Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 282–286

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Mémoire original

Trochléoplastie de creusement dans l’instabilité fémoropatellaire : une série de 34 cas à 15 ans de recul夽 Sulcus deepening trochleoplasty for patellofemoral instability: A series of 34 cases at 15 years follow-up T. Rouanet a,b,∗ , F. Gougeon c , J.-M. Fayard d , F. Rémy e , H. Migaud a,b , G. Pasquier a,b a

Université de Lille–Nord-de-France, 59000 Lille, France Service d’orthopédie, hôpital Salengro, CHRU de Lille, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France c Nord-Genou, hôpital privé La-Louvière, 69, rue de la Louvière, 59042 Lille, France d Centre orthopédique Santy, 24, avenue Paul-Santy, 69008 Lyon, France e Centre de chirurgie orthopédique, clinique de Saint-Omer, 71, rue Ambroise-Paré, 62575 Blendecques, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 8 avril 2014 ´ 2015 Accepté le 15 fevrier Mots clés : Trochléoplastie Instabilité fémoropatellaire Dysplasie trochléenne

r é s u m é Introduction. – La dysplasie de trochlée est un des éléments majeurs de l’instabilité fémoropatellaire. Si sa correction par trochléoplastie apparaît logique, le résultat à long terme de cette intervention n’est pas connu et il persiste une incertitude sur l’évolution arthrosique. Aussi, nous avons mené une étude rétrospective d’une série de trochléoplasties de creusement au recul de 15 ans avec pour objectifs : (1) d’évaluer à long terme les résultats cliniques et le taux radiologique d’arthrose ; (2) de préciser les résultats en fonction du type d’instabilité et du grade de la dysplasie. Hypothèse. – La trochléoplastie de creusement est une intervention efficace sur la stabilisation de l’articulation fémoropatellaire sans augmenter le risque d’arthrose. Patients et méthodes. – Cette étude analyse rétrospectivement 34 trochléoplasties de creusement au moyen de scores cliniques (scores IKS, Lillois, Kujala et Oxford) et leurs résultats radiologiques (stade d’arthrose selon Iwano) au recul moyen de 15 ans (12–19 ans). Une plastie d’Insall était associée systématiquement et une transposition de la tubérosité tibiale antérieure dans 17 cas (7 transpositions préalables). Résultats. – Aucune récidive d’instabilité objective n’a été observée. Six genoux ont été repris par prothèse pour arthrose et un par transposition de la tubérosité tibiale pour douleur et dérobements au recul moyen de 7 ans (2–16). Les scores moyens Lillois, Kujala et IKS passaient respectivement de 53,3 (30–92), 55 (13–75) et 127 (54–184) en préopératoire à 61,5 (25–93), 76 (51–94) et 152,4 (66–200) au recul (p < 0,05) (reprises incluses). Les résultats fonctionnels étaient significativement meilleurs pour les dysplasies avec éperon (score IKS 168 [127–200] versus 153 [98–198] et Kujula 81,5 [51–98] versus 76 [51–94] [p < 0,05]). Les patients étaient satisfaits dans 65 % des cas et le score Oxford total moyen étaient de 24,1 points/60 (12–45 points). La douleur était occasionnelle ou nulle dans 53 % des cas. La saillie de la trochlée passait de 4,9 mm (3–9 mm) à −1,2 mm (−7–4 mm). L’arthrose fémoropatellaire, 10 cas en préopératoire mais aucune > Iwano 2, était présente dans 33/34 cas avec 20 cas > Iwano 2 (65 %) au recul. Discussion. – La trochléoplastie de creusement permet la stabilité fémoropatellaire même en cas de dysplasie sévère pour lesquelles elle donne de meilleurs résultats fonctionnels à long terme. En revanche, elle ne prévient pas l’arthrose fémoropatellaire. Elle doit être réservée aux dysplasies sévères avec éperon en l’associant à des gestes de réalignement de l’appareil extenseur. Niveau de preuve. – IV, étude rétrospective de cohorte. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.01.017. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Rouanet). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.03.015 1877-0517/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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1. Introduction L’instabilité fémoropatellaire a été démembrée par Henri Dejour qui a identifié la dysplasie de trochlée comme l’élément fondamental [1,2]. Pour corriger cette anomalie, des trochléoplasties ont été décrites de relèvement selon Albee [3], puis de creusement introduites par Masse et Dejour [4,5]. Les trochléoplasties de creusement comportent une ostéotomie des deux condyles fémoraux afin d’approfondir la trochlée. D’autres auteurs ont proposé une trochléoplastie en remodelant l’os sous-chondral afin de recréer une gorge trochléenne [6,7] et d’autres ont décrit cette procédure sous arthroscopie [8]. Enfin, Goutallier et al. [9] ont décrit une trochléoplastie d’enfoncement par résection cunéiforme rétrotrochléenne dont les résultats ont été publiés par Thaunat et al. [10]. Il persiste une incertitude sur l’évolution arthrosique et la fonction à long terme des trochléoplasties notamment en fonction de la sévérité de la dysplasie et aucune étude ne dépasse un recul moyen de 10 ans. Cette étude rétrospective d’une série de trochléoplasties de creusement au recul de 15 avait pour objectifs : • d’évaluer à long terme les résultats cliniques et radiologiques, notamment le taux d’arthrose ; • de préciser les résultats en fonction du type d’instabilité et du grade de la dysplasie. L’hypothèse était que la trochléoplastie de creusement est une intervention efficace pour la stabilité de l’articulation fémoropatellaire sans augmenter le risque d’arthrose. 2. Matériel et méthode

