COURRIER

DES L E C T E U R S

Tamponnade h@morragique imputable au seul traitement anti vitamine K A. DACOSTA*, CI. COMTET**, B. TARDY**, J.M. GUY*, Y. PAGE**, F. ZCNI**, J.CI. BERTRAND** RevMed

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Les tamponnades h6morragiques (TH) repr~sentent une complication rare des traitements anticoagulants oraux et leur survenue est exceptionnelle en I'absence de cause locale ou g~n~rale favorisante. Nous rapportons un tel cas. En 1986, un homme de 80 ans, sans antecedent particulier cardio-pulmonaire, est hospitalis~ pour une phl~bite avec embolie pulmonaire mod~r~e. Sur la visualisation d'un caillot d'allure flottante, f~moro poplit~, un filtre cave de Greenfield est mis en place et un relais par anti-vitamines K (AVK) est effectu~ apr~s 10 jours d'anticoagulation par h~parine. L'enqu~te ~tiologique de cette maladie thrombo-embolique s'av~re n(~gative. Le 2 Janvier 1989, alors que le traitement AVK a ~t(~ poursuivi sans raison particuli&e avec un International Normalized Ratio (INR) entre 2.5 et 3, le patient pr~sente une dyspn~e brutale ainsi que des douleurs p&i-ombilicales sans contexte f~brile. Le 5 Janvier 1989, une perte de connaissance br~ve Iors d'un effort mod&~ motive son hospitalisation. A I'admission, le patient pr(~sente une dyspn~e de stade IV, sans fi~vre, sans douleur thoracique. La pression artOielle systolique est ~ 100 mmHg sans anisotension, le pouls ~ 120 sans signe de Kussmaul. L'auscultation ne r~v?~le ni souffle, ni frottement, mais des bruits du cceur assourdis. II existe (~galement une h~patom~galie douloureuse & 4 cm ainsi qu'une turgescence des veines jugulaires. La radiographie du thorax montre une cardiom~galie stade I11avec un ~panchement pleural gauche et I'~lectrocardiogramme un rythme sinusal ainsi qu'une alternance ~lectrique. Sur le plan biologique, on note une insuffisance r(~na[e aigu~ (cr~atinine ~ 265 mol/ml), une cytolyse h~patique majeure (ALAT et ASAT ~ 15 fois la normale) et un taux de prothrombine effondr~ ~ 10 %. L'h~moglobine est 10 g/100 ml, les plaquettes ~ 170 000/ram 3, la recherche de complexes solubles et de produits de d~gradation de la fibrine s'av~re n6gative. L'~chocardiographie 2D confirme le diagnostic de tamponnade aigu~, 1 200 ml de liquide h~morragique non coagulable sont ~vacu~s par p~ricardosynth~se et un drainage chirurgica[ avec biopsie est r(~alis~. L'~volution sous antiinflammatoires non st~rofdiens est bonne autorisant un retour domicile apr~s un mois d'hospitalisation. Sur le plan ~tiologique les diff&entes ~chographies n'objectivent ni myocardiopathie ni valvulopathie sous jacentes et les diff~rents examens pratiqu~s (scanner thoracique, imagerie par r~sonance magn~tique thoracique, fibroscopie bronchique, gastroscopie, ~chographie abdominale) ne mettent pas en (~vidence de cause Ioco-r~gionale. Aucune cause bact~rienne, virale, immunologique ou h(~mopathique n'est ~galement retrouv6e et il n'y a pas d'argument anatomopathologique pour une connectivite ou une n~oplasie p~ricardique. Enfin I'interroga-

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toire du patient et de son entourage n'a pas permis de trouver la cause notamment m~dicamenteuse ou alimentaire susceptible d'interf&er sur le m~tabolisme des AVK Revu un an plus tard en consultation, le patient est asymptomatique et I'~chographie cardiaque reste sans particularit& Les tamponnades h~morragiques induites par un traitement anticoagulant sont exceptionnelles. Dans une s~rie de 565 patients trait(~s par AVK un seul cas de TH est rapport~ parmi 12 % d'accidents h~morragiques (1) ; dans une autre s&ie de 600 patients ayant b~n~fici~ d'un remplacement valvulaire et trait~s par AVK i l n'y a q ue deux cas d'h~mop~ricardes sans tam pon nade sur 11 cas d'accidents h~morragiques graves (2). D'autres cas de TH Iors de traitement AVK ont ~t~ ponctuellement rapport(~s mais il existaittoujours une cause Ioco-r~gionalefavorisante (p~ricardite virale, p~ricardite constrictive, infarctus du myocarde, une chirurgie cardiaque...). Chez notre patient aucune cause n'a ~t~ mise en ~vidence et il semblerait donc s'agir du 3~mecas de TH imputable au traitement AVK, deux cas ayant ~t~ pr~c~demment rapport~s (3). Cette observation permet ~galement de rappeler que le risque h(~morragique d'un traitement AVK est parfaitement corr~l~ avec sa dur~e et son intensit(~ (4), comme cela ~tait le cas chez notre patient (3 ans de traitement et INR entre 2.5 et 3). 1. Seth Landefeld C, Goldman L. Majorbleedingin outpatientstreatedwith warfarin : incidenceand predictionby factorsknownat the startof outpatienttherapy. AmJ Med 1989 ; 87 : 144-52. 2. ErdmanS, SalomonJ, LevyMJ. Haemopericardiumas a latecomplicationin anticoagulanttherapyfollowingmitra[valvereplacement.ScandJThorCardiovasc Surg1976 ; 10:205-7. 3. Fell SC, Rubin IL, Enselberg CD, Hurwitt ES. Anticoagulant-inducedhemopericardiumwith tamponnade: its occurrencein the absenceof myocardial infarctionor pericarditis.N EnglJ Med 1965 ;272:670-4. 4. LevineMN, RaskobG, Hirh J. Hemorrhagiccomplicationsof long-termanticoagulanttherapy.Chest1989 ; 95 : 26S-36S. * Service de Cardiologie ; HOpital Nord ; CHU ; SAINT PRIESTEN JAREZ. ** Service d'Urgence et de R6animation M~dicale ; CHU Bellevue ; Boulevard Pasteur ; 42023 SAINT E-TIENNE C6dex.

