Synthèse General review

Volume 100 • N◦ 11 • novembre 2013 John Libbey Eurotext

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Chirurgie des métastases osseuses du bassin et du squelette appendiculaire The surgical treatment of metastases in the appendicular skeleton Christophe Szymanski Tirés à part

CHRU de Lille, service d’orthopédie A, rue Émile-Laine, 59000 Lille, France Pour citer cet article : Szymanski C. Chirurgie des métastases osseuses du bassin et du squelette appendiculaire. Bull Cancer 2013 ; 100 : 1153-62. doi : 10.1684/bdc.2013.1848.

Résumé. La chirurgie orthopédique tient une place importante dans le traitement des métastases osseuses des cancers. Elle s’intègre dans une prise en charge pluridisciplinaire qui vise à améliorer le confort et l’autonomie du patient. L’atteinte des os longs présente un risque fracturaire important qu’il est nécessaire d’évaluer afin de proposer, le cas échéant, un traitement préventif. Les possibilités thérapeutiques sont multiples : ostéosynthèse préventive, ostéosynthèse pour fracture, cimentoplastie adjuvante, reconstruction prothétique, exérèse large. . . Le choix du traitement chirurgical s’appuie sur l’espérance de vie et le risque fonctionnel de la lésion secondaire. Du palliatif au curatif, la chirurgie des métastases osseuses évolue désormais avec l’avènement de nouvelles chimiothérapies anticancéreuses.  Mots clés : métastase, cancer, chirurgie

doi : 10.1684/bdc.2013.1848

Introduction Les fractures pathologiques des os longs chez les patients présentant une tumeur maligne primitive posent des difficultés spécifiques, notamment dans leur prise en charge chirurgicale. Leur survenue ainsi que leur traitement peuvent influencer la survie et la qualité de la survie du patient [1]. Le principal risque reste l’avènement d’une fracture pathologique. Celle-ci est souvent secondaire à une lyse corticale importante (50 %) majorée par une éventuelle biopsie en cas de doute diagnostique, ou à la nécrose tumorale après chimiothérapie. La localisation la plus fréquente des fractures sur lésions secondaires est le fémur, suivi de l’humérus et du tibia [2, 3]. L’incidence des fractures pathologiques chez ces patients oscille entre 10 et 30 % selon les études [2, 4-6]. Une évaluation du risque fracturaire est indispensable afin de pouvoir proposer aux patients une prise en charge chirurgicale préventive avant la survenue de la fracture, car celle-ci péjore leur avenir et leur survie. Des facteurs prédictifs de la survenue de la fracture patholoBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

Abstract. The orthopedic surgical treatment of metastases is very important in the treatment of osteophile cancers. The surgical option is always proposed after a multidisciplinary decision. The main risk of the metastases is the pathological fracture. This risk has to be evaluated and a preventive treatment can often be performed. The surgical options are multiple: such as preventive osteosynthesis, pathological fracture treatment, reconstruction with prosthesis, carcinological excision. . . The choice of the treatment is support on the life expectancy and the functional risk of the metastatic bone lesion. 

Key words: surgery, metastasis, bone cancer

gique vont nous aider à la décision chirurgicale [7, 8]. La sélection des patients qui vont devoir subir cette chirurgie lourde et spécialisée doit se faire en collaboration étroite avec l’ensemble des praticiens prenant en charge ces patients, d’où l’importance des réunions de concertation multidisciplinaire avant toute décision thérapeutique. Lorsque l’indication chirurgicale est retenue, celle-ci sera généralement palliative. Le but étant de soulager le patient en maintenant au maximum son autonomie. Toutefois, dans de rares cas, une chirurgie à visée carcinologique peut être proposée [9, 10]. Une prise en charge multidisciplinaire entre oncologue, radiothérapeute, chirurgien et radiologue permettra de proposer une prise en charge séquentielle et adaptée. Ainsi, la radiothérapie sera souvent proposée après la chirurgie stabilisatrice, parfois associée à une éventuelle chimiothérapie. Dans cet article, nous détaillons les principes de la stratégie chirurgicale de la prise en charge des lésions osseuses secondaires du squelette appendiculaire (ensemble du squelette excepté les vertèbres, le thorax et le crâne) et du bassin.

