Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011 Presse Med. 2015; //: ///

Dossier thématique

Syphilis et grossesse

Mise au point

INFECTIOLOGIE

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Caroline Charlier 1,2, Nadjet Benhaddou 3, Nicolas Dupin 3

Disponible sur internet le :

1. Assistance publique–Hôpitaux de Paris, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker-Enfants–Malades, service de maladies infectieuses et tropicales, 75015 Paris, France 2. Institut Pasteur, centre national de référence Listeria, centre collaborateur OMS Listeria, unité de biologie des infections, Inserm U1117, 75013 Paris, France 3. Assistance publique–Hôpitaux de Paris, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, hôpital Cochin Port Royal, centre national de référence syphilis, 75014 Paris, France

Correspondance : Caroline Charlier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker-Enfants–Malades, service de maladies infectieuses et tropicales, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris, France. [email protected]

Points essentiels La syphilis est une infection sexuellement transmissible maternelle responsable de syphilis congénitale. La syphilis congénitale se complique de perte fœtale et de décès néonatal précoce (50 %), de prématurité (25 %) et de séquelles graves chez les enfants survivants (20 %). Toute perte fœtale après 20 SA doit être explorée par une sérologie syphilitique. La prévention de l'infection repose sur le dépistage systématique en début de grossesse, à répéter en cas de risque élevé d'exposition (TPHA et VDRL). La prise en charge maternelle repose sur l'administration précoce de pénicilline. La prise en charge de l'enfant repose sur un diagnostic et un traitement précoce par pénicilline parentérale.

Key points Syphilis and pregnancy Syphilis is a sexually transmitted disease responsible for a congenital severe infection. Congenital syphilis is complicated by fetal loss/neonatal death (50%), prematurity (25%) and major long term sequelae in other surviving children (20%). Every woman delivering a stillborn after 20 WG should be tested for syphilis. Early screening is the cornerstone of prevention, and should be repeated in women at higher risk of contamination. Maternal management relies on early benzathine penicillin administration. Neonatal management relies on early diagnosis and prompt adequate penicillin therapy.

1

tome xx > n8x > xx 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

LPM-2784

Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011

Mise au point

C. Charlier, N. Benhaddou, N. Dupin

Introduction La syphilis est une infection cosmopolite, décrite en Europe depuis plus de 500 ans et accessible à un traitement antibiotique simple depuis les années 1940 et la découverte de la pénicilline. Elle reste une cause majeure de morbi-mortalité fœtale dans le monde : perte fœtale, décès néonatal, infection néonatale sévère, séquelles déformatives et/ou neurologiques. Ce sont les infections récentes (syphilis primaire ou secondaire < 1 an) qui confèrent le risque le plus élevé de transmission mère–enfant. Dans ces situations, la précocité du traitement conditionne le pronostic obstétrical. Pour ces raisons, toute femme enceinte en France doit bénéficier d'un dépistage au cours de la grossesse, et d'une prise en charge rapide et adaptée en cas de suspicion d'infection. L'objectif de cette revue est de présenter les données actuelles sur la syphilis chez la femme enceinte en France et dans le monde, ainsi que la stratégie de prise en charge des patientes, telle qu'elle est recommandée au CNR syphilis et mise en place au sein de l'hôpital Necker-Enfants–Malades dans le cadre des procédures développées avec les CNR au sein des services d'obstétrique de maladies infectieuses de néonatologie et de microbiologie.

Bactériologie Treponema pallidum est l'agent de la syphilis. C'est une bactérie spirochète : bacille Gram négatif spiralé, dont le seul réservoir est l'homme. La bactérie, très fragile, ne survit en pas dehors de l'organisme humain et n'est pas cultivable. T. pallidum subspecies pallidum est responsable de la syphilis. D'autres sous-espèces sont associées à des infections tréponémiques non vénériennes responsables de lésions cutanées bénignes :  T. pallidum subsp. endemicum est responsable du Bejel dans les zones sèches et désertiques d'Afrique, du Moyen Orient, en Iran, Afghanistan ;  T. pallidum subsp. pertenue est responsable du Pian dans les régions tropicales/équatoriales chaudes et humides ;  T. pallidum subsp. carateum est responsable de la Pinta en Amérique latine.

