NIH Public Access Author Manuscript Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

NIH-PA Author Manuscript

Published in final edited form as: Enfance. 2012 ; 64(1): 61–72.

L’utilisation d’objets comme outils: un développement continu [Tool use of objects emerge continuously] Björn Alexander Kahrs and Jeffrey J. Lockman1 Jeffrey J. Lockman: [email protected] 1Tulane

University, 2007 Percival Stern Hall, Department of Psychology, Tulane University, New Orleans, LA 70118

Résumé

NIH-PA Author Manuscript

Le débat autour des origines développementales de la capacité humaine à utiliser des outils de manière souple reste ouvert. Alors que l’approche dominante se focalise sur un changement qualitatif cognitif vers la fin de la première année, la théorie perception-action fournit des indices importants sur la manière dont les comportements exploratoires plus précoces des nourrissons jettent les bases pour l’émergence de cette capacité. En particulier, nous nous intéressons à la manière dont les tentatives des nourrissons de mettre en rapport les objets et les surfaces leur permettent d’apprendre comment les objets peuvent servir d’extension de la main et fournissent l’occasion d’exercer des actions qui seront recrutées plus tard pour l’utilisation d’outils. Dans ce contexte, nous discutons des études comportementales et cinématiques portant sur la manipulation d’objets, qui montrent que les nourrissons font interagir les objets et les surfaces avec discernement et que leur contrôle de la frappe (banging) augmente au cours de leur première année. En conclusion, une perspective perception-action suggère que l’utilisation d’outils émerge de manière plus continue au cours du développement que ce qui a été traditionnellement envisagé.

Abstract

NIH-PA Author Manuscript

The developmental origins of humans’ ability to use objects flexibly as tools remains controversial. Although the dominant approach for conceptualizing tool use development focuses on a qualitative shift in cognition near the end of the first year, we suggest that perception-action theory offers important clues for how infants’ earlier exploratory behaviors set the stage for the emergence of tool use. In particular, we consider how infants’ attempts to relate objects and surfaces enables them to learn how objects function as extensions of the hand and provide opportunities for practicing the actions that will be recruited for tool use later in development. In this connection, we discuss behavioral and kinematic studies on object manipulation, which show that infants relate objects to surfaces in a discriminative manner and gain greater motor control of banging over the course of the first year. In conclusion, a perception-action perspective suggests that tool use emerges more continuously over developmental time than has traditionally been maintained.

Keywords utilisation d’outils; développement moteur; manipulation d’objets

Keywords tool use; motor development; object manipulation

Kahrs and Lockman

Page 2

NIH-PA Author Manuscript

Les humains utilisent des objets de façon intensive pour modifier les effets de leurs actions. Un objet dur tenu dans la main peut écraser d’autres objets ou les aplatir. Un objet coupant tenu par la même main peut trancher dans des substances malléables ou rigides. Bien que l’utilisation d’outils ait été observée dans d’autres espèces (Beck, 1980; Resende, Ottoni, & Fragaszy, 2008; Weir, Chappell, & Kacelnik, 2002), les humains manifestent cette capacité de manière très large, et s’en servent pour résoudre des problèmes divers et pour s’adapter à de nombreux environnements.

