Synthèse General review

Volume 100 • N◦ 11 • novembre 2013 John Libbey Eurotext

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Traitement chirurgical des métastases vertébrales Surgical treatment of vertebral metastases Fahed Zairi1 , Samuel D’Houtaud2 , Richard Assaker1 Article rec¸u le 4 juillet 2013, accepté le 6 aoˆut 2013 Tirés à part : F. Zairi

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CHRU de Lille, hôpital Roger Salengro, service de neurochirurgie, rue Émile-Laine, 59000 Lille, France 2 CHU de Poitiers, service de neurochirurgie, 86000 Poitiers, France

Pour citer cet article : Zairi F, D’Houtaud S, Assaker R. Traitement chirurgical des métastases vertébrales. Bull Cancer 2013 ; 100 : 1141-51. doi : 10.1684/bdc.2013.1853.

Résumé. La multiplicité des présentations cliniques et l’absence de consensus établi explique que le traitement des métastases vertébrales demeure encore controversé. Idéalement, la prise en charge doit être multidisciplinaire, unissant oncologues, radiothérapeutes, radiologues interventionnels, rhumatologues et chirurgiens. Les évolutions techniques réalisées récemment dans ces différents domaines ont permis d’améliorer les solutions thérapeutiques et de les adapter à chaque présentation clinique. Nous rappelons dans ce travail les principaux progrès réalisés ainsi que la place de la chirurgie au sein de l’arsenal thérapeutique actuel.  Mots clés : métastase rachidienne, vertébrectomie, stabilisation, techniques d’abord médullaire mini-invasives (MAST), percutanée

doi : 10.1684/bdc.2013.1853

Introduction Historiquement, la prise en charge chirurgicale des métastases vertébrales s’est longtemps limitée à réaliser une décompression des structures nerveuses par laminectomie, en cas d’apparition d’une symptomatologie neurologique déficitaire évolutive [1]. L’absence de prise en considération de la problématique mécanique et le fait que la compression siège le plus souvent en avant du cordon médullaire, expliquaient les mauvais résultats rencontrés à cette époque. Les décompressions souvent incomplètes et la déstabilisation iatrogène étaient responsables des faibles taux de récupération, voire des aggravations postopératoires rapportées [2]. De plus, ces procédures réalisées en urgence chez des patients souvent « fragiles », étaient accompagnées d’une morbidité importante [3]. Pour de nombreuses équipes, la place de la chirurgie restait donc réservée à la décompression des structures Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

Abstract. The multiplicity of clinical presentations and the lack of consensus explain that the treatment of spine metastasis remains controversial. Optimal treatment requires a truly multidisciplinary approach, involving oncologists, interventional radiologists, radiation oncologists, rheumatologists and spine surgeons. Recent progress in all these areas have allowed to provide safe and effective therapeutic solutions tailored to each situation. We remind, in this work, the main progress in the surgical field, specifying the role of surgery in the current therapeutic arsenal.  Key words: spine metastasis, vertebrectomy, stabilization, minimal access spine technologies (MAST), percutaneous

neurologiques [4]. Durant ces deux dernières décennies, la place de la chirurgie a progressé grâce aux progrès techniques réalisés sur les voies d’abord chirurgicales et sur les possibilités de reconstructions [5]. L’objectif actuel de la chirurgie peut dorénavant être l’amélioration fonctionnelle et de la qualité de vie des patients voire du pronostic carcinologique [6]. Plus récemment, l’émergence des techniques dites « mini-invasives » a permis d’assurer ces mêmes objectifs, tout en diminuant la morbidité opératoire [7]. Nous rapportons dans un premier temps les principales classifications s’intégrant dans l’élaboration de la stratégie thérapeutique et chirurgicale. Celles-ci permettent de les adapter au patient et à sa pathologie oncologique. Dans un second temps, nous décrivons les principales techniques chirurgicales en insistant sur les techniques mini-invasives nouvellement apparues.