Transmission [1] La transmission de la syphilis est soit directe, soit verticale d'une mère infectée à son enfant.

Transmission directe La transmission directe est la conséquence d'un contact cutané sur peau saine ou d'un contact muqueux, par voie sexuelle ; une transmission accidentelle au personnel soignant/laboratoire est également possible. Le risque de transmission après un contact avec une lésion est d'environ 30 %. Le délai d'incubation est en moyenne de 3 semaines avec des extrêmes de 10 à 90 jours et le délai est de plus de 1 mois dans près de 40 % des cas. L'infection n'est pas immunisante et une recontamination est parfaitement possible après un traitement complet.

Transmission mère–enfant La transmission mère–enfant (TME) survient dans la très grande majorité des cas en anténatal à travers la barrière placentaire, et plus rarement pendant l'accouchement au contact de sécrétions maternelles infectées. La transmission postnatale est exceptionnelle. Aucun cas de transmission par le lait n'a été rapporté. Les paramètres associés à une transmission verticale sont :  le terme de la grossesse : plus le terme est avancé plus la transmission est élevée ;  le stade de l'infection : la syphilis primaire est associée à une transmission beaucoup plus élevée que les autres stades (tableau I) [2,3]. À noter que d'autres spirochètes sont associés à des infections fœtales sévères : Leptospira sp., agent de la leptospirose et Borrelia recurrentis, agent des borrélioses récurrentes.

Épidémiologie La syphilis congénitale est définie par la présence de :  un enfant né d'une mère non ou mal traitée ;  un enfant avec signes cliniques ou biologique de syphilis congénitale. L'incidence de la syphilis congénitale suit celle de l'infection en général : ascension dans les années 1980, réduction drastique dans les années 1990 et ré-ascension depuis 2005 en Europe,

TABLEAU I Transmission mère–enfant en fonction du stade [2,3] Stade de la syphilis

2

Syphilis primaire ou secondaire précoce

Taux de transmission mère–enfant

Commentaire

60–100 %

En moyenne 70 % de transmission si syphilis dans les 4 dernières années

Syphilis latente précoce (< 1 an)

40 %

Syphilis latente tardive (> 1an)

8%

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Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011 Syphilis et grossesse

Physiopathologie Le passage trans-placentaire au cours d'une spirochétémie maternelle a été rapporté dès 11 semaines d'aménorrhée (SA), mais survient le plus souvent à partir de 16 SA puis tout au long de la grossesse et à l'accouchement [8]. Aucun cas de transmission par le lait maternel n'a été rapporté. L'infection fœtale est d'emblée disséminée, comme une syphilis secondaire. Le tréponème adhère et se multiplie préférentiellement sur des cellules métaboliquement actives, en particulier les cellules endothéliales. Les lésions histologiques fœtales comportent une infiltration périvasculaire faite de macrophages, de lymphocytes et de plasmocytes avec des lésions d'endartérite et de fibrose extensive. Une réaction fœtale vigoureuse de type cellulaire « TH1 » est observée, qui pourrait être responsable de la mort fœtale. Les enfants avec syphilis congénitale, comme les adultes avec syphilis secondaire ou latente non traitée, sont réfractaires

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à une réinfection (contrairement aux patients traités) suggérant un certain niveau de protection immunologique. L'examen autopsique des enfants avec mort fœtale in utero met en évidence des lésions diffuses : funiculite nécrosante, hépatosplénomégalie, infiltrat mono-nucléé dans la muqueuse et la sous-muqueuse digestive, lésions rénales à type de glomérulonéphrite extramembraneuse secondaire au dépôt de complexes immuns, atteinte pulmonaire (pneumonia alba), osseuse (ostéochondrite et périostite), lésions cutanées vésiculeuses ou bulleuses riches en tréponèmes, méningite et endartérite cérébrale.

