Annals of Burns and Fire Disasters - vol. XXVIII - n. 1 - March 2015

TRAITEMENT DES SÉQUELLES DE BRÛLURES DE LA MAIN DANS LES PAYS À RESSOURCES LIMITÉES ; NOTRE EXPÉRIENCE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO TREATMENT OF HAND BURNS SEQUELAE IN COUNTRIES OF LIMITED RESOURCES; OUR EXPERIENCE IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO

kibadi k.,1* moutet F.2 1 2

Unité de Chirurgie Plastique reconstructive et esthétique, Chirurgie de la main et brûlologie, Faculté de médecine, Université de kinshasa, République Démocratique du Congo Unité de Chirurgie de la main et des brûlés, SoS main Grenoble, hôpital Albert michallon, Centre hospitalier Universitaire de Grenoble, France

rÉSUMÉ. les séquelles de brûlures de la main sont encore fréquentes dans les pays à ressources limitées. Trente-deux patients, er er représentant 38 mains, ont été admis et traités, entre le 1 décembre 2010 et le 1 mai 2014 aux Cliniques Universitaires de Kinshasa en république Démocratique du Congo (rDC). nous avons observé 22 patients (69 %) dans le groupe de jeunes (patients âgés de moins de 18 ans), et 10 patients (31 %) chez les adultes (18 à 59 ans). Aucun patient dans le groupe de seniors (60 ans et plus) n’a été observé. Dans le groupe de jeunes, la tranche d’âge de 1 à 5 ans a été la plus atteinte avec 13 malades (40 %). l’accident à la maison était le plus fréquent (72 %). le mécanisme de la brûlure était le plus souvent thermique par flammes (51 %) ou par liquide chaud (34 %). les rétractions et brides sont les lésions le plus observées (84 %). la rétraction dorsale globale « main en griffe» est observée chez 40 % de patients traités, associée à des cicatrices hypertrophiques et chéloïdiennes dans 84 % de cas. Chez les 32 mains traitées chirurgicalement, des excision-greffes ont été réalisées dans 43,7 %, des lambeaux locaux dans 43,7 % et des lambeaux à distance dans 12,5 % de cas. A la sortie de l’hôpital, 84 % de « bons » résultats ont été observés. le suivi a été de 18 mois. le traitement des séquelles de brûlures de la main est possible dans ces pays, exemple de la rDC. Mais les défis à surmonter dans ces pays sont nombreux : la faible accessibilité aux techniques actuelles de la chirurgie plastique, la prise en charge initiale inadéquate des brûlures, la pauvreté. Mots-clés : séquelles de brûlures, main, traitement, expérience, république Démocratique du Congo

st st sUMMARY. Burn injuries to the hand are still common in low-income countries. Between December 1 2010 and May 1 2014, 32 patients, representing 38 hands, were admitted and treated at the University Clinics of Kinshasa in the Democratic Republic of Congo (DRC). We observed 22 patients (69%) in the juvenile age group (under 18 years old) and 10 patients (31%) in the adult age group (18-59 years). We did not observe any patients in the senior age group (60 years and over). In the juvenile age group, those aged from 1 to 5 years old were the most affected, comprising 13 patients (40%). Accidents occurred mainly at home (72%). The most common burn etiologies were thermal injuries caused by flame (51%) and scalds (34%). Contractures were the most frequently occurring lesions (84%). Overall dorsal retraction, known as “claw hand”, was found in 40% of patients, and was associated with keloid and hypertrophic scars in 84% of cases. Excision and grafting were performed in 43.7%, local flaps in 43.7% and distant flaps in 12.5% of cases. On discharge from hospital, 84% “good” results were observed. Follow-up lasted 18 months. This study demonstrates the feasibility of reconstructive surgery in sequelae of hand burns, despite limited resources. However, the challenges in low income countries with limited resources are numerous: poor access to current techniques of plastic surgery, inadequate initial burns management, and poverty.

Keywords: burn injuries, hand, treatment, experience, Democratic Republic of Congo

*

Auteur-correspondant : professeur Anatole Kibadi Kapay (MD, phD, Chirurgien plasticien), Unité de Chirurgie plastique reconstructive et Esthétique, Chirurgie de la Main et Brûlologie, Faculté de Médecine, Université de Kinshasa, république Démocratique du Congo. Tel.: 00243817212310 ; e-mail : [email protected] Manuscript: submitted 12/05/2014, revised 18/05/2014, accepted 20/11/2014.