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Indication et évaluation des patients L’indication doit être posée au sein d’une équipe multidisciplinaire ayant en charge le patient et disposant de l’ensemble des moyens nécessaires au diagnostic et à leur évaluation globale. Ainsi, l’indication repose sur l’utilisation d’échelles d’évaluation clinique et d’un bilan radiologique complet permettant une prise en charge adaptée.

Intérêt d’une biopsie Le diagnostic de lésion secondaire doit être posé de manière certaine. La présence d’une lésion osseuse unique ne doit pas faire méconnaître une tumeur osseuse primitive. Une lésion osseuse sans histoire de cancer doit être prise en charge et faire l’objet d’examens complémentaires comme une tumeur osseuse primitive jusqu’à preuve du contraire. Parfois, la survenue d’une lésion d’allure secondaire très éloignée de la prise en charge de la tumeur initiale ne doit pas détourner le clinicien de la recherche d’une lésion tumorale primitive. Ainsi, il existe certaines associations de cancers décrites dans la littérature, telle l’association entre néoplasie bronchique et chondrosarcome à distance [11]. Cependant, la prise en charge des lésions primitives est totalement différente de celle des lésions secondaires. Il ne faut donc pas se priver d’un diagnostic de certitude avant tout geste qui pourrait compromettre une éventuelle prise en charge curative en cas de tumeur osseuse primitive. Ces cas litigieux seront discutés en réunion de consultation multidisciplinaire et une biopsie peut parfois être proposée. En effet, même si la métastase osseuse est inaugurale de la maladie dans 30 % des cas, la tumeur primitive demeure inconnue malgré un bilan exhaustif dans 15 % des cas. En effet, la réalisation d’un examen physique minutieux, d’un bilan sanguin complet, d’un scanner thoraco-abdominal et d’une scintigraphie osseuse permettent de poser le diagnostic de lésion secondaire dans 85 % des cas [12]. S’il persiste le moindre doute, une biopsie doit être proposée. Celle-ci devra suivre les principes des biopsies des lésions tumorales primitives afin de ne pas compromettre un futur traitement curatif. Elle pourra être réalisée par voie chirurgicale directe ou scano-guidée. Elle permettra d’apporter un diagnostic de certitude ou de fournir des arguments pronostiques sur la chimio- et radiosensibilité de la métastase [3]. Le caractère vascularisé de la tumeur peut également être analysé nous poussant à la réalisation d’une éventuelle embolisation préopératoire afin d’éviter tout risque hémorragique majeur peropératoire [13].

Évaluation clinique Les modes de révélation de métastases osseuses sont multiples : douleur d’un membre, fracture patho-

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logique, compression médullaire ou hypercalcémie maligne avec insuffisance rénale. Le choix thérapeutique va s’appuyer sur deux principaux paramètres : l’espérance de vie et le risque fonctionnel. Le chirurgien prendra en compte les caractéristiques de l’atteinte osseuse : type de cancer primitif, nombre de métastases, localisation, l’état du tissu osseux adjacent et le risque fracturaire ou compressif en cas de métastase vertébrale [14]. Outre les caractéristiques spécifiques de l’atteinte osseuse, il faudra évaluer l’état général du patient (indice de Karnovsky, etc.) et son espérance de vie. En effet, un patient susceptible de présenter une survie prolongée sera, en fonction du type de cancer et du nombre de métastases, un possible « candidat » à une exérèse carcinologique ou à une reconstruction stable. À un patient en fin de vie, présentant des métastases osseuses multiples, on proposera davantage un traitement général (biphosphonates) associé à des traitements antalgiques [15]. Le cas intermédiaire concernera le patient dont l’espérance de vie est courte mais dont l’état général est conservé : une chirurgie préventive palliative (ostéosynthèse préventive ou prise en charge de la fracture pathologique) pourra être proposée. Ainsi, l’analyse clinique devra être complète et évaluer : – la douleur métastatique qui est souvent de tonalité mixte, sourde, réfractaire, résultant de la destruction osseuse ; – le confort de vie qui peut dépendre de la douleur et d’autres paramètres pris en compte dans l’indice de Karnovsky [16], qui sera utilisé avant un éventuel geste chirurgical. Cet indice de qualité de vie est utilisé en routine par les oncologues ; – l’état général du patient évalué selon la cotation ASA (American Society of Anasthesiologists) de 1 (patient sain) à 5 (patient moribond).