Clinique Maternelle L'incubation est de 10–90 jours (3 semaines en moyenne). La première lésion est un chancre d'inoculation, qui définit la phase primaire de la syphilis. Chez la femme, le chancre passe très souvent inaperçu car il siège au niveau du col ou du vagin et est le plus souvent indolore. Il peut persister 3 à 8 semaines et s'accompagne d'une adénopathie satellite lorsqu'il siège au niveau vulvaire. La phase secondaire apparaît à un délai de 3 mois après l'apparition du chancre chez 30 à 40 % des patients non traités. Elle correspond à une phase de dissémination de l'infection, caractérisée par plusieurs éruptions cutanéo-muqueuses (roséole syphilitique, syphilides papuleuses palmo-plantaires, plaques muqueuses, angine, perlèche, alopécie), parfois associées à une fièvre, une asthénie, des arthralgies et adénopathies. Tous les organes peuvent être touchés et le tableau clinique peut revêtir une présentation très variée justifiant l'appellation de « grande simulatrice » pour la syphilis secondaire. La diffusion neuro-méningée du tréponème est très rapide et dans la majorité des cas (95 %), elle est totalement asymptomatique. Les manifestations cliniques de la neurosyphilis précoce sont principalement : méningite lymphocytaire, atteinte des nerfs crâniens, atteintes oculaires (uvéite), méningo-vascularite. Après la phase secondaire vient une phase de latence classée comme précoce (< 1 an après l'infection) puis tardive (> 1 an) ; elle est par définition asymptomatique. La phase tertiaire survient plusieurs années après le début de l'infection. Elle est rapportée chez un patient non traité à la phase secondaire sur six. Elle peut comporter une atteinte cardiovasculaire (aortite ou artérite pulmonaire syphilitique 80 %), une atteinte neurologique (démence, tabès, atteinte méningée. . . 10 %) et une atteinte cutanée (gommes 10 %).

Fœtus et nouveau-né [4,9] La syphilis congénitale se complique :  de mort fœtale in utero dans 40 % des cas ;  de prématurité dans 25 % ;  d'une infection néonatale classée en précoce (début des signes dans les 2 premières années de vie, 1/3 des cas) et tardive (début des signes après l'âge de 2 ans, 2/3 des cas).

3

aux États-Unis et en Chine où une ascension de 70 % a été rapportée en 15 ans. Les données sérologiques, qui ne font pas la distinction entre tréponématose vénérienne et non vénérienne, suggèrent une proportion évaluée entre 2 et 15 % de grossesses menées en contexte d'infection tréponémique dans les pays du Sud : inférieure à 5 % en Asie, entre 5 et 10 % en Amérique latine et de 3 à 17 % en Afrique (revu dans [4]). Le nombre de grossesses compliquées de syphilis est estimé autour de 1 à 1,3 million par an dans le monde, avec 50 % de fausses couches/décès périnataux, 25 % de retard de croissance intra-utérin (RCIU)/prématurité et 25 % de syphilis congénitale patente [4,5]. Dans un travail récent, Newman et al. estimaient que seulement 70 % des femmes enceintes en Europe étaient correctement dépistées et traitées ; et que seules 30 % des femmes vivant en Afrique étaient correctement dépistées et traitées pendant leur grossesse [5]. La syphilis congénitale est responsable de 1,3 % des décès d'enfants de moins de 5 ans, et il naît actuellement plus d'enfants avec syphilis congénitale que d'enfants avec VIH congénital [6]. En France, le nombre de grossesses avec sérologie positive est estimé autour de 0,06 % [7]. Il n'existe en revanche pas de registre sur les cas de syphilis congénitale en France métropolitaine ni dans les DOM. Entre 2012 et 2015, le CNR a eu à expertiser 32 suspicions de syphilis congénitales, avec 9 cas certains (au moins une PCR +) et un cas très probable (tableau clinique, et sérologique tout à fait évocateur mais PCR négative sur le LCR). Plus d'un tiers des cas provenait des Antilles ou de Nouméa. Enfin, la syphilis favorise la transmission de l'infection par le VIH par le biais des lésions ulcérées, et la grossesse favoriserait le risque d'acquisition de la syphilis (revu dans [4]).