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Introduction

les séquelles de brûlures de la main sont encore fréquentes dans les pays en développement, cela à cause de l’incidence élevée de brûlures, d’un accès limité au traitement standard et à la réhabilitation1 ; et cela malgré le développement des techniques actuelles destinées à améliorer la qualité de la cicatrisation.2,3 A notre connaissance, il existe très peu de publications4,5 consacrées uniquement sur la chirurgie réparatrice des séquelles de brûlures de la main provenant d’Afrique subsaharienne; d’où l’intérêt de cette enquête préliminaire dont l’objectif général est de présenter les résultats obtenus et surtout de rapporter les défis à surmonter en vue d’améliorer la gestion de ce handicap dans un contexte de faibles ressources. les objectifs spécifiques ont été : décrire les différents aspects et présentations cliniques observées ; rapporter les moyens thérapeutiques utilisés; et relever les difficultés de la prise en charge de ces patients dans le contexte d’un pays à ressources limitées. Matériel et méthode

il s’agit d’une étude rétrospective menée dans l’Unité de Chirurgie plastique reconstructrice et Esthétique, Chirurgie de la Main et de Brûlologie des Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK) en république Démocratique du Congo (rDC). Trente-deux patients, représentant 38 mains, ont été admis et traités, entre le 1er décembre 2010 et le 1er mai 2014. les patients ayant un dossier incomplet n’ont pas été inclus. les paramètres étudiés ont été : la nature de l’agent causal de la brûlure et les circonstances, le lieu et le traitement local initial, le délai avant la consultation en chirurgie plastique; la présentation clinique et retentissement des séquelles ; l’indication, le type et les suites du traitement instauré. le résultat du traitement a été évalué à la sortie de l’hôpital, et au bout de dix-huit mois. les résultats fonctionnels étaient considérés comme « bons » (de 75 à 100 %), « moyens » (74 à 50 %), « moins bon » (< à 50 %) selon la récupération des amplitudes de la fonction de la main. les résultats esthétiques étaient appréciés en tenant compte de l’appréciation objective du chirurgien plasticien, basée sur les reliefs et la coloration cicatriciels, mais aussi de l’appréciation subjective du patient et, ou de son entourage (parents, membres de famille). résultats

nous avons répertorié pour une période de 42 mois (soit du 1er décembre 2010 au le 1er mai 2014) 32 patients représentant 38 mains, admis et traités pour séquelles de brûlures. Dix-sept patients étaient du sexe masculin et 15 du sexe féminin. nous avons observé 22 patients (69 %)

dans le groupe de jeunes (patients âgés de moins de 18 ans), et 10 patients (31 %) chez les adultes (18 à 59 ans). Aucun patient dans le groupe de seniors (60 ans et plus) n’a été observé. Dans le groupe de jeunes, la tranche d’âge de 1 à 5 ans a été la plus atteinte avec 13 malades (40 %). l’accident était le plus souvent survenu à domicile (72 %). les mécanismes de la brûlure étaient les flammes (51 %), l’ébouillantement (34%), l’électrisation (courant domestique de basse tension ; 11 %) et non précisé dans 4 % de cas. le délai médian de consultation en chirurgie plastique était de 11 mois (extrêmes de 5 à 47 mois). les différentes séquelles observées chez les 38 mains traitées sont reprises dans le Tableau I. la prise en charge thérapeutique a été multidisciplinaire. les moyens thérapeutiques étaient variés, associant des thérapies médicamenteuses, physiques et chirurgicales. parmi les 38 mains incluses dans l’étude, 32 (84,2 %) ont bénéficié d’une réparation chirurgicale et 6 (15,7 %) ont été traités par des moyens non chirurgicaux. Chez les 6 patients pris en charge par des moyens non chirurgicaux (pharmacologiques), l’application de crèmes hydratantes et de corticoïdes topiques a été instaurée ; 2 seulement ont pu bénéficier concomitamment de thérapies physiques. la chirurgie a essentiellement concerné les rétractions et brides cutanées. Elles concernaient les 32 mains qui ont été réparées chirurgicalement. le Tableau II décrit les types de rétractions et brides observées (Figs. 1, 2, 3, 5 et 6). Tableau I - Différents types de séquelles observées

Fonctionnelles

Dermatologiques, Esthétiques

rétractions Brides Hypertrophie Chéloïdes Amputations Ostéomes Syndactylies prurit Dyschromie