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la tubérosité tibiale, 3 sections du rétinaculum patellaire latéral, 5 arthroscopies lavage et une ablation à ciel ouvert d’un corps étranger intra-articulaire. Le bilan radiographique préopératoire retrouvait 19 dysplasies avec éperon sus-trochléen (grade B et D) et 15 dysplasies sans éperon (grade A et C), 10 genoux avaient une arthrose, toujours Iwano 1 [12] (Fig. 1).

2.2. Technique chirurgicale La trochléoplastie était effectuée par creusement selon Masse [4], pour réorienter les facettes trochléennes et réduire la saillie de la trochlée fémorale. Si la dysplasie de la trochlée s’associait à un éperon sus-trochléen, un creusement supplémentaire de cette zone était réalisé avant la trochléoplastie proprement dite. Les autres facteurs prédisposant à l’instabilité fémoropatellaire étaient traités dans le même temps opératoire. Dix-sept transpositions de la tubérosité tibiale ont été associées à la trochléoplastie. Une médialisation était réalisée si la distance TAGT était supérieure à 20 mm et un abaissement était effectué si l’index de Caton-Deschamps était supérieur à 1,2 [13,14]. Une plastie d’Insall du muscle vaste médial oblique était réalisée systématiquement [15]. En postopératoire, l’appui était autorisé immédiatement entre deux cannes anglaises sous couvert d’une attelle de genou en extension pendant 45 jours. La récupération des amplitudes articulaires se faisait d’emblée sans limitation d’amplitude sauf si une transposition de la tubérosité tibiale était associée, auquel cas la flexion était limitée à 90◦ pendant six semaines. La reprise des activités sportives n’était pas autorisée avant le sixième mois.

2.1. Patients 2.3. Évaluation clinique Cette étude analyse rétrospectivement une série monoopérateur (FG) consécutive de trochléoplasties de creusement effectuées entre 1992 et 1998. Les critères d’inclusion étaient des patients présentant une instabilité fémoropatellaire objective ou subjective associée à une dysplasie de trochlée selon Dejour et Lecoutre [11]. Les critères d’exclusion comprenaient les adolescents à physe ouverte, les syndromes patellaires douloureux sans instabilité clinique et les arthroses fémoropatellaires supérieures ou égales au stade 2 d’Iwano et al. [12]. Quarante-cinq patients consécutifs ont été opérés d’une trochléoplastie de creusement. Onze patients ont été perdus de vue et 34 patients ont été revus, tous évalués par le même examinateur au recul moyen de 15,3 ans (12–19 ans) (Tableau 1). Treize patients présentaient des antécédents chirurgicaux sur le genou concerné, incluant 7 transpositions de

