E´DITORIAL

Souffrir avec le sourire — Les inconve´nients de la suppression des poils de la re´gion ge´nitale i vous avez constate´ que plus de patients de deux sexes vous consultent pour des e´ruptions et des infections dans la re´gion ge´nitale, vous eˆtes alors probablement au courant de la guerre aux poils pubiens lance´e re´cemment. Au cours de la dernie`re de´cennie, les jeunes femmes sont passe´es de la suppression partielle a` la suppression totale des poils de la zone du bikini et les hommes ont commence´ eux aussi a` faire leur toilette au-dessous de la taille. Au cours d’une enqueˆte mene´e en Australie aupre`s de 235 e´tudiantes du premier cycle, les re´pondantes ont invoque´ la fe´minite´ et l’attraction sexuelle comme motifs de supprimer les poils.1 Selon un sondage mene´ par la revue Cosmopolitan aupre`s de 1 000 jeunes hommes, 95 % font leur toilette intime,2 Les raisons invoque´es par les deux sexes peuvent inclure la perception relative a` la proprete´ et a` l’attraction sexuelle, mais de re´cents rapports indiquent une monte´e des complications qui peuvent aller a` l’encontre des buts esthe´tiques en causant des proble`mes secondaires. Les re´sultats pour les deux sexes comprennent la perspective d’une augmentation marque´e des le´sions et infections ge´nito-urinaires cause´es par des poils incarne´s et les infections transmises sexuellement (ITS). Apre`s avoir analyse´ des donne´es tire´es du Syste`me national de surveillance e´lectronique des traumatismes de 2002-2010, Glass et ses collaborateurs ont constate´ que le nombre des le´sions ge´nito-urinaires lie´es a` des produits de toilette avait quintuple´ au cours de la pe´riode.3 La majorite´ des le´sions chez les hommes et les femmes e´tait relie´e au rasage, mais le quart environ des le´sions signale´es par les femmes e´tait toutefois cause´ par une lace´ration au rasage, de la cire bruˆlante ou un corps e´tranger. Outre les types de le´sions mentionne´es ci-dessus, la tendance au rasage ou a` l’e´pilation a` la cire de la zone du bikini augmente aussi semble-t-il le risque d’infection, par Molluscum contagiosum notamment, de folliculite et de

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DOI 10.2310/7750.2014.EDIT18.5_F # 2014 Canadian Dermatology Association

verrues.4,5 Les experts sont d’avis que ces proble`mes de´coulent de microtraumatismes cutane´s (coupures et e´raflures) qui donnent des points d’entre´e aux virus et aux bacte´ries. Des chercheurs en France estiment qu’il y a un lien entre la tendance a` la suppression totale des poils et une flambe´e de cas d’infection par Molluscum contagiosum.4 Ils fondent cette the´orie sur les observations cliniques qu’ils ont faites apre`s avoir pose´ des questions sur la suppression des poils pubiens a` 30 patients infecte´s (dont 24 hommes) qui se sont pre´sente´s avec un virus de la variole a` une clinique prive´e de soins de la peau a` Nice en 2011 et 2012. Ils ont constate´ que 70 % des patients en cause se rasaient la re´gion pubienne tandis que les autres utilisaient la cire ou la tondeuse. Les e´tudes controˆle´es n’ont toutefois pas encore prouve´ de fac¸on de´finitive l’existence d’un lien de cause a` effet entre les deux tendances. Outre le rasage, d’autres me´thodes de suppression des poils peuvent aussi le´ser la peau dans la re´gion ge´nitale. Schmidtberger et ses collaborateurs ont signale´ que «l’e´pilation a` la cire entraıˆne des de´ficits de la barrie`re microcutane´e», ce qui peut accroıˆtre les possibilite´s d’ITS.5 Ces auteurs sont meˆme alle´s jusqu’a` recommander que les personnes en cause e´vitent les rapports sexuels pendant une certaine pe´riode apre`s l’e´pilation a` la cire de la re´gion pubienne afin de limiter la possibilite´ de transmission d’ITS. La suppression des poils au laser cause aussi des bruˆlures a` la peau, la formation de cicatrices ou des de´colorations. Les auteurs de l’e´tude re´alise´e en France ont toutefois signale´ que le laser ne constitue pas un facteur dans le lien e´tabli avec une e´le´vation du risque d’infection par Molluscum contagiosum. C’est principalement parce que l’e´pilation au laser ne cause ge´ne´ralement pas de coupures microscopiques ou de saignements au cours de la suppression des poils. Certains sont d’avis que les personnes plus susceptibles de pratiquer la suppression totale des poils peuvent s’inte´resser davantage aux rapports sexuels et avoir davantage de rapports occasionnels, ce qui ferait grimper naturellement le risque d’ITS.6 Pour appuyer cette the´orie, Herbenick et ses collaborateurs ont signale´ que la suppression des poils pubiens

