LES SOINS * HEALTH CARE

Laseparation du Quebec pourra'it faire des ravages dans la recherche au Canada,

disent les experts

Peter P. Morgan, MD, DPH

L a separation du Quebec du reste du Canada va serieusement affaiblir les institutions, les programmes et les reseaux qui soutiennent la qualite de la formation et de la recherche biomedicale dans ce pays, ont dit les participants a une table ronde en f6vrier. La table ronde, qui rassemblait certains medecins universitaires de premier plan du Canada, etait organisee par le Canadian Institute of Academic Medicine (CIAM), un groupe nouvellement cree dont les membres sont choisis parmi les chercheurs medicaux accomplis et les doyens des facultes de medecine. Elle a reuni le Dr Victor Goldbloom, le Commissaire aux langues offlcielles du Canada, le Dr Serge Carriere, doyen de la faculte de medecine de l'Universite de Montreal, le Dr Claude Roy, president de la Societe canadienne de recherches cliniques et Dorothy Dobbie, depute qui a copreside le Comite mixte special sur le renouvellement du Canada. Le Canada a une reputation solide en recherche biomedicale et des normes elevees de formation en medecine. Mais, selon le Dr Carriere, la separation du Quebec Peter Morgan est redacteur-conseil au

JAMC. JUNE 15, 1992

laisserait un vide au sein des milieux dirigeants de la recherche biomedicale au Canada qui ne pourrait jamais etre comble. Un Canada dichotomise et grandement affaibli ne pourrait jamais remplacer les nombreux chercheurs de renom et les etablissements de recherche productifs du Quebec ou ses liens 6troits et createurs avec l'industrie de la recherche biomedicale. Le Dr Carriere pense que la consequence la plus prejudiciable de la separation serait la rupture des relations professionnelles et humaines entre les scientifiques. Les equipes de recherche s'eparpilleraient. Pour de nombreux projets, le nombre de chercheurs competents chuterait sous le seuil critique necessaire. En 1988, ditil, apres quelques mois, les scientifiques canadiens ont 6te en mesure de creer, en collaboration avec l'industrie, un reseau de programmes autour de ((centres d'excellence>>; cela leur a permis d'etre concurrentiels dans le cadre d'un programme cree par le gouvernement federal. Dans la carcasse morcelee d'un Canada separe, ce type de collaboration rapide serait impossible. Un deficit plus subtil porterait atteinte a la qualite globale de la recherche financee par les organismes. La competence et la di-

versite des consultants aupres des organismes nationaux de subvention, comme le Conseil de recherches medicales du Canada, ne pourrait jamais etre recreees region par region. Et avec la diminution des principales ressources intellectuelles, les normes relativement elevees qui existent actuellement au sein de la formation et de l'agrement feraient defaut: chaque region devrait se contenter de ses propres normes. Le Dr Carribre a mis en garde contre la menace A la grande credibilite internationale du Canada qui lui permet d'agir comme hote de reunions scientifiques internationales. Dans le passe, on a examine serieusement toute candidature canadienne pour accueillir une reunion scientifique; les deux groupes de recherche xxnationaux>> reduits qui existeraient apres la separation seraient forces d'entrer en concurrence, et ils seraient eclipses par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays. Le Dr Roy estime que le debat canadien sur la separation et le renouveau de la constitution donne l'image d'un pays qui combat un sentiment d'impuissance, un pays qui s'embrouille au bord du gouffre. II a dit que le Canada est actuellement aux prises avec un probltme qui est en train de devenir quasi-universel: la monCAN MED ASSOC J 1992; 146 (12)

2237

dialisation de l'economie est accompagnee d'un ressac, une volonte d'affirmer l'originalite des cultures locales. Les forces centrifuges qui tentent de dechirer le pays sont donc puissantes: plus le Quebec semble assure et coherent, plus le gouvernement federal devient passif et commence a se decentraliser. Il essaie de redefinir son role a un moment ou le Quebec a un ((projet de societ»>>, un sentiment d'etre sur la bonne voie qui se manifeste par une serie de projets de planification sociale qui sont nombreux a influer sur les soins de sante et la recherche. Les consequences economiques apportent toutefois beaucoup de sobriete aux debats sur la constitution et la separation. Le Dr Roy a dit qu'un Quebec independant n'aurait d'autre choix que d'augmenter les contributions provinciales a la recherche medicale ou de les restreindre, ce qui lui ferait perdre beaucoup de terrain sur le reste du Canada. Les propres etudes du Dr Roy ont determine que les revenus des fondations de recherche en provenance du Quebec sont inferieurs de plusieurs millions de dollars aux depenses actuelles. Par exemple, pour chaque dollar percu au Quebec, la Societe canadienne du cancer y investit 2,50 $. Puisque plus de la moitie des fondations canadiennes sans but lucratif qui parrainent la recherche sont situees en Ontario, ces principales sources de revenu pour la recherche ne subventionneraient plus les projets dans ce qui serait devenu un pays etranger. En definitive, a dit le Dr Roy, advenant la separation, le Quebec devrait trouver 67 millions de dollars pour egaler le financement actuel du gouvernement federal seulement. Les experts universitaires sont unanimes a souhaiter l'unite canadienne, mais ils partagent aussi un deuxieme projet - de nature 6conomique. Depuis quelques annees, les contributions

plus en plus dans le cadre d'essais multicentriques de grande envergure, et la science, de par sa nature, depasse le cadre national. Selon certains points de vue, le Canada est deja une coalition de coeur. petits pays, et il pratique depuis Pour Mine Dobbie, la seance longtemps la coilaboration. Le Dr Goldbloom a rappele de deux heures doit avoir semble passablement differente du con- que, dans les annees 1950, il est cert des debats constitutionnels devenu membre de la deuxieme sous sa presidence. Apres l'exalta- association quebecoise de speciation de leur unanimite a priori sur listes seulement qui reunissait des l'unite nationale, le rappel cons- medecins francophones et anglotant par les universitaires des phones. Le Dr Carriere a donne la desastres provoques par le sous- Societe canadienne de recherches financement gouvernemental de la cliniques comme exemple tres recherche s'est revele plutot mo- fructueux de collaboration spontanotone. Par comparaison, le bref nee entre des chercheurs en medediscours de Mme Dobbie a contri- cine. Et la plupart des chercheurs medicaux canadiens veulent conbue un peu de variete. Tandis que les universitaires tinuer a travailler de cette facon. Le Dr Jean-Pierre Despres de mettaient l'accent sur la preservation du statu quo administratif et l'Universite Laval et le Dr Jon l'augmentation des contributions Gerrard de l'Universite du Manifederales a la recherche, Mme Dob- toba ont recemment fait parvenir bie semblait imaginer un pays re- une petition a 2000 universitaires. nouvele oiu le gouvernement Elle prone le maintien de l'unite federal pourrait jouer un role canadienne, et ils ont deja recu reduit ou redefini. Un theme plus de 1800 signatures dont 300 frequent des memoires presentes a du Quebec. Comme le Dr Aubie Angel, son comite est la crainte que l'autonomie locale soit sacrifiee a la president sortant du CIAM, l'a rationalisation des services gou- exprime dans son introduction, en vernementaux et que l'on elimine definitive, I'avenir du Canada reposera sur l'element humain - la les obstacles entre les provinces. (

[The separation of Quebec could be disastrous for research in Canada, say the experts].

LES SOINS * HEALTH CARE Laseparation du Quebec pourra'it faire des ravages dans la recherche au Canada, disent les experts Peter P. Morgan, MD, DPH...
396KB Sizes 0 Downloads 0 Views