Perspectives cognitives sur le développement de l’utilisation d’outils

NIH-PA Author Manuscript

Les origines développementales de la capacité humaine à utiliser des objets comme outil de manière souple restent un sujet de controverse. Une classe de théories suggère que cette capacité émerge d’un progrès cognitif lié à l’apparition de la pensée symbolique vers la fin de la première année (Bates, 1979; Piaget, 1952). De ce point de vue, l’acquisition de la pensée représentationnelle ou symbolique mènerait à un changement qualitatif dans la manière dont les jeunes enfants interagissent avec les objets pouvant servir d’outils. Avec l’avènement de la pensée symbolique, les enfants deviennent capables d’utiliser des objets comme outils de façon rapide, fiable, et souple. Les comportements par tâtonnement, souvent considérés comme indiquant un manque de prévoyance, disparaissent. La planification commence à prévaloir. Avec les avancées de la pensée représentationnelle, les enfants peuvent faire une analyse causale des situations physiques et imaginer comment des objets de types différents peuvent être utilisés pour résoudre un problème ou atteindre un but désiré (Bates, 1979; Piaget, 1952). De fait, cette approche cognitive a été évoquée pour expliquer les différences dans l’utilisation d’outils non seulement entre les enfants d’âges différents, mais aussi entre les humains et les autres espèces – dont nos plus proches parents primates (Penn, Holyoak, & Povinelli, 2008; Tomasello, 1998). Dans cette perspective, la compréhension des bases causales de l’utilisation d’outils est présentée comme une capacité exclusivement humaine permettant aux enfants d’apprendre d’une manière qualitativement différente des autres espèces.

La perspective perception-action sur le développement de l’utilisation d’outils

NIH-PA Author Manuscript

La perspective cognitive, ou représentationnelle, sur l’utilisation d’outils a longtemps dominé la théorie et la recherche développementale. Mais depuis quelques années une autre approche se dessine qui s’emploie à réunir des travaux dans les domaines de la perceptionaction et du contrôle moteur (Gibson & Pick, 2000; Keen, 2011; Lockman 2000; Smitsman, 1997). Elle cherche aussi à être compatible avec le nombre croissant de témoignages d’utilisation d’outils chez les primates non-humains et même les non-primates (Beck, 1980; Resende, Ottoni & Fragaszy, 2008; Weir, Chappell, & Kacelnik, 2002). Selon cette nouvelle approche, les comportements exploratoires sont à l’origine de l’utilisation d’outils. Pour les humains, elle suggère que l’utilisation d’outils résulte des routines exploratoires utilisées par les nourrissons pour recueillir des informations sur les objets, particulièrement quand ils font interagir un objet et une surface ou plusieurs objets de l’environnement entre eux. En utilisant les objets de cette manière, les bébés découvrent que les objets peuvent modifier les propriétés de la main, notamment par rapport aux effets d’actions manuelles qu’ils exécutent couramment. Plus généralement, selon cette perspective, l’utilisation d’outils serait la conséquence graduelle de l’apprentissage des affordances (E. J. Gibson, 1988; J. J. Gibson, 1979). Par le biais de l’exploration, les nourrissons apprennent à s’adapter aux changements que les objets induisent dans les capacités fonctionnelles de la main.

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 3

NIH-PA Author Manuscript

Un corollaire important de cette perspective perception-action est qu’il devrait y avoir une continuité au niveau moteur dans le développement de l’utilisation d’outils. Cela signifierait que les nourrissons et les enfants plus âgés se serviraient d’actions similaires pour manipuler les objets et pour utiliser les outils. Au fur et à mesure de leur développement, les jeunes enfants adaptent les comportements manuels qu’ils ont déjà employés pour explorer les objets à de nouvelles situations dans lesquelles ils les utilisent comme outils. Ainsi, dans une perspective motrice, cette approche nous amène à explorer dans quelle mesure les actions manuelles des nourrissons peuvent ensuite servir de substrat pour l’émergence des comportements d’utilisation d’outils.

Recherche sur les origines de l’utilisation d’outils d’un point de vue perception-action

