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PRATIQUES ET TENDANCES

Désir d’enfant chez les personnes vivant avec le VIH : nouvelles recommandations 2013 du groupe d’experts français Reproductive options for people living with HIV: 2013 guidelines from the French expert working group L. Mandelbrot a,*, A. Berrebi b, C. Rouzioux c, M. Partisani d, P. Faucher e, R. Tubiana f, S. Matheron g, L. Bujan h, P. Morlat i et avec la commission « Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, chapitre ‘‘Désir d’enfant et grossesse’’ » a

Service de gynécologie-obstétrique, CHU Louis-Mourier, AP–HP, université Denis-Diderot, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France b Service de gynécologie-obstétrique, CHU Paule-de-Viguier, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse, France c Service de virologie, CHU Necker, AP–HP, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France d COREVIH, CHRU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67000 Strasbourg, France e Service de gynécologie-obstétrique, CHU Trousseau, AP–HP, 26, avenue du Dr-Arnold-Netter, 75012 Paris, France f Infectiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 13, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France g Service de maladies infectieuses, CHU Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France h Service de biologie de la Reproduction, CHU de Toulouse, 330, avenue de la Grande Bretagne, 31059 Toulouse, France i Service de médecine interne et des maladies infectieuses, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33000 Bordeaux, France Reçu le 21 novembre 2013 ; accepté le 20 mars 2014 Disponible sur Internet le 23 juin 2014

Résumé Le désir d’enfant est une aspiration légitime qui doit faire partie du suivi pluridisciplinaire et être abordé avec toute femme, homme ou couple vivant avec le VIH. L’utilisation de traitements antirétroviraux efficaces a bouleversé la prévention de la transmission du VIH, que ce soit de la mère à l’enfant ou par voie sexuelle. En effet, dans les conditions de charge virale plasmatique indétectable au long cours sous traitement antirétroviral, le risque de transmission mère–enfant est < 1 % et le risque de transmission du VIH au sein d’un couple hétérosexuel stable lors de rapports sans préservatif est très faible (estimé à moins de 1/10 000) en l’absence d’inflammation du tractus génital et d’IST. Chez un homme ayant une charge virale plasmatique indétectable au long cours, l’excrétion virale dans le sperme est peu fréquente, mais reste possible de façon persistante ou intermittente. Il en est de même de l’excrétion virale dans les voies vaginales de la femme. Les différentes modalités de conception à discuter en fonction du bilan de fertilité et de l’histoire VIH sont : la procréation naturelle, l’auto-insémination, lorsque la femme est infectée par le VIH, l’assistance médicale à la procréation (AMP). La procréation naturelle est aujourd’hui une option acceptable après une information éclairée et lorsque toutes les conditions sont réunies : (1) virologique (charge virale plasmatique stable et indétectable depuis au moins 6 mois sous traitement), (2) génitale (absence d’infection ou lésion génitale), (3) absence d’infertilité du couple (bilan selon le contexte) et (4) repérage de la période d’ovulation pour limiter les rapports sans préservatif. L’AMP répond à deux objectifs dans le contexte du VIH : permettre au couple de procréer sans renoncer aux préservatifs et/ou traiter une infertilité. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Mandelbrot). http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.05.019 1297-9589/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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Abstract The desire for children is a legitimate aspiration that should be part of multidisciplinary care for all men, women or couples living with HIV. The use of effective antiretroviral therapy has revolutionized the prevention of sexual, as well as mother-tochild HIV transmission. When the HIV plasma viral load is undetectable on long-term antiretroviral therapy, the risk of mother-to-child transmission is 500/mm3 et que la charge soit inférieure à 1000 copies/mL. Il est aussi conseillé de s’assurer du statut sérologique ou de la vaccination notamment contre la rubéole et l’hépatite B, de prescrire une supplémentation en acide folique (0,4 mg/jour jusqu’au deuxième mois de grossesse), d’encourager l’arrêt de l’alcool, du tabac et d’autres drogues et de vérifier qu’un frottis cervico-vaginal a été pratiqué depuis moins d’un an. 3.5.2. Situations dans lesquelles une grossesse est déconseillée Comme pour toute femme atteinte d’une pathologie chronique, plutôt que de formuler des contre-indications formelles et définitives, il est parfois nécessaire de conseiller de différer la conception : infection opportuniste en cours, maladie sévère surajoutée (cancer, insuffisance hépatique ou rénale,

