography and transfontanellar Doppler, electroencephalography, and brain MRI study), excluding the main causes of neonatal hypotonia (encephalitis, infection, metabolic disorder). However, new medical questioning revealed maternal daily intake of 0.15 mg clonidine for hypertension during and after pregnancy. Since it was impossible to quantify clonidine quantification in newborn serum and breast milk, a weaning test was performed the 9th day. Twenty-four hours after cessation of breastfeeding, complete regression of symptoms was obtained. Poisoning by clonidine after fetal and neonatal exposure through breast milk is rare but severe enough to simulate a neurological disease. Diagnosis is based on the search for drug use and the cessation of breastfeeding if doubt persists. Recovery of normal examination results is then rapid and complete. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Nous rapportons l’intoxication par de la clonidine d’un nouveau-ne´ de sexe masculin allaite´ au sein. Celui-ci avait pre´sente´ a` deux jours de vie (j2) des troubles de la conscience associant somnolence, hypotonie ge´ne´ralise´e et suspicion de clonies. Il n’existait pas de troubles cardiorespiratoires ou tensionnels en dehors d’apne´es progressives d’allure centrale apparues a` partir de j5. Les investigations comple´mentaires initiales e´taient normales (bilan biologique, e´chographie transfontanellaire, e´lectroence´phalogramme et imagerie par re´sonance magne´tique ence´phalique), e´liminant de premier abord les principales causes d’hypotonie ne´onatale (infection, pathologie me´tabolique, hypoxie/anoxie). Un interrogatoire oriente´ de la me`re avait en revanche re´ve´le´ la prise quotidienne de 0,15 mg de clonidine pour une hypertension arte´rielle ancienne, pendant et apre`s la grossesse. En l’absence de possibilite´ de dosage se´rique ou lacte´ de la clonidine, un sevrage a` vise´e diagnostique e´tait re´alise´ a` j9. Vingtquatre heures apre`s l’arreˆt de l’allaitement maternel, la symptomatologie avait comple`tement re´gresse´. L’intoxication ne´onatale par la clonidine apre`s exposition fœtale majore´e par le lait maternel est rare mais assez se´ve`re pour pouvoir simuler un tableau neurologique inquie´tant. Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et sur l’e´viction du lait maternel en cas de doute e´tiologique. La normalisation de l’examen clinique est alors rapide et totale. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (H. Patural). 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.11.004 Archives de Pe´diatrie 2014;21:198-200

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Intoxication ne´onatale a` la clonidine

1. Introduction L’utilisation de la clonidine a` vise´e antihypertensive en monothe´rapie ou en association chez la femme enceinte n’est plus recommande´e en premie`re intention, du fait du risque de pathologies fœtales (te´ratoge´nicite´ chez la souris) et ne´onatales (quelques cas d’hypertension arte´rielle ne´onatale ont e´te´ de´crits). Aucun cas d’intoxication ne´onatale a` la clonidine par le biais du lait maternel n’est enregistre´ dans la Banque nationale de pharmacovigilance (BNPV). Nous rapportons un cas d’intoxication ne´onatale possible par le biais du lait maternel apre`s une exposition fœtale et ne´onatale, marque´ par un tableau neurologique inquie´tant.

2. Observation Cet enfant de sexe masculin, ne´ a` 39 semaines d’ame´norrhe´e par ce´sarienne programme´e pour ute´rus bi-cicatriciel, avait e´te´ pris en charge au service de ne´onatologie a` deux jours (j2) pour une suspicion de clonies avec hypotonie. Cette troisie`me grossesse bien suivie s’e´tait de´roule´e sous CatapressanW (chlorhydrate de clonidine), a` la dose de 0,15 mg/j, en raison d’une hypertension arte´rielle (HTA) maternelle ancienne pre´existante et sans traitement associe´. Ce petit garc¸on eutrophique d’un poids de 3060 g avait pre´sente´ une bonne adaptation a` la vie extra ute´rine (score d’Apgar a` 7, 9, 9 – pH arte´riel au cordon = 7,05, lactates = 4,4 mmol/L), sans trouble he´modynamique (tension arte´rielle a` 68/22 mmHg, fre´quence cardiaque a` 110 bpm, saturation arte´rielle en oxyge`ne a` 100 % en air ambiant). Il avait pre´sente´ le premier jour de vie des e´pisodes d’hypoglyce´mie (minimale a` 2 mmol/L) ne´cessitant un sucrage oral par solute´ glucose´ (SG10 %), l’introduction d’une e´mulsion lipidique, puis une perfusion de SG10 %. A` 48 heures, des clonies du membre supe´rieur gauche avec version de la teˆte et cyanose pe´ribuccale avaient e´te´ note´es a` 2 reprises, ce´dant spontane´ment mais faisant e´voquer un e´quivalent convulsif. Il e´tait apyre´tique et l’e´quilibre glyce´mique s’e´tait normalise´. De`s son transfert au service de ne´onatologie, les te´te´es e´taient laborieuses et une somnolence inhabituelle e´tait constate´e, meˆme si les re´actions neuromotrices d’ajustement au de´se´quilibre et aux stimuli e´taient pre´sentes. Les re´flexes archaı¨ques e´taient normaux. Le suivi oculaire e´tait possible lors des rares moments d’e´veil. Le reste de l’examen e´tait sans particularite´ et la surveillance tensionnelle et he´modynamique normale. Aucun nouvel e´pisode de clonies n’e´tait observe´, mais la somnolence avait persiste´, associe´e a` partir de j5 a` des e´pisodes apne´iques centraux ite´ratifs avec des de´saturations concomitantes a` 80 %, ne´cessitant la mise en place d’une oxyge´nothe´rapie par lunettes. L’e´chographie transfontanellaire e´tait morphologiquement normale, sans argument pour une pathologie ische´mo-he´morragique. Le trace´ e´lectroence´phalographique de veille et de sommeil e´tait

