Presse Med. 2015; 44: 590–600

Revue de la littérature

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte en médecine générale Pierre-Antoine Peyron 1, Michel David 2

Disponible sur internet le : 7 mai 2015

1. CHU Lapeyronie, département de médecine légale, avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France 2. Faculté de médecine, département de médecine générale, CS 59001, 2 rue de l'École de médecine, 34060 Montpellier cedex 2, France

Correspondance : Pierre-Antoine Peyron, CHU Lapeyronie, département de médecine légale, avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France. [email protected]

Résumé

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Contexte > On estime que près de la moitié des suicidés consultent un médecin généraliste dans le mois précédant leur geste. Il est donc essentiel que le généraliste puisse disposer d'un outil d'évaluation du risque suicidaire validé en soins primaires. Objectifs > Recenser les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte, discuter leur validité, et proposer un outil pertinent en médecine générale. Méthode > Recherche dans diverses banques de données scientifiques (mots clés : questionnaires ; psychiatric status rating scales ; tools ; risk assessment ; suicide ; attempted suicide ; suicidal ideation ; primary care ; family practice ; general practice), et dans les revues médicales françaises et anglo-saxonnes indexées en soins primaires. Analyse des publications et recommandations des organismes de prévention et de promotion de la santé, et des sociétés savantes de médecine générale et de psychiatrie. Résultats > Deux types d'outils d'évaluation du risque suicidaire ont été répertoriés. D'une part, les questionnaires qui visent à prédire le passage à l'acte (ou sa récidive) à partir d'un score de risque. Ils sont intéressants en recherche mais leur utilité en pratique clinique est limitée en raison d'une faible spécificité et d'un pouvoir prédictif décevant à l'échelle individuelle. D'autre part, les entretiens semi-directifs, à travers lesquels le clinicien peut explorer les trois dimensions du potentiel suicidaire (le risque, l'urgence, et la dangerosité). Ces entretiens permettent de situer le patient dans le processus suicidaire et d'apprécier au mieux la stratégie de soins préventive à adopter. Les recommandations actuelles préconisent leur utilisation en consultation courante. Seul outil validé à ce jour en soins primaires, la Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire pourrait représenter un outil pertinent en médecine générale. Conclusion > La prévention du risque suicidaire en médecine générale nécessite une évaluation du potentiel suicidaire selon un entretien semi-directif. Nous suggérons la réalisation d'une étude

tome 44 > n86 > juin 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.12.009 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

qualitative en médecine générale sur la Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire.

Summary Suicide risk assessment tools for adults in general medical practice Background > It is estimated that almost half of suicide victims have consulted a general practitioner during the month preceding their act. The implementation of a suicide risk assessment tool validated in primary care is therefore needed in general medical practice. Objectives > To review the suicide risk assessment tools for adults, to discuss their validity, and to suggest a pertinent tool which could be used in primary care. Methods > Research into scientific databases (keywords: psychiatric status rating scales; tools; questionnaires; risk assessment; suicide; attempted suicide; suicidal ideation; primary care; family practice; general practice) and into French and English language primary care journals. Review of publications and recommendations from health promotion and suicide prevention organizations, and from general practice and psychiatry learned societies. Results > Two categories of suicide risk assessment tools have been found. On one hand, questionnaires aim at predicting suicidal behaviours (or their recurrence) using a risk score. They are interesting in research but of limited value in clinical practice because of their low specificity and individual predictive power. On the other hand, semi-directive interviews unable clinicians to explore the three dimensions of suicidality (levels of risk, urgency and danger), thus knowing to what extent the patient is suicidal and to adopt the appropriate preventive care strategy. Their use in clinical routine is highly recommended. The Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire is the only interview to have been validated in primary care so far. It could be a pertinent tool in general practice. Conclusion > Preventing suicide in primary care requires the assessment of suicide risk using a semi-directive interview. We suggest a qualitative study to be carried out in general practice on the Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire.

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essentiel que soit mis à la disposition des généralistes un instrument d'aide à la décision, validé en soins primaires [5]. L'objectif principal de ce travail était de répertorier, à travers une revue de la littérature, les différents outils cliniques actuellement disponibles pour évaluer le risque suicidaire chez l'adulte. Nous discuterons leur validité en psychiatrie et en soins primaires, avant de proposer un outil nous semblant pertinent en pratique de médecine générale.

Méthodologie Nous avons consulté diverses sources d'information (encadré 1) en nous basant sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de recherche documentaire [6]. Nous avons tout d'abord procédé à une recherche bibliographique étendue dans les principales banques de données scientifiques existantes. Medline, Embase, la Cochrane library, psycINFO, Pascal, ou encore CAIRN ont été interrogés. Une revue de la « littérature grise » a également été réalisée à travers la Banque de données de santé publique (BDSP) et le Catalogue et index des sites médicaux de langue française (CiSMeF).

