Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 42 (2014) 813–815

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Cas clinique

La vessie : un site rare de me´tastase de cancer du sein The urinary bladder is an uncommon site of metastasis from breast cancer C. Sauvanaud a,b, F. Sergent b,*,d, J.-A. Long a,d, D. Pasquier c,d, G. Saada-Sebag c, J.-L. Descotes a,d, J.-J. Rambeaud a,d a

Service d’urologie et de transplantation re´nale, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France Service de gyne´cologie-obste´trique et me´decine de la reproduction, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France c De´partement d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France d Universite´ Joseph-Fourier, BP 53, 38041 Grenoble cedex 09, France b

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 12 fe´vrier 2014 Accepte´ le 25 juin 2014 ˆ t 2014 Disponible sur Internet le 23 aou

Les me´tastases ve´sicales du cancer du sein sont rares. Le carcinome lobulaire invasif est la forme histologique la plus fre´quente. Cette localisation secondaire peut eˆtre isole´e ou associe´e a` d’autres sites me´tastatiques. Le de´lai d’apparition de la me´tastase est variable. Le pronostic reste sombre. Nous rapportons le cas d’une patiente de 68 ans dont les symptoˆmes urinaires irritatifs ont conduit a` la re´alisation d’explorations urologiques permettant de faire le diagnostic. La survenue de symptoˆmes urinaires chez une patiente avec un ante´ce´dent de cancer du sein doit conduire a` la re´alisation d’une imagerie de l’appareil urinaire et a` une cystoscopie. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Cancer de la vessie Cancer du sein Carcinome lobulaire Me´tastase

A B S T R A C T

Keywords: Bladder cancer Breast cancer Lobular carcinoma Neoplasm metastasis

Bladder metastasis of breast origin are rare. Lobular carcinoma is the most frequent histological subtype of the primary tumor. This secondary location can be the only one or can be associated with other locations. The prognosis is poor. The period between primary breast tumor and the development of bladder metastasis is variable. Herein is reported the case of a 68-year-old woman presenting with irritative disorders. Urological examination was performed and made the diagnosis. When having a history of breast cancer, the occurrence of urinary symptoms require radiographics and a cystoscopy. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction En France, le cancer du sein est le cancer le plus fre´quent de la femme avec, selon l’Inserm en 2010, 52 500 nouveaux cas et 11 500 de´ce`s [1]. On estime ainsi que dans notre pays, une femme sur 9 de´veloppera un cancer du sein au cours de sa vie. En 2005, selon l’Institut national de veille sanitaire, avec 18,9 % des cas, le cancer du sein se classait proportionnellement au premier rang des de´ce`s par cancer chez la femme [2]. Le traitement du cancer du sein

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Sergent). http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.07.015 1297-9589/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

a connu de nombreuses avance´es, avec en premier lieu, la possibilite´ de chirurgie conservatrice du sein graˆce a` l’apport de la radiothe´rapie et ensuite d’actes moins morbides avec le de´veloppement de la technique du ganglion sentinelle en lieu et place du classique curage axillaire [3]. Les chimiothe´rapies (anthraˆ matases, cyclines, taxanes), l’hormonothe´rapie (SERM, anti-aro analogues de la LH-RH), les the´rapies cible´es (trastuzumab Herceptin1) et les antiangioge´niques (bevacizumab Avastin1) ont e´galement ame´liore´ le pronostic de ce cancer, meˆme dans les formes me´tastatiques [4]. La mortalite´ du cancer du sein reste cependant lie´e a` son e´volution me´tastatique avec comme sites pre´fe´rentiels les ganglions lymphatiques, le poumon, le foie, l’os et le cerveau [5].