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Évaluation préopératoire/classifications Espérance de vie L’indication chirurgicale et le type d’intervention proposé dépendent particulièrement de l’espérance de vie du patient qui doit être évaluée au mieux. Le score de Tokuhashi (tableau 1) établi en 1990 et révisé en 2005 vise à appréhender cette espérance de vie au moyen de six paramètres bien précis tels que l’état général du patient, le cancer primitif, le nombre de métastases osseuses, vertébrales et viscérales ainsi que le statut neurologique [8]. Les patients ayant un score inférieur ou égal à 8 ont une espérance de vie estimée à moins de six mois, ceux ayant un score compris entre 9 et 12 ont une espérance de vie de six à 12 mois, tandis que ceux qui ont un score supérieur à 12 ont une espérance de vie dépassant 1 an. Ce score présente l’avantage d’être rapidement réalisable en pratique clinique quotidienne en particulier lors des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP). De plus de nombreuses études ont clairement démontré sa fiabilité et sa reproductibilité. Ainsi, il est souvent admis que les patients présentant un score inférieur ou égal à 12 sont éligibles à une prise en charge chi-

Tableau 1. Score modifié de Tokuhashi. Espérance de vie : < 6 mois pour un score ≤ 8, 6 à 12 mois pour un score compris entre 9 et 11, > 1 an pour un score ≥ 12. Critères État général (Karnofsky) Mauvais (10-40 %) Moyen (50-70 %) Bon (80-100 %) Nombre de métastases osseuses non vertébrales >2 1-2 0 Nombre de métastases vertébrales >2 2 1 Métastases viscérales Non résecable Résécable Aucune Cancer primitif Poumon, estomac, œsophage, pancréas Foie, vessie Autre, inconnu Rein, utérus Rectum Sein, prostate, thyroïde, carcinoïde Déficit Complet (Frankel A or B) Incomplet (Frankel C or D) Aucun (Frankel E)

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Scores 0 1 2 0 1 2 0 1 2 0 1 2 0 1 2 3 4 5 0 1 2

rurgicale « palliative » (stabilisation, décompression), alors que ceux qui ont un score supérieur à 12 sont potentiellement candidats à un traitement dit « carcinologique », visant à obtenir un contrôle tumoral local. Cela n’est possible qu’avec une chirurgie rachidienne plus lourde et potentiellement plus iatrogène, ne pouvant être proposé qu’aux patients ayant une espérance de vie relativement importante. Inversement, pour les patients présentant une espérance de vie inférieure à six mois (score de Tokuhashi inférieur à 8), une prise en charge chirurgicale doit être extrêmement réfléchie. Ce score présente toutefois certaines limites. Il n’est par définition utilisable que pour les patients dont le cancer primitif est clairement défini et pour lesquels le bilan d’extension est exhaustif. Dans le cas contraire, l’espérance de vie risque d’être surestimée, conduisant à proposer un traitement inadapté. Par ailleurs, pour un même organe, ce score ne prend pas en considération le type histopathologique ou l’analyse des marqueurs génétiques et moléculaires. L’analyse des marqueurs de sensibilité aux traitements systémiques (chimiothérapie, hormonothérapie) permet pourtant de mieux appréhender l’espérance de vie pour certains cancers primitifs tels que le sein. L’intervalle entre le cancer primitif et l’apparition des métastases vertébrales constitue également un élément fondamental pour apprécier l’évolutivité de la pathologie cancéreuse. En dépit de ces limites, qui doivent être connues, ce score constitue un outil précieux pour préciser la place et le type de traitement chirurgical (palliatif ou carcinologique).

Statut neurologique La présence de signes neurologiques déficitaires constitue un élément fondamental lors de la prise de décision, de par le handicap fonctionnel qu’ils engendrent. Cette atteinte peut être radiculaire, liée à l’envahissement du foramen intervertébral. Le déficit neurologique peut également être lié à une compression médullaire ou de la queue de cheval au sein du canal vertébral. Le score American Spinal Injury Association (ASIA) permet de définir avec beaucoup de précision cette atteinte [9]. Ce score, instauré pour la prise en charge des traumatisés vertébro-médullaires consiste à coter chaque niveau métamérique (moteur et sensitif) et à en faire la somme. En dépit de sa précision et de sa reproductibilité, sa complexité en limite l’usage en pratique quotidienne. Le score de Frankel [10] classe plus facilement l’atteinte neurologique en cinq catégories (A à E). Ce score se limite à analyser les fonctions motrices et sensitives avec un regard purement fonctionnel (tableau 2). Les types D et E représentent les patients ambulatoires. Toutefois, l’analyse du statut neurologique ne peut se limiter à ce seul score lors de la prise de décision. La durée d’évolution des symptômes Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