3.6. Prise en charge pré-conceptionnelle de l’homme vivant avec le VIH Les praticiens doivent expliquer les possibilités de procréation naturelle et d’AMP et doivent évaluer la fertilité. Dans les cas particuliers où une pathologie grave évolutive (liée ou non au VIH) compromet le pronostic vital, il faut mettre en garde avec empathie le couple quant aux conséquences possibles pour l’enfant, Il n’existe pas de transmission verticale père–enfant du VIH. Les traitements actuels du VIH n’ont pas de retentissement connu sur la descendance. Le risque est donc la transmission à la femme, puis à l’enfant en cas de grossesse. 3.7. Cas des hépatites virales : co-infections et procréation

3.7.1. Spécificités chez la femme En cas de co-infection par le VHC, un traitement du VHC doit être envisagé avant la grossesse, en fonction de l’âge de la femme, du degré de fibrose hépatique et des chances d’éradication virale. La ribavirine est contre-indiquée pendant la grossesse et durant les 4 mois qui la précèdent, car elle est mutagène, génotoxique et tératogène chez l’animal. Le projet de grossesse doit alors être retardé jusqu’à 16 mois (un an de traitement plus un délai de quatre mois entre l’arrêt de la ribavirine et la conception). 3.7.2. Spécificités chez l’homme Le VHC peut se trouver dans le liquide séminal mais il est peu contaminant, ce qui explique probablement que la transmission sexuelle de ce virus soit rare et le plus souvent associée à des circonstances particulières (exposition au sang lors du rapport sexuel). Il n’y a pas de transmission VHC directe père–enfant. La ribavirine doit être arrêtée par le père 7 mois avant la conception. Lorsque l’indication thérapeutique ne peut être différée, il est possible de réaliser une congélation du sperme avant traitement. L’ADN du VHB est détectable dans le liquide séminal et l’infectiosité du sperme d’hommes porteurs du VHB est démontrée. La possibilité d’intégration de l’ADN du VHB dans le génome des spermatozoïdes a été rapportée [11]. La

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transmission verticale à l’embryon a été montrée chez la souris [12], mais le risque théorique de transmission père–enfant n’a pas été confirmé en pratique clinique [13]. Cela justifie de débuter le traitement antiviral avant la procréation.

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recommander un schéma de traitement (molécules, traitement en une prise ou en continu. . .). Ainsi, la PrEP dans le cadre de la procréation naturelle reste du domaine d’un éventuel futur protocole de recherche.

3.8. Procréation naturelle La place de la procréation naturelle a changé du fait des traitements antirétroviraux et des données récentes sur les risques de transmission. En pratique, la situation diffère selon que le couple utilise systématiquement ou non les préservatifs et selon le membre du couple qui est infecté par le VIH. La procréation naturelle est désormais considérée comme une alternative à l’AMP. Le principal risque de la procréation naturelle est d’être mise en œuvre par des couples mal informés ne respectant pas les conditions pour limiter le risque de transmission sexuelle. La procréation naturelle ne pourra être envisagée qu’après une évaluation comportant l’analyse :  des conditions virologiques : traitement antirétroviral au long cours avec bonne observance et charge virale plasmatique indétectable depuis au moins 6 mois chez le partenaire séropositif ;  des conditions locales : absence d’infection, d’inflammation et plaie génitale chez les deux partenaires (confirmée au besoin à l’aide de prélèvements microbiologiques) ;  des conditions de fertilité : interrogatoire, spermogrammespermocytogramme et spermoculture chez l’homme. Chez la femme : mise en évidence et repérage de l’ovulation (par auto-observation, courbe de température, tests biochimiques, voire échographie), explorations en cas d’antécédents d’infertilité, d’infection pelvienne ou d’un âge > 35 ans. Ces explorations seront prescrites par le praticien au cas par cas lors d’une consultation pré-conceptionnelle (échographie, dosages hormonaux, test post-coïtal, hystérosalpingographie). En cas d’infertilité, une orientation en AMP est nécessaire. Il convient de s’assurer de la compréhension par le couple de la période d’ovulation dans la perspective de rapports sans préservatif peu nombreux et « ciblés » ; il faut également expliquer l’importance d’éviter les irritations des muqueuses (conseiller éventuellement l’emploi d’un gel lubrifiant à base d’eau ne contenant pas de spermicide). Cette préparation à la procréation doit se faire avec un accompagnement médical en lien avec un spécialiste de l’AMP ou d’un gynécologue-obstétricien et pourrait justifier une séance d’hospitalisation de jour, comportant le bilan, l’éducation thérapeutique, le soutien psychologique. Les prophylaxies pré-exposition (PrEP) ou post-exposition ne sont pas recommandées. En effet, les données de la littérature sur l’intérêt de la PrEP concernent des situations où le partenaire séropositif n’est pas traité par antirétroviraux. La procréation naturelle est clairement déconseillée, avec ou sans PrEP dans tous les cas où la charge virale n’est pas parfaitement contrôlée. Lorsque le/la partenaire infecté(e) par le VIH présente un bon contrôle virologique, le bénéfice additionnel d’une PrEP est inconnu, et aucune donnée ne permet de