591

L'

interlocuteur privilégié des patients en crise suicidaire est le médecin généraliste. Il est consulté par une personne suicidaire sur deux dans le mois précédant son passage à l'acte et il est le premier intervenant sollicité dans près d'un tiers des tentatives de suicide ayant donné lieu à un contact médical [1,2]. Ces chiffres montrent combien le généraliste joue un rôle prépondérant dans la prévention du suicide. Le repérage, l'évaluation et la prise en charge du patient suicidaire représente cependant une réelle difficulté en médecine générale. On estime notamment que seul un médecin généraliste sur trois explore le risque suicidaire des patients dépressifs se présentant à son cabinet [3]. Or, il est prouvé qu'une tentative de suicide constitue l'élément biographique le plus probant de réitération suicidaire. Trente à 40 % des primosuicidants récidivent, généralement dans l'année qui suit le premier épisode, et 10 % décèderont par suicide dans les dix ans (1 % par an). Le risque de décès par suicide d'un suicidant est ainsi 50 fois supérieur à celui de la population générale [4]. Afin d'améliorer et d'homogénéiser les pratiques d'évaluation du risque suicidaire en médecine générale, il paraît donc

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Les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte en médecine générale

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P-A Peyron, M. David

Encadre 1 Sources documentaires consultées Banques de données scientifiques  Medline, Embase, Cochrane library, psycINFO, Pascal, CAIRN, Banque de données de santé publique (BDSP), Catalogue et index des sites médicaux de langue française (CiSMeF) Organismes de prévention et de promotion de la santé  Haute Autorité de santé (HAS), Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), Haut conseil de la santé publique (HCSP), ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), Institut de veille sanitaire (InVS)  World Health Organization (WHO), National Institute for Clinical Excellence (NICE), Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ), Centers for Disease Control and Prevention (CDC), Canadian Task Force on Preventive Health Care (CTFPHC), ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, New Zealand Guidelines Group (NZGG), Scottish Executive Health Department (SEHD), Australian Government – Department of Health and Ageing Sociétés savantes en médecine générale  Collège national des généralistes enseignants (CNGE), Groupe universitaire de recherche qualitative médicale francophone (GROUM.F), Société française de documentation et de recherche en médecine générale (SFDRMG), Société française de médecine générale (SFMG), Société française de formation thérapeutique du généraliste (SFTG)  World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practicioners/Family Physicians (WONCA), European General Practice Research Network (EGPRN), European Academy of Teachers in General Practice and Family Medicine (EURACT), European association for Quality in general Practice/family medicine (EQUIP), American Academy of Family Physicians (AAFP) Sociétés savantes en psychiatrie  Collège national universitaire de psychiatrie (CNUP), Association française de psychiatrie (AFP)  American Psychiatric Association (APA) Revues médicales  Prescrire, Exercer, La Revue du Praticien, La Revue du Praticien Médecine Générale, Le Concours Médical, La Presse Médicale, Panorama du médecin, Médecine, Pratiques, Le Généraliste, Le Quotidien du Médecin, Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH), Revue d'épidémiologie et de santé publique, Impact Médecine, Revue Médicale Suisse  Annals of Internal Medicine, British Medical Journal (BMJ), Lancet, Journal of the American Medical Association (JAMA), New England Journal of Medicine (NEJM), Canadian Medical Association Journal (CMAJ), British Journal of General Practice (BJGP), Family Practice, Medical Education, Bandolier Journal.

Les mots clés utilisés étaient les suivants : « psychiatric status rating scales » ou « tools » ou « questionnaires » ou « risk assessment » et « suicide » ou « attempted suicide » ou « suicidal ideation ». Les termes « primary care » ou « family practice » ou « general practice » leur étaient ajoutés secondairement pour affiner et limiter la recherche au champ des soins primaires et de la médecine générale. N'ont pas été inclus les articles étudiant des populations de moins de 15 ans (notre travail s'intéressant à l'évaluation du potentiel suicidaire des patients adultes), les publications qui n'étaient pas rédigées en anglais ou en français, et celles pour lesquelles aucun résumé n'était accessible. Nous nous sommes uniquement intéressés aux outils spécifiquement conçus pour évaluer le risque suicidaire (et non uniquement le repérer). Nous n'avons pas retenu les articles étudiant la validité d'items (ou de sous-échelles) issus de questionnaires initialement créés pour une évaluation psychiatrique globale ou pour le diagnostic d'une pathologie à risque de suicide (la dépression, par exemple). Il n'a pas été posé de limite inférieure concernant la date de parution des articles. L'épuration des publications a ensuite été effectuée à la lecture de leurs titres puis de leurs résumés. Cette sélection nous a permis d'identifier de nombreux articles étudiant les propriétés psychométriques de questionnaires d'évaluation du risque suicidaire. Pour chacun d'eux, le type d'étude, la méthodologie employée, la population sur laquelle portait la validation de l'outil (psychiatrie, soins primaires, étudiants, urgences) et le champ d'application de l'outil (recherche versus clinique) ont été pris en considération. Notre travail s'est également appuyé sur les recommandations professionnelles de l'Organisation mondiale de la santé et d'organismes gouvernementaux de prévention et de promotion de la santé (français et anglo-saxons). De même, les publications des principales sociétés savantes de médecine générale et de psychiatrie, accessibles sur Internet, ont été consultées. Plusieurs techniques d'entretien semi-directives ont ainsi été répertoriées. Enfin, nous avons sélectionné des articles à partir de l'historique des sommaires de divers périodiques médicaux francophones et anglo-saxons disponibles en ligne. La méthode de dépouillement systématique de leurs sommaires s'est également basée sur les recommandations de la HAS.