Traitement chirurgical des métastases vertébrales Tableau 2. Échelle de Frankel. Grade A B C D E

Description Déficit sensitivo-moteur complet Déficit moteur complet mais sensitive incomplet Déficit moteur incomplet ne permettant pas la marche Déficit moteur modéré, marche possible Normal

et la cinétique d’aggravation sont deux éléments fondamentaux devant être systématiquement recueillis. Un déficit léger d’apparition ancienne (plusieurs semaines) et d’évolution lente, permet de présager de l’efficacité de la radiothérapie, dont l’effet est souvent retardé, alors qu’un traitement chirurgical sera proposé en première intention pour un déficit récent d’aggravation rapide. Au contraire, la probabilité de récupération d’un déficit complet (Frankel A) évoluant depuis plus de 24 heures est extrêmement faible, ce qui constitue une quasi-contre-indication chirurgicale.

Extension lésionnelle Cette évaluation répond à des préoccupations différentes selon que l’indication soit carcinologique ou palliative. Lorsqu’une indication de chirurgie à visée carcinologique est retenue (Tokuhashi >12), l’évaluation de l’extension lésionnelle a pour but de s’assurer du caractère résécable de la lésion et de définir la procédure la mieux adaptée. La classification WBB (WeinsteinBoriani-Biagini) [11], initialement conc¸ue pour la prise en charge des tumeurs rachidiennes primitives, est actuellement la plus employée pour la planification chirurgicale des métastases vertébrales. Cette classification permet d’évaluer l’importance de l’envahissement vertébral, de l’espace épidural et des parties molles. Dans le cadre d’une indication dite palliative, cette évaluation vise à clairement définir la lésion responsable des symptômes (déficit, douleur). Ce bilan anatomique doit systématiquement inclure une IRM du rachis en entier. Cet élément indispensable pour le calcul du score de Tokuhashi permet, entre autres, de ne pas méconnaître des localisations vertébrales multiples voire une compression neurologique multifocale. Ces situations augmentent la complexité et la morbidité de la procédure chirurgicale, ce qui en limite les indications laissant souvent la place à la radiothérapie et aux thérapies systémiques. En présence d’une compression unique, le niveau doit être précisé ainsi que la présence d’une extension épidurale. Lors de l’apparition de signes neurologiques déficitaires, il doit exister une bonne concordance radio-clinique (niveau, côté) avant de retenir une indication chirurgicale de décompression. Dans le cas contraire, un diagnostic différentiel Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

doit systématiquement être évoqué. Alors que les métastases intradurales et intramédullaires sont rares, une méningite carcinomateuse complique l’évolution de près de 10 % des patients atteints de cancer solide. Dans ces situations, une prise de contraste leptoméningée suspecte doit être soigneusement recherchée (ponction lombaire au besoin). Une fois la lésion symptomatique objectivée, l’analyse radiologique définira les rapports de la lésion avec le cordon médullaire pour préciser la stratégie chirurgicale à mettre en œuvre. Alors qu’une compression postérieure est accessible à un simple geste de décompression (laminectomie), les lésions antérieures et circonférentielles nécessitent des stratégies de décompression complexes et de reconstruction extensive.

Risque fracturaire L’évaluation de l’ostéolyse est une préoccupation majeure de par le risque de fracture pathologique et de compression médullaire aiguë. Cette évaluation justifie la réalisation systématique d’un scanner rachidien complémentaire centré sur les lésions pour effectuer cette analyse mécanique. Le Spinal Oncology Study Group (SOSG) a récemment mis au point une classification clinico-radiologique appelée Spinal Instability Neoplastic Score (SINS) [12]. Ce score est calculé par la somme de six paramètres qui sont le niveau lésionnel, le caractère lytique ou condensant de la métastase, l’importance du tassement vertébral, la présence d’une Tableau 3. Score SINS : Évaluation du risque fracturaire. Score 0-6 : stable ; Score 7-12 : instabilité modérée ; Score 13-18 : instable. Paramètre Localisation Charnière (C0-C2, C7-T2, T11-L1, L5-S1) Segment mobile (C3-C7, L2-L4) Semi-rigide (T3-T10) Rigide (S2-S5) Douleur mécanique Continue Occasionnelle Aucune Scanner Lésion lytique Lésion mixte Lésion condensante Alignement radiologique Subluxation/translation Déformation (rotation, cyphose) Normal Collapsus du corps vertébral > 50 % < 50 % Aucun mais > 50 % du corps atteint Aucun Atteinte de l’arc postérieur Bilatérale Unilatérale Aucune

Score 3 2 1 0 3 1 0 2 1 0 4 2 0 3 2 1 0 3 1 0

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déformation, d’une lésion de l’arc postérieur, et la présence d’une douleur mécanique (tableau 3). Ce score a démontré sa reproductibilité au sein d’une équipe entrainée [13].