Point fort : la PrEP (traitement pre´-exposition), soit lors de rapports cible´s, soit pendant la pe´riode de tentatives de procre´ation naturelle, n’a pas encore fait l’objet d’e´tudes d’envergure et ne peut eˆtre recommande´e. Dans tous les cas, un suivi de la sérologie VIH chez le partenaire non infecté est recommandé, qu’il y ait succès ou échec des tentatives. Il est souhaitable qu’une cohorte de couples sérodifférents engagés dans la procréation naturelle soit établie pour évaluer les résultats et les risques des tentatives. Certaines équipes envisagent de mesurer la charge virale séminale (hors nomenclature) dans le cadre d’une procréation naturelle afin d’éviter une prise de risque en cas de réplication locale persistante. Cela permettrait de dépister les rares cas où le traitement n’est pas efficace sur l’excrétion du VIH dans le sperme malgré une charge virale sanguine indétectable. Cependant, un résultat négatif ponctuellement dans le plasma séminal n’exclut pas une excrétion virale intermittente. Par conséquent, il n’est pas recommandé, dans l’état actuel des connaissances, de généraliser ces tests hors du contexte de l’AMP. Le recours aux rapports sans préservatif ne doit en aucun cas être le résultat d’un découragement dû aux difficultés pour accéder à l’AMP. Surtout, il est à déconseiller aux couples qui ont été récusés en AMP, notamment du fait d’une insuffisance ovarienne. Ces couples prendraient alors un risque inutile. Au total, le praticien expose au couple l’état des connaissances et les différentes possibilités adaptées à leur situation en fonction des résultats de l’évaluation effectuée. Le recours à des rapports non protégés et ciblés ne doit avoir lieu qu’après concertation entre les médecins (gynécologue ou praticien de l’AMP et infectiologue) et une information éclairée du couple, en particulier du partenaire séronégatif dûment informé des risques encourus. Ces informations doivent être intégrées à un dialogue d’ensemble sur la sexualité, la prévention et la procréation dans le contexte de la séropositivité. 3.8.1. Cas où les deux partenaires sont infectés par le VIH Lorsque les deux membres du couple sont infectés par le VIH, la procréation naturelle expose théoriquement à un risque de sur-contamination. Cependant, ce risque semble infime sauf si l’un des membres du couple présente une réplication virale forte avec des souches virales résistantes. La procréation naturelle est donc une option satisfaisante pour les couples dont les deux conjoints sont traités au long cours et ont une charge virale sanguine indétectable.