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INFECTIOLOGIE

Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011

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C. Charlier, N. Benhaddou, N. Dupin

Cette infection néonatale est rapidement fatale dans 20 % des cas. Elle se complique de séquelles lourdes à l'âge adulte dans 20 % des cas, responsables de conséquences socioéconomiques lourdes [10]. Toute perte fœtale après 20 SA doit être explorée par une sérologie syphilitique. Les signes d'appel échographiques anténataux sont détaillés dans l'encadré 1. Les signes cliniques des infections congénitales précoces et tardives sont détaillés dans le tableau II [3]. Parmi les signes de syphilis congénitale précoce, la présence d'une rhinorrhée (coryza), contagieuse car très riche en tréponèmes, a une valeur d'orientation forte ; elle survient 1– 2 semaines avant l'éruption. Les lésions cutanées prédominent aux extrémités et sont très contagieuses. Les lésions de syphilis congénitale tardive sont essentiellement des lésions « cicatricielles » qui sont la conséquence des lésions précoces : atteinte osseuse déformante, dentaire, neurologique et cutanée. Parmi elles on distingue la triade de Hutchinson : dents de Hutchinson + kératite interstitielle + surdité par atteinte du nerf auditif.

Prise en charge maternelle Dépistage Une sérologie de dépistage doit être pratiquée de manière réglementaire à l'examen prénatal au premier trimestre de la grossesse. Dans un travail récent mené parmi plus de 18 000 femmes, 2,6 % d'entre elles n'avaient pas bénéficié de ce dépistage malgré la réglementation en vigueur [7]. La sérologie doit être répétée à 28 SA si la patiente est considérée comme à risque (partenaires multiples, IST récente ou actuelle). Elle doit également être réalisée avant la sortie de la maternité pour toute grossesse non suivie. Le dépistage repose sur un test tréponémique (TPHA, TPPA ou Elisa) et un test non tréponémique (VDRL ou plus souvent un RPR). L'interprétation et la stratégie d'usage respectif de ces différents marqueurs sont résumées dans les tableaux III et IV [11].

Encadre 1 Signes échographiques évocateurs de syphilis congénitale        

4



Mort fœtale in utero Retard de croissance intra-utérin Stries osseuses Anasarque fœtoplacentaire Épaississement placentaire Ascite Hépato-splénomégalie Hyperéchogénicité intestinale Hydrocéphalie, calcifications cérébrales

TABLEAU II Présentation clinique de la syphilis congénitale Signes cliniques

Pourcentage

Syphilis congénitale précoce (premier signe avant l'âge de 2 ans) Ostéochondrite ou arthrite

61 %

Hépatomégalie

51–100 %

Splénomégalie

49 %

Pétéchies

41 %

Autres lésions cutanées (contagieuses) Lésions planes ou nodulaires du tronc Lésions bulleuses palmo-plantaires

35 %

Méningite atteinte neurologique centrale, dont pseudoparalysie d'un membre

15–25 %

Adénopathies

32 %

Ictère

30 %

Anémie et autres cytopénies apparaissant souvent entre 2 et 8 semaines de vie

30 %

Rhinorrhée

23 %

Syndrome néphrotique

20 %

Syphilis congénitale tardive (premier signe après l'âge de 2 ans) Déformation frontale (bosses) et déformations faciales (maxillaires courts, nez en selle)

30–87 %

Déformation palatine et rhagades (fentes cutanées périorificielles)

76 %

Lésions dentaires (dent de Hutchinson)

55 %

Kératite interstitielle

20–50 %

Lésions osseuses cicatricielles

30–46 %

Déformation nasale

10–30 %

Adapté de [3].

Le diagnostic de syphilis nécessite de pratiquer un bilan complet d'autres infections éventuellement associées (sérologie VIH, VHB, PCR Chlamydia/gonocoque sur un prélèvement vaginal), et le dépistage et le traitement du(des) partenaire(s) des 3 derniers mois. Le diagnostic d'une infection syphilitique maternelle déclenche une prise en charge pluridisciplinaire :  infectiologique pour la prise en charge de l'infection maternelle, celle des autres IST éventuellement associées et le bilan du(des) partenaire(s) ;  obstétricale pour le suivi échographique pédiatrique pour assurer l'évaluation de l'enfant à la naissance et son traitement précoce si nécessaire.