Bilan d’imagerie préopératoire Un bilan radiologique adapté est indispensable à l’évaluation d’une lésion métastatique ainsi qu’à la planification opératoire en vue de la réalisation du geste le plus adapté. Il permettra de faire le point sur l’atteinte globale de la maladie métastatique squelettique et générale [17]. Le bilan de l’atteinte squelettique passera par une imagerie de l’ensemble des lésions dépistées en radiologie standard ou en Pet Scan. Une imagerie plus précise et centrée sur la lésion devra ensuite être réalisée (tomodensitométrie [TDM] ± IRMN).

La radiographie standard Il s’agit d’un moyen d’imagerie peu coûteux et facile d’accès. Les clichés seront réalisés en première intention et centrés sur les zones douloureuses suspectes. Il convient de réaliser des images du membre entier pour ne pas négliger des lésions multifocales. Cet examen Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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n’est pas le plus sensible mais permettra de fournir des informations sur le caractère lytique ou condensant de la lésion. Il s’agit d’un examen de débrouillage indispensable au chirurgien dans sa planification opératoire. En effet, une métastase sera traitée différemment en fonction de sa localisation au niveau de l’os et la proximité d’une articulation. Ainsi, les clichés devront toujours bilanter les articulations sus- et sous-jacentes. Une lésion du fémur s’accompagnera de la réalisation d’un cliché de bassin de manière systématique. C’est l’atteinte des corticales qui déterminera le risque fracturaire. Celui-ci peut parfois s’avérer difficile à évaluer mais il est admis qu’une ostéolyse de plus de 50 % sur la corticale visible sur toutes les incidences est à haut risque fracturaire [17]. Des critères radiologiques ont été proposés par Mirels [8] pour définir un risque fracturaire éventuel sur les lésions des membres inférieurs. Il est basé sur la localisation lésionnelle, la taille et l’aspect radiologique. Un score de Mirels supérieur ou égal à 7 représente pour une métastase un haut risque fracturaire dans les six mois et l’indication chirurgicale sera retenue. Dans le cas contraire, une radiothérapie antalgique peut être discutée (tableau 1). En cas de doute sur une lésion infra-radiologique, une imagerie complémentaire plus précise sera demandée.

Le CT scan (tomodensitométrie ou scanner) Il s’agit d’un examen plus précis que les radiographies standards pour évaluer l’atteinte corticale et l’aspect lytique des métastases osseuses. Il sera réalisé sur toutes les lésions osseuses suspectes radiologiquement ou symptomatiques cliniquement. Il ne s’agit pas d’un examen de débrouillage ou de première intention, il sera proposé pour l’évaluation plus précise d’une lésion en vue d’une éventuelle chirurgie ou d’une cimentoplastie [18]. Par ailleurs, le scanner thoraco-abdominal fera le bilan des lésions viscérales à prendre en compte dans l’évolution pronostique globale du patient [19].

L’IRMN Il s’agit de l’examen d’imagerie le plus sensible pour le bilan de la maladie métastatique, plus performant que la scintigraphie osseuse dans le dépistage des lésions infracliniques [20-23]. L’indication sera portée en cas

de suspicion de lésion avec un bilan radiologique et scintigraphique non contributifs. Par ailleurs, dans certains cas, l’examen sera demandé pour visualiser l’atteinte aux parties molles qui pourrait faire modifier la décision thérapeutique (figure 1). Toutefois, le coût et l’accessibilité à l’examen n’en font pas une imagerie de routine. L’IRM au corps entier est proposée dans le diagnostic métastasique de certains ostéosarcomes primitifs, mais son utilisation dans le bilan de la maladie métastatique osseuse secondaire reste encore à évaluer et valider [24, 25]. En pratique, un bilan radiologique standard sera toujours réalisé en prenant soin de radiographier l’ensemble du membre atteint avec les articulations sus- et sous-jacentes. Un scanner complémentaire centré sur chaque lésion permettra de confirmer l’atteinte corticale et de choisir le traitement chirurgical adapté. L’IRMN ne sera réalisée qu’en cas de doute diagnostique mais jamais de manière systématique en première intention.