Correspondance: Dr CI.COMTET; Serviced' UrgenceetdeROanimationMOdicale ; CHU Bellevue; BoulevardPasteur; 42023 SAINTI~TIENNEC~dex.

Thrombop@nie survenant au cours d'un traitement par le propranolol J. BRUNOT*, C. SGRO**, G. LANTERNIER***, P. FABBRI*, Y. MORVAN*, P. HARDEL****, B. GONTIER**** R e v M e d I n t e r n e 1 9 9 2 ; 13 : 3 2 3 - 3 2 4 .

Les m~dicaments b~ta-bloquants sont utilis~s ~ grande 6chelle dans le traitement de nombreuses affections cardiovasculaires. IIs donnent lieu h la survenue d'un certain nombre d'effets ind~sirables bien connus et peuvent, tr?~srarement, entra~ner I'apparition

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d'une thrombocytop~nie. Le propranolol (Avlocardyl®), introduit en th&apeutique en 1962, n'a ~t~ mis en cause que dans 7 observations de la [ittErature. Nous rapportons le cas d'un patient trait~ pour une myocardiopathie hypertrophique, qui a pr6sent~ une thrombocytop~nie dans la gen~se de laquelle la responsabilit(~ du propranolol parait vraisemblable.

OBSERVATION Un homme de 53 ans ~tait hospitalis~ en octobre 1989, pour I'aggravation d'une dermatopolymyosite. Dans ses ant~cOdents, on retenait I'existence d'une cardiomyopathie hypertrophique qui motivait un traitement par propranolol ~ la dose de 120 ms/ jour depuis le mois de juin 1988. L'histoire clinique dObutait en juin 1989 par la survenue d'un ~ryth~me indur~ de la face, du tronc et des membres, associ~ des douleurs musculaires des ceintures. Le diagnostic de dermatopolymyosite ~tait retenu en septembre 1989 sur I'association d'arguments cliniques (oed?~me liliac~ du visage, &yth~me en bande des mains et des jambes), biologiques (~l~vation modOr~e des enzymes musculaires), Olectriques (syndrome rnyogEne au niveau du deltoi"de avec activit(~ anormale de repos) et histologiques (?lots de n~crose musculaire avec image de centralisation nuclOaire, infiltrat lymphoplasmocytaire). Le traitement par prednisolone (Solupred ®) ta la dose de 1 mg/kg/jour 6tait d~but~ le 21 septembre 1989, mais I'(~volution (~tait rapidement dOfavorable avec, en trois semaines, majoration des signes musculaires cliniques, apparition de troubles de la d~glutition, (~l~vation importante des enzymes musculaires et diffusion des signes ~lectro-rnyographiques. Les doses de prednisolone ~taient alors port~es ~ 2 mg/kg/jour le 19 octobre 1989. Le 20 novembre, apparaissait une thrombop~nie mod6r~e qui s'aggravait progressivement jusqu'au 14 d(~cembre oE elle atteignait son nadir h 49 000/ram 3. Cette thrombop~nie ~tait d'origine p(~riph6rique : my61ogramme normalement riche en m~gacaryocytes, presence d'anticorps antiplaquettes de type IgG fixes sur les plaquettes du malade. Dans I'hypothEse d'une thrombop~nie rnOdicamenteuse, tousles produits non indispensables avaient ~t~ arr~t~s :dompOridone le22 novembre, ranitidine le 24 novembre, sans r~sultat. Nous d~cidons alors d'arr~ter ~galement le propranolol le 15 dOcembre. La remont~e des plaquettes sera alors rapide, la normalisation ~tant acquise le 3 janvier 1990 (plaquettes = 187 000/ram3). Le traitement irnmunosuppresseur, rendu n(~cessaire par I'Ovolution de la rnaladle (aziathioprine : 100 mg/jour) a ~tO d~but~ le 2 janvier 1990 et ne peut ~tre responsable de la normalisation de la numeration des plaquettes. L'(~volution ult&ieure a ~t~ favorable. Le propranolol a 6t~ remplac~ par un inhibiteur calcique sans efficacitO sur la maladie cardiaque, pu is par I'at~nolol (Tenormine ®) sans que la thrombop6nie ne r(~cidive.