L’évaluation préopératoire objective comprenait le score fonctionnel Lillois (Annexe 1) [16], le score IKS [17], le score de Kujala [18], le nombre d’épisodes de luxation, l’appréhension et les amplitudes articulaires. L’évaluation subjective incluait la présence de douleur ou de sensation d’instabilité. L’évaluation au recul incluait, d’une part, des données subjectives (satisfaction, douleur, instabilité, score d’Oxford [19]), d’autre part, des données objectives (appréhension, amplitudes articulaires, score fonctionnel Lillois, score IKS et Kujala [16–18]). Tous les patients repris par un geste osseux ou prothétique ont été considérés comme un échec.

Tableau 1 Description de la série. Patients (n) Femme (n) Âge intervention (années) Nombre moyen de luxation par patients (n) Instabilité objective (n) Douleur préopératoire importante (n) ATCD chirurgicaux (n) Type de dysplasie selon Dejour et Lecoutre [11] Dysplasie grade A (n) Dysplasie grade B (n) Dysplasie grade C (n) Dysplasie grade D (n) Saillie moyenne (mm) Index Caton moyen [13] Distance TAGT moyenne (mm)

34 24 27,8 (16–49) 6 (0–10) 29 16 13 6 5 9 14 4,9 (3–9) 1,16 (0,8–2) 21 (8–30)

Fig. 1. Évolution de l’arthrose fémoropatellaire selon la classification d’Iwano et al. [12]. 0 : pas d’atteinte ; 1 : remodelage des surfaces osseuses sous-chondrales sans pincement significatif (Iwano 1) ; 2 : interligne pincé mais épaisseur supérieure à 3 mm (Iwano 2) ; 3 : interligne pincé avec épaisseur inférieure à 3 mm (Iwano 3) ; 4 : surfaces osseuses en contact (Iwano 4).

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Tableau 2 Évaluation préopératoire et au recul.

Instabilité objective (n) Appréhension Smillie (n) Douleur importante (n) Score Lillois moyen (points/100) [16] Score IKS moyen (points/200) [17] Score Kujala moyen (points/100) [18] Saillie moyenne (mm) Index Caton moyen [13] Stade Iwano ≥ 2 (n) [12]

Tableau 4 Résultats selon le type d’instabilité. Préopératoire

Recul

p

Instabilité

Objective

Potentielle

p

29 34 16 53,3 (30–92) 127,3 (54–184) 55 (13–75) 4,9 1,16 (0,8–2) 0

0 4 8 61,5 (25–93) 152,4 (66–200) 76 (51–94) −1,2 1,12 (0,7–1,2) 22 (65 %)

S S NS S S S S NS S

n Score Lillois [16] Score IKS [17] Score Kujala [18] Échec

29 73 (52–93) 172 (127–200) 85 (54-98) 5

5 51 (36-88) 128 (98-145) 64 (51-80) 2

S S S S NS

S : différence significative ; NS : différence non significative.