NIH-PA Author Manuscript

Comme nous l’avons noté ci-dessus, une perspective perception-action sur l’utilisation d’outils suggère que cette capacité trouve ses origines dans les comportements exploratoires employés par les nourrissons pour agir sur les objets et les surfaces de leur environnement. Dans ce qui suit, nous examinons les recherches dont les résultats sont compatibles avec cette perspective, en nous focalisant sur les recherches effectuées dans notre propre laboratoire. Nous prenons en considération deux questions principales. D’abord nous examinons comment les nourrissons utilisent les objets pour agir sur des surfaces. Nous cherchons à voir si les actions des nourrissons indiquent qu’ils s’adaptent aux changements dans les affordances de leurs mains quand ils mettent différents types d’objets en relation avec différentes sortes de surfaces. Des résultats qui vont dans ce sens soutiendraient l’hypothèse que, dès le très jeune âge, les enfants peuvent utiliser les objets pour changer systématiquement les effets de leurs actions sur l’environnement. Ceci est précisément le type de capacité qui peut jeter un pont entre les actions manuelles utilisées par les bébés pour explorer les objets et celles employées par les enfants plus âgés pour se servir d’outils. La deuxième question que nous examinons concerne le comportement moteur. Nous recherchons comment les actions manuelles des enfants, particulièrement celles qu’ils emploient pour explorer les objets, peuvent se transformer pour devenir les actions orientées vers des buts qu’effectuent les enfants plus âgés quand ils utilisent les outils. Il s’agit alors de la continuité au niveau moteur. Nous nous focalisons sur les propriétés motrices des comportements manuels à différents moments du développement. Nous cherchons à savoir comment les changements dans ces comportements peuvent renseigner sur la manière dont les actions qui apparaissent plus tôt s’adaptent par la suite pour l’utilisation d’outils. Combiner objets et surfaces

NIH-PA Author Manuscript

Pendant la deuxième moitié de leur première année, les bébés passent un temps considérable à manipuler des objets. Bien que ce type d’exploration ait été traditionnellement qualifié d’indifférencié – c’est-à-dire, les nourrissons manipulent tous les objets de la même manière quelles que soient leurs caractéristiques (Belsky & Most, 1981; Fenson, Kagan, Kearsley, & Zelazo, 1976; Piaget, 1952) – des travaux plus récents indiquent que les nourrissons adaptent leurs comportements manuels aux propriétés physiques de l’objet. Par exemple, les nourrissons de six à douze mois grattent les objets avec texture, pressent les objets flexibles, et secouent les objets qui font du bruit (Bushnell & Boudreau, 1998; Lockman & McHale, 1989; Palmer, 1989; Ruff, 1984). Globalement, ces résultats suggèrent que les bébés sont capables de détecter les affordances manuelles des objets dès cet âge-là. Quand on leur présente des objets de composition matérielle différente, les nourrissons varient leurs comportements manuels de manière systématique et appropriée.

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 4

NIH-PA Author Manuscript

Mais pour définir les liens existant entre la manipulation d’objets et l’émergence de l’utilisation d’outils, il est primordial de se focaliser non seulement sur la manière dont les bébés agissent sur les objets qu’ils ont dans la main, mais comment ils les mettent en relation avec l’environnement. L’utilisation d’outils consiste en général à se servir d’un objet pour effectuer des changements sur un autre objet ou sur une surface dans l’environnement. Bien que les bébés n’utilisent pratiquent pas d’outils, existe-t-il des preuves qu’ils mettent néanmoins les objets en relation avec d’autres objets ou avec des surfaces de l’environnement de manière systématique ? L’observation de tels comportements serait compatible avec l’idée selon laquelle, par le biais de leur activité d’exploration, les bébés deviennent sensibles à la manière dont les objets peuvent fonctionner comme des extensions de leur main et produire des résultats désirés dans l’environnement – tout comme le font les outils.