Résultats Les questionnaires (ou échelles de risque) De nombreux questionnaires sont actuellement disponibles pour évaluer le risque suicidaire des patients en crise [7,8]. Il en existe deux grandes catégories : les instruments d'hétéroévaluation, se présentant sous la forme d'entretiens directifs en face à face avec le patient, et ceux d'auto-évaluation, renseignés par le sujet lui-même [9–48]. Ces questionnaires consistent en une succession d'un nombre variable de questions,

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raisons de vivre (facteurs de protection), de son désespoir ou encore de son degré d'intentionnalité en amont ou au décours du geste. Les échelles de Beck sont les questionnaires les plus utilisés en pratique. La classification que nous avons décidé d'adopter (tableau I) est basée sur le type de dimension explorée par le questionnaire, et sur le moment de l'évaluation par rapport au geste (patient suicidaire ou suicidant). Le mode d'administration des

à réponses binaires (oui/non) ou de type Likert. Leur passation aboutit à l'obtention d'un score de risque global, issu de la somme des scores obtenus à chacune des questions. Ce score serait soi-disant prédictif d'une conduite suicidaire ultérieure, c'est pourquoi ces questionnaires sont également appelés « échelles de prédiction ». Ces échelles explorent des dimensions variables. Il peut s'agir des idées ou des comportements suicidaires du patient, de ses

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Les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte en médecine générale

TABLEAU I Principaux questionnaires d'évaluation du risque suicidaire Mode d'administration Autoquestionnaire

Nombre d'items

Temps de passation (min)

Interview

Population sur laquelle a porté la validation

Psychiatrie

Étudiants

Soins primaires

Version francophone validée

Urgences

Ideations et comportements SSI

19

10

SSI-W

19

10

SSI-M

18

10

SSI-SR

19

10

SBQ

4

5

SBQ-14

34

SPS

36

10

ASIQ

25

5

RSD

11

PANSI

20

SDS

10

SSF

12

SHSS

16

5

5–10

Facteurs de protection RFL

48

10

BRFL

12

3

Désespoir BHS

5

Patient suicidant SIS

15

EGCS

11

MSHR

4

ERRS

11

SUAS

20

10

20–30

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SSI : Scale for Suicide Ideation [9–13] ; SSI-W : Scale for Suicide Ideation – Worst [12,14] ; SSI-M : Modified Scale for Suicide Ideation [15] ; SSI-SR : Self-Rated Scale for Suicide Ideation [16] ; SBQ : Suicide Behaviors Questionnaire [17] ; SPS : Suicide Probability Scale [11,17–19] ; ASIQ : Adult Suicidal Ideation Questionnaire [20] ; RSD : Échelle d'évaluation du risque suicidaire de Ducher [21–24] ; PANSI : Positive and Negative Suicide Ideation Inventory [25] ; SDS : Suicide Ideation Scale [26] ; SSF : Suicide Status Form [27] ; SHSS : Suicide History Self-Rating Screening Scale [28] ; RFL : Reasons for Leaving Inventory [29–31] ; BRFL : Brief Reasons for Living Inventory [32] ; BHS : Beck Hopelessness Scale [11,12,13,33–38] ; SIS : Suicide Intent Scale [39,40] ; EGCS : Échelle de Gravite des Conduites Suicidaires [41,42] ; MSHR : Manchester Self Harm Rule [43,44] ; ERRS : Edinburgh Risk of Repetition Scale [45,46] ; SUAS : Suicide Assessment Scale [47,48].

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P-A Peyron, M. David

questionnaires, leur nombre d'items, leur temps de passation, la population sur laquelle a porté leur validation et l'existence ou non d'une version francophone validée sont renseignés. La qualité de l'évaluation du risque suicidaire dépendrait du mode de passation de ces échelles. Cochrane [49] recommande ainsi de ne pas utiliser les questionnaires auto-administrés chez les patients ayant des symptômes dépressifs, d'anxiété ou d'agitation, car leur capacité de concentration et de pensée rationnelle serait réduite. Il en va de même pour les personnes susceptibles d'être sous l'emprise de substances psycho-actives (alcool, stupéfiants). La mauvaise compréhension possible des consignes par le patient est aussi un facteur à prendre en compte lors de l'utilisation de ce type d'échelle. En revanche, la personne interrogée aurait tendance à évoquer plus facilement l'existence de comportements suicidaires (actuels ou passés) via un auto-questionnaire que de manière verbale au cours d'une interview [50]. Les entrevues en face-à-face avec le patient autoriseraient quant à elles une meilleure flexibilité dans l'évaluation du patient et elles auraient pour effet d'apaiser les personnes interviewées. Leurs inconvénients sont leur longueur d'administration et leur manque d'objectivité, avec une reproductibilité inter-juges souvent aléatoire, les réponses du patient pouvant être influencées par les interactions s'opérant avec le médecin lors de l'interview. L'utilisation de ce type d'outil requière aussi une formation spécialisée de l'intervenant souhaitant s'en servir. Par ailleurs, une étude a mis en évidence que le clinicien a souvent tendance à surévaluer la suicidalité des patients à travers ce type d'évaluation [51]. Pour Brown, une évaluation du risque suicidaire de bonne qualité impose l'utilisation de ces deux formes de questionnaire au cours de la même consultation [7].