Chirurgie à visée carcinologique Ces procédures visant à obtenir un contrôle tumoral local, ne sont indiquées que pour des patients dont le cancer primitif est contrôlé et qui présentent un score de Tokuhashi > 12. Différentes techniques opératoires ont été développées selon le niveau et l’extension lésionnelle. La technique de vertébrectomie dite « en bloc », a pour but de réséquer la lésion sans réaliser d’effraction de la capsule tumorale afin de limiter tout risque de dissémination [14]. La faisabilité de cette technique

est appréciée par la classification WBB. Dans certaines situations, la résection et la reconstruction peuvent être assurées par une même voie d’abord (figure 1). Toutefois, une telle procédure peut nécessiter une approche combinée, initialement postérieure pour réséquer l’arc vertébral postérieur puis antérieure pour compléter la vertébrectomie et assurer la reconstruction vertébrale [15]. Cette stratégie séduisante d’un point de vue oncologique, est associée à une morbidité opératoire non négligeable, rendant certains patients « fragiles » non éligibles. Soulignons qu’en pratique quotidienne, les comorbidités et l’opérabilité des patients sont appréciées par le score American Society of Anesthesiologists (ASA). Lorsque l’extension tumorale rend une résection « en bloc » impossible ou dangereuse, l’alternative consiste à pratiquer une résection complète par

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Figure 1. IRM en reconstruction sagittale (A) et axiale (B) d’une métastase de T8 d’un cancer du sein. Vertébrectomie par voie postérieure. L’exérèse et la reconstruction circonférentielle ont été assurées par une voie postérieure unique (C, D).

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morcellement. Cette stratégie présente l’inconvénient de rompre la capsule tumorale mais permet de limiter les risques de traction sur les structures viscérales, vasculaires ou neurologiques. L’effraction de la capsule tumorale peut également être à l’origine d’un saignement accru (par exemple, dans les cancers du rein) qui peut être prévenu par une embolisation préopératoire. Li et al. [16], ont récemment publié une série de 131 patients ayant bénéficié de l’exérèse d’une métastase vertébrale à visée carcinologique sur une période de dix ans. Au total, 32 patients ont bénéficié d’une résection en bloc et 99 d’une résection par morcellement. Les auteurs ont rapporté 26 complications (19,9 %), sans décès péri opératoire. Alors que le taux de récidive locale était supérieur après résection par morcellement, les auteurs n’ont pas retrouvé de différence significative en termes de survie (médiane : 26,7 mois). La résection à visée carcinologique permet d’obtenir un contrôle tumoral local efficace préservant le statut fonctionnel des patients. De par sa morbidité potentielle, cette procédure ne doit être proposée qu’à des patients soigneusement sélectionnés.

Chirurgie à visée « palliative » Les principales indications chirurgicales à visée palliative sont : – une compression neurologique évolutive ou résistante à la radiothérapie ; – une fracture pathologique ; – un risque fracturaire important (SINS) ; – des douleurs locales non contrôlées. La prise en charge chirurgicale consiste donc à associer des gestes de décompression et de stabilisation selon les cas.

Décompression La chirurgie de décompression est indiquée en première intention en cas de symptomatologie neurologique évolutive [17] dans le but d’éviter des lésions médullaires irréversibles (myélomalacie). Elle peut également être retenue en cas de poursuite évolutive après radiothérapie. Cette procédure n’a pas pour objectif d’obtenir une résection lésionnelle complète mais vise surtout à obtenir une décompression large des structures neurologiques pour préserver ou restaurer le statut fonctionnel et donc la qualité de vie des patients. Anciennement considérée comme la procédure de référence, la laminectomie de décompression seule est actuellement que très rarement indiquée. Les métastases siègent dans plus de 80 % des cas au sein du corps vertébral (en avant du fourreau dural), ce qui rend une décompression postérieure inefficace voire néfaste. La laminectomie n’est donc proposée que dans les rares cas de compressions postérieures (figure 2). AutreBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