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Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011 Syphilis et grossesse

TABLEAU III Analyse des marqueurs sérologiques de la syphilis Marqueur

Cinétique

Fausse positivité

+ à j7–j10 du chancre Reste + toute la vie

Faux positifs rares et transitoires Autres spirochètes (Lyme, tréponématose non vénérienne)

VDRL = RPR

+ à j10–j15 d'apparition du chancre ++ en phase secondaire + faible ou  pendant latence/tertiaire Se négative en 1–2 ans sous traitement

Faux positifs fréquents Autres spirochètes : Leptospires, Borrelia hors Lyme, Chlamydia trachomatis, serovar L : Nicolas Favre, Herpesviridae, rougeole, oreillons, infections HBV et HCV chroniques, tuberculose, lèpre, brucellose, paludisme, lupus, péri-artérite noueuse, polyarthrite rhumatoïde, infarctus du myocarde, myélome, maladie de Waldenström et grossesse

Elisa (Ig totales)

+ dès j5 d'apparition du chancre ++ en phase secondaire et en début de phase de latence Décroissance plus lente que le VDRL +/ en phase tertiaire

Faux positifs rares et transitoires Idem TPHA, dans les fausses positivités le test est positif au seuil

+ dès j5–j7 d'apparition du chancre Se négative en 3 semaines Se re-positive si nouvelle contamination

Faux positifs rares, dans les infections virales et bactériennes (ascension non spécifique des IgM)

+ dès j5–j7 d'apparition du chancre Se négative en 1 an, plus vite sous traitement

Faux positifs rares et transitoires Autres spirochètes : Leptospira sp., Borrelia sp.

TPHA = diasorin liaison XL

Elisa IgM FTA abs

Mise au point

INFECTIOLOGIE

Adapté de [11]. + : positivité ; ++ : forte positivité ;  : négativité.

Traitement maternel Le traitement au premier trimestre réduit de plus de 90 % le risque de mortalité périnatale. L'enjeu est donc de dépister et de traiter avant 16 SA [12]. Un traitement au troisième trimestre est associé à un risque accru de perte fœtale/néonatale (OR 2,24, IC95 % 1,28–2,93) dans une méta-analyse récente [13].

Le tableau V détaille les modalités de traitement. Dans le contexte actuel français de rupture de stock de d'Extencilline®, dosée à 2,4 millions d'unités, la spécialité utilisée est la Sigmacillina®, dosée à 1,2 millions d'unités, suspension injectable pour voie intramusculaire destinée au marché italien, contre-indiquée chez la femme enceinte dans le libellé d'AMM italien, est largement utilisée en pratique dans cette population.

TABLEAU IV Analyse des marqueurs sérologiques VDRL et THPA (ou Elisa) VDRL 

TPHA Ou Elisa Ig totales 

Interprétation

Examens supplémentaires à pratiquer

Sérologie négative



Aucun

Primo-infection avant séroconversion

IgM ! +

Syphilis très récente

IgM ! +

Syphilis traitée

IgM ! 

Indication à un traitement maternel

FTA ! +

+

Répéter TPHA VDRL à S3 ! + 

+

FTA ! +

+

Répéter TPHA VDRL à S3 ! + 

Syphilis ancienne non traitée

IgM!  FTA! + au seuil (200)/

+

+



Faux positif probable

FTA ! (TCA pour recherche SAPL)



+

+

Syphilis probable

Surveillance sérologique sous traitement

+

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FTA ! 

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C. Charlier, N. Benhaddou, N. Dupin

TABLEAU V Modalités du traitement de la syphilis chez la femme enceinte, en fonction du stade de l'infection Stade

Molécule

Syphilis primaire Syphilis secondaire Syphilis latente < 1 an

Benzathine pénicilline Deux administrations de 2,4 millions d'unités à 1 semaine d'intervalle

Syphilis latente > 1 an ou non datable Syphilis tertiaire

Benzathine pénicilline Trois administrations de 2,4 millions d'unités 1 semaine d'intervalle entre chaque administration

