Presse Med. 2016; 45: 1–3

Éditorial

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Vers de nouveaux concepts thérapeutiques pour vaincre les hépatites B chroniques Fanny Lebossé 1,2,3, Fabien Zoulim 1,2,3

1. Hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, service d'hépatologie, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France 2. Centre de recherche en cancérologie de Lyon, unité Inserm 1052, 69000 Lyon, France 3. Université Claude-Bernard Lyon 1, 69000 Lyon, France

Correspondance : Fanny Lebossé, hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, service d'hépatologie, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France. [email protected]

Towards new therapeutic concepts to fight against chronic hepatitis B

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tome 45 > n81 > janvier 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.12.009 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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i l'actualité sur les hépatites virales est aujourd'hui largement dominée par les progrès thérapeutiques pour le traitement de l'hépatite C, les récents développements de la recherche pourraient permettre une avancée aussi remarquable pour le traitement des infections par le virus de l'hépatite B (VHB). La prévalence mondiale de l'hépatite B chronique demeure supérieure à celle des infections par le virus de l'hépatite C (VHC) ou le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et le VHB est le premier facteur de risque de carcinome hépatocellulaire (CHC). La problématique de la prise en charge thérapeutique de l'hépatite B chronique diffère de celle de l'hépatite C. La particularité du VHB est la formation, dès la primo-infection, d'un minichromosome viral ou ADN circulaire clos de façon covalente (ADNccc) au sein des cellules infectées. Ce contingent intra-hépatocytaire d'ADNccc n'est pas significativement affecté par les traitements actuels. D'autre part, les réponses immunitaires antivirales sont défectives chez les patients infectés de façon chronique par le VHB. Les traitements des hépatites B chroniques actuellement disponibles sont l'interféron pégylé (PEG IFN) et les analogues de nucléos(t)ides (NUC). Le PEG IFN est un traitement immuno-modulateur dont le but est de stimuler la réponse immunitaire antivirale pour obtenir un contrôle de la réplication du VHB. Ce traitement présente l'avantage d'avoir une durée limitée (12 mois) mais l'efficacité virologique est limitée à certains patients et les effets secondaires sont nombreux [1]. Les NUCs sont bien tolérés et ont une très bonne efficacité virologique [2]. Ils n'ont que peu d'effet sur le contingent d'ADNccc intracellulaire et une réactivation virale survient très fréquemment après interruption du traitement. La durée de traitement est de ce fait le plus souvent illimitée, ce qui pose le problème de l'observance et du risque d'émergence de résistances, notamment avec

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les NUC ayant une faible barrière de résistance (lamivudine, adefovir). Les mutations de résistance aux NUC peuvent par ailleurs être archivées au sein des molécules d'ADNccc [3]. L'objectif actuel du traitement de l'hépatite B chronique est la viro-suppression, c'est-à-dire l'obtention d'une charge virale sérique indétectable [1]. Cette réponse virologique permet de diminuer l'incidence du CHC, sans toutefois l'annuler, et de limiter la progression de la fibrose hépatique et l'incidence de la cirrhose [4]. La viro-suppression est obtenue dans près de 95 % des cas avec les NUCS à haute barrière de résistance génétique (entecavir et tenofovir) [1]. Les nouveaux objectifs des traitements antiviraux du VHB sont non seulement l'obtention d'une viro-suppression prolongée mais aussi l'obtention d'une réponse immunitaire anti-VHB associée à l'éradication du contingent d'ADNccc. On distingue deux types d'objectif thérapeutique pour la future prise en charge des hépatites B chroniques :  la guérison « fonctionnelle » qui reflète un contrôle durable de l'activité de réplication de l'ADNccc intra-hépatique, notamment par le système immunitaire ;  la guérison « virologique complète » c'est-à-dire l'éradication totale du réservoir d'ADNccc. Dans le cadre de la guérison « fonctionnelle » des hépatites B chroniques, un premier objectif pourrait être la perte de l'antigène HBs (AgHBs), marqueur de la persistance du VHB indépendant de la charge virale. La perte de l'AgHBs peut refléter la diminution du nombre de cellules infectées, ou la diminution du pool d'ADNccc ou encore son contrôle épigénétique, laissant présager le maintien de la viro-suppression à l'arrêt du traitement [5]. Les traitements actuels, NUCs et PEG IFN permettent la perte de l'AgHBs au maximum dans 10 % des cas [1]. La séroconversion anti-HBs traduit l'obtention d'une réponse immunitaire anti-VHB, qui permet le maintien du contrôle de la réplication virale à long terme. Cependant, une réactivation virale à partir du réservoir d'ADNccc peut survenir en cas d'immunosuppression profonde, rendant nécessaire le développement de stratégie pour éradiquer le contingent intra-hépatique d'ADNccc. Les récents progrès dans la connaissance du cycle viral du VHB et des interactions entre le virus et l'hôte ont permis l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques pour l'obtention d'une guérison fonctionnelle et/ou virologique du VHB. Une des premières cibles des nouveaux traitements antiviraux est l'entrée du VHB au sein des hépatocytes. Le transporteur biliaire NTCP (transporteur du taurocholate de sodium) a récemment été identifié comme étant un des récepteurs de surface permettant l'entrée du VHB dans la cellule hépatocytaire. Le blocage de cette étape par des inhibiteurs spécifiques pourrait faire partie de la future stratégie de prise en charge des hépatites B chroniques [6]. L'ADNccc intra-hépatique est une cible thérapeutique incontournable : plusieurs mécanismes d'action sont envisageables comme l'inhibition de la formation de l'ADNccc, la

