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Ophtalmoplégie douloureuse récidivante révélant une myosite orbitaire Recurrent painful ophthalmoplegia revealing orbital myositis La myosite orbitaire est un sous-groupe du groupe des syndromes inflammatoires orbitaires idiopathiques, regroupant toute pathologie inflammatoire orbitaire d'étiologie inconnue, c'est-àdire sans étiologie dysthyroïdienne, infectieuse, inflammatoire systémique ou tumorale retrouvée. Nous rapportons ici un nouveau cas et détaillons les caractéristiques cliniques, radiologiques et les modalités de prise en charge de cette affection qui mérite d'être mieux connue afin d'éviter aux patients des errances diagnostiques inutiles, les traitements de première ligne par corticoïdes entraînant le plus souvent une amélioration rapide et spectaculaire. Observation

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Cette jeune patiente (alors âgée de presque 24 ans), sans antécédent, consulta le 26 juillet 2006 une première fois pour des douleurs de l'angle interne de l'œil droit évoluant depuis 15 jours. Il n'y avait pas de diplopie, l'acuité visuelle était normale. Le bilan orthoptique montra un muscle droit interne droit hypo-actif. Une IRM encéphalique, réalisée le 27 juillet 2006, montra une augmentation de volume du muscle droit interne droit. Le radiologue concluait à une myosite orbitaire. Une corticothérapie avait été entreprise le 18 juillet 2006 par le médecin traitant qui suspectait une sinusite, par prednisolone 40 mg/j pendant 4 jours associé à un antibiotique (lévofloxacine) pendant 10 jours. Ce traitement avait entraîné un soulagement total mais dès l'arrêt de la prednisolone, la symptomatologie avait repris obligeant à la reprise de la corticothérapie qui a été prolongée jusqu'au 10 octobre 2006. La patiente a ensuite été vue en consultation de neuro-ophtalmologie le 11 décembre 2006 car elle avait depuis 2 jours une récidive de ses symptômes avec un œil droit rouge et des douleurs péri-orbitaires s'accentuant à la mobilisation du globe oculaire. Un bilan orthoptique notait une atteinte du muscle droit externe droit, ce qui fut ensuite confirmé par une IRM orbitaire. La corticothérapie entreprise en décembre fut poursuivie jusqu'au 25 mai 2007. Le 02 juillet 2007, l'examen ophtalmologique était strictement normal. Le 22 décembre 2012, elle ressentit brutalement une douleur très intense de l'œil droit puis de la joue droite s'étendant à tout l'hémicrâne droit, avec injection conjonctivale au niveau de l'œil droit et œdème péri-orbitaire. Elle consulta alors un médecin qui dans l'hypothèse d'une migraine

prescrit un traitement par zolmitriptan, qui n'entraîna aucune amélioration. Elle se rendit 24 heures après aux SAU d'où elle ressortit le jour même après réalisation d'un scanner cérébral normal avec le diagnostic d'algie faciale et un traitement par AINS. Les douleurs persistèrent encore pendant plus d'une semaine, ramenant la patiente aux SAU le 31 décembre 2012. Un angio-scanner fut alors réalisé, dans l'hypothèse d'une thrombophlébite cérébrale, et un traitement par héparine intraveineuse instauré. La patiente fut alors hospitalisée en neurologie où l'on notait un œdème important péri-orbitaire droit, un chémosis, une tendance à la fermeture de l'œil droit pour limiter les douleurs, une photophobie et une ophtalmoplégie quasi complète de l'œil droit : seuls les mouvements d'adduction de l'œil semblaient préservés, les mouvements oculaires étaient limités par une douleur intense surtout dans la verticalité du regard (figure 1). Le reste de l'examen neurologique et général était sans particularité. Le bilan biologique était normal, en particulier le dosage des CPK, LDH, le bilan thyroïdien et auto-immun, en dehors d'une VS à 32. Les sérologies syphilis, Lyme, VIH, herpès, hépatites B et C, cysticercose, toxoplasmose étaient négatives. Une IRM cérébrale, réalisée le 4 janvier 2013, permit de redresser le diagnostic, éliminant toute thrombophlébite cérébrale et retrouvant une formation ovalaire du muscle droit supérieur droit allant de l'insertion oculaire jusqu'à l'apex orbitaire en

Figure 1 Myosite orbitaire Œdème important péri-orbitaire droit, chémosis, tendance à la fermeture de l'œil droit pour limiter les douleurs, photophobie et pseudo-ophtalmoplégie de l'œil droit du fait de la douleur. Photographie publiée avec l'autorisation de la patiente.