Le Pet Scan Il s’agit d’un examen plus sensible que la radiographie standard et plus spécifique que la scintigraphie conventionnelle [26]. Il est utilisé pour le bilan général de la maladie métastatique, pour la recherche de la tumeur primitive et pour le suivi ainsi que la réponse à la chimiothérapie éventuelle. Les lésions dépistées sont parfois visibles entre deux à 18 mois avant leur apparition en radiologie conventionnelle [27]. L’accessibilité et le coût de l’examen peuvent le rendre difficile d’accès pour certains patients. Son intérêt a toutefois été démontré dans le suivi des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules [28]. Cet examen permet simplement d’avoir en préopératoire un reflet de la maladie métastatique du patient.

Évaluation du patient Les bilans clinique et radiologique nous permettent d’évaluer l’état général du patient et de proposer le cas échéant, après concertation, une prise en charge chirurgicale adaptée. Celle-ci devra tenir compte des objectifs suivant : lutter contre les douleurs, restaurer ou préserver la fonction et la mobilité, maintenir ou améliorer la qualité de vie des patients. La chirurgie est

Tableau 1. Score pronostique de risque fracturaire de Mirels. Score Site Douleur Aspect radiologique standard Taille (atteinte corticale)

1 Membre supérieur Faible Condensant < 1/3

2 Membre inférieur Modérée Mixte 1/3 à 2/3

3 Per-trochantérien Mécanique Lytique > 2/3

Score < 6 : radiothérapie ; score > 8 : indication de chirurgie.

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Figure 1. A) Métastase ostéolytique d’un néo-rénal, d’aspect non menac¸ant. B) Aspect en IRM, réalisée devant des douleurs importantes, objectivant un important envahissement des parties molles adjacentes et une lyse de 50 % de la corticale. Indication d’enclouage préventif.

ainsi souvent palliative car simplement symptomatique sur la douleur et la fonction. Le but étant d’amener le patient dans les meilleures conditions possibles vers le traitement complémentaire (chimiothérapie ou radiothérapie). Le but de la chirurgie n’étant pas de « guérir » le patient mais de le soulager et d’améliorer sa qualité de vie. La décision chirurgicale sera prise si l’espérance de vie du patient lui permet de récupérer suffisamment rapidement pour profiter de l’amélioration de sa qualité de vie. En général, une espérance de vie estimée à moins de six semaines fera contre-indiquer le geste chirurgical. Dans de rares cas, la chirurgie peut être plus curatrice. Elle s’adresse aux cas de métastases uniques, notamment rénales, ou aux tumeurs chimioradiorésistantes ou à haut potentiel de récidive.

Chirurgie La chirurgie des métastases osseuses pourra ainsi être préventive ou curative en cas de fracture. Nous distinguons deux types de lésions. Les lésions diaphysaires des os longs, tels l’humérus, le tibia ou le fémur, et les métastases du bassin et du fémur proximal, qui sont les plus fréquentes et les plus complexes. Dans un premier temps, il s’agit de définir si le patient peut bénéficier d’une prise en charge chirurgicale.