ment, seule une large décompression circonférentielle du fourreau dural permettra d’envisager un résultat fonctionnel satisfaisant. Au niveau du rachis cervical, la facilité d’accès permet de réaliser une décompression large (corporectomie) au prix d’une faible morbidité, au moyen d’une procédure à l’efficacité éprouvée dans le cadre des pathologies dégénératives (figure 3). Concernant le rachis thoracolombaire, de nombreuses techniques ont été développées pour accéder au corps vertébral. Les voies d’abord antérieures ou latérales, qui permettent un accès direct sur le siège de la compression, mais présentent une morbidité non négligeable qui peut les contre-indiquer chez des patients obèses ou présentant des comorbidités respiratoires ou viscérales. Des techniques de résection par voies postérieures ont récemment été proposées [5]. Elles nécessitent une large résection osseuse des éléments postérieurs (massifs articulaires et pédicules) pour accéder au corps vertébral et assurer une décompression circonférentielle. Un geste de stabilisation est systématiquement nécessaire.

Stabilisation La stabilisation permet de préserver ou de restaurer les propriétés mécaniques indispensables de la colonne vertébrale. Elle est indiquée dans trois situations : – après un geste de décompression large pour prévenir une déstabilisation iatrogène ; – pour le traitement d’une fracture pathologique avérée afin de restaurer l’anatomie et la stabilité du segment vertébral atteint (figure 4) ; – pour le traitement préventif d’une lésion qui présente un risque fracturaire élevé. Diverses stratégies et biomatériaux de reconstruction sont employés. Au niveau du rachis cervical, la technique la plus employée consiste à remplacer le corps vertébral atteint au moyen d’un implant (titane et/ou ciment acrylique) permettant d’obtenir une console antérieure rigide, sécurisé au moyen d’une plaque vissée. Au niveau du rachis thoracolombaire, la stratégie consiste à implanter des vis pédiculaires dans les vertèbres sus- et sous-jacentes, reliées par deux tiges en titane. Cette stabilisation postérieure n’est pas dénuée de risque (malposition, infection, cicatrisation. . .), et permet le plus souvent d’éviter le recours à une voie d’abord antérieure thoracique ou abdominale, sauf lorsque l’on souhaite réaliser une exérèse carcinologique.

Techniques mini invasives Objectifs Le développement conjoint des techniques chirurgicales et de l’instrumentation vertébrale, a permis d’améliorer le pronostic fonctionnel des patients

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Figure 2. IRM (T1 injectée) en reconstruction sagittale (A) et axiale (B) d’une métastase épidurale postérieure d’un cancer du poumon. Lésion postérieure accessible à une décompression par laminectomie isolée. Contrôle postopératoire (C, D).

atteints de métastases vertébrales. Toutefois, comme précédemment décrit, la morbidité chirurgicale demeure importante, ce qui en limite l’accès aux patients à l’état général conservé. Afin de diminuer cette morbidité et d’envisager une prise en charge chirurgicale même chez des patients fragiles, des techniques mini-invasives ou Minimal Access Spine Technologies (MAST) ont été développées. Ces innovations techniques concernent essentiellement le rachis thoracolombaire. De nombreuses études ont clairement démontré une baisse significative des pertes sanguines, rendant plus occasionnel le recours à une

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transfusion sanguine. Le faible délabrement musculaire permet de diminuer la douleur postopératoire, facilite une reprise d’activité rapide, diminue la durée d’hospitalisation et participe à l’amélioration de la qualité de vie des patients. L’un des paramètres les plus important est la diminution du taux d’infection et de la taille des incisions cutanées. Certaines études ont montré un taux d’infection dix fois moins important lorsqu’une technique mini-invasive était utilisée [18]. Cela permet d’envisager l’initiation plus rapide des traitements complémentaires de type radiothérapie et chimiothérapie [19]. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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B 33.9 mm

25 mm

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Figure 3. Scanner en reconstruction sagittale (A) et axiale (B) d’une métastase de C4 d’un cancer du rein. Radiographies (C, D) après décompression (corporectomie) et reconstruction (cage en titane et plaque vissée) par voie antérieure.

Les techniques mini-invasives tendent donc à prendre une place de plus en plus importante dans la prise en charge « palliative » des métastases vertébrales symptomatiques.