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L’atteinte me´tastatique ve´sicale du cancer du sein est rarement repe´re´e. Seule une quarantaine de cas ont e´te´ de´crits depuis 1956, d’ailleurs ge´ne´ralement constate´s au cours d’autopsies [6]. Nous rapportons un nouveau cas de me´tastase ve´sicale de cancer du sein de´couvert lors d’explorations urologiques et discutons ses particularite´s ainsi que sa prise en charge. 2. Observation En 2012, Mme B., 68 ans, consultait en raison de symptoˆmes d’urgenturie et de pollakiurie sans signes ge´ne´raux associe´s. On notait dans ses ante´ce´dents, en 1999, un carcinome lobulaire infiltrant (CLI) du sein gauche de 8 mm, classe´ pT1b pN0 (0/8) M0, SBR 1, RH+, traite´ par tumorectomie, curage axillaire puis radiothe´rapie externe et hormonothe´rapie (tamoxife`ne). Le suivi e´tait re´gulier et la patiente e´tait conside´re´e en re´mission avec une hormonothe´rapie interrompue au-dela` de 5 ans. Concernant le proble`me urologique re´cent, l’examen cytologique des urines n’e´tait pas contributif. L’uroscanner montrait un e´paississement parie´tal ve´sical irre´gulier avec infiltration du bas urete`re droit responsable d’une ure´te´ro-hydrone´phrose droite (Fig. 1) ainsi que des le´sions oste´olytiques du rachis. Il n’y avait pas d’e´le´ment sur les donne´es de ce scanner orientant vers une atteinte de l’ute´rus ou de ses annexes, ni d’e´le´ment en faveur de l’existence d’une carcinose pe´ritone´ale. Le scanner thoracique et la scintigraphie osseuse re´ve´laient des le´sions suspectes pulmonaires et osseuses. La cystoscopie mettait en e´vidence un aspect pseudo-tumoral au niveau du trigone ve´sical remontant sur les faces late´rales de la vessie obstruant l’orifice ure´te´ral droit (Fig. 2). Une re´section transure´trale de vessie e´tendue et profonde e´tait re´alise´e associe´e au

Fig. 2. Cystoscopie : aspect pseudo-tumoral au niveau du trigone ve´sical remontant sur la face late´rale droite de la vessie et obstruant l’orifice ure´te´ral.

drainage du rein droit par sonde ure´te´rale. L’examen anatomopathologique des copeaux de re´section montrait un envahissement par un carcinome infiltrant peu diffe´rencie´ vraisemblablement d’origine mammaire de type lobulaire (Fig. 3) n’exprimant pas en immuno-histochimie les anticorps anti E-cadhe´rine, mais exprimant les anticorps aux re´cepteurs aux estroge`nes et a` la progeste´rone dans respectivement 80 % et 10 % des cellules, avec un index de prolife´ration a` 8 % des cellules marque´es par MIB-1

Fig. 1. Uroscanner avec aspect infiltre´ de la paroi ve´sicale et ste´nose de l’urete`re iliaque droit.

Fig. 3. Coupe histologique de copeaux de re´section de vessie montrant une infiltration par du carcinome lobulaire infiltrant. HES  10.

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(anticorps dirige´ contre l’antige`ne Ki-67), une absence de surexpression de la prote´ine Her2 a` la surface des cellules. Une hormonothe´rapie par antagoniste compe´titif des re´cepteurs aux œstroge`nes de type fulvestrant (Faslodex1) e´tait instaure´e conduisant a` une disparition des signes irritatifs ve´sicaux a` 5 mois, une cystoscopie normale a` 9 mois et une stabilite´ des le´sions pulmonaires et osseuses. Avec un recul de 13 mois, Mme B. conservait un bon e´tat ge´ne´ral. 3. Discussion Les tumeurs cance´reuses de vessie sont plus souvent primitives (95,5 %) que secondaires (4,5 %) [7]. En cas de localisation secondaire, la tumeur primitive responsable des me´tastases ve´sicales peut eˆtre d’origine cutane´e (me´lanome), pulmonaire, gastrique, plus rarement mammaire [7,8]. Par de´duction, notre cas correspondait bien a` une me´tastase ve´sicale d’un cancer du sein. L’absence d’anticorps anti E-cadhe´rine e´liminait une tumeur primitive ve´sicale. Comme 3 % des me´tastases ve´sicales sont d’origine mammaire, les ante´ce´dents de la patiente orientaient volontiers vers le diagnostic de me´tastase ve´sicale d’un cancer du sein. La pre´sence de re´cepteurs hormonaux en immuno-histochimie et la re´ponse the´rapeutique a` l’hormonothe´rapie confortaient l’ide´e d’une origine mammaire a` cette localisation me´tastatique. Classiquement, le CLI est le type histologique le plus souvent identifie´ en cas de me´tastase ve´sicale d’un cancer mammaire. La forme histologique lobulaire du cancer du sein de notre patiente repre´sentait donc un e´le´ment de pre´somption fort en faveur d’une me´tastase ve´sicale d’un cancer du sein. Un des me´canismes e´voque´s pour expliquer les tumeurs secondaires de vessie serait l’existence d’emboles de cellules ne´oplasiques qui par voie he´matoge`ne traverseraient la circulation pulmonaire, produisant ou pas des me´tastases pulmonaires, mais en tout cas en ge´ne`reraient en arrivant dans la vessie [6]. Pour Pontes et Oldford [9], l’atteinte ve´sicale me´tastatique d’un carcinome mammaire serait en fait secondaire a` sa diffusion re´trope´ritone´ale plus fre´quente d’ailleurs dans le type lobulaire que dans le type canalaire. Le de´lai d’apparition des me´tastases ve´sicales d’un cancer du sein est variable. Leur expression clinique de´pend avant tout du degre´ d’infiltration ve´sicale par la tumeur. La survenue d’une infiltration massive de la vessie responsable d’obstruction, d’he´maturie macroscopique ou de signes d’irritation ve´sicale est plutoˆt tardive, ce qui explique la faible incidence des me´tastases ve´sicales diagnostique´es [10]. Pour certains, les me´tastases des CLI surviennent ge´ne´ralement a` l’arreˆt de l’hormonothe´rapie, ce qui e´tait effectivement le cas dans notre observation mais ne´anmoins bien a` distance [11]. Le pronostic du cancer du sein en cas d’atteinte ve´sicale est sombre. Il rejoint celui des cancers du sein me´tastatiques dont la me´diane de survie est de 18 a` 30 mois [5].