bien organise´ et ne montrait que quelques grapho-e´lements a` front raide en re´gions centro-temporales sans valeur pathologique e´vidente. L’imagerie par re´sonance magne´tique ence´phalique re´alise´e a` j8 dans ce contexte d’hypotonie et de somnolence persistante e´tait normale sans anomalie de signal de la substance blanche, du cortex et des espaces sousarachnoı¨diens. Le syste`me ventriculaire e´tait e´galement normal. Sur un plan biologique, les bilans infectieux bacte´riologiques et viraux, inflammatoires, glyce´miques, me´taboliques et hydro-e´lectrolytiques e´taient normaux. Ce n’est qu’a` j9 apre`s une reprise de l’interrogatoire que l’allaitement maternel a e´te´ suspendu, a` vise´e de test diagnostique dans l’hypothe`se d’une intoxication ne´onatale par la clonidine. Il n’y avait pas re´gionalement de possibilite´ de dosage se´rique ou lacte´ de cette mole´cule. De manie`re spectaculaire, 24 heures apre`s l’arreˆt de toute alimentation lacte´e maternelle, le nouveau-ne´ avait retrouve´ un comportement neurologique normal avec des te´te´es efficaces et une disparition de´finitive des apne´es.

3. Discussion La clonidine est un traitement anti-hypertenseur d’action centrale rapide, qui agit par stimulation des re´cepteurs aux imidazolines proches structurellement des re´cepteurs a2-adre´nergiques du tronc ce´re´bral. La clonidine a e´galement une action se´dative et anxiolytique et renforce l’effet analge´sique de la morphine et l’effet des anesthe´siques ge´ne´raux. L’e´limination de la clonidine se fait principalement par voie re´nale (75 %) sans transformation, avec un faible taux de fixation aux prote´ines plasmatiques. La demi-vie dans le plasma est de 10 a` 20 heures chez l’adulte. La clearance de la clonidine augmente tre`s rapidement dans les premie`res semaines de vie [1,2]. Bien que le passage transplacentaire soit aise´ (rapport concentration maternelle/concentration cordonale proche de 1), son utilisation en cours de grossesse a longtemps e´te´ conside´re´e comme suˆre et efficace [3]. Ces donne´es ont e´te´ remises en cause et la BNPV a recense´ 19 dossiers dans lesquels le CatapressanW administre´ pendant la grossesse e´tait suspecte´ d’effets secondaires chez le fœtus (la clonidine est te´ratoge`ne chez la souris [fentes palatines] mais ces donne´es ne pre´jugent pas d’un effet similaire dans l’espe`ce humaine). Chez le nouveau-ne´, la clonidine est parfois utilise´e comme the´rapie substitutive d’appoint lors de la prise en charge des syndromes de sevrage chez les enfants ne´s de me`re sous me´thadone ou he´roı¨nomanes. Dans cette situation, l’effet inhibiteur de l’hyperactivite´ orthosympathique est recherche´. A` la dose de 1 mg/kg, cette mole´cule est e´galement utilise´e lors des analge´sies caudales pe´ri-ope´ratoires, mais faciliterait la survenue d’apne´es pre´coces chez le pre´mature´. En conse´quence, en l’absence d’essais de grande envergure, son utilisation en cas de chirurgies mineures [4] ou en pre´vention des