Les entretiens semi-directifs

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Les entretiens semi-directifs sont de véritables « techniques » d'évaluation du patient en crise suicidaire, essentiellement fondés sur le raisonnement clinique et la subjectivité de l'évaluateur. À travers un canevas d'entretien et plusieurs questionsclés, le clinicien peut ainsi dissocier et explorer les principales dimensions du potentiel suicidaire, habituellement intégrées, voire amalgamées, dans les échelles standardisées (le risque, l'urgence et la dangerosité). Le clinicien est libre de reformuler les questions ou de poser des questions complémentaires au patient afin de clarifier certaines de ses réponses. Un niveau de « risque » est attribué au patient à l'issue de ces entretiens, permettant de le situer dans le processus suicidaire et d'orienter la stratégie préventive à adopter. Ces entretiens visent davantage à prévenir le passage à l'acte suicidaire qu'à le prédire. Ils émanent pour la plupart des recommandations émises par les organismes nationaux et internationaux de promotion de la santé.

Notre travail a permis de recenser plusieurs entretiens semidirectifs :  le « RUD » (risque-urgence-dangerosité) [5] ;  la Columbia-Suicide Severity Rating Scale (C-SSRS) [52] ;  la Grille québécoise d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire [53] ;  le Pocket guide for Primary Care Professionals [54,55] ;  l'IAP (Immediate Action Protocol) [56] ;  le TASR (Tool for Assessment of Suicide Risk) [57] ;  l'ECES (Évaluation chronologique des événements suicidaires) [58], chez le patient suicidant ;  ou encore les différentes grilles de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) [59–61]. Les trois premiers outils méritent d'être détaillés plus précisément.

Le « RUD » Depuis la conférence de consensus sur la crise suicidaire en 2000, la HAS recommande à tous les médecins amenés à intervenir auprès d'un patient suicidaire, d'évaluer son potentiel suicidaire selon le schéma suivant :  le risque (R) : il faut tout d'abord prendre en compte les facteurs de risque suicidaire du patient, à la fois biographiques et psychopathologiques, et les évènements de vie prédisposant à l'apparition du geste. Il s'agit de données purement épidémiologiques ;  l'urgence (U) : le deuxième temps de l'évaluation consiste à rechercher les facteurs d'urgence, qui permettront d'apprécier l'imminence du passage à l'acte. On doit s'attacher à évaluer le niveau de souffrance psychique (sentiment de désespoir, de dévalorisation, d'impuissance, voire de culpabilité), le niveau d'impulsivité (état marqué par une instabilité comportementale, des antécédents de passages à l'acte, de fugues ou d'actes violents, ou encore des troubles panique) et le degré d'intentionnalité (idées envahissantes, rumination, recherche ou non d'aide, attitude par rapport à des propositions de soins), ce qui permettra de mieux situer le patient dans le processus suicidaire. Le scénario suicidaire et son degré de préparation seront décrits le plus précisément possible par les questions « où ? », « quand ? », et « comment ? ». On recherchera l'existence d'une alternative autre que le suicide. Du fait de sa grande variabilité au cours du temps, il est important d'évaluer l'urgence au début et à la fin de l'intervention avec le patient. On s'attachera également à repérer l'événement précipitant ayant véritablement plongé le patient en crise (dispute, séparation, échec professionnel, perte d'emploi. . .) ;  la dangerosité (D) : troisièmement, la dangerosité du scénario suicidaire doit être appréciée en considérant l'accessibilité au moyen que le patient envisage d'utiliser pour se suicider (elle est élevée si l'accès est facile et immédiat : la détention d'une

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Échelle d'évaluation de Columbia sur la gravité du risque suicidaire (C-SSRS) Cette échelle a été développée par plusieurs universités américaines (dont celle de Columbia) en 2008. Initialement conçue pour évaluer la sévérité et l'évolution des idéations et comportements suicidaires d'adolescents inclus dans des essais cliniques, la C-SSRS est aujourd'hui largement utilisée chez l'adulte dans plusieurs pays, aussi bien en pratique clinique (notamment en soins primaires) qu'en recherche. Elle est actuellement disponible en 116 langues, dont le français. Plusieurs institutions américaines, dont la FDA (Food and Drug Administration), recommandent son utilisation. Le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) fait également référence à cette échelle dans un rapport sur les violences auto-infligées paru en 2011 [62]. Cet outil existe en plusieurs versions (4 en pratique clinique, 7 en recherche). Une version électronique destinée à l'autoévaluation du patient a également été validée [63]. Dans sa version standard (disponible en annexe électronique 1), qui s'intéresse à la suicidalité du patient sur sa vie entière mais aussi sur les derniers mois, l'outil se compose de 4 souséchelles :  la première s'intéresse à la sévérité des idéations suicidaires du patient (du « désir d'être mort » à l' « intention de passage à l'acte avec scénario précis »), à partir d'une interview graduelle de 5 questions. Une réponse positive à l'une des deux dernières questions (présence de pensées suicidaires avec intention de mourir au cours du dernier mois) est évocatrice d'un risque suicidaire majeur ;  la deuxième concerne l'intensité des pensées suicidaires, à partir de 5 questions explorant leur fréquence, leur durée, leur maîtrise, leurs causes et l'existence d'éléments dissuasifs ;  les comportements suicidaires du patient sont ensuite étudiés à travers la recherche de tentatives de suicide avérées, interrompues ou avortées, ou encore de préparatifs en vue d'une tentative de suicide imminente. L'existence d'un de ces comportements suicidaires durant les trois derniers mois indique un risque suicidaire majeur ;