NIH-PA Author Manuscript

Pour examiner comment les nourrissons mettent les objets en relation avec les surfaces et pour voir si une telle activité peut être le précurseur de l’utilisation d’outils, nous avons conduit une série d’études au cours desquelles nous avons varié systématiquement les propriétés physiques de l’objet donné aux bébés, ainsi que les caractéristiques physiques de la surface sur laquelle l’objet est posé. Quand nous présentons ces différentes combinaisons objet-surface aux bébés, nous examinons comment ils manipulent les objets en relation avec les surfaces. Plus précisément, nous cherchons à savoir si les nourrissons se comportent sans discernement, en traitant toutes les combinaisons de la même manière, ou si leur comportement reflète du discernement, une mise en relation des objets et des surfaces qui tienne compte des caractéristiques physiques des deux ? Dans une étude, nous avons présenté à des enfants de 6, 8 ou 10 mois soit un cube dur soit un cube mou sur une table recouverte de surfaces différentes (Bourgeois, Khawar, Neal, & Lockman, 2005). Les surfaces étaient soit rigide (panneau d’aggloméré), soit flexible (mousse), discontinue (filet) ou liquide (eau). Nous avons examiné la manière dont les nourrissons ont utilisé les objets dur et mou pour agir sur ces différentes surfaces, et nous avons cherché à voir s’ils se montraient sélectifs dans les actions qu’ils appliquaient à ces différentes combinaisons objet-surface.

NIH-PA Author Manuscript

Nos résultats indiquent que loin de se comporter au hasard et sans discernement, les nourrissons ont adapté leurs actions manuelles aux combinaisons particulières objet-surface, particulièrement dans le cas des groupes les plus âgés. Par exemple, les nourrissons à tous les âges étudiés ont pressé les deux types d’objet le plus souvent contre la surface flexible, mais seul le groupe le plus âgé a plus frotté les objets contre la surface rigide – vraisemblablement parce qu’il y avait le moins de friction avec cette surface. En outre, les nourrissons ont frappé l’objet dur plus souvent contre les surfaces rigide et discontinue que contre les surfaces flexible et liquide, mais ils ont frappé l’objet mou avec la même fréquence sur toutes les surfaces. Ces effets ne semblent pas se limiter aux surfaces de table. Même quand les bébés de 8 mois sont assis sur des planchers faits avec des matériaux différents, ils frappent les objets plus souvent contre ceux qui sont durs (bois) que contre eux qui sont mous (tapis) (Morgante & Keen, 2008). Pour soutenir l’idée que l’utilisation d’outils est un prolongement des tentatives de mise en relation des objets avec des surfaces, on peut aussi citer les études sur la manière dont les bébés se servent des objets avec manche. Beaucoup d’artefacts humains peuvent être considérés comme des objets composés, comprenant un manche et une partie fonctionnelle à laquelle le manche est attaché. Les manches apparaissent néanmoins relativement tard dans les traces de l’industrie lithique, peut-être parce qu’ils posent des difficultés pour les utilisateurs en introduisant un élément intermédiaire entre la main et la partie fonctionnelle d’un outil. En augmentant la longueur d’un objet, les manches demandent plus de contrôle.

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 5

NIH-PA Author Manuscript

Pour utiliser les objets manipulés de manière appropriée, les individus doivent adapter leurs actions non pas à ce qui est tenu directement dans la main (c.-à-d. le manche), mais à la partie fonctionnelle de l’objet qui y est attaché. Pour voir si les nourrissons sont capables d’utiliser les manches comme extensions des objets, et donc de manière adaptée, nous avons présenté à des nourrissons de 8 et 10 mois (N = 48) des objets ressemblant à un marteau – des cubes durs ou mous attachés à un manche – sur des tables dont le dessus était rigide d’un côté et mou de l’autre côté (Annotti & Lockman, soumis pour publication). Par exemple, le dessus de la table était disposé de telle manière que la moitié de sa surface située d’un côté de la ligne médiane du nourrisson était en mousse et l’autre moitié de la surface, de l’autre côté de la ligne médiane, était en panneau de particules La question clé était de savoir si les bébés, en tenant l’objet par la manche, changeraient leurs comportements en fonction de la composition matérielle du cube situé au bout de la manche et à la surface particulière touchée par le cube. Un tel comportement spécifique suggérerait que les bébés utilisent le manche comme une extension de l’objet et qu’ils considèrent le cube comme la partie fonctionnelle de l’objet.