Neurosyphilis

Pénicilline G IV 3–6 millions unités/4 h (20 millions U/j) 14 jours

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La tolérance du traitement est bonne, et le risque de choc anaphylactique est extrêmement faible, estimé entre 0 et 3/ 100 000 [14]. La prévention de la réaction d'Herxheimer, qui est rapportée jusqu'à 40 % des cas, est systématique chez la femme enceinte [15]. Le tableau lié au relargage d'endotoxines au moment de la première dose antibiotiques, comporte : fièvre, frissons, arthralgies dans les 24 h suivant l'injection d'antibiotiques. Les modalités de la prévention ne sont pas univoques. Elles peuvent comporter :  soit l'administration de prednisone, 0,3 mg/kg/j la veille de l'injection, le jour de l'injection et pendant les 3 jours qui suivent l'injection en cas de syphilis primaire ou secondaire ;  soit l'administration de paracétamol 1 g 2 h avant l'injection, à renouveler pendant 48 h (1 g  3 ou  4/j). Si la fièvre persiste plus de 2 h ou si apparaissent des contractions rattachées à cette réaction, un traitement additionnel par prednisone (0,5 mg/kg/j) pourra être prescrit pour une durée courte (< 1 semaine). Une courte hospitalisation pourra être proposée pour encadrer la première administration si le terme est supérieur ou égal à 24 SA, si les IgM positives ou si on met en évidence un titre élevé des autres marqueurs (VDRL  8, TPHA  640, FTA  800). En cas d'allergie maternelle à la pénicilline, le traitement recommandé reste la pénicilline, et une induction de tolérance doit être pratiquée. Aucune étude n'a évalué l'efficacité de la ceftriaxone dans la syphilis de la femme enceinte, et ce traitement ne peut être recommandé en cas d'allergie [16]. Le suivi maternel repose sur la vérification de la décroissance sérologique du test tréponémique (VDRL ou RPR) quantitatif mesuré tous les mois jusqu'à l'accouchement, et dans tous les cas ensuite à 3, 6, 9 et 12 mois. Il doit décroître d'un facteur 4 tous les trois mois.

Évaluation néonatale d'un enfant dont la mère a un diagnostic de syphilis [17] Cette évaluation doit être systématique. Les éléments à collecter à la naissance pour évaluer le risque de l'enfant sont les suivants :  ancienneté de l'infection maternelle, terme maternel au moment du traitement ;  signes cliniques de syphilis congénitale (hépatomégalie, rash, pseudoparalysie d'une extrémité, rhinite, hydrops) ;  PCR syphilis à réaliser sur un cotylédon placentaire et sur 1 mL de sang de cordon sur tube sec, de manière systématique à la naissance ;  VDRL sur sérum du bébé (1 mL) et sérum maternel (2 mL) prélevés à la naissance. En seconde intention pourront être réalisés :  un dosage du FTA et des IgM sur l'échantillon de sang de l'enfant (et non le sang du cordon, qui peut être contaminé par le sang maternel) ;  une PCR sur d'éventuelles sécrétions nasales ou lésions cutanées, si elles sont présentes. En fonction de ces éléments, différentes situations peuvent être individualisées, conduisant à des stratégies de prise en charge différentes. Elles sont détaillées dans le tableau VI [17]. Une atteinte cérébrale est trouvée dans 50 % des cas probables ou prouvés de syphilis congénitale, justifiant de la réalisation systématique d'une ponction lombaire (PL) dans ce contexte. Les critères pour une neurosyphilis néonatale sont les suivants :  hypercellularité du LCR : critère de neurosyphilis néonatale > 25/mm3 ;  protéinorrachie > 1,5 g/L (> 1,7 g/L c/o prématuré) ;  PCR positive dans le LCR ou présence d'Ig M positive ou VDRL positif dans le LCR. Le suivi des enfants traités comporte :  une consultation mensuelle pendant 3 mois (délai pour la disparition des signes cliniques en cas de traitement), puis par trimestre jusqu'à l'âge de 1 an ;  une surveillance biologique des TPHA VDRL à 3, 6 et 12 mois (sur tube sec 1,5 mL) : le VDRL doit être divisé par 4 à 3 mois et négatif à 6 mois en l'absence d'infection congénitale. Il doit décroître d'un facteur 4 en 6 mois et se négativer en 1 à 2 ans sous traitement en cas d'infection. Le TPHA (ou Elisa) (Ac totaux maternels transmis) se négative en 6 mois et doit être négatif à 12 mois en l'absence d'infection congénitale. La surveillance doit se faire dans le même laboratoire, par la même technique.