dégradation des molécules d'ADNccc, l'altération de l'ADNccc ou la modulation de la régulation épigénétique de l'ADNccc. Une étude récente a révélé l'intérêt de l'IFNa et du récepteur lymphotoxin-b pour induire une dégradation de l'ADNccc, via l'action de cytidine déaminase [7]. Parmi les stratégies en cours de développement, la protéine de capside « core » serait une cible prometteuse pour renforcer l'effet antiviral des NUCs mais aussi pour agir sur la régulation épigénétique de l'ADNccc. Son rôle pour la transcription de l'ADNccc, la stabilité de l'ADNccc et la formation de nouvelles capsides ont récemment été démontrés. La protéine de capside est aussi impliquée dans la répression des gènes de l'immunité innée et les traitements ciblant cette protéine pourraient contribuer au rétablissement d'une réponse immunitaire antivirale [8]. Deux classes d'inhibiteurs de capside sont en cours de développement. Des stratégies pour interférer avec la réplication virale en aval de l'ADNccc sont aussi étudiées : les ARN interférents ciblant les transcrits viraux pourraient permettre d'inhiber l'expression des protéines virales (et la réplication virale) et de ce fait pourraient induire une restauration des réponses immunes antivirales [9,10]. D'autres cibles potentielles concernent la biologie des particules virales. Ainsi les polymères d'acides nucléiques (NAP) pourraient interférer avec la sécrétion des particules virales voire inhiber l'entrée du VHB dans l'hépatocyte [11]. Des molécules ciblant d'autres étapes du cycle viral (notamment les enzymes cellulaires nécessaires à la synthèse d'ADNccc) sont en cours d'évaluation préclinique [8]. Le rétablissement d'une réponse immunitaire anti-VHB efficace permettrait d'obtenir une guérison fonctionnelle et pourrait contribuer à la guérison virologique en association avec d'autres traitements. Des essais de vaccination thérapeutique sont actuellement en cours de développement, dont le but est de restaurer une réponse immunitaire adaptative anti-VHB [12,13]. Dans ce but, le rétablissement d'une réponse efficace des lymphocytes T spécifiques du VHB est une stratégie différente et intéressante. Plusieurs molécules inhibitrices de la réponse T ont été identifiées chez les patients avec une hépatite B chronique et pourraient représenter des cibles thérapeutiques potentielles [14]. Des stratégies similaires ont été étudiées avec succès dans le domaine de la cancérologie avec notamment le blocage de PD1 [15]. La stimulation de la réponse immunitaire innée intra-hépatique, inhibée par le VHB pourrait permettre de rétablir une réponse antivirale efficace. Les agonistes de toll-like receptors (TLR), comme les agonistes de TLR7 ou TLR8, permettraient de rétablir la transcription des gènes de l'immunité innée, d'augmenter la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et de diminuer la réplication virale [16,17]. Ces stratégies sont actuellement en cours de développement. L'identification de nouvelles cibles thérapeutiques du VHB et le développement de nouvelles combinaisons thérapeutiques plus efficaces pourraient permettre la guérison fonctionnelle et/ou virologique des hépatites B chroniques. Un enjeu majeur sera

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l'extension des indications thérapeutiques, notamment aux patients « immunotolérants » avec une forte charge virale afin de limiter les risques de fibrose extensive et de CHC. Le développement de ces nouvelles stratégies thérapeutiques, combiné aux efforts de vaccination de masse à l'échelon mondial,

pourrait avoir un impact très significatif sur l'incidence du CHC et la mortalité induite par les hépatites B.

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Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs n'ont pas précisé leurs éventuels liens d'intérêts.

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