NIH-PA Author Manuscript

Les résultats ont montré que les bébés considéraient le manche comme une extension de l’objet. En tenant l’objet par le manche, les bébés des deux groupes d’âges ont pressé le cube dur contre la surface flexible plus que contre la surface rigide, mais ils ont présenté le comportement inverse avec le cube mou, qu’ils ont pressé plus contre la surface rigide que contre la surface flexible. En outre, des différences ont été trouvées entre les deux groupes d’âge. Lorsqu’ils frappaient les cubes contre la surface en tenant le manche, les nourrissons plus âgés, mais pas les plus jeunes, ont frappé sur la partie rigide de la table plus que sur la partie molle, peut-être pour produire du bruit. Plus globalement, ces résultats suggèrent que même avant que les jeunes enfants commencent à utiliser des outils, ils ont la capacité de traiter les objets composites comme un tout. Ils utilisent les manches pour contrôler le mouvement de la partie fonctionnelle (distale) des objets même s’ils ne saisissent pas directement cette partie. La capacité à traiter les manches comme des extensions des objets permettra aux bébés de se servir de nombreux outils de manière appropriée. Les origines motrices de l’utilisation d’outils

NIH-PA Author Manuscript

Comme nous l’avons remarqué plus haut, une perspective perception-action sur le développement de l’utilisation d’outils soutient aussi qu’il y a continuité au niveau moteur entre les actions effectuées par les bébés pour manipuler les objets et les comportements qu’ils emploient pour utiliser les outils plus tard au cours du développement. Cette idée s’accorde avec des travaux antérieurs sur le développement de la locomotion. Thelen et ses collègues ont démontré que les battements de jambes des très jeunes bébés présentent des patterns d’alternance des deux jambes qui se retrouveront presque un an plus tard quand ils commenceront à marcher (Thelen & Fisher, 1982; Thelen & Ulrich, 1991). Dans nos recherches, nous avons recherché une telle possibilité pour le développement du comportement manuel. Nous examinons les changements cinématiques dans les comportements manuels d’exploration d’objets des bébés et nous recherchons si ces changements peuvent être intégrés dans l’utilisation d’outils. Autrement dit, notre but est de savoir si les comportements manuels que les nourrissons utilisent pour explorer les objets servent de substrat pour les actions motrices que les enfants plus âgés recrutent pour l’utilisation d’outils. Dans ces travaux nous nous sommes focalisés principalement sur la frappe avec un objet. Nous avons choisi la frappe parce qu’elle partage beaucoup d’éléments avec les comportements de percussion adoptés par les humains et les primates non-humains avec des outils. Frapper des objets avec d’autres objets est une action fréquente chez les humains, Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 6

NIH-PA Author Manuscript

quand ils utilisent un marteau pour enfoncer un clou dans une surface, ou chez les primates non-humains, quand ils utilisent une roche pour ouvrir la coquille d’une noix en frappant dessus (Resende, Ottoni, & Fragaszy, 2008; Matsuzawa, 2007). Dans une étude, nous avons enregistré les données cinématiques (acquises à 240 Hz) de nourrissons humains occupés à frapper avec des objets, à partir de marqueurs réfléchissants placés à différents endroits sur leurs bras et leurs torses. Nous avons présenté à des bébés de 6 à 14 mois (N = 20) des objets avec manches (des cubes en bois au bout d’un manche) pour étudier les changements développementaux dans la frappe d’objets (Kahrs, Jung, & Lockman, soumis). Ces pseudo-marteaux ont été donnés aux bébés sur une table avec un dessus entièrement rigide pour les encourager à les cogner dessus.