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3.8.2. Auto-insémination Elle s’adresse aux couples où seule la femme est infectée par le VIH, en l’absence d’infertilité. L’« auto-insémination » permet d’éviter tout risque de transmission virale de la femme à l’homme. Le sperme est récupéré (dans une seringue de 10 mL ou tout autre moyen) soit dans le préservatif masculin ou féminin (sans spermicide) après un rapport, soit dans un réceptacle (par exemple un verre). Le recueil dans le préservatif pourrait être moins efficace en cas de spermicides évidemment (à vérifier auprès du pharmacien) mais aussi en raison de l’adhésion du sperme aux parois du préservatif. Le repérage de la période féconde est à expliquer au couple, au besoin à l’aide d’une courbe ménothermique et de la surveillance de la glaire. Pour certains, l’étude de la compatibilité sperme-glaire cervicale est utile. En cas de cycles très irréguliers, un monitorage échographique est indiqué pour cibler la date de l’ovulation. Il faudra tenir compte de l’âge et des antécédents de la femme. Pour une femme jeune (< 35 ans), un délai d’un an semble raisonnable pour envisager un bilan d’infertilité en cas d’échec des auto-inséminations ou des tentatives de procréation naturelle. En cas d’antécédents d’infertilité ou de pathologie pourvoyeuse de stérilité (par exemple maladie connue des trompes) ou lorsque l’âge est > 35 ans, un bilan initial de fertilité est recommandé d’emblée. 3.9. Assistance médicale à la procréation (AMP) L’AMP répond à deux objectifs, qui peuvent être associés : traiter une infertilité et permettre au couple de procréer tout en continuant d’utiliser systématiquement le préservatif dans le but de supprimer tout risque de transmission du VIH. 3.9.1. Données actuelles Pour les couples sérodifférents où l’homme est infecté par le VIH, la sécurité de l’AMP avec sperme préparé (« lavé ») est documentée. Une étude européenne [14] n’a trouvé aucun cas de transmission chez 938 femmes, soit un risque de contamination de zéro avec un intervalle de confiance (IC 95 %) de 0 à 0,09 % et une récente étude italienne n’a trouvé aucune transmission sur 1365 cycles chez 367 couples (IC 95 % : 0–0,18 pour 100 cycles) [15]. L’AMP est réalisée à l’aide d’une fraction de spermatozoïdes séparés du liquide séminal et des autres cellules du sperme, puis lavés. Aucune contamination d’enfant n’a été rapportée à ce jour. Lorsque la femme est infectée par le VIH, il n’a jamais été montré de risque de contamination de l’enfant via l’ovocyte. Le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant après une AMP est donc celui de toute grossesse chez une femme infectée. 3.9.2. Modalités d’AMP Lorsque c’est l’homme qui est infecté, une sélection des spermatozoïdes est effectuée. Une partie de l’échantillon fait l’objet d’une analyse virologique, une autre est congelée pour être utilisée si la recherche de virus est négative.

En cas de VIH-2, l’analyse virologique ne peut être réalisée que dans un laboratoire de référence du VIH-2. Un bilan de fertilité est réalisé chez les deux partenaires. Pour l’homme, sont proposés un spermogramme, un examen clinique et parfois un bilan plus approfondi. Pour la femme, sont évalués l’utérus et les trompes (hystérosalpingographie, échographie, éventuellement hystéroscopie, échosonographie et cœlioscopie) et la réserve ovarienne (dosages sanguins hormonaux et échographie). Les sérologies exigées avant toute AMP sont : syphilis, VIH, VHC et VHB chez les deux partenaires, rubéole et toxoplasmose chez la femme. Les méthodes d’AMP sont utilisables en fonction des critères usuels : insémination artificielle intra-utérine, fécondation in vitro (FIV), ICSI, transfert d’embryons congelés. 3.9.3. Conditions de l’AMP Comme pour les autres couples infertiles, l’AMP n’est pas toujours possible, notamment du fait de l’âge de la femme ou de sa réserve ovarienne. Les protocoles sont contraignants pour la femme, que l’indication soit féminine ou masculine. C’est souvent la répétition des cycles qui permettra d’obtenir la grossesse. La politique générale en AMP est de diminuer le risque de grossesses multiples qui favorisent les pathologies périnatales, notamment un taux élevé de prématurité. 3.9.4. État des pratiques En France, 1011 tentatives d’AMP dans un contexte de VIH (insémination, FIV, etc.) ont été réalisées en 2010 selon l’Agence de la biomédecine. L’activité concerne désormais pour la moitié des femmes infectées par le VIH et majoritairement des couples infertiles. Les taux de grossesse sont moins bons lorsque la femme est infectée que lorsqu’il s’agit de l’homme. Seulement la moitié des couples pris en charge dans un centre d’AMP et concernés par le VIH aura finalement un enfant. Par ailleurs, selon les données de la cohorte EPF, environ 4 % des femmes enceintes séropositives pour le VIH ont eu recours à un traitement d’infertilité pour obtenir leur grossesse. L’AMP à risque viral VIH est proposée par 12 centres : Strasbourg (hôpitaux universitaires), Besançon (Saint-Jacques), Lyon (hospices civils), Marseille (Institut de médecine de la reproduction et laboratoire Caparros-Giorgetti), Toulouse (hôpital Paule-de-Viguier), Nancy (maternité Adolphe-Pinard), Rennes (hôpital sud), Bordeaux (maternité Pellegrin), Amiens (service de gynécologie-obstétrique) et Paris (AP–HP – hôpitaux Bichat, Cochin, Tenon). Les coordonnées des centres sont disponibles sur le site de l’Agence de la biomédecine (www.agence-biomedecine.fr/uploads/document/PEGH_ web.pdf). Il n’y a pas de centre prenant en charge ces couples dans les départements d’outre-mer. Les difficultés sont celles habituellement rencontrées en AMP, majorées par le faible nombre de centres. Notamment, les délais de prise en charge demeurent longs (jusqu’à 18 mois) mais sont comparables à ceux de l’AMP hors du contexte viral. Ils comprennent la phase d’exploration du couple, la stabilisation éventuelle de la situation clinique pour valider tous les critères d’acceptabilité et un entretien obligatoire psychologique ou psychiatrique du couple.