Effectif (n=38) 32

Fréquence relative 84,20%

30

78,90%

3 1 1 30 20

7,80% 2,60% 2,60% 78,90% 52,60%

Tableau II - Types de contractions et brides observées Types de contractures et brides

rétraction dorsale globale (main en griffe) rétraction palmaire globale (main en crochet) Doigts en crochet Doigts en boutonnière Atteintes commissurales

Effectif (n=32)

Fréquence relative

13

40,60%

4 6 1 7

12,50% 18,70% 2,60% 21,80%

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fig. 4 - réparation par plastie en Z multiples (lambeau local) (patient Fig. 3) (après traitement).

fig. 1 - rétractions sévères du membre supérieur avec amputation des doigts post-brûlure.

figs. 5-6 - rétraction dorsale post-brûlure (vue dorsale et palmaire) (avant traitement).

fig. 2 - rétraction palmaire sévère post-brûlure.

fig. 3 - rétraction dorsale post-brûlure (avant traitement).

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fig. 7 - réparation par lambeau hypogastrique (lambeau à distance pédiculé) (patient Figs. 5 & 6) (après traitement).

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Tableau III - Types d’interventions réalisés en fonction de la localisation de lésions chez les 32 mains traitées chirurgicalement Excision-greffe lambeau local lambeau à distance

Face dorsale (n=13) 6 (46,1%) 3 (23%) 4 (30,7%)

Face palmaire (n=4) 1 commissure (n=4) 3 (75%) 0 1 (25%) 4 (100%) 0 0

les différentes modalités thérapeutiques chirurgicales (Figs. 4 et 7) de ces déformations de la main sont représentées en fonction de leurs localisations dans le Tableau III. nous avons réalisé 14 excision-greffes, soit 43,7 % des interventions. Ces interventions consistaient en l’excision de tous les tissus cicatriciels suivie d’une greffe de peau. les sites de prélèvements des greffes à peau mince (dermo-épidermique) ont été les faces latérales interne et externe de la cuisse ; et pour les greffes à peau totale, la région inguinale. la greffe cutanée a été utilisée pour tous les types de lésions, à l’exception de celles situées au niveau des commissures. les plasties locales ont été pratiquées dans 14 cas (43,7 %). les lambeaux locaux utilisés étaient d’avancement (YV, VY), de transposition (plastie en Z et plastie « en trident »). les 7 cas de lésions situées aux commissures de main ont bénéficié tous d’une plastie locale; les 4 cas localisés à la 1ère commissure ont été traités par des plasties de transposition (plastie en Z et plastie « en trident »), et les 3 cas au niveau des autres commissures de doigts ont été traités uniquement par des plasties en Z. parmi les 4 cas (12,5 %) de localisation au niveau de la région dorsale de la main ayant nécessité un lambeau à distance, 3 ont été traités par lambeau inguinal de Mcgregor avec, comme pédicule, l’artère circonflexe iliaque superficielle, et un par lambeau hypogastrique avec, comme pédicule, l’artère épigastrique inférieure. le sevrage du lambeau pédiculé était réalisé à la fin de la 3ème semaine. les rétractions étaient accompagnées des cicatrices chéloïdes. Ces dernières ont été traitées simultanément aux réparations de rétractions. Des excisions intra-cicatricielles des chéloïdes, suivies d’une suture ou greffe cutanée, ont été pratiquées. les infiltrations aux corticoïdes à effet retard, la pressothérapie et la physiothérapie ont accompagné cette chirurgie des chéloïdes. la kinésithérapie et la rééducation ont encadré la chirurgie de ces séquelles de brûlures de la main. A la sortie de l’hôpital, parmi les 32 mains ayant bénéficié de la chirurgie, les résultats fonctionnels étaient jugés « bons » au niveau des 27 mains (84,3 %) et « moyens » pour les 5 restantes (14,2 %). il s’agissait de 3 cas de rétractions dorsales, d’un cas de rétraction palmaire sévère et d’un autre de rétraction digitale du Vème doigt. le suivi à 18 mois n’a concerné que 10 mains réparées (31,2 %) avec un résultat fonctionnel et esthétique jugé « bon », et les 22 mains restantes (38,7 %) étaient perdues de vue lors de l’évaluation finale.