NIH-PA Author Manuscript

Pendant la deuxième moitié de leur première année les nourrissons frappent spontanément et fréquemment la table avec la plupart des objets qu’ils explorent (Ruff, 1984; Thelen, 1981). Étant donné la fréquence élevée de frappes, nous nous attendions à ce que la manière dont les bébés bougent leur bras pour frapper évolue avec l’âge après de nombreuses répétitions. Un constat important est que les gestes des bébés deviennent plus efficaces et plus réguliers avec la pratique et avec l’âge (Piek, 2002). Dans le cas de la frappe ces deux tendances ont des implications importantes. Les gestes de frappe doivent répondre à plusieurs critères pour être utiles plus tard lors de l’utilisation d’un outil. Ils doivent être bien contrôlés et être réguliers dans leurs trajectoires et dans le niveau de force appliqués, tout en permettant à l’enfant de viser sa cible de la manière la plus précise possible en éliminant les mouvements horizontaux (latéraux et vers l’avant/l’arrière). Tous ces changements sont attendus uniquement sur la base de la tendance des bébés à devenir plus efficaces et plus réguliers dans leurs actions avec l’âge et la répétition. Nos résultats indiquent que les changements développementaux dans la frappe d’objets au cours de la deuxième moitié de première année suivent effectivement ces patterns. Avec l’âge, les mouvements de bras des nourrissons deviennent plus directs et les trajectoires des gestes deviennent plus courtes et moins variables. Les gestes des bébés montrent des pics de vitesse plus bas et plus réguliers, ce qu’indique que les bébés bougent leurs bras de manière plus efficace et en produisant des niveaux de force plus fiables. En outre, les caractéristiques spatio-temporelles des mouvements du bébé deviennent plus constantes d’une frappe à l’autre. Pour la dernière de ces mesures, la constance a été mesurée pour chaque enfant en comparant la position de la main/bras à des points correspondants d’une frappe à l’autre.

NIH-PA Author Manuscript

Globalement, ces résultats suggèrent que pendant la deuxième moitié de la première année la frappe d’objets subit une transition vers une forme de comportement manuel idéal pour l’utilisation d’outils – même avant que les bébés aient eu l’occasion d’utiliser des marteaux ou autres instruments du même genre. Tout comme le battement précoce des jambes sert de substrat pour l’émergence de la locomotion humaine (Thelen, 1981; Thelen, 1989; Thelen & Fisher, 1982), nous proposons que la frappe d’objet du nourrisson serve de substrat pour l’émergence plus tard des comportements de percussion qui sont recrutés pour l’utilisation d’outils. Comme nous l’avons déjà dit, ces améliorations dans le contrôle de la frappe d’objets ne sont probablement pas attribuables à une expérience des marteaux. La frappe semble plutôt pré-adaptée à l’utilisation d’outils, peut-être due à l’expérience qu’accumulent les bébés en produisant ce comportement spontanément et de manière répétée. Par conséquent, les enfants plus âgés seront capables de faire ce type de percussion de façon plus contrôlée, plus habile, et plus efficace. Plus généralement, ce point de vue suggère que l’utilisation ≪ percussive ≫ des outils chez les humains se développe de manière graduelle, ressemblant en cela à ce qui se passe chez les primates non-humains au cours de leurs tentatives

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 7

d’apprendre comment utiliser une pierre-marteau pour ouvrir des noix (Inoue-Nakamura & Matsuzawa, 1997).

NIH-PA Author Manuscript

Conclusions Les résultats des travaux évoqués ici suggèrent que chez les humains, l’utilisation d’outils émerge graduellement au cours des deux premières années et ne dépend pas forcément de progrès dans la pensée représentationnelle ou symbolique. Nos recherches suggèrent plutôt que l’utilisation d’outils trouve ses racines dans les routines de perception-action exécutées par les bébés quand ils explorent et agissent sur le monde qui les entoure. Pendant la deuxième moitié de la première année, bien avant que les enfants commencent à utiliser régulièrement des objets comme outils, les bébés manipulent les objets avec discernement, combinant les objets et les surfaces de manière appropriée en tenant compte de la relation entre leurs compositions matérielles respectives. En outre, les bébés font la même chose quand l’objet a un manche, qu’ils considèrent comme une extension de l’objet. Ils adaptent leurs actions à la partie fonctionnelle de l’objet, même si ce n’est pas cette partie qu’ils prennent dans la main.