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Le taux de succès diminue nettement dès 35 ans et au-delà de 38 ans il est fréquent que la réserve ovarienne soit insuffisante [10]. On conseille donc de ne pas différer la réalisation du projet d’enfant lorsque celui-ci semble mûr au sein du couple et que le contrôle de l’infection à VIH et des éventuelles co-infections est satisfaisant.

présente une infertilité. Ces couples doivent pouvoir être pris en charge sans discrimination dans un centre autorisé pour le don et pour le risque viral. Le don d’ovocyte étant insuffisamment développé en France, les couples sont souvent obligés de se rendre à l’étranger en cas d’insuffisance ovarienne. Cela n’est pas différent pour les couples à risque viral.

3.9.5. Options en cas d’anomalies extrêmes du sperme Dans les cas extrêmes d’absence de spermatozoïde dans l’éjaculat, l’équipe peut apprécier au cas par cas la faisabilité d’une ICSI après exploration chirurgicale avec un prélèvement de spermatozoïdes dans l’épididyme ou le testicule [16] associé à une technique de lavage du spermatozoïde sur goutte.

3.9.7. En pratique : conditions d’accès à l’AMP applicables aux couples concernés par le VIH Les conditions générales de l’AMP et celles spécifiques au risque viral sont définies par les lois de bioéthique de 2011 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT000024323102&dateTexte=&categorieLien=id) et encadrées par les règles de bonnes pratiques en AMP de l’Agence de la biomédecine (reprises dans l’arrêté du 11 avril 2008, www.agence-biomedecine.fr/fr/experts/qualite-rbp-amp. aspx) (Tableau 1). Les actes de virologie et d’AMP sont pris en charge à 100 % par l’assurance-maladie (demande spécifique distincte de celle de l’ALD pour l’infection par le VIH). Les

3.9.6. Don de gamètes Le recours à des spermatozoïdes ou ovocytes de donneur ou donneuse (indemne de toute infection à VIH, VHC, VHB) est une alternative pour les couples dont l’un des membres Tableau 1 Conditions de bonnes pratiques en AMP selon l’arrêté du 11 avril 2008. Conditions habituelles d’accès à l’AMP hors du contexte viral Couple stable (homme et femme), marié ou ayant une vie commune Les deux membres du couple doivent être vivants et en âge de procréer Conditions particulières d’accès pour une AMP à risque viral Homme infecté par le VIH-1 Suivi régulier de l’infection à VIH, traité ou non, sans pathologie grave évolutive Nombre de lymphocytes CD4 > 200/mm3, sauf exception médicalement justifiée, sur deux prélèvements espacés de 3 mois et dans les 6 mois précédant l’AMP En cas de traitement par antirétroviraux, ARN-VIH plasmatique contrôlé et stable dans les 6 mois précédant l’AMP Charge virale du liquide séminal < 100 000 copies/mL Si charge virale détectable dans le liquide séminal, absence de détection virale (ARN-VIH ou ADN-VIH) dans la fraction finale de spermatozoïdes Le choix de la technique d’AMP sera fonction du bilan de fertilité du couple La femme doit être séronégative pour le VIH dans les 15 jours précédant l’AMP (couples sérodifférents) Le suivi sérologique sera effectué à 1, 3 et 6 mois après l’AMP et, en cas de grossesse, en période périnatale Il n’y a pas de suivi spécialisé de l’enfant si la mère est séronégative à l’accouchement Femme infectée par le VIH-1 Suivi trimestriel de l’infection à VIH, traitée ou non, sans pathologie grave évolutive (CD4, CV) Nombre de lymphocytes CD4 > 200/mm3, sauf exception médicalement justifiée, sur deux prélèvements espacés de 3 mois et dans les 6 mois précédant l’AMP En cas de traitement antirétroviral, ARN-VIH plasmatique contrôlé et stable dans les 6 mois précédant l’AMP Suivi obstétrical et prise en charge de l’enfant à la naissance, adaptés à l’infection à VIH, organisés avant la mise en œuvre de l’AMP Dans tous les cas Engagement du couple à une sexualité protégée Prise en charge par une équipe multidisciplinaire habilitée à valider la demande AMP : assistance médicale à la procréation.