ère

2 ,3 ,4 ème

ème

commissure (n=3) Doigts (n=8) 0 5 (62,5%) 3 (100%) 3 (37,5%) 0 0

ème

Discussion

Résultats Cette étude montre que les séquelles de brûlure de la main touchent une population jeune. la tranche d’âge de 1 à 5 ans a été la plus atteinte avec 13 malades (40 %). la vulnérabilité particulière du nourrisson et des enfants aux accidents domestiques est un fait connu, et décrit par des nombreux auteurs, montrant la responsabilité de l’adulte.6,7 Au Sénégal, dans une étude consacrée aux séquelles de brûlure chez l’enfant, un pic de fréquence est retrouvé chez le garçon vers 2 ans.5 Dans notre série, l’accident s’était produit principalement à domicile (72 %). le mécanisme de la brûlure était le plus souvent thermique par flammes (51 %) ou ébouillantements (34 %). Dans la littérature, l’étiologie la plus fréquente de séquelles de brûlure par feu-flamme ou braises est rapportée, avec un taux de 49,5 % de cas,5 et les accidents domestiques sont aussi décrits.8 les atteintes de la main traduisent l’exposition particulière de cette partie du corps, telle que décrite dans certaines séries africaines subsahariennes4,5,9 et mondiales.10,11 la brûlure de la main est un accident fréquent de la petite enfance.12 la découverte des capacités de préhension par l’enfant, l’expose à beaucoup d’agressions de la main. Dans notre série, les rétractions et brides représentent l’essentiel des séquelles (84,2 %). la rétraction dorsale globale (main en griffe), à elle seule, est présente chez 40 % de patients traités. le dos de la main est le plus exposé aux brûlures graves et donc plus fréquemment atteint.13 l’observation fréquente (78,9 %) des cicatrices pathologiques (hypertrophies et chéloïdes) s’expliquerait en partie par la couleur de peau de nos patients, tous noirs. les cicatrices chéloïdes sont fréquentes sur la peau noire.14 les excision-greffes ont été réalisées dans 43 % de cas. l’utilisation de la greffe cutanée à la face dorsale de la main donne de bons résultats dans la plupart de séries.10,15 Au Sénégal, parmi les méthodes thérapeutiques, la libération des brides suivie de greffe cutanée a donné les meilleurs résultats.5 nous avons réalisé 14 greffes cutanées (43 %) dont 10 à peau totale et 4 à peau mince (greffe dermo-épidermique). l’utilisation de la greffe cutanée dans le traitement des séquelles des brûlures de la main est habituelle,16 à cause de sa simplicité. la greffe de peau totale a été réalisée dans 71,4 % de cas. l’efficacité et l’intérêt de la greffe de peau totale dans le traitement des séquelles de brûlures de la main ne sont plus à démontrer (les organes 35

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nobles ne sont pas mis à nu).2,4,5 la greffe de peau totale associée à une rééducation efficace permet aux patients de reprendre la mobilité des mains dans les brefs délais. l’utilisation des lambeaux locaux a été fréquente dans notre série, 43 % de cas. Ces lambeaux locaux ont une vascularisation dermique ou axiale. Ces plasties locales ont été réalisées dans les différentes localisations observées (face dorsale et palmaire, commissures et doigts). leur application nécessite une peau de voisinage de bonne qualité. Ces lambeaux locaux ont aussi été utilisés par Camman.17 les 4 cas des rétractions de la 1ère commissure ont bénéficié uniquement des plasties locales. le traitement des rétractions post-brûlure de la 1ère commissure par un lambeau interosseux postérieur est aussi utilisé.18-20 Quant aux brides digitales palmaires, nous avons réalisé uniquement des plasties en Z simples ou Z multiples et des excision-greffes de peau totale avec brochage axial ou orthèse. la réalisation d’un lambeau latéro-digital de transposition en présence d’une rétraction partielle est aussi dé2,13,20 Dans notre série, 4 cas (6 %) de lambeau à discrite. tance ont été réalisés pour des lésions localisées à la région dorsale de la main dont trois lambeaux pédiculés inguinaux (Mcgregor) et un lambeau hypogastrique. le lambeau hypogastriquentérêt du lambeau hypogastrique dans le traitement des séquelles de brûlure de la face dorsale de la main a été rapporté présente des avantages en commun avec le lambeau inguinal pédiculé : la grande surface cutanée relevable, et peu de séquelles esthétiques, et il est encore plus facile à disséquer.21,22 Quant aux cicatrices chéloïdiennes, nous pratiquions des excisions intra-cicatricielles des chéloïdes, suivies d’infiltrations de corticoïdes à effet retard, de pressothérapie et la physiothérapie. Ce protocole donne des résultats satisfaisants.14 A la sortie de l’hôpital, nous avons eu 84,3 % de « bons » résultats parmi les 32 mains ayant eu recours à la chirurgie. Quoique que l’évaluation à 18 mois post-chirurgical ne concerne que 31,2 % de nos patients, ces résultats nous paraissent encourageants. le suivi des patients n’est pas facile à réaliser en Afrique subsaharienne en général et en rD en particulier. En effet, une fois sorti de l’hôpital et les séquelles de brûlures de la main réparées, le malade répond difficilement aux rendez-vous. D’autres auteurs,5 avec un recul moyen court (6 mois), ont obtenu des résultats relativement bons, similaires aux nôtres. Défis