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La prise en charge chirurgicale n’a qu’un inte´reˆt le plus souvent diagnostique. Comme pour les autres formes me´tastatiques de cancer du sein, la strate´gie the´rapeutique est avant tout me´dicale (chimiothe´rapie, hormonothe´rapie, the´rapies cible´es telles que Trastuzumab Herceptin1 en cas de tumeur exprimant Her2) [11]. Parfois, comme dans notre cas, l’infiltration ve´sicale peut ne´cessiter un traitement chirurgical a` vise´e symptomatique afin d’assurer l’he´mostase d’une me´tastase he´morragique [6] ou le drainage des urines en cas de le´sion ste´nosante des bas urete`res. 4. Conclusion Une symptomatologie urinaire marque´e chez une patiente avec un ante´ce´dent de carcinome mammaire, au meˆme titre que des douleurs osseuses, des signes pulmonaires ou des troubles neurologiques, doit conduire a` demander des explorations comple´mentaires. L’exploration de l’arbre urinaire repose en premier lieu sur l’uroscanner et la cystoscopie. Dans ce contexte, une me´tastase ve´sicale d’un carcinome mammaire doit eˆtre e´limine´e. Son existence est le te´moin d’une e´volution de´favorable de la pathologie mammaire initiale. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Le cancer du sein - Dossiers the´matiques de l’Inserm, disponible a` l’adresse suivante en 2014. http://www.inserm.fr/thematiques/cancer/dossiers/cancer-du-sein. [2] Belot A, Velten M, Grosclaude P, Bossard N, Launoy G, Remontet L, et al. Maladies chroniques et traumatismes. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalite´ par cancer en France entre 1980 et 2005. Francim, HCL, INCa, InVS; 2005 , Disponible a` l’adresse suivante : http://www.invs.sante.fr/publications/2009/estimation_cancer_1980_2005/estimation_cancer_1980_pdf. [3] Barranger E, Houvenaeghel G, Classe JM. Prise en charge axillaire dans le cancer du sein : enqueˆte de pratique franc¸aise. Gynecol Obstet Fertil 2013;41:433–6. [4] Beuzeboc P. Indications de l’Herceptin1 dans le traitement du cancer du sein. Gynecol Obstet Fertil 2004;32:164–72. [5] Gennari A, Conte P, Rosso R, Orlandini C, Bruzzi P. Survival of metastatic breast carcinoma patients over a 20-year period: a retrospective analysis based on individual patient data from six consecutive studies. Cancer 2005;104: 1742–1750. [6] Wong MH, Yiu MK, Ho KL. Metastatic carcinoma of breast in the urinary bladder. Hong Kong Med J 2013;19:455–7. [7] Bates AW, Baithun SI. Secondary neoplasms of the bladder are histological mimics of nontransitional cell primary tumours: clinicopathological and histological features of 282 cases. Histopathology 2000;36:32–40. [8] Toledano H, Vise´e C, Arroua F, Rossi D, Bastide C. Bladder metastasis of malignant melanoma: a case report and review of literature. Prog Urol 2009;19:139–41. [9] Pontes JE, Oldford JR. Metastatic breast carcinoma to the bladder. J Urol 1970;104:839–42. [10] Velcheti V, Govindan R. Metastatic cancer involving bladder: a review. Can J Urol 2007;14:3443–8. [11] Hild C, Talha-Vautravers A, Hoefler P, Zirabe S, Bellocq JP, Mathelin C. La linite gastrique me´tastatique : une e´volution peu connue des carcinomes mammaires. Gynecol Obstet Fertil 2014;42:47–50.

[The urinary bladder is an uncommon site of metastasis from breast cancer].

Bladder metastasis of breast origin are rare. Lobular carcinoma is the most frequent histological subtype of the primary tumor. This secondary locatio...
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