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est plus re´pandue chez les personnes sexuellement actives ou qui vivent dans une relation sexuelle.6 Par ailleurs, on a cite´ le «manque d’activite´ sexuelle» comme motif pour interrompre cette pratique. La tendance est aussi plus re´pandue chez les jeunes et fle´chit a` chaque de´cennie de la vie, ce qui n’est pas inattendu. Par exemple, une e´tude re´alise´e aux E´tats-Unis sur 2 400 femmes de 18 a` 68 ans a re´ve´le´ que 20 % des femmes 18 a` 24 ans signalaient pratiquer la suppression totale des pois, mais que 12 % seulement des 25 a` 29 ans, 8 % des 30 a` 39 ans, 6,5 % des 40 a` 49 ans et 2 % des femmes de plus de 50 ans le faisaient aussi.7 Les habitudes de suppression des poils chez les femmes ont toujours suivi en ge´ne´ral les tendances de la mode — plus les veˆtements de´nudaient au cours des 60 dernie`res anne´es, plus les femmes e´taient pre´occupe´es par leur pilosite´ corporelle. Paralle`lement a` ces tendances, l’ave`nement du bikini a fait de la suppression des poils pubiens une ne´cessite´ a` la mode.8 S’il y a un bon coˆte´ possible a` cette guerre contre le poil, c’est l’incidence des morpions qui est a` la baisse. Ce repli pourrait, selon certains, eˆtre relie´ a` la suppression des poils.9 Comme on a constate´ une augmentation simultane´e du nombre de cas de gonorrhe´e et de chlamydia, signale´e aussi par Armstrong et ses collaborateurs,9 la de´gringolade de l’incidence des morpions n’indique pas une baisse de l’activite´ sexuelle ou la pratique d’une sexualite´ non se´curitaire. Les milieux me´dicaux connaissent de´ja` les dangers du rasage dans le contexte de la pre´paration d’un patient pour une intervention chirurgicale. Apre`s avoir constate´ un lien direct entre le rasage pre´ope´ratoire d’un champ chirurgical et un risque accru d’infections postope´ratoires, on a effectue´ un virage vers les tondeuses chirurgicales ou les agents de´pilatoires.10 Les milieux chirurgicaux ont eu une re´ve´lation apre`s qu’une e´tude prospective randomise´e re´alise´e en 1971 a signale´ que le taux d’infection des plaies atteignait 5,6 % apre`s un rasage, soit 10 fois plus que le taux suivant l’utilisation d’un agent de´pilatoire (0,6 %) ou lorsqu’il n’y avait aucune suppression des poils.10 Les tondeuses rasent pre`s de la surface de la peau sans les abrasions et les coupures que cause souvent le rasage. Pour le moment, les efforts visant a` re´duire l’incidence des infections des champs chirurgicaux ont consiste´ notamment a` recommander l’utilisation de me´thodes approprie´es de suppression des poils comme les tondeuses chirurgicales ou les agents de´pilatoires.11 Il se peut que ce ne soit pas un proble`me lie´ a` la suppression des poils pubiens qui ame`ne des patients au bureau du dermatologue, puisqu’il se peut que le sujet soit trop embarrassant personnellement pour que certaines personnes en discutent. Comme spe´cialistes de la peau, 294

nous pouvons toutefois chercher les occasions de conseiller les patients au sujet de la se´curite´ relative de me´thodes disponibles et de la fac¸on d’e´viter les complications, en particulier si un patient soule`ve des questions portant sur la suppression des poils faciaux ou corporels en ge´ne´ral. Les conseils peuvent consister notamment a` de´crire les risques des me´thodes domestiques et professionnelles de suppression des poils — comme nous le faisons en ce qui concerne l’e´pilation au laser — et a` formuler des recommandations sur la pre´vention des le´sions et des infections connexes. Notre roˆle consiste non pas a` dissuader les patients de suivre une tendance qui prend de l’ampleur mais plutoˆt a` les aider a` e´viter des proble`mes qui peuvent surgir en cours de route. Jason K. Rivers MD, FRCPC Re´dacteur en chef du JCMS Editor in Chief

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