NIH-PA Author Manuscript

De la même manière, les patterns moteurs des actions utilisées par les enfants quand ils se servent de nombreux outils usuels, semblent avoir leur origine dans les patterns d’actions utilisées par les bébés pour explorer les objets. En particulier, pendant les six derniers mois de la première année de vie, la frappe change, et passe d’un comportement inefficace et peu régulier à un comportement qui remplit tous les critères pour devenir ensuite la base d’une utilisation habile des outils. À la fin de leur première année, les bébés font des gestes plus directs et plus courts engageant des niveaux de force plus réguliers, et bougent leurs bras de manière moins variable d’une frappe à l’autre. Ces types de changements permettront un ciblage plus précis, des mouvements plus économes, et un meilleur contrôle quand les jeunes enfants commenceront à utiliser des marteaux et plus généralement des outils.

NIH-PA Author Manuscript

En conclusion, nos résultats suggèrent que les études sur l’utilisation d’outils qui se focalisent uniquement sur l’insight et traitent le succès comme une variable binaire en tout ou rien risquent de ne pas prendre en compte les expériences antérieures qui contribuent aussi à l’émergence de l’utilisation d’outils. Par contre, une perspective perception-action sur le développement de l’utilisation d’outils nous amène à examiner, au niveau comportemental et cinématique, dans quelle mesure l’utilisation d’outils découle de formes plus précoces de manipulation d’objets au cours desquelles les objets fonctionnent aussi comme une extension de la main. Plus généralement, une perspective perception-action suggère que l’utilisation d’outils émerge de manière plus continue au cours du développement que ce qui avait été traditionnellement envisagé.

Acknowledgments Note de l’auteur: Ces recherches ont été financées par la subvention n∘ 1R01HD067581-01 du NIH

Références Annotti LA, Lockman JJ. Foundations of tool use: Infants employ handled objects adaptively. submitted. Bates, E. The emergence of symbols: Cognition and communication in infancy. Bates, E.; Benigni, I.; Camaioni, L.; Volterra, V., editors. New York, NY: Academic Press; 1979. p. 315-370. Beck, BB. Animal tool behavior: The use and manufacture of tools by animals. New York, NY: Garland STPM; 1980.