2.4. Évaluation radiologique Le bilan radiographique préopératoire et au recul comprenait un cliché de genou de face en appui monopodal en extension et en schuss, un cliché de profil strict à 10◦ et 30◦ de flexion et un cliché axial à 30◦ de flexion. Étaient évalués en préopératoire le grade de la dysplasie trochléenne selon les critères de Dejour et Lecoutre [11], la saillie de la trochlée, la hauteur patellaire avec l’indice de CatonDeschamps [13], l’arthrose fémorotibiale selon la classification de Kellgren et Lawrence [20] et l’arthrose fémoropatellaire selon la classification d’Iwano et al. [12]. Une tomodensitométrie évaluait la distance TAGT [14]. Au recul, les clichés permettaient d’analyser la saillie de la trochlée, la hauteur patellaire et l’arthrose fémorotibiale et fémoropatellaire. 2.5. Analyse statistique Toutes les données ont été analysées par un statisticien de l’unité de biostatistique du pôle de santé publique du CHRU de Lille. Nous avons utilisé le test de Mann-Withney pour la comparaison de variables quantitatives avec la correction de Yates pour les petits effectifs et le test exact de Fischer pour les variables qualitatives. Le risque de première espèce était fixé à 5 %. 3. Résultats Sept patients (20 %) ont été considérés comme des échecs. Six ont été repris par un geste prothétique (3 arthroplasties totales et 3 arthroplasties fémoropatellaires) pour douleur et arthrose fémoropatellaire de stade 4 d’Iwano. Ces trochléoplasties ont été reprises à 2 ans (n = 1), 5 ans (n = 2), 8 ans (n = 1), 12 ans (n = 1) et 16 ans (n = 1), enfin un patient a été repris par une transposition de la tubérosité tibiale pour douleur et dérobement fréquent à 3 ans. Aucun patient n’a présenté de récidive de luxation. Les résultats fonctionnels, incluant les patients avant reprise chirurgicale, sont représentés dans le Tableau 2. Tous les scores fonctionnels (IKS, Kujala et Lillois) ont été significativement améliorés. Les scores fonctionnels étaient significativement meilleurs pour les patients opérés d’une dysplasie sévère grade B et D (p < 0,005) et pour ceux souffrant d’une instabilité objective (Tableaux 3 et 4). Le taux d’échec avec réintervention n’était pas Tableau 3 Résultats selon le grade de la dysplasie. Dysplasie

A/C

B/D

p

n Score Lillois [16] Score IKS [17] Score Kujala [18] Échec

15 63,5 (36–92) 153 (98–198) 76 (51–94) 5

19 72 (52–93) 168 (127–200) 81,5 (51–98) 2

NS S S S NS

S : différence significative ; NS : différence non significative. Échec : patient repris par un geste osseux ou prothétique.

S : différence significative ; NS : différence non significative. Échec : patient repris par un geste osseux ou prothétique.

différent en fonction de la sévérité de la dysplasie ni en fonction du type d’instabilité (Tableaux 3 et 4). Parmi les 27 patients non repris, 22 (81 %) étaient satisfaits ou très satisfaits et le score Oxford moyen était de 24,1 points sur 60 (12–45). Le test d’appréhension était négatif dans 24 cas (89 %). Dix patients rapportaient des dérobements occasionnels (37 %). Dix-huit patients (66 %) ne rapportaient aucune douleur ou une douleur occasionnelle. Un seul patient (4 %) présentait des douleurs importantes. La flexion moyenne passait de 132◦ (110–150) à 131◦ (105–140) au recul. Le score fonctionnel Lillois moyen était de 70,4 points (36–93), soit 48 % de bons et très bons résultats (score > 80 points sur 100) et 7 % de mauvais résultats (score < 50 points). Le score IKS moyen était de 165,7 points (98–200) avec un score IKS genou moyen de 81,9 points (48–100) et un score IKS fonction moyen de 86,1 points (50–100) avec 62 % de bons ou excellents résultats. Le score Kujala moyen était de 81 points (51–98). Quatorze patients ne pratiquaient aucune activité sportive. Six patients pratiquaient la natation, trois la danse, deux le tennis, un le cyclisme et un la musculation en salle. Aucun patient ne pratiquait de sport en compétition. Aucun patient ne présentait de saillie supérieure ou égale au seuil de 5 mm. La saillie moyenne passait de 4,9 mm (3–9) à −1,2 mm (−7–4) (p < 0,005). L’index de Caton–Deschamps passait de 1,16 (0,8–2,1) à 1,12 (0,72–1,27). L’évolution de l’arthrose fémoropatellaire est représentée sur la Fig. 1 avec une aggravation significative selon Iwano et al. [12] (p = 0,001). Le taux de genoux présentant un score d’Iwano supérieur ou égal à 2 passait de 0 % en préopératoire à 65 % au dernier recul. Vingt-trois genoux (68 %) étaient indemnes d’arthrose fémorotibiale au dernier recul selon la classification de Kellgren et Lawrence. Huit raideurs postopératoires en flexion inférieure à 90◦ étaient retrouvées (23 %). Six mobilisations sous anesthésie générale au 45e jour et deux arthrolyses arthroscopiques à un an ont permis de retrouver une flexion supérieure à 125◦ dans ces 8 cas. La survenue de ces complications n’a pas influencé les résultats fonctionnels. 4. Discussion Cette étude montre que la trochléoplastie de creusement est efficace pour obtenir une stabilité fémoropatellaire puisqu’aucune récidive de luxation n’a été observée. La trochléoplastie a permis de corriger de manière constante la saillie de la trochlée et a fait disparaître l’éperon trochléen facteur majeur d’instabilité. Mais l’hypothèse n’a pas été confirmée puisqu’une aggravation de l’arthrose au recul moyen de 15 ans a été observée. Cette série, mono-opérateur, présente des limites car 11 patients ont été perdus de vue, mais il s’agit de la série, ayant le plus long recul, ce qui permet d’estimer de manière fiable l’évolution de l’arthrose. Le geste de trochléoplastie n’était pas isolé, rendant difficile l’appréciation de son rôle précis, mais la correction étant effectuée à la carte avec comme objectif de corriger tous les facteurs d’instabilité. Comme dans les autres séries de trochléoplasties de creusement, le résultat principal est l’absence de récidive de luxation (Tableau 5). Seuls Utting et al. [21] font état d’une récidive de

