Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 45–46

QUOI DE NEUF EN GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE ?

Faut-il proposer une corticothérapie en cas de prématurité modérée ? Should antenatal corticosteroids be used in late premature birth? C. Migné a, V. Bot-Robin a, P. Deruelle a,*,b a

Pôle femme-mère-nouveau-né, clinique d’obstétrique, maternité Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, 1, rue Eugène-Avinée, 59037 Lille cedex, France b EA 4489, environnement périnatal et croissance, faculté de médecine Henri-Warembourg, universités Lille 1 & 2, université PRES Lille Nord-de-France, 59045 Lille cedex, France Disponible sur Internet le 1er janvier 2014

1. INTRODUCTION En cas de risque d’accouchement prématuré, la corticothérapie anténatale est un élément majeur de la prise en charge [1]. Elle améliore le pronostic respiratoire ainsi que la morbidité et la mortalité des nouveaux-nés avant 34 SA [2,3]. La corticothérapie anténatale n’est pas recommandée à partir de 34 SA alors que l’incidence des détresses respiratoires reste élevée ; 20 % à 33–34 SA, 8 % à 35–36 SA contre 0,5 à 2 % après 37 SA. De plus, la prématurité modérée est en augmentation (+ 11,6 % entre 1992 et 2002 aux États-Unis et + 15,7 % en France entre 1995 et 2010 dans les enquêtes nationales périnatales) et représente 75 % de la prématurité avant 37 SA. Récemment, plusieurs travaux ont tenté de répondre à la question de l’utilité de l’injection anténatale de corticoïdes en cas de prématurité modérée. Elles sont venues se rajouter aux données existantes qui étaient peu contributives [4]. 2. SYNTHÈSE DES DONNÉES PUBLIÉES Une seule étude randomisée récente, en aveugle, n’a pas permis de montrer un bénéfice sur la survenue d’une détresse respiratoire lorsqu’une corticothérapie anténatale était prescrite entre 34 et 36 SA inclus [5]. Le traitement par corticoïdes entre 34 et 36 SA ne réduisait pas le taux de * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Deruelle).

détresse respiratoire (RR 1,82 ; IC 0,17–19,8). Cependant, dans cette étude, la distribution des nouveaux-nés en fonction de leur degré de prématurité à la naissance n’était pas homogène. Près de la moitié des nouveaux-nés naissaient après 36 SA alors que le groupe 34–34 + 6 SA ne représentait que 11 % de l’ensemble de la population. Comme le surfactant est synthétisé entre 34 et 38 SA, l’une des hypothèses est que l’injection anténatale de corticoïdes systématiques entre 34 et 36 + 6 SA ne cible pas les fœtus avec une immaturité pulmonaire ayant un réel besoin en corticoïdes. Plusieurs études récentes ont utilisé le TDX-FLM II, un marqueur de maturité pulmonaire dosé sur le liquide amniotique par amniocentèse. Ce test automatisé permet de mesurer le ratio surfactant/albumine dans le liquide amniotique. L’étude de Shanks et al. [6] est une étude américaine randomisée monocentrique prospective publiée en 2010 incluant 25 patientes entre 34 et 36 SA ayant eu une amniocentèse montrant une immaturité pulmonaire définie par une concentration dans le liquide amniotique de TDX-FLM II inférieur à 45 mg/g. Les patientes étaient randomisées en 2 groupes, corticothérapie versus abstention. Une nouvelle amniocentèse était réalisée une semaine après la randomisation et le taux de TDX-FLM II était dosé dans le liquide amniotique. L’administration de corticoïdes augmentait significativement le taux de TDX-FLM II en 1 semaine par rapport au groupe témoin (28,37 mg/g vs 9,76 mg/g, p < 0,002). Cette étude montre donc que la maturation pulmonaire est accélérée par l’injection anténatale de corticoïdes chez les fœtus avec une immaturité pulmonaire prouvée biologiquement entre 34 et 37 SA. Le point négatif de cette étude est qu’il