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enfin, la dernière sous-échelle évalue la létalité des éventuelles tentatives de suicide à l'actif du patient, à partir de l'atteinte physique observée. Elle se compose de 6 degrés (de « aucune atteinte physique ou atteinte physique très légère » au décès). En cas de létalité nulle, la létalité potentielle de la tentative est cotée selon une échelle à 3 degrés. Au final, un risque de suicide majeur (idées suicidaires sévères au cours du mois écoulé et/ou comportement(s) suicidaire(s) durant le dernier trimestre) nécessite une prise en charge psychiatrique adaptée et doit faire discuter une hospitalisation en secteur spécialisé en urgence. Un protocole de prise en charge est également disponible en cas de risque suicidaire moins important. Une version de l'outil s'intéressant à la suicidalité du patient depuis la dernière consultation, dont les items sont similaires à ceux de la version standard, existe également. Elle s'adresse aux patients ayant déjà été évalués au moins une fois à l'aide de cet outil. Chacune de ces versions dispose d'une version tronquée, de dépistage (« screener »), associant 6 questions. Les 5 premières explorent la sévérité des pensées suicidaires du patient tandis que la dernière évalue ses comportements suicidaires. Cette échelle nécessite une formation préalable de l'intervenant souhaitant l'administrer. Cette formation est accessible en ligne en différentes langues. Une fois formé, un large panel d'intervenants peut théoriquement utiliser cette échelle (médecins, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux, etc.). Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire Plus récemment (2010), le service de développement, d'adaptation et d'intégration sociale du ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec et le Centre de santé et de services sociaux de l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke ont coproduit un guide de bonnes pratiques en matière de prévention du suicide [53], destiné aux intervenants des centres de santé et de services sociaux québécois. Il y est présenté un nouvel outil destiné aux intervenants en soins primaires, appelé Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire (disponible en annexe électronique 2). Le terme « dangerosité » est utilisé dans un souci d'harmonisation avec les termes employés dans la loi québécoise sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour ellesmêmes ou pour autrui (loi P-38) [64]. Cette grille consiste à évaluer le degré de planification du suicide, à vérifier la présence et l'importance des principaux facteurs de risque et de protection, puis à utiliser ensuite les premières réponses de la personne suicidaire comme « leviers d'intervention ». L'intervenant procède enfin à l'estimation finale de la dangerosité (pas d'indice de danger, indices de danger faible, de danger grave à court terme, ou de danger grave et immédiat).

595

arme à feu, par exemple) et en prenant en compte la létalité de ce moyen (pour une arme à feu, la dangerosité est élevée). Enfin, la recherche de facteurs de protection (individuels et surtout socio-familiaux) est indispensable pour compléter l'évaluation du sujet en crise suicidaire. Pour chaque critère est attribué un degré de gravité respectif : faible, moyen, ou élevé. Le type d'intervention proposée au patient est fonction du niveau d'urgence, qui prime sur les deux autres dimensions. Un niveau d'urgence élevé impose l'hospitalisation, toute autre situation de niveau inférieur devra être discutée au cas par cas, en sachant qu'en cas d'urgence moyenne ou faible, la proposition de soins privilégie généralement un suivi ambulatoire.

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Les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte en médecine générale