Tableau 2 Recommandations du groupe d’experts. 1. Adresser les personnes qui souhaitent avoir un enfant à une consultation pré-conceptionnelle spécialisée pour présenter aux couples le plus objectivement possible les différentes modalités de conception et leurs risques respectifs, en fonction de leur bilan de fertilité et de leur histoire VIH la procréation naturelle l’auto-insémination, lorsque la femme est infectée par le VIH l’AMP 2. Évaluer les conditions d’une procréation naturelle selon 4 volets virologique : traitement antirétroviral au long cours avec bonne observance et charge virale plasmatique stable et indétectable depuis au moins 6 mois (AI) génital : absence d’infection, d’inflammation ou de plaie génitale chez l’homme et la femme (vérifiée au besoin par prélèvements microbiologiques et spermiologiques) (BIII) fertilité de l’homme et de la femme : explorations à adapter selon l’âge et les antécédents (BIII) repérage par le couple de la période d’ovulation afin de limiter les rapports sans préservatif à la période de l’ovulation tout en augmentant les chances de procréation (BIII). 3. Maintenir ou obtenir une charge virale indétectable chez le/la partenaire vivant avec le VIH afin de réduire au maximum le risque de transmission, lorsque le choix d’une procréation naturelle est retenu au sein d’un couple sérodifférent ; ce choix doit être discuté avec le couple par les spécialistes du VIH et de la reproduction (AII) 4. Informer les couples de la très faible probabilité de grossesse par procréation naturelle quand l’AMP est récusée pour insuffisance ovarienne, pour éviter des prises de risque inutiles (BII). 5. Suivre la sérologie VIH de la personne non infectée, qu’il y ait succès ou échec des tentatives de procréation (BII) Gradation des recommandations : A. Données disponibles justifiant une recommandation de niveau élevé ; B. Données disponibles justifiant une recommandation de niveau intermédiaire ; C. Données disponibles insuffisantes pour justifier une recommandation ; niveaux de preuve : I. Au moins 1 essai clinique randomisé ; II. Essais cliniques non randomisés ; cohortes ou études cas-contrôles ; III. Analyses d’experts sur la base d’autres données disponibles.

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bénéficiaires de l’aide médicale d’État ne sont pas éligibles. Aucune tentative n’est prise en charge au-delà du 43e anniversaire de la femme. La prise en charge est pluridisciplinaire, comportant un accompagnement psychologique et celui du médecin qui suit l’infection à VIH (Tableau 2). Les experts soulignent que l’infection à VIH ne doit pas mener à une discrimination dans la prise en charge en AMP.

Point fort : l’assistance me´dicale a` la procre´ation (AMP) re´pond a` deux objectifs dans le contexte du VIH : permettre au couple de procre´er sans renoncer aux pre´servatifs et/ou traiter une infertilite´.

3.10. Demandes d’adoption L’adoption d’un enfant peut être envisagée lorsque les recours en AMP sont épuisés, ou bien par choix. L’agrément d’adoption ne doit pas être refusé au seul motif d’une infection par le VIH. Il n’y a d’ailleurs pas d’obligation à révéler son statut VIH lors d’une demande d’agrément et il n’est en aucun cas mentionné sur le certificat médical d’aptitude. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. La déclaration publique d’intérêt est publiée sur le site du Conseil national du sida (http:// www.cns.sante.fr/spip.php?article480). Remerciements Merci aux autres membres de la commission d’experts sur « Désir d’enfant et grossesse » : Sophie Matheron, Stéphane Blanche, Véronique Boyer, Corinne Taeron, François Dabis et Josiane Warszawski, qui ont activement participé à l’élaboration de ce chapitre. RÉFÉRENCES [1] Morlat P. Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. In: Française LD, editor. Recommandations du groupe d’experts: Rapport. Paris: La Documentation Française; 2013.

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[Reproductive options for people living with HIV: 2013 guidelines from the French expert working group].

The desire for children is a legitimate aspiration that should be part of multidisciplinary care for all men, women or couples living with HIV. The us...
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