Critères de Damron [29] Cet auteur a décrit quatre critères à prendre en compte avant la prise en charge chirurgicale d’une métastase osseuse (figure 2) :

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– le patient est-il un « candidat » à la chirurgie ? Une évaluation de la survie théorique est indispensable. Le bilan clinique et paraclinique tiendra compte de l’avancée de la pathologie générale, des co-morbidités. Les scores de qualité de vie et d’autonomie seront réalisés. La décision sera obligatoirement prise de manière collégiale en réunion multidisciplinaire. Les bénéfices attendus et la récupération fonctionnelle doivent être compatibles avec la durée de survie probable ; – les implants chirurgicaux utilisés doivent être compatibles avec une remise en charge quasi immédiate autorisant une mobilisation précoce du patient. La durée de vie de ceux-ci doit être supérieure à celle du patient afin d’éviter tout geste complémentaire itératif ; – les implants doivent pouvoir traiter les lésions synchrones patentes ou infracliniques. Les implants d’arthroplastie de hanche devront pouvoir ponter une éventuelle métastase fémorale distale. Des implants longs seront à privilégier afin d’éviter une future fracture pathologique sous un implant trop court ; – la radiothérapie postopératoire doit toujours être discutée et proposée afin de maîtriser l’évolution de la maladie.

Prise en charge des métastases diaphysaires La chirurgie des métastases osseuses répond à des principes différents de la traumatologie ou de l’orthopédie conventionnelle, le but étant d’assurer un renfort mécanique afin de permettre une remise en charge d’emblée. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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Figure 2. Patiente de 44 ans présentant une lésion cervicale fémorale bilatérale sur néoplasie mammaire, symptomatique à gauche, opérée selon les critères de Damron par une prothèse totale de hanche à grande tige, cimentée en prévision de la radiothérapie et avec armature de soutient au niveau du cotyle afin de permettre une verticalisation et une déambulation immédiate.

Les diaphyses les plus fréquemment atteintes par les métastases sont celles du fémur et de l’humérus. Elles sont prises en charge par fixation interne par enclouage centromédullaire verrouillé. Le verrouillage proximal et distal permettra le contrôle des forces de rotation et de compression permettant ainsi une récupération fonctionnelle rapide. Un alésage prudent sur ces os fragiles sera réalisé. Le geste est purement « palliatif » et fonctionnel car la dissémination métastatique endomédullaire est constante mais rendue acceptable par le bénéfice fonctionnel postopératoire et la radiothérapie adjuvante. En cas de fragilisation extrême, une cimentoplastie sans exérèse tumorale carcinologique peut être associée à la mise en place du clou. Pour certaines lésions proches des métaphyses, un abord chirurgical direct sera proposé avec ostéosynthèse par plaque accompagnée d’une cimentoplastie (figure 3).

Excision tumorale et remplacement prothétique En cas d’atteinte épiphysaire ou articulaire, la résection métastasique en bloc peut être une bonne solution pour traiter la métastase osseuse. Elle est également Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

indiquée dans les cas de métastase unique avec le bénéfice de proposer une chirurgie la plus carcinologique possible. Enfin, en cas d’échec ou d’évolutivité d’une lésion épiphysaire initialement traitée par cimentoplastie ou ostéosynthèse préventive, une résection en bloc de la métastase peut être proposée [30]. Toutefois, ces indications demeurent assez exceptionnelles et doivent être réservées à des centres référents car leur complexité et leur coût sont particulièrement élevés (figures 4 et 5) [31].

Prise en charge des métastases du pelvis Un bilan préopératoire comprenant obligatoirement un scanner pelvien est indispensable pour prévoir la planification chirurgicale et le type d’implant retenu [32]. Enneking et Dunham ont différencié trois zones d’atteinte tumorale de l’aile iliaque (zone I : l’aile iliaque ; zone II : le cotyle ; zone III : le cadre obturateur), mais les classifications de Levy et al. et de Harrington sont les plus communément retenues dans la littérature pour ces lésions métastatiques [33, 34]. Les lésions sont classées de 1 à 3 ou de mineures à massives en fonction de l’atteinte de la surface quadrilatère, du

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Figure 3. Exemples de synthèses diaphysaires. A) Fémur droit avec enclouage centromédullaire verrouillé sur lésion du tiers moyen de la diaphyse fémorale. B) Lésion semblable sur le tibia. C, D) Lésion métaphysaire du fémur avec cimentoplastie peropératoire renforcée par plaque verrouillée.