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palpébral. Cette corticothérapie fut ensuite diminuée progressivement sous surveillance ophtalmologique. Une IRM orbitaire de contrôle, réalisée en février 2013, ne retrouvait plus de lésion. En avril–mai 2013, alors qu'elle avait atteint la dose de 35 mg de prednisone, la patiente eu de nouveau des douleurs de l'œil gauche cette fois-ci, obligeant à une ré-ascension posologique de la corticothérapie et à une nouvelle hospitalisation. Le bilan étiologique pratiqué resta négatif. L'introduction d'un traitement immunosuppresseur par azathioprine fut discutée devant ce quatrième épisode.

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Discussion

IRM orbitaire en coupes axiale (A) et coronale (B) en séquence T1 après injection de gadolinium Formation ovalaire du muscle droit supérieur allant de l'insertion oculaire jusqu'à l'apex orbitaire se rehaussant en périphérie, mesurant 20 mm sur 9 mm, l'aspect évoquant une myosite du muscle droit supérieur droit.

hyposignal T1, se rehaussant en périphérie après l'injection de gadolinium, mesurant 20 mm sur 9 mm, l'aspect évoquant une myosite du muscle droit supérieur droit (figure 2). Une corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/j de prednisone fut de nouveau instaurée, entraînant une régression et une disparition rapide et spectaculaire des douleurs et de l'œdème

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Figure 2

La myosite orbitaire idiopathique est une affection rare qui prédomine chez la jeune femme, entre 30 et 40 ans [1], typiquement caractérisée par l'installation sur un mode aigu de douleurs orbitaires exacerbées par les mouvements oculaires, inconstamment associées à une diplopie, une paralysie oculomotrice, un œdème péri-orbitaire, une injection conjonctivale, un chémosis sans baisse de l'acuité visuelle. Il s'agit généralement d'une maladie aiguë, mais il existe des formes subaiguës ou chroniques [1]. Cependant, le taux de récidives est important. La pathogénie de cette affection est mal connue. Elle serait soustendue par un mécanisme à médiation immune [2]. Une origine immunitaire de la myosite orbitaire idiopathique est suggérée par l'association à des maladies auto-immunes ou inflammatoires : maladie de Crohn, maladie de Churg et Strauss, lupus érythémateux disséminé, maladie de Kawasaki [1]. Mais ces modes de révélation restent peu fréquents. L'analyse histopathologique retrouve un infiltrat inflammatoire polymorphique non spécifique, avec différents degrés d'inflammation ou de sclérose. L'imagerie orbitaire permet de poser le diagnostic devant une clinique évocatrice. Le scanner orbitaire montre une hypertrophie d'un ou plusieurs muscles oculomoteurs avec forte prise de contraste et atteinte du tendon [3]. Cette atteinte du tendon permet d'écarter le diagnostic d'ophtalmopathie thyroïdienne. L'atteinte musculaire touche préférentiellement le muscle droit externe, puis le droit interne et le droit supérieur. Elle peut rarement toucher plusieurs muscles ou être bilatérale. L'IRM retrouve en T2 un hypersignal spontané des muscles atteints qui sont hypertrophiés avec une prise de contraste intense à l'injection de gadolinium et atteinte tendineuse [2,4]. Les diagnostics différentiels à évoquer comprennent en premier lieu l'ophtalmopathie thyroïdienne, puis les métastases orbitaires, les lymphomes, les cellulites orbitaires, les anomalies vasculaires comme les thromboses du sinus caverneux et les fistules carotido-caverneuses [1,4]. La sarcoïdose et la maladie de Wegener, une dermatomyosite, certaines infections virales (herpès, VIH), parasitaires (trichinose, cysticercose), la maladie de Lyme doivent être éliminées [1,4]. Récemment a été décrit un cas de myosite orbitaire associée à la maladie systémique liée aux IgG4 [5].