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P-A Peyron, M. David

La planification du suicide détermine le niveau d'urgence suicidaire, qui reste souvent le seul critère évalué par les intervenants, sans qu'il ne soit modulé par la recherche des facteurs associés négativement ou positivement au suicide. Cette évaluation s'appuie habituellement sur le questionnaire COQ (comment, où, quand), destiné à préciser le plan suicidaire en demandant à la personne concernée la manière, le lieu et la date à laquelle elle compte passer à l'acte. Bien que faisant partie intégrante de l'estimation de la dangerosité du passage à l'acte suicidaire, l'évaluation de la planification du suicide n'est, selon les auteurs, pas suffisante. Elle permet néanmoins de s'assurer rapidement que la personne ne présente pas un risque imminent de passage à l'acte ou qu'elle n'est pas déjà en tentative de suicide (TS) au moment du contact. Si c'est le cas, l'objectif est d'assurer la sécurité de la personne (éloigner le moyen, hospitalisation). Dans la négative, il est recommandé de poursuivre l'intervention en recherchant la présence ou non des autres critères, pour adapter la prise en charge ultérieure. Dans cette grille, les facteurs estimés les plus près du passage à l'acte (appelés « proximaux »), et donc ciblés préférentiellement, sont les suivants :  une tentative de suicide antérieure : le « désir de mourir » et son contexte devront être recherchés, sachant que le danger augmente s'il existe une certaine déception d'être toujours en vie après la tentative ou bien si le contexte était similaire. Il s'agit également du facteur de risque le plus prédictif de suicide abouti ;  la capacité à espérer un changement : plus que la dépression elle-même, c'est le manque d'espoir qui mène au suicide. Il s'agit d'un critère subjectif coté à partir du discours de la personne ;  l'usage régulier de substances : alcool, médicaments, stupéfiants ;  la capacité à se contrôler : c'est au sein de cet item que sont recherchés les éléments d'impulsivité et d'auto- ou hétéroagressivité. Il est bon de décrire une éventuelle agitation ou une perte de contact avec la réalité (recherche d'éventuelles hallucinations mandataires, par exemple). Enfin, l'intervenant peut évaluer la façon dont le patient perçoit son propre contrôle (coté de 1 pour un très faible sentiment de contrôle à 10 pour un contrôle très élevé) ;  la présence des proches : ceux-ci peuvent représenter une « raison de vivre » (alternative au suicide), il s'agit alors d'un levier d'intervention. Leur présence physique et leur implication constituent un facteur de protection, tandis que l'isolement et/ou l'échec au sentiment d'appartenance (marginalisation, rejet, abandon) sont des facteurs de vulnérabilité ;  la capacité à prendre soin de soi : l'état physiologique et mental du patient (sommeil, appétit, énergie, assiduité à la prise des médicaments ou encore acceptation et compliance

à un suivi psychologique) ainsi que sa capacité à faire face à l'adversité sont évalués à travers cet item. Cette grille prend donc en considération à la fois le niveau d'urgence suicidaire et les facteurs de risque et de protection interférents. Chaque critère est pondéré selon une échelle colorimétrique (vert-jaune-orange-rouge), selon un continuum. Les facteurs qui protègent le patient sont retrouvés dans la partie gauche de la grille (vert-jaune), tandis que les facteurs le mettant en danger se situent à droite (orange-rouge). Ceci permet, après une première lecture de la grille ainsi renseignée, de savoir rapidement sur quoi le travail devra porter pendant l'entretien, tout en sachant que la cotation peut être soumise à des variations tout au long de celui-ci. L'estimation finale de la dangerosité du passage à l'acte doit être partagée avec le patient afin de favoriser son adhésion et sa compliance à un plan d'action. Selon les termes employés dans le guide, les cotes orange et rouge impliquent d' « accompagner » la personne suicidaire, c'est-à-dire de se rendre avec elle aux urgences hospitalières (ou de désigner une personne pour le faire), la cote jaune implique de la « référer » (à un psychiatre par exemple), tandis que la cote verte doit permettre son « orientation », c'est-à-dire l'inciter à prendre contact avec un spécialiste. Au final, cet outil intègre, par le biais de leviers d'intervention, les techniques de l'approche orientée vers les solutions. Cette méthode permettrait de faire diminuer le niveau de risque suicidaire en travaillant sur l'ambivalence présentée par les patients en crise. Les auteurs de ce guide de bonnes pratiques insistent toutefois sur la nécessité d'une formation préalable des intervenants désirant utiliser la grille, afin qu'ils intègrent bien la pondération et les questions à poser à la personne pour estimer la situation, et qu'ils soient ainsi capables d'orienter la conduite à tenir pour assurer sa sécurité.

Discussion Validité des questionnaires d'évaluation du risque suicidaire En psychiatrie Les propriétés psychométriques des échelles de prédiction ont été largement étudiées en psychiatrie. Leur sensibilité et leur valeur prédictive négative, de même que leur reproductibilité, leur cohérence interne et leur validité concourante sont généralement bonnes. En revanche, ces échelles souffrent d'une spécificité médiocre engendrant de nombreux faux-positifs. Par ailleurs, différents travaux ont étudié les valeurs prédictives positives (VPP) de certaines échelles de risque (tableau II). Seules celles ayant fait l'objet d'études prospectives ont été retenues dans ce travail, car elles sont plus généralisables à la pratique clinique que celles dérivées d'études cas-témoins [65,66]. Dans toutes ces études, le pouvoir de prédiction des différentes échelles reste très faible (VVP allant de 1 à 11,6 % pour les suicides, et de 0 à 38 % pour les TS). La plupart de ces

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Valeurs prédictives positives pour le suicide et les tentatives de suicide des questionnaires d'évaluation du risque suicidaire dans différentes études prospectives Échelles

Valeur prédictive positive (%)

Études

Suicide

Tentative de suicide

11,6



Beck et al., 1985 [36]

8



Niméus et al., 1997 [37]

1,3



Beck et al., 1999 [12]

1



Brown et al., 2000 [13]



0

Galfavy et al., 2008 [11]

2,4



Beck et al., 1999 [12]