G G

Figure 4. Exemple d’échec de cimentoplastie distale de fémur chez une patiente présentant une prothèse de hanche du même côté. Indication de résection en bloc de la métastase devant sa proximité avec l’articulation du genou et mise en place d’une plaque latérale pour prévenir une éventuelle fracture entre la queue de l’implant proximal et distal.

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Figure 5. Patient présentant une métastase rénale unique humérale proximale. Indication d’exérèse carcinologique avec implantation d’une prothèse de reconstruction humérale proximale.

toit et des parois antérieures et postérieures du cotyle. Une embolisation préopératoire de la tumeur pelvienne la veille de l’intervention chirurgicale est souhaitable en cas de lésion très importante. La voie d’abord sera discutée en fonction du geste envisagé et des habitudes de chaque équipe chirurgicale. Le plus souvent, il s’agit d’une voie standard (postérolatérale) de chirurgie prothétique. Parfois, il faudra envisager une voie élargie, par exemple iliofémorale. Le type d’implant sélectionné doit être planifié de la fac¸on la plus précise possible. Ainsi, il faut prévoir au niveau cotyloïdien un anneau de renfort adapté à la destruction osseuse. Il faut choisir des anneaux de renfort qui permettent, grâce à leur forme, une stabilisation du foramen obturateur et du toit du cotyle plutôt dans les lésions de type 1 et 2 ou des anneaux de renfort qui permettent en plus de chercher des points de fixation aux branches ilioischiopubiennes et l’aile iliaque plutôt indiqués dans des lésions extensives de type 3, plus importantes. Plusieurs modèles sont disponibles et doivent être choisis en fonction de la lésion osseuse (anneau de Müller, pelvis partiel, prothèse de Mac Minn) (figure 6). La cimentation des implants cotyloïdiens doit se faire au contact de l’anneau de renfort. Des implants cotyloïdiens à double mobilité sont privilégiés. Concernant l’implant fémoral, il doit également être scellé. Il faudra également choisir des tiges fémorales longues pour permettre de ponter d’éventuelles lésions diaphysaires sous-jacentes associées. Dans certaines situations où la destruction acétabulaire est très avancée, il n’y a plus de possibilité pour renforBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

cer l’anneau acétabulaire. Dans ces cas, une prothèse iliofémorale (ou Saddle prothèse ; figure 7) peut être indiquée [35]. Il s’agit d’une prothèse qui va rechercher un appui haut non cimenté sur l’aile iliaque. Le niveau de résection de l’aile iliaque doit se faire en dessous de l’articulation sacro-iliaque [36]. Il faut chercher un appui à la partie postérieure de l’aile iliaque en zone suffisamment épaisse, à proximité de l’articulation sacro-iliaque. La prothèse iliaque peut soit se fixer par vissage à l’aile iliaque de dehors en dedans, soit s’emboîter par l’intermédiaire d’une logette à concavité inférieure pour obtenir un encastrement. Une fois le composant iliaque de la prothèse implanté, la tige fémorale est ajustée après préparation classique de la diaphyse à l’aide d’alésoirs et de râpes dédiés. La jonction entre le col fémoral et l’implant iliaque est assurée par une entretoise modulaire qui va permettre d’assurer la tension des parties molles et la stabilité de la prothèse (col modulaire et entretoise de taille variable). Ainsi, il est souhaitable d’avoir une stabilité prothétique entre 0◦ et 80◦ de flexion en peropératoire. Dans les suites de l’intervention, une orthèse pelvicrurale est maintenue pour plusieurs semaines.

Chirurgie des métastases proximales du fémur Les lésions métastatiques du fémur sont localisées dans deux tiers des cas au niveau de la région proximale, métaphyso-épiphysaire [37]. L’indication chirurgicale prophylactique est aidée par les critères de Harrington

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B Spin: -0 Tilt: -0

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Figure 6. Exemples d’ostéosynthèse sur métastase du cotyle. A et B) Armature vissée dans le cotyle de type « pelvis partiel ». C et D) Armature à quille centrale de Mac Minn.

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Figure 7. Exemple de Saddle prothèse dans le cadre d’une résection de l’articulation de la hanche.