1297-9589/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.11.010

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C. Migné et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 45–46

n’y a pas d’éléments cliniques analysés pour conforter les résultats expérimentaux. Yinon et al. [7] ont analysé rétrospectivement la morbidité respiratoire des nouveaux-nés de 167 patientes selon la réalisation ou non d’une corticothérapie entre 34 et 37 SA. La corticothérapie anténatale n’était pas associée à une réduction du taux de détresse respiratoire du nouveau-né (2,4 % versus 8,3 % dans le groupe placebo ; p = 0,16). Un critère composite de morbidité respiratoire néonatale, incluant syndrome de détresse respiratoire, détresse respiratoire transitoire, utilisation d’une ventilation assistée et besoin de mesure de réanimation en salle d’accouchement, était significativement plus bas dans le groupe traité par corticoïdes que dans le groupe témoin (8,4 % versus 21 %, p = 0,02). Cependant, les résultats de cette étude sont limités par le fait que le praticien prenant en charge le nouveau-né a pu être influencé par la connaissance d’une injection antérieure de corticoïdes. L’étude de Kamath-Rayne et al. [8] a des résultats contraires aux deux études précédentes mais la méthodologie n’est pas comparable. Il s’agit d’une étude rétrospective américaine monocentrique qui a inclus 362 nouveaux-nés à 34 SA ou plus après évaluation de la maturité pulmonaire par amniocentèse. Les auteurs ont analysé 3 groupes de nouveaux nés : l’un entre 34 et 38 SA + 6 j avec immaturité pulmonaire documentée à 34 SA ayant reçu un traitement par corticoïdes suivi d’une naissance avec un délai inférieur à 1 semaine après la dernière injection ; un second entre 34 et 38 SA + 6 j avec immaturité pulmonaire documentée à 34 SA et prise en charge expectative et le troisième entre 34 et 38 SA + 6 j avec maturité pulmonaire documentée à 34 SA. Une corticothérapie anténatale en cas de suspicion d’immaturité pulmonaire n’était pas associée à une diminution de la morbidité respiratoire à 34 SA (9,8 % vs 3,3 % groupe témoin). Par ailleurs, les corticoïdes étaient associés à plus d’hypoglycémie et de sepsis néonatal. Cependant, ces résultats sont limités en raison du caractère rétrospectif de cette étude et des caractéristiques des groupes qui ne sont pas strictement comparables. Il est possible qu’il existe des biais liés aux caractéristiques cliniques des patientes en fonction de la pathologie à l’origine de la prématurité à l’origine d’un délai plus court et différent entre les groupes, ce qui pourrait expliquer le taux de césarienne plus élevé dans le groupe corticoïde que dans le groupe attitude expectative.

3. CONCLUSION La littérature médicale récente ne permet pas de justifier une corticothérapie anténatale à partir de 34 SA. Il nous paraît difficile de proposer un geste invasif comme l’amniocentèse entre 34 et 37 SA dans le seul but de prouver une immaturité pulmonaire fœtale avant chaque traitement par corticoïdes dans les situations à risque d’accouchement prématuré. De plus, la prédiction anténatale d’immaturité pulmonaire reste faible et controversée avec les techniques actuelles. Un large essai randomisé testant l’impact d’une corticothérapie anténatale sur la survenue d’une détresse respiratoire des enfants nés prématurément entre 34 et 37 SA reste nécessaire.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Collège National des gynécologues obstétriciens français. Recommandations pour la pratique clinique. Menace d’accouchement prématuré à membranes intactes (2002). [2] Liggings GC, Howie RN. A controlled trial of antepartum glucocorticoid treatment for prevention of the respiratory distress syndrome in premature infants. Pediatrics 1972;50:515–25. [3] Crowley PA. Antenatal corticosteroids therapy: a meta-analysis of the randomized trials, 1972 to 1994. Am J Obstet Gynecol 1995;173:322–35. [4] Sinclair J. Meta-analysis of randomized controlled trials of antenatal corticosteroid for the prevention of respiratory distress syndrome: discussion. Am J Obstet Gynecol 1995;173:335–44. [5] Feitosa Porto A, Coutinho I, Barros Correia J, Ramos Amorim M. Effectiveness of antenatal corticosteroids in reducing respiratory disorders in late preterm infants: randomized clinical trial. BMJ 2011;342:d1696. [6] Shanks A, Gross G, Shim T, Allsworth J, Sadovsky Y, Bildrici I. Administration of steroids after 34 weeks of gestation enhances fetal lung maturity profiles. Am J Obstet Gynecol 2010;203 [47e1-47e5]. [7] Yinon Y, Haas J, Mazaki-Tovi S, Lapidot N, et al. Should patients documented fetal lung immaturity after 34 weeks of gestation be treated with steroids? Am J Obstet Gynecol 2012;207:222e1–4. [8] Kamath-Rayne B, De Franco E, Marcotte M. Antenal steroids for treatment of fetal lung immaturity after 34 weeks of gestation. Am Coll Obstet Gynecol 2012;119(5.).

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