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Des cas de régression spontanée ont été décrits. Un traitement doit cependant être instauré rapidement pour prévenir l'apparition d'une rétraction musculaire responsable d'une restriction chronique de la motilité oculaire. La régression rapide des signes cliniques et des anomalies radiologiques sous corticothérapie à forte dose (1 à 2 mg/kg/j) est caractéristique de la myosite orbitaire idiopathique. Une diminution très progressive sur plusieurs mois des corticoïdes doit ensuite être réalisée pour éviter les rechutes. Une diminution sur 2 à 3 mois a pu être proposée [4]. Cependant, le taux de récidive est élevé, proche de 50 % [6], pouvant toucher le même muscle, un autre muscle du même œil, ou un muscle de l'œil controlatéral. Les AINS pourraient aussi, pour certains [7], entraîner une amélioration des symptômes. L'efficacité de la radiothérapie est également discutée [8]. Des injections intra-orbitaires de corticoïdes (triamcinolone) ont été décrites. Elles pourraient permettre de réduire la dose systémique [2]. Un cas de traitement par collyre topique local à la cyclosporine A 0,05 % a été rapporté, mais cela reste marginal [2]. En cas de corticodépendance, les immunosuppresseurs sont utilisés, en premier lieu l'azathioprine [1], discutée chez notre patiente ou le méthotrexate [9]. Ont également été essayés cyclophosphamide [10], ciclosporine [11], tacrolimus [12], mycophénolate mofétyl [13], rituximab [14] ou infliximab [15], avec une bonne efficacité. Certains proposent, en relais rapide d'une corticothérapie précoce à forte dose, la mise systématique sous immunosuppresseurs pendant au moins un an ou deux pour éviter les rechutes.

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Dressner SC, Rothfus WE, Slamovits TL, Kennerdel JS, Curtin HD. Computed tomography of orbital myositis. Am J Roentgenol 1984;143: 671–4. Schoser B. Ocular myositis: diagnostic assessment, differential diagnoses, and therapy of a rare muscle disease. Clin Ophthalmol 2007;1:37–42. Wallace ZS, Khosroshahi A, Jacobieck FK. IgG4 related systemic diseases a cause of idiopathic orbital inflammation, including orbital myositis and trigeminal nerve involvement. Surv Ophthalmol 2012;51:26–33. Hankey GJ, Silbert PL, Edis RH, Nicol AM. Orbital myositis; a study of 6 cases. Aus N Z J Med 1987;17:587–91. Noble AG, Tripathy RC, Levine RA. Indomethacine for the treatment of idiopathic orbital myositis. Am J Ophthalmol 1989;108:336–8. Cockerham KP, Kennerdel JS. Orbital disease, optic nerve and chiasm. Curr Opin Neurol 1997;10:22–30. Shah SS, Lowder CY, Schmitt MA, Wilke WS, Kosmorsky GS. Low dose methotrexate therapy for ocular inflammatory disease. Ophthalmology 1992;99:1419–23. Harris GJ. Idiopathic orbital inflammation: a pathogenic construct and treatment strategy. Ophthal Plast Reconst Surg 2006;22:79–86. Sanchez-Roman J, Valera-Aguilar JM, Bravo-ferrer J. Idiopathic orbital myositis: treatment with cyclosporin. Ann Rheum Dis 1993;52:84–5. Franzco LL, Suhler EB, Smith JR. Biologic therapies for inflammatory eye disease. Clin Exp Ophthalmol 2006;142:147–53. Hatton MP, Rubin CA, Foster CS. Successful treatment of idiopathic orbital inflammation with mycophenolate mofetyl. Ann J Ophthalmol 2005;140:916–8. Dalakas MC. Therapeutic targets in patients with inflammatory myopathies: present approaches and look to the future. Neuromuscl Disord 2006;16:223–36. Garrity J. Treatment of recalcitrant idiopathic orbital inflammation with infliximab. Am J Ophthalmol 2004;138:925–30. Anne Landais CHU de Pointe-à-Pitre, service de neurologie, route de Chauvel, 97139 Guadeloupe, France [email protected]

Conclusion La myosite orbitaire se caractérise par l'installation sur un mode aigu de douleurs orbitaires exacerbées par les mouvements oculaires, inconstamment associées à