Ostéosynthèse percutanée Cette technique permet d’assurer la stabilisation efficace d’une métastase vertébrale thoraco-lombaire, en évitant la morbidité de la voie d’abord classique [20]. Les vis pédiculaires sont introduites par voie percutanée (incision cutanée centimétrique) sous contrôle radioBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

scopique de face et de profil (figure 5). Les tiges en titane sont introduites de fac¸on similaire pour unir les vis entre elles et assurer la solidité du montage. Une instrumentation longue (2 vertèbres au-dessus et 2 vertèbres en dessous) est souhaitable pour augmenter la tenue mécanique, et en prévention de l’extension de la pathologie aux vertèbres adjacentes qui pourrait altérer la tenue des vis. Les dernières séries publiées confirment un gain en termes de qualité de vie, notamment par le contrôle immédiat des douleurs mécaniques souvent responsable d’une diminution des activités. En l’absence de signes neurologiques déficitaires, la

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Figure 4. Scanner en reconstruction sagittale fracture pathologique de C2 (odontoïde) sur une métastase d’un cancer du rein (A) responsable d’une compression médullaire haute. Réduction (B) et stabilisation par vissage de l’atlas (C) et des troisième (D) et quatrième vertèbres cervicales.

reprise d’activité est souvent rapidement autorisée. De par la solidité du montage, aucune contention postopératoire n’est généralement préconisée. Dans notre expérience, devant l’absence de cicatrice extensive et de délabrement musculaire, les thérapies adjuvantes (chimiothérapie, radiothérapie) [21] peuvent être rapidement initiées, dès le dixième jour postopératoire.

Décompression percutanée Par ces techniques, il est possible de mettre en place un écarteur tubulaire transmusculaire (24 mm de diamètre) en regard de la zone à décomprimer [22]. La résection des structures osseuses et tumorales est menée de proche en proche par morcellement progressif. Pour plus de sécurité, cette procédure peut s’effectuer à l’aide d’un microscope opératoire à fort grossissement (figure 6). Les racines nerveuses et le fourreau dural sont peu à peu identifiés et sécuri-

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sés. Une fois la décompression postérieure achevée, il est possible d’accéder au corps vertébral par voie transpédiculaire. Un évidemment partiel du corps vertébral peur être réalisé par cette seule voie d’abord mini invasive. L’objectif de cette procédure de décompression palliative n’est pas de réaliser une exérèse complète, mais simplement d’assurer une zone de décompression suffisante autour des structures nerveuses. De par la faible taille de la cicatrice et l’absence d’espace de décollement, la radiothérapie postopératoire peut être rapidement initiée, permettant de compléter le contrôle tumoral local. Les premières séries publiées confirment l’efficacité et l’innocuité de cette stratégie, la rendant particulièrement indiquée pour des patients fragiles, non éligibles à une procédure conventionnelle. Soulignons que ces stratégies mini invasives peuvent être associées, pour assurer une décompression des structures neurologiques et une stabilisation percutanée [7]. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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Figure 5. Scanner en reconstruction sagittale (A) et axiale (B) d’une métastase ostéolytique de T9 d’un cancer du rein. Contrôle radiologique à j2 (radiographies debout) de profil (C) et de face (D) après une ostéosynthèse pédiculaire percutanée.

Conclusion De par leur fréquence élevée et l’évolution des possibilités thérapeutiques, la prise en charge chirurgicale des métastases vertébrales devient de plus en plus spécifique. Au sein d’une stratégie multidisciplinaire, Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

le traitement chirurgical permet d’améliorer le statut fonctionnel des patients éligibles. Parmi notre arsenal thérapeutique, le développement des techniques mini invasives permet de faire bénéficier d’une prise en charge chirurgicale des patients qui en étaient jusqu’à

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Figure 6. IRM en reconstruction sagittale (A) et axiale (B) d’une métastase du sacrum d’un cancer du sein. Photographie opératoire avant (C) et après (D) la décompression percutanée des structures neurologiques sous microscope opératoire. La lésion entraine une compression de la queue de cheval et de la racine S1 (*) entraînant une sciatique hyperalgique résistante à la radiothérapie.

présent exclus. Nous devons encore cependant progresser dans la validation expérimentale des différents traitements chirurgicaux proposés et dans l’élaboration de consensus pour leur application.  Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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