3



Brown et al., 2000 [13]



30,8

Galfavy et al., 2008 [11]

SSI-W

2,8



Beck et al., 1999 [12]

SIS

9,7



Niméus et al., 2002 [39]

4



Harriss et al., 2005 [40]

ERRS



21

Carter et al., 2002 [46]

MSHR



22

Cooper et al., 2006 [43]



21

Cooper et al., 2007 [44]

RFL



25,5

Galfavy et al., 2008 [11]

SPS



27,3

Galfavy et al., 2008 [11]

SUAS



38

Waern et al., 2010 [48]

BHS

SSI

BHS : Beck Hopelessness Scale ; ERRS : Edinburgh Risk of Repetition Scale ; MSHR : Manchester Self Harm Rule ; RFL : Reasons for Leaving Inventory ; SIS : Suicide Intent Scale ; SSI : Scale for Suicide Ideation ; SSI-W : Scale for Suicide Ideation–Worst ; SPS : Suicide Probability Scale ; SUAS : Suicide Assessment Scale.

travaux ont pourtant porté sur des populations de suicidants, ce qui tend à majorer ces chiffres. Il est démontré que c'est la très faible prévalence des conduites suicidaires qui explique que les VPP des échelles de risque soient si mauvaises [67]. Les questionnaires actuels sont donc tout au plus capables d'identifier des groupes à risque de conduites suicidaires, mais ils ne peuvent pas prédire de manière fiable la survenue d'un suicide ou d'une TS à l'échelle individuelle [67–69]. En soins primaires Aucun des questionnaires d'évaluation du risque suicidaire recensés n'a été étudié en soins primaires, bien qu'il soit prouvé que les premiers intervenants sollicités par les patients en crise sont les professionnels de santé primaire (et en particulier les généralistes). Les propriétés psychométriques de la plupart des échelles de prédiction sont en effet validées sur deux types de

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population : les patients psychiatriques, et les étudiants. Par ailleurs, l'immense majorité des travaux portent sur des populations d'origine anglo-saxonne. Il est donc difficile d'extrapoler les résultats de ces études aux soins primaires français. L'ensemble des recommandations actuelles, françaises et internationales [5,53,60,61,65,66,70–73], s'accordent à dire que les questionnaires sont surtout destinés à la recherche et qu'ils n'ont pas démontré leur utilité en pratique clinique. Ils peuvent éventuellement être utilisés comme supplément à l'appréciation clinique, pour explorer plus profondément certains facteurs au cours de l'entretien. Il est alors important de garder à l'esprit que le score de ces échelles ne permet pas, à lui seul, d'estimer le niveau de soins nécessaire pour prévenir le passage à l'acte suicidaire ou la récidive.

Validité des entretiens semi-directifs Les différents organismes de promotion de la santé recommandent de procéder à l'estimation du potentiel suicidaire du patient en crise, selon un entretien semi-directif. En pratique clinique, la validation de ce type d'outils repose essentiellement sur la détermination de leur faisabilité et de leur acceptabilité. Pour qu'ils aspirent à une rigueur scientifique, il faut également s'assurer que les éléments qu'ils intègrent soient en accord avec les données actuelles de la science. À notre connaissance, le seul entretien semi-directif ayant fait l'objet de travaux de validation en soins primaires est la Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire. Cet outil a été validé auprès d'experts et d'utilisateurs au cours de Focus Groupes, et elle a montré sa reproductibilité à l'issue de tests de fidélité inter-juges à partir de vignettes cliniques réelles. Les différents critères pris en compte dans cet outil reflètent l'état des connaissances actuelles concernant l'évaluation du risque suicidaire, et sont cohérents avec les savoirs expérientiels et les recommandations d'experts d'Amérique du Nord. Les autres entretiens recensés dans ce travail n'ont pas été validés en soins primaires. C'est notamment le cas de la C-SSRS, dont les propriétés psychométriques n'ont été évaluées qu'au cours d'études portant sur des populations psychiatriques [52,74].

Adopter un outil pertinent en médecine générale Prérequis Il est démontré que la consultation du généraliste est faite de 20 % de situations dépressives, et que 80 % des patients dépressifs sont traités par leur médecin traitant. La dépression reste cependant une pathologie sous-diagnostiquée en médecine générale (le généraliste ne dépisterait qu'un patient dépressif sur trois) [75], bien qu'elle expose à un risque de suicide 20 fois supérieur à celui de la population générale [76]. La prévention du suicide passe donc par une meilleure reconnaissance et prise en charge thérapeutique de la dépression en médecine générale, et par la formation des médecins généralistes aux modalités de repérage, d'évaluation et de prise en

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TABLEAU II

Revue de la littérature

Les outils cliniques d'évaluation du risque suicidaire chez l'adulte en médecine générale