Faible accessibilité aux techniques actuelles de la chirurgie plastique Dans les pays à ressources limitées (exemple de la rDC), l’habitat expose au risque des brûlures domestiques (lampes à pétrole, charbon de bois) du fait de la carence en électricité. l’insuffisance des structures et des compé36

tences dans la prise en charge adéquate des brûlés, la modicité des structures de rééducation, le non accès aux techniques innovantes, telles que l’expansion cutanée, les prothèses en silicone, les substituts dermiques (integra, Matriderm, etc.) ou les injections de graisse sous les cicatrices, sont autant des défis à surmonter, en vue d’améliorer la prise en charge des séquelles de brûlures de la main dans nos régions. le développement de la microchirurgie reste un autre défi dans nos milieux. En effet, dans notre série, aucun patient n’a bénéficié des procédés de microchirurgie. Et pourtant, l’utilisation de la microchirurgie dans la gestion des séquelles de brûlures de la main n’est pas une idée nouvelle. Des lambeaux libres pour ces pertes de substances sont de plus en plus pratiqués. les lambeaux libres du muscle gracilis ont même déjà été pratiqués pour la reconstruction des séquelles de brûlure de la main.23 Un autre défi à surmonter est l’acceptation par le patient et / ou par son entourage des techniques opératoires proposées pour la réparation des lésions. par exemple, les lambeaux à distance pédiculés étaient difficilement acceptés. Ces techniques de réparation étaient jugées invalidantes et coûteuses, à cause du 2ème temps opératoire du sevrage du pédicule occasionnant des dépenses financières supplémentaires. En effet, en rDC les soins médicaux sont pris en charge par le patient et / ou son entourage. Ceci justifierait en partie le fait que certaines techniques opératoires appliquées dans notre série ne correspondaient pas à leurs indications eu égard aux possibilités actuelles dans la chirurgie réparatrice. le recours aux alternatives thérapeutiques chirurgicales et les conditions de travail parfois précaires, expliqueraient certains types d’interventions réalisés.

Prise en charge initiale inadéquate des brûlures Au niveau des mains, plus la durée de cicatrisation est longue, plus la récupération fonctionnelle est difficile d’où la nécessité d’une prise en charge adaptée. le délai médian de consultation en chirurgie plastique était de 11 mois (extrêmes de 5 à 47 mois). Ce délai très long pourrait relever du manque d’informations sur les potentialités multidisciplinaires de prise en charge des brûlés dans notre milieu, mais aussi de la précarité des ménages qui s’adressent encore volontiers aux croyances et moyens traditionnels souvent limités. la chirurgie réparatrice n’est pas souvent mise en contribution dans le traitement des brûlures. Dans certains pays d’Afrique, le traitement initial est le plus souvent sommaire et réalisé dans un dispensaire ou à domicile (49 % des cas) entraînant des séquelles graves.5 les rétractions et les cicatrices pathologiques (hypertrophies et chéloïdes) observées dans notre série suggèrent en partie, une prise en charge initiale inadéquate des brûlures touchant des zones fonctionnelles, n’associant pas des méthodes adéquates telles que l’excision-greffe précoce, l’immobilisation et la rééducation précoce. la place de la rééducation est fondamentale et en cas d’immobilisation, cel-

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le-ci doit se faire en bonne position respectant les spécificités fonctionnelles de la main (« intrinsèques »). Organisations non gouvernementales (ONG) Des Ong contribuent à la prise en charge des séquelles des brûlures dans certains pays africains subsahariens. pourtant, leurs missions sont néanmoins limitées dans le temps et ne pourraient nullement assurer le suivi postopératoire ou multidisciplinaire qu’impose cette chirurgie de réparation. le développement des structures permanentes et des compétences locales à appuyer, s’imposent comme des préalables incontournables pour une bonne pratique de la chirurgie réparatrice des séquelles de brûlures de la main dans nos pays.