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C. Sevrez et al.

syndromes de sevrage aux opiace´s [5,6] n’est pas recommande´e chez les nouveau-ne´s et les nourrissons. Des e´tudes pharmacocine´tiques anciennes ont objective´ en cas d’allaitement que sur une pe´riode de 24 heures, la quantite´ de clonidine inge´re´e par un nouveau-ne´ (exprime´e en mg/kg) correspondait a` 7 a` 8 % de la dose maternelle rapporte´e au poids (en mg/kg) et que les concentrations sanguines ne´onatales atteignaient alors 50 % des concentrations maternelles, mais sans provoquer d’hypotension ne´onatale [7]. En revanche, concernant le nouveau-ne´ allaite´ de me`re traite´e par clonidine, aucun cas de somnolence n’a e´te´ rapporte´, que ce soit dans la litte´rature ou dans la BNPV. Pourtant, si les effets inde´sirables existent chez l’adulte et sont repre´sente´s par la se´cheresse buccale et la constipation (effets atropiniques), la somnolence, la paˆleur du visage voire en cas de surdosage par l’hypothermie, l’apne´e ou le coma de´passe´, il est le´gitime de penser que la somnolence, l’hypotonie ou les apne´es centrales puissent eˆtre retrouve´es chez un nouveaune´ en situation d’intoxication. D’apre`s le centre de re´fe´rence sur les agents te´ratoge`nes (CRAT – http://www.lecrat.org/), quelques cas d’HTA ne´onatale survenant dans les 3 premiers jours de vie ont e´te´ de´crits chez des nouveau-ne´s allaite´s par des me`res sous clonidine. Si aucun autre e´ve´nement n’a e´te´ signale´ a` ce jour, le CRAT recommande cependant l’utilisation en fin de grossesse et en cours d’allaitement d’anti-hypertenseurs pour lesquels des donne´es suffisantes de pharmacocine´tique et de tole´rance sont disponibles (b-bloquants et inhibiteurs calciques essentiellement). Dans le meˆme registre, conside´rant le peu d’e´tudes de cine´tique d’absorption et d’e´valuation des effets secondaires de la clonidine chez le nouveau-ne´ [8], le re´sume´ des caracte´ristiques du produit du VidalW 2012 de´conseille l’allaitement pour une femme traite´e par cette mole´cule. Dans notre observation, l’absence de dosage biologique est bien entendu une donne´e manquante, mais l’ame´lioration spectaculaire constate´e 24 heures apre`s l’e´preuve de sevrage plaide pour une intoxication possible a` la clonidine, soit par voie fœtale transplacentaire, soit par exposition lacte´e apre`s la naissance. Il est cependant difficile de conclure sur la part de responsabilite´ de l’impre´gnation placentaire ou lacte´e. Si l’on conside`re l’immaturite´ physiologique du rein ne´onatal, la demi-vie d’e´limination de la clonidine pourrait atteindre 41 heures, seuil proche de celui observe´ chez le sujet insuffisant re´nal. L’e´limination comple`te de la clonidine apre`s la naissance (5 demi-vies) pourrait ainsi prendre environ 8 jours et demi, pe´riode correspondant a` l’ame´lioration clinique du nouveau-ne´ de notre observation. Ne´anmoins, conside´rant que les concentrations sanguines de clonidine des enfants allaite´s peuvent atteindre 50 % des concentrations sanguines

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de la me`re, l’allaitement maternel exclusif du nouveau-ne´ a probablement conduit a` majorer de manie`re significative des concentrations plasmatiques de´ja` e´leve´es a` la naissance. Quoi qu’il en soit, et inde´pendamment du processus d’intoxication, compte tenu de la symptomatologie ne´onatale observe´e, cette observation doit remettre en cause l’innocuite´ ne´onatale de la clonidine en fin de grossesse surtout et au cours de l’allaitement.

4. Conclusion En de´pit de recommandations existantes, l’utilisation de la clonidine en premier traitement anti-hypertenseur chez la femme enceinte et la me`re allaitante fait encore partie de l’arsenal the´rapeutique obste´trical et met le nouveau-ne´ en situation d’intoxication pre´coce. Cette observation illustre e´galement l’importance de garder a` l’esprit la possibilite´ d’une intoxication me´dicamenteuse par le lait maternel, devant des anomalies de l’examen clinique ne´onatal.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1]

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[Transplacental or breast milk intoxication to clonidine: a case of neonatal hypotonia and drowsiness].

We report a case of clonidine poisoning in a breastfed newborn. At 2 days of life, this boy presented a consciousness deficit with drowsiness, hypoton...
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