Revue de la littérature

P-A Peyron, M. David

charge des personnes en crise suicidaire. Plusieurs publications prouvent l'efficacité de telles initiatives. Verger et al. ont ainsi observé une augmentation du taux de détection des idées suicidaires par les médecins généralistes ayant bénéficié d'une formation continue sur la dépression [77]. Mann et al. considèrent quant à lui la formation continue des généralistes comme l'une des deux méthodes les plus fiables (avec la restriction de l'accès aux moyens létaux) pour prévenir le suicide [78]. Enfin, les expériences de formation de grande ampleur sur ce thème, comme celle de l'île de Gotland en Suède, ont démontré leur rôle préventif sur les suicides [79]. Deuxièmement, les généralistes doivent pouvoir disposer dans leur pratique quotidienne d'un outil qui soit validé en soins primaires, conçu en français, facile à manipuler, et de passation suffisamment brève pour qu'il soit en mesure de répondre aux conditions d'exercice de la médecine générale. Nous pensons notamment aux durées de consultation souvent restreintes, en raison du nombre important de patients programmés quotidiennement. En effet, si l'exploration des différentes dimensions du suicide est réalisable en consultation de psychiatrie, elle n'est pas toujours possible en consultation de soins primaires, faute de temps. Une étude de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) [80] a montré que le manque de temps de consultation contribue au fait que les médecins généralistes utilisent très peu les outils d'aide à la décision médicale [81]. L'introduction dans la nomenclature des actes en médecine générale d'une cotation spécifique en rapport avec l'utilisation d'un outil d'évaluation du risque suicidaire serait peut-être nécessaire, étant donné la complexité de cette évaluation et le temps qui doit lui être consacré. Il a d'ailleurs été démontré que la fréquence de détection des idées suicidaires par le généraliste augmente de manière significative avec l'allongement de la durée de la consultation [77]. Enfin, une formation à l'utilisation de l'outil administré est nécessaire. En effet, plus de la moitié des médecins généralistes interrogés dans l'étude de l'INPES déclarent peu utiliser les outils à leur disposition en raison d'un manque de connaissance et de formation concernant ces tests.

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Quel outil ? En pratique de soins primaires, il est courant de n'évaluer que les dimensions « urgence » et « dangerosité » pour agir au mieux et rapidement face à un patient suicidaire. Le « RUD » n'a pas été initialement conçu pour répondre aux exigences des soins primaires, une évaluation exhaustive des différents facteurs de risque et d'urgence répertoriés dans cet outil nécessitant en effet du temps. Pour lui permettre « d'évaluer au moins la crise et son degré d'urgence » [5], le généraliste doit donc disposer d'un outil de passation brève, ciblant prioritairement ces deux dimensions.

La Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte, plus récente et spécifiquement conçue pour les professionnels de santé primaire, représente selon nous une alternative intéressante au « RUD », et un outil plus adapté à l'exercice de la médecine générale. Outre son élaboration en français, sa validation en soins primaires au Québec, et sa conformité avec l'état des connaissances actuelles sur l'évaluation du risque suicidaire, elle se distingue des autres outils répertoriés par sa conception originale et pratique, basée sur une approche orientée vers les solutions : pondération selon une échelle colorimétrique, évaluation du « risque » par une sélection de 6 facteurs « proximaux », utilisation de « leviers d'intervention ». De plus, cette grille débouche sur l'élaboration d'un plan d'action thérapeutique adapté au niveau de dangerosité du patient. Son adoption pourrait également permettre, comme le préconisent les recommandations, de disposer d'un langage commun entre les différents intervenants de soins primaires amenés à rencontrer le patient au cours de sa crise suicidaire, et de faciliter la prise de décision pluridisciplinaire quant aux actions à privilégier au terme de l'intervention.

Conclusion Une meilleure prévention du suicide en médecine générale passe par une meilleure prise en charge de la dépression, et par le repérage, l'évaluation, et la prise en charge des patients en crise suicidaire. Elle nécessite en aval un réseau de soins de proximité efficace qui permette au généraliste d'orienter le patient vers un spécialiste s'il le juge nécessaire. Bien qu'ayant fait l'objet de nombreux travaux de recherche, les échelles de prédiction suicidaire n'ont pas démontré leur utilité en pratique clinique. Il est actuellement recommandé de s'appuyer sur des entretiens semi-directifs pour situer le patient en crise dans le processus suicidaire, et pour prévenir son passage à l'acte à court terme par la mise en place d'une stratégie de soins adaptée. La Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire, validée en soins primaires au Québec, pourrait représenter un outil pertinent en consultation de médecine générale, en explorant de manière originale et pratique les trois dimensions du potentiel suicidaire. Afin de ne pas priver les généralistes, comme les patients, d'un outil d'évaluation qui pourrait représenter un support de qualité pour une démarche décisionnelle méthodologique et rigoureuse, nous estimons qu'il serait intéressant de mener une étude qualitative en médecine générale sur cet outil. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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Matériel complémentaire Complément électronique disponible sur le site Internet de La Presse Médicale (http://dx.doi.org/10. 1016/j.lpm.2014.12.009). Annexe 1 : Version française de la Columbia-Suicide Severity Rating Scale (C-SSRS Lifetime/Recent) Annexe 2 : Utilisation de la Grille d'estimation de la dangerosité d'un passage à l'acte suicidaire (document reproduit à partir du Guide de bonnes pratiques en prévention du suicide à l'intention des intervenants des centres de santé et de services sociaux)

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