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Tableau 5 Résultats des trochléoplasties de creusement dans la littérature. Auteurs

Recul (mois)

Score de Kujala (points) [18]

Appréhension négative (%)

Récidive luxation (n)

Douleur (%)

Arthrose fémoropatellaire (%)

Von Knoch et al. [7] Utting et al. [21] Verdonk et al. [22] Donell et al. [23] Schottle et al. [24] Zaki [25] Notre série

100 24 18 36 36 54 186

95 76

98

33 37 15

30

75 80

59 79

76

89

0 1 0 0 0 0 0

luxation dans un contexte traumatique. Outre le plus long recul, cette série se distingue par l’identification de facteurs pronostiques puisque les meilleurs résultats ont été observés en cas de dysplasie sévère avec éperon et en cas d’instabilité objective préalable. Verdonk et al. [22] n’observaient pas d’influence de la sévérité de la dysplasie ou du type d’instabilité sur le score fonctionnel final. La trochléoplastie d’enfoncement donne à court terme (34 mois) des résultats identiques à la trochléoplastie de creusement avec un score de Kujala moyen de 80 points au prix de 2 récidives sur 19 interventions, mais elle est techniquement beaucoup plus simple [10]. Les récidives d’instabilité semblent plus fréquentes en cas de transposition isolée de la tubérosité tibiale [26,27] et d’ailleurs dans cette étude, 7 transpositions préalables n’avaient pas permis de corriger l’instabilité. Les résultats sur la stabilité après reconstruction du ligament fémoropatellaire médial (MPFL) sont meilleurs mais le recul de ces interventions est beaucoup plus court et elles s’adressent majoritairement à des dysplasies de bas grade [28,29]. Les résultats de la reconstruction isolée du MPFL en cas de dysplasie de haut grade donne des résultats moins favorables sur la stabilité fémoropatellaire [29,30]. Les taux de genoux douloureux après trochléoplastie sont variables puisque dans cette série, 44 % des patients rapportent des douleurs modérées ou importantes. Von Knoch et al. [7] décrivent une amélioration dans 49 % des cas mais une aggravation dans 33 % des cas à 8 ans de recul. La trochléoplastie de creusement est une intervention enraidissante ayant donné lieu à un geste de mobilisation dans 23 % dans cette série, ce qui est comparable à 27 % pour Verdonk et al. [22] et 29 % pour Donnel et al. [23]. Aucun patient de la série ne présentait de saillie supérieure à 5 mm. La plupart des auteurs observent des résultats similaires avec une correction du croisement, de la saillie, de la profondeur de la trochlée et de la bascule patellaire [7,23], confirmant que la trochléoplastie de creusement recrée donc bien une zone d’engagement pour la patella. La trochléoplastie de creusement nécessite souvent des gestes associés dans le même temps opératoire pour optimiser la course patellaire [7,21,23]. Ntagiopoulos et al. [31] ont observé une correction significative de tous les critères de la dysplasie de trochlée ainsi qu’une amélioration de la distance TAGT et de l’index Caton-Deschamps après trochléoplastie de creusement même chez les patients n’ayant pas eu de transposition de la tubérosité tibiale. Thaunat et al. [10] n’ont pas constaté de différence sur la correction de la bascule patellaire avec ou sans MPFL associé à la trochléoplastie d’enfoncement. Ces derniers résultats suggèrent que certains gestes complémentaires pourraient donc être abandonnés. Le taux d’arthrose de notre série, au dernier recul, est de 97 % mais avec 65 % de grade Iwano > 2. Von Knoch et al. [7] constatent 30 % d’arthrose fémoropatellaire mais avec un recul de seulement 8 ans en moyenne. Avec des reculs comparables, les transpositions isolées de la tubérosité tibiale donnent des taux d’arthrose fémoropatellaire proches de notre série : 69 % à 13 ans pour Nakagawa et al. [27]. Pour Mulford et al. [32], il n’existe aucune preuve que la stabilisation chirurgicale de l’articulation fémoropatellaire diminue, à long terme, le développement d’arthrose. La genèse