Pauvreté En Afrique subsaharienne, particulièrement dans nos pays à ressources limités, la morbidité attribuable aux séquelles de brûlures de la main serait étroitement liée à la pauvreté. Outre l’incidence nettement supérieure des brûlures chez les enfants des pays à bas et moyen revenu, il existe également des différences selon la situation socio-économique à l’intérieur des pays.24 En Suède, par exemple, le risque relatif d’être hospitalisé en raison d’une brûlure est 2,3 fois plus élevé chez les enfants du groupe socio-économique le plus pauvre que chez les enfants appartenant au groupe le plus prospère. En outre, au sein du groupe le plus pauvre, le risque de brûlure se révèle être plus élevé chez l’enfant que le risque de tout autre traumatisme.25 De même, en Australie, une étude a montré que le risque de brûlures par flamme ou d’ébouillantements nécessitant une hospitalisation augmente à mesure que le revenu diminue.26 Cette constatation a été confirmée par une analyse systématique des facteurs de risque de traumatisme en cas d’incendie au domicile. il ressort de cette analyse que les enfants appartenant aux familles avec revenus les plus bas risquent 2,4 fois plus de mourir dans l’incendie de leur domicile que ceux qui appartiennent aux familles avec revenus les plus élevés.27,28 l’accès au traitement et à la réadaptation restent un défi majeur à surmonter. Un certain nombre d’options moins coûteuses en matière de traitement des brûlures sont actuellement en cours d’évaluation. il s’agit notamment

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de techniques des soins de brûlures en phase aiguë : brûlures laissées à l’air libre (« techniques ouvertes ») versus brûlures avec pansement (« techniques fermées »)29 ; de techniques de greffe moins coûteuses.30 Une greffe à peau mince peut se réaliser avec un minimum de matériels : de la vaseline, une lame de rasoir à défaut d’un dermatome pour le prélèvement, des gazes vaselinées, et des bandes de crêpe. En outre, des guides pratiques de traitement des brûlures font l’objet d’une promotion dans les pays en développement.31 Dans nos pays d’Afrique subsaharienne à ressources limités (exemple de la rDC), le coût du traitement est élevé et seules les personnes aisées peuvent se permettre de se faire hospitaliser pour des séquelles graves de brûlures de la main et bénéficier d’une meilleure prise en charge. Cette situation peut retarder la guérison et entraîner des rétractions ainsi que des surinfections.32 les familles s’en remettent fréquemment à des thérapies traditionnelles avant de tenter de faire appel à la médecine moderne, en raison 33,34 de la difficulté d’obtenir ce genre de soins. conclusion

le traitement des séquelles de brûlures de la main est possible dans un pays africain subsaharien à ressources limitées comme la rDC mais les défis à surmonter sont nombreux : la faible accessibilité aux techniques actuelles de la chirurgie plastique, la prise en charge inadéquate des brûlures en phase aiguë et la pauvreté. la formation des compétences, et l’information des populations sont aussi importantes pour briser certaines barrières de croyances qui exposent les victimes à des séquelles parfois très invalidantes de brûlures. Malgré les ressources limitées, le chirurgien devra s’adapter à l’environnement local et à l’avancée de la technologie actuelle pour un résultat thérapeutique optimal. En effet, on dispose actuellement d’une panoplie de moyens de couverture et de réparation qui a enrichi l’arsenal thérapeutique de séquelles de brûlures de la main. Toutefois, les meilleurs moyens de minimiser ces séquelles restent la prévention primaire, basée sur la lutte contre la précarité, et une prise en charge initiale à la phase aiguë, adéquate et globale par une équipe multidisciplinaire, en prenant également en compte la rééducation fonctionnelle.

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Remerciements. nos profondes gratitudes s’adressent à ces enfants avec séquelles de brûlures ainsi qu’à leurs tuteurs ou parents pour leur collaboration et pour leur autorisation dans l’usage des photos avec visages ouverts. nous tenons à remercier très sincèrement le professeur nkakudulu du Département de Médecine physique et son équipe pour l’excellent travail de kinésithérapie et rééducation, sans oublier les infirmiers et les différents médecins en formation dans l’Unité de Chirurgie plastique des CUK.

Traitement des séquelles de brûlures de la main dans les pays à ressources limitées ; notre expérience en république démocratique du Congo.

Burn injuries to the hand are still common in low-income countries. Between December 1st 2010 and May 1st 2014, 32 patients, representing 38 hands, we...
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