Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, e113—e114

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LETTRE À L’ÉDITEUR Scléromalacie au cours de la porphyrie érythropoïétique congénitale : à propos d’un cas Scleromalacia in congenital erythropoietic porphyria: A case report Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 35 ans suivi pour une porphyrie érythropoïétique congénitale, déclarée à l’âge de 5 ans par une anémie hémolytique avec urines rouges (pseudo-hématurie). Le diagnostic a été confirmé par la mise en évidence de concentrations élevées de porphyrines dans les urines. Le patient consulte pour une lésion noirâtre paralimbique supérieure évoluant depuis 6 ans en dehors d’un contexte traumatique évident. Le patient rapporte, depuis l’enfance, plusieurs épisodes de rougeur oculaire bilatérale sans douleur ni baisse d’acuité visuelle. À l’examen, l’acuité visuelle était à 10/10e sans correction optique au niveau des deux yeux. L’examen à la lampe à fente révèle un amincissement scléral paralimbique supérieur étendu sur 180◦ laissant entrevoir la choroïde sous-jacente (Fig. 1). Le tonus oculaire était à 14 mmHg et le reste de l’examen clinique était par ailleurs sans particularité. L’examen général confié à un confrère interniste n’a pas montré d’anomalies. Afin d’éliminer d’autres étiologies,

nous avons réalisé un bilan biologique comportant : un bilan inflammatoire avec une vitesse de sédimentation un dosage de la protéine C réactive, dosage du facteur rhumatoïde, recherche des anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles tous revenus négatifs. Les porphyries correspondent à un groupe de pathologies se caractérisant par un trouble du métabolisme des dérivés pyroliques, à l’origine d’une accumulation de porphyrines (précurseurs de l’hème) dans l’organisme [1]. Cette pathologie est souvent décrite comme étant héréditaire, mais il existe d’authentiques formes acquises liées essentiellement à des intoxications par des métaux lourds, et qui se caractérisent par leur réversibilité à l’arrêt de l’intoxication [2]. Les manifestations cliniques sont d’une part, liées au défaut de synthèse de l’hémoglobine, avec une anémie hémolytique et, d’autre part, l’accumulation des porphyrines et ses précurseurs dans les différents tissus. Ceci est à l’origine d’une phototoxicité au niveau des zones exposées à la lumière (photoexcitation des porphyrines) ou une toxicité directe liée à l’accumulation de ces produits. Les atteintes oculaires au cours de la porphyrie sont relativement rares et peuvent être classées en trois groupes : • les manifestations liées à une photosensibilisation sont les plus fréquentes : se rencontrent au niveau des zones exposées à la lumière et comportent : les dermatoses bulleuses de la paupière (risque d’ectropion cicatriciel), les conjonctivites bulleuses (risque de symblépharons), les blépharites et syndrome sec (développement de ptérygion et risque de perforation cornéenne) ; • les manifestations liées à une accumulation des porphyrines et de leurs dérivés, sont plus rares et comportent : les atteintes cornéennes et sclérales parfois à l’origine de sclérites [3], avec un risque de nécrose tissulaire à l’origine d’un amincissement voire même de perforation [4,5] ; • les atteintes du nerf optique ont également été décrites sous forme de neuropathies optiques rétrobulbaires [6].

Les manifestations ischémiques, extrêmement rares, sont représentées essentiellement par les occlusions de branche de l’artère centrale de la rétine [7]. Déclaration d’intérêts Figure 1. Amincissement scléral paralimbique supérieur de l’œil gauche, laissant entrevoir l’uvée sous-jacente. http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.07.013 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

e114 Références [1] Pietrangelo A. The porphyrias: pathophysiology. Intern Emerg Med 2010;5:65—71. [2] Woods JS, Southern MR. Studies on the etiology of trace metal-induced porphyria: effects of porphyrinogenic metals on coproporphyrinogen oxidase in rat liver and kidney. Toxicol Appl Pharmacol 1989;97:183—90. [3] Veenashree MP, Sangwan VS, Vemuganti GK, Parthasaradhi A. Acute scleritis as a manifestation of congenital erythropoietic porphyria. Cornea 2002;21:530—1. [4] Bandyopadhyay R, Bhaduri G, Banerjee A, Dasgupta A, Bandyopadhyay M, Purkait S, et al. Bilateral scleromalacia in a case of congenital erythropoietic porphyria. J Indian Med Assoc 2006;104:406—7. [5] Ghosh PK. Porphyria erythropoietica with scleromalacia perforans. J Assoc Phys India 1972;20:957—9.

Lettre à l’éditeur [6] DeFrancisc M, Savino PJ, Schatz NJ. Optic atrophy in acute intermittent porphyria. Am J Ophthalmol 1979;87:221—4. [7] Miller SA, Bresnick GH. Retinal branch vessel occlusion in acute intermittent porphyria. Ann Ophthalmol 1979;11:1379—83.

Z. Hafidi ∗ , H. Handor , S. Berradi , M. Lezrek , R. Derrar , A. Belmokhtar , S. Khalil , A. Regragui , H. Elouarradi , R. Daoudi Service d’ophtalmologie A de l’hôpital des spécialités, université Mohammed V Souissi, centre hospitalier universitaire, Hay Irfane, Rabat, Maroc ∗ Auteur

correspondant. Adresses e-mail : zouheirhafi[email protected], [email protected] (Z. Hafidi) Disponible sur Internet le 8 juillet 2014

[Scleromalacia in congenital erythropoietic porphyria: a case report].

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