DISCUSSION La survenue de thrombop6nies li6es ~ un traitement b~tabloquant, a ~t(~jusqu'~, pr(~sent peu rapportOe. En ce qui concerne le propranolol, 7 cas sont cites dans la litt&ature : 6 sont rOpertori~s au Comitee of Safety on Medicines par Petrie et coil entre mars 1964 et d~cernbre 1974 (1), et 1 cas est dOcrit par Harris en 1966 (2). La survenue de cette thrombopOnie un an aprEs I'introduction du propranolol, est, sur le plan chronologique, compatible avec

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Courrier des lecteurs

I'imputabilit~ de cette molecule et I'~volution favorable dans les suites imm~diates de I'arr6t de ce seul traitement est suggestive de cette imputabilit6 selon la m~thode fran~aise de pharmacovigilance (3). La survenue de cet effet ind6sirable tardif, puisqu'apparu un an awes le dObut du traitement, peut s'expliquer par les conditions immunologiques particuli?~res qui existent au cours d'une dermatopolymyosite, bien qu'aucune ~l(~vation de fr6quence d'effets ind~sirables de m6dicaments n'ait ~t~ d~crite, ~ notre connaissance, au cours de cette affection. Par ailleurs, la responsabilit~ du propranolol dans 1'6tiologie de cette dermatopolymyosite, para?t peu vraisemblable ; si certains bOta-bloquants ont pu ~tre considOr~s comme responsables de pathologies autoimmunes induites, il s'agit le plus souvent d'anomalies biologiques isol~es et I'atteinte musculaire ne fait pas partie des I~sions habituelles, en tout cas pr~dominantes, des lupus induits (4). Une atteinte musculaire m~dicamenteuse a pu ~tre imput6e ~ un traitement par propranolol (5), mais il ne s'agissait pas d'une atteinte inflammatoire, en particulier sur le plan histologique : en outre, les troubles musculaires s'~taient totalement normalis~s l'arr~t du traitement. Au cours de l'~volution d'une maladie syst~mique d'(~tiologie auto-immune, la survenue d'une anomalie clinique ou biologique inhabituelle, doit donc faire ~voquer une ~tiologie m~dicamenteuse, rn~me si celle-ci n'est que rarernent d(~crite dans la litt&ature. 1. PetrieJC,GallowayDB,JeffersTA,WebsterJ.Adversereactionsto beta-blocking drugs : a review. PostgradMed J 1976 ; 52 (suppl.4) : 63-9. 2. HarrisA. Longtermtreatmentof paroxysmalcardiacarrhythmiaswith propranolol. Am J Cardiol 1966 ; 18 : 431-7. 3. BegaudB, EvreuxJC,JouglardJ, LagierG. Imputabilit~deseffetsinattendusou toxiquesdesm~dicaments.Actualisationde la m~thodeutilis~een France.Th~rapie 1985 ; 40 : 111-8. 4. KahnMF,PeltierAP.Lupusm~dicamenteux,In :Maladiessyst~miques.Flammarion 1985 ; 247-50. 5. ForfarJC, Brown GJ, Cull RE. Proximalmyopathyduringbeta blockade. Br MedJ 24 nov. 1979 ; 1331-2. * Service de M~decine Interne; Centre Hospitalier des Armies Hyacinthe- Vincent ; 21032 DIJON C~dex. ** Centre R~gional de Pharmacovigilance ; HOpital G6n6ral ; 21000 DIJON. *** Service de Dermatologie ; Centre Hospitalier des ArmOes Hyacinthe-Vincent ; 21032 DIJON C6dex. **** Service de Pneurnologie ; Centre Hospitalier des Arm6es Hyacinthe-Vincent ; 21032 DIJON CeSdex.

Correspondanceet Tir~s,~ part : Dr J. BRUNOT ; Centre Hospitalierdes Armies Hyacinthe-Vincent; 21032 DIJONC6dex.

Virus du groupe herp@s et pseudothrombop6nie • 2 cas J.R. HARLE*, P. DISDIER*, M.F. AILLAUD**, L. SWlADER*, P.J. WEILLER* R e v M e d I n t e r n e 1 9 9 2 ; 13 : 3 2 4 - 3 2 5 .

Pi~ge classique et bien connu des cliniciens dans le diagnostic d'une thrombopOnie, la pseudothrombop~nie est de d~couverte souvent forfuite. Elle est due ~ une agglutination in vitro des

La Revue de M~decine Interne Juillet - Aot~t

[Thrombocytopenia occurring during treatment with propranolol].

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