33 44

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de cette arthrose est peut-être liée à l’incongruence fémoropatellaire engendrée par la trochléoplastie de creusement en elle même puisqu’une patella dysplasique, plate, s’engage dans une néotrochlée creusée. La trochléoplastie d’enfoncement permettrait peut-être de diminuer le risque d’arthrose puisqu’elle respecte la congruence fémoropatellaire justifiant d’en évaluer les résultats à long terme. 5. Conclusion La trochléoplastie de creusement est une opération fiable, à long terme, pour le traitement de l’instabilité fémoropatellaire secondaire à une dysplasie de trochlée en corrigeant le facteur osseux principal de cette forme d’instabilité. Les résultats sont meilleurs sur l’instabilité objective et pour les dysplasies avec éperon de grade B ou D. Cette technique ne prévient pas le développement d’une arthrose fémoropatellaire, même si la relative tolérance de celle-ci n’a pas influencé les résultats cliniques objectifs et subjectifs des patients de notre série vus à long terme. Cette intervention doit être réservée aux dysplasies majeures avec éperon sus-trochléen. Déclaration d’intérêts Henri Migaud et Gilles Pasquier ne déclarent pas de conflits directs avec ce travail mais signalent être consultants ponctuels pour la recherche et l’éducation pour Zimmer. Henri Migaud est consultant recherche pour Tornier. Annexe 1. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.rcot.2015.03.015. Références [1] Dejour H, Walch G, Nove-Josserand L, Guier C. Factors of patellar instability: an anatomic radiographic study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 1994;2:19–26. [2] Dejour H, Walch G, Neyret P, Adeleine P. Dysplasia of the femoral trochlea. Rev Chir Orthop 1990;76:45–54. [3] Albee FH. Bone graft wedge in the treatment of habitual dislocation of the patella. Med Record 1915;7:257–9. [4] Masse Y. La trochléoplastie. Restauration de la gouttière trochléenne dans les subluxations et luxations de la rotule. Rev Chir Orthop 1978;64:3–17. [5] Dejour D, Saggin P. The sulcus deepening trochleoplasty: the Lyon’s procedure. Int Orthop 2010;34:311–6. [6] Bereiter H, Gautier E. Die trochleaplastik als chirurgische therapie der rezidivierenden patella luxation bei trochleadysplasie des femurs. Arthroskopie 1994;7:281–6. [7] Von Knoch F, Bohm T, Burgi ML, von Knoch M, Bereiter H. Trochleaplasty for recurrent patellar dislocation in association with trochlear dysplasia. A 4- to 14-year follow-up study. J Bone Joint Surg Br 2006;88:1331–5. [8] Blond L, Schottle PB. The arthroscopic deepening trochleoplasty. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2010;18:480–5. [9] Goutallier D, Raou D, Van Driessche S. Retrotrochlear wedge reduction trochleoplasty for the treatment of painful patella syndrome with protruding trochleae: technical note and early results. Rev Chir Orthop 2002;88:678–85.

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Sleep Medicine and Psychiatric Disorders in Children.

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