[38], qui propose une prise en charge préventive devant la présence d’au moins un des signes suivants : – lyse corticale supérieure à 50 % ; – taille de la lésion supérieure à 25 mm ; – lésion du petit trochanter (avulsion pathologique) ; – persistance de douleur mécanique après irradiation. En fonction du niveau d’atteinte et de l’extension des lésions, deux techniques chirurgicales peuvent se discuter. Pour les atteintes proximales de la tête et du col fémoral ou en cas d’atteinte importante atteignant le calcar ou la petite tubérosité, une chirurgie prothé-

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tique nous semble indiquée. Pour les atteintes moins étendues ou plus distales du massif trochantérien ou sous-trochantérien, il faut privilégier une chirurgie par ostéosynthèse et, beaucoup plus rarement, dans des cas bien discutés, une chirurgie prothétique avec une prothèse massive de reconstruction tumorale. Les implants doivent être cimentés, des tiges fémorales longues permettront de protéger le fémur distal, les lésions tumorales macroscopiques sont excisées et comblées par du ciment dans la mesure du possible. Dans les cas où une décision collégiale de Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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Figure 8. Lésion inter-trochantérienne fémorale proximale d’une métastase rénale. Embolisation préopératoire et traitement chirurgical classique : armature-cupule cimentée à longue tige cimentée.

reconstruction prothétique est décidée pour une lésion sous-trochantérienne, une prothèse massive, souvent sur mesure, doit être implantée. Si une chirurgie carcinologique extra-tumorale est décidée (dans de rares cas de métastase unique, par exemple), la technique chirurgicale doit respecter les règles d’exérèse de la chirurgie carcinologique des tumeurs osseuses primitives (figure 7) [39]. Un cotyle cimenté à double mobilité permettra de diminuer les risques d’instabilité prothétique. Le traitement idéal d’une lésion de l’extrémité proximale du fémur repose sur l’implantation d’une armature vissée au niveau du cotyle avec implantation d’une cupule à double mobilité cimentée, associée à l’implantation d’une longue tige cimentée au niveau du fémur (figure 8). Cette chirurgie complexe, aux suites opératoires parfois difficiles, mérite d’être prise en charge en milieu spécialisé.

Place de la radiologie interventionnelle La radiologie interventionnelle prend une place de plus en plus importante dans le traitement des métastases osseuses. Elle pourra venir en aide à la prise en charge chirurgicale dans de nombreuses indications. Cela renforce et confirme l’intérêt des réunions multidisciplinaires dans la décision thérapeutique.

L’embolisation préopératoire Elle doit être discutée en cas de chirurgie pelvienne importante et en cas de risque hémorragique majeur Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

lié au type histologique tels que les tumeurs du rein et de la thyroïde. L’artériographie sera réalisée 24 à 48 heures au maximum avant la date de la chirurgie. Le confort apporté au chirurgien et au patient en postopératoire sont indéniables en cas de tumeurs hautement vascularisées.

La cimentoplastie Bien que souvent utilisée par le chirurgien en complément d’une ostéosynthèse, cette technique de radiologie interventionnelle permet dans de nombreux cas d’éviter une prise en charge chirurgicale. Elle est particulièrement indiquée dans les lésions sus-cotyloïdiennes et dans les lésions métaphysoépiphysaires fragilisant les os longs. Ces lésions ne doivent toutefois pas communiquer avec la cavité articulaire adjacente ou présenter une lyse corticale importante exposant la diffusion du ciment de basse viscosité en dehors de la lésion.

Conclusion La prise en charge de la maladie métastatique doit être réalisée de manière globale, multidisciplinaire et dans un centre de référence spécialisé. Toute douleur appendiculaire chez un patient cancéreux doit être prise au sérieux et bilantée. Le traitement préventif d’une lésion pré-fracturaire est beaucoup plus simple et préserve le pronostic du patient. La chirurgie des métastases est difficile et répond à des principes orthopédiques bien spécifiques. 

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C. Szymanski Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec l’article.

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Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

[The surgical treatment of metastases in the appendicular skeleton].

The orthopedic surgical treatment of metastases is very important in the treatment of osteophile cancers. The surgical option is always proposed after...
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