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 8

NIH-PA Author Manuscript NIH-PA Author Manuscript NIH-PA Author Manuscript

Belsky J, Most RK. From exploration to play: A cross-sectional study of infant free play behavior. Developmental Psychology. 1981; 17:630–639. Bourgeois KS, Khawar AW, Neal S, Lockman JJ. Infant Manual Exploration of Objects, Surfaces, and Their Interrelations. Infancy. 2005; 8:233–252. Bushnell, EW.; Boudreau, J. Exploring and exploiting objects with the hands during infancy. In: Connolly, KJ.; Connolly, KJ., editors. The psychobiology of the hand. London NW3 5RN England: Mac Keith Press; 1998. p. 144-161. Fenson L, Kagan J, Kearsley RB, Zelazo PR. The Developmental Progression of Manipulative Play in the First Two Years. Child Development. 1976; 47:232–236. Gibson, EJ. Exploratory behavior in the development of perceiving, acting, and the acquiring of knowledge. In: Rosenzweig, MR.; Porter, LW., editors. Annual review of psychology. Vol. 39. Palo Alto, CA, US: Annual Reviews; 1988. p. 1-41. Gibson, EJ.; Pick, AD. An ecological approach to perceptual learning and development. New York, NY, US: Oxford University Press; 2000. Gibson, JJ. The ecological approach to visual perception. Boston, MA, US: Houghton Mifflin and Company; 1979. Inoue-Nakamura N, Matsuzawa T. Development of stone tool use by wild chimpanzees (pan troglodytes). Journal of Comparative Psychology. 1997; 111:159–173. [PubMed: 9170281] Kahrs BA, Jung WP, Lockman JJ. Motor origins of tool use. submitted. Keen R. The Development of Problem Solving in Young Children: A Critical Cognitive Skill. Annual Review of Psychology. 2011; 62:1–21. Lockman JJ. A perception-action perspective on tool use development. Child Development. 2000; 71:137–145. [PubMed: 10836567] Lockman, JJ.; McHale, JP. Object manipulation in infancy: Developmental and contextual determinants. In: Lockman, JJ.; Hazen, NL.; Lockman, JJ.; Hazen, NL., editors. Action in social context: Perspectives on early development. New York, NY, US: Plenum Press; 1989. p. 129-167. Matsuzawa T. Comparative Cognitive Development. Developmental Science. 2007; 10:97–103. [PubMed: 17181706] McCarty ME, Clifton RK, Collard RR. The beginnings of tool use by infants and toddlers. Infancy. 2001; 2:233–256. Morgante JD, Keen R. Vision and action: The effect of visual feedback on infants’ exploratory behaviors. Infant Behavior and Development. 2008; 31:729–733. [PubMed: 18538853] Palmer CF. The discriminating nature of infants’ exploratory actions. Developmental Psychology. 1989; 25:885–893. Piaget, J. The origins of intelligence in children. New York, NY: International Universities Press; 1952. Piek JP. The role of variability in early motor development. Infant Behavior & Development. 2002; 25:452–465. Penn DC, Holyoak KJ, Povinelli DJ. Darwin’s mistake: Explaining the discontinuity between human and nonhuman minds. Behavioral and Brain Sciences. 2008; 31:109–130. [PubMed: 18479531] de Resende BD, Ottoni EB, Fragaszy DM. Ontogeny of manipulative behavior and nut-cracking in young tufted capuchin monkeys (cebus apella): a perception-action perspective. Developmental Science. 2008; 11:828–840. [PubMed: 19046151] Ruff HA. Infants’ manipulative exploration of objects: Effects of age and object characteristics. Developmental Psychology. 1984; 20:9–20. Smitsman, AW. The development of tool use: Changing boundaries between organism and environment. In: Dent-Read, C.; Zukow-Goldring, P.; Dent-Read, C.; Zukow-Goldring, P., editors. Evolving explanations of development: Ecological approaches to organism-environment systems. Washington, DC, US: American Psychological Association; 1997. p. 301-329. Thelen E. Rhythmical behavior in infancy: An ethological perspective. Developmental Psychology. 1981; 17:237–257.

Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

Kahrs and Lockman

Page 9

NIH-PA Author Manuscript

Thelen, E. Self-organization in developmental processes: Can systems approaches work?. In: Gunnar, M.; Thelen, E., editors. Minnesota Symposium on Child Psychology. Vol. 22. Hillsdale, NJ: Erlbaum; 1989. p. 77-117. Thelen E, Fisher DM. Newborn stepping: An explanation for a “disappearing” reflex. Developmental Psychology. 1982; 18:760–775. Thelen E, Ulrich BD. Hidden skills: a dynamic systems analysis of treadmill stepping during the first year. Monographs Of The Society For Research In Child Development. 1991; 56(1 Serial No 223) Tomasello M. Uniquely primate, uniquely human. Developmental Science. 1998; 1:1–16. Weir AA, Chappell J, Kacelnik A. Shaping of hooks in New Caledonian crows. Science. 2002; 297:981. [PubMed: 12169726]

NIH-PA Author Manuscript NIH-PA Author Manuscript Enfance. Author manuscript; available in PMC 2014 February 07.

[Tool use of objects emerge continuously.]

The developmental origins of humans' ability to use objects flexibly as tools remains controversial. Although the dominant approach for conceptualizin...
80KB Sizes 2 Downloads 0 Views