Diagnostic post-néonatal de syphilis par le pédiatre Le diagnostic de syphilis congénitale est parfois porté après la naissance, par le pédiatre, chez des enfants nés de mères non suivies ou non dépistées.

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Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011 Syphilis et grossesse

TABLEAU VI Prise en charge d'un enfant né d'une mère avec sérologie syphilitique positive Situation clinique

Conduite à tenir

Infection confirmée/très probable (scénario 1 du CDC) ou probable (scénario 2 du CDC) Confirmée : PCR positive sur un prélèvement du NN : sang du cordon, placenta, sécrétions nasales, buccales, lésions de la peau

Mise au point

INFECTIOLOGIE

1. Bilan supplémentaire : NFS, bilan hépatique LCR pour formule/biochimie et VDRL LCR Radiographies des os longs Reste du bilan selon contexte clinique : consultation ophtalmologique, écho transfontanellaire, potentiels évoqués auditifs 2. Traitement : pénicilline G IV 150 000 U/kg/j (25 000 U/ kg  6/j) pendant 10 j (14 jours si neurosyphilis) 3. Surveillance sérologique cf. infra

Très probable : 1. VDRL sérum NN > 4  sérum maternel ou 2. VDRL sérum NN positif et signes cliniques évocateurs 3. IgM Elisa NN positives Probable : Absence de signes cliniques MAIS VDRL sérum NN + mais < 4  sérum maternel ET Traitement maternel non fait, mal fait (sans pénicilline), non documenté ou < 4 semaines avant l'accouchement, absence de décroissance sérologique maternelle Infection possible (scénario 3 et scénario 4 CDC) Absence de signes cliniques ET VDRL sérum NN + mais < 4  sérum maternel ET Traitement maternel bien fait, pendant la grossesse et > 4 semaines avant accouchement ET Bonne décroissance sérologique ou persistance d'un titre bas et stable de VDRL pendant toute la grossesse (pas d'argument pour rechute ou réinfection)

1. Pas de bilan supplémentaire 2. Surveillance sérologique 3. Benzathine pénicilline 50 000 U/kg IM en dose unique

Infection peu probable Absence de signes cliniques ET VDRL sérum NN ET Traitement maternel bien fait avant 16 SA, ET persistance d'un titre bas et stable de VDRL pendant toute la grossesse (pas d'argument pour rechute ou réinfection) Attention à la fenêtre sérologique en cas de contage maternel récent

1. Pas de bilan supplémentaire 2. Pas de surveillance sérologique 3. Pas de traitement

Adapté de [17]. NN : nouveau-né ; + : positif.

tome xx > n8x > xx 2015

Le traitement repose sur la pénicilline G IV 150 000 U/kg/j (en 6 doses toutes les 4 heures) pendant 10 jours (14 jours si neurosyphilis). La surveillance sérologique est identique à celle des enfants diagnostiqués dès la naissance. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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Les signes cliniques sont ceux des formes tardives listées plus haut. Au plan biologique, la persistance d'une sérologie TPHA et VDRL positive à 12 mois confirme l'infection. Le bilan paraclinique comporte : une sérologie syphilitique maternelle, une analyse du LCR (cellularité, TPHA VDRL FTA et PCR), une NFS et un bilan hépatique, une radiographie des os longs. Le reste du bilan est guidé par le contexte clinique : consultation ophtalmologique, échographie transfontanellaire, potentiels évoqués auditifs.

Pour citer cet article : Charlier C, et al. Syphilis et grossesse. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.011

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C. Charlier, N. Benhaddou, N. Dupin

Références [1]

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2008 European Guideline on the management of Syphilis. http://std.sagepub.com/ content/20/5/300.full.

tome xx > n8x > xx 2015

[Syphilis and pregnancy].

Syphilis is a sexually transmitted disease responsible for a congenital severe infection. Congenital syphilis is complicated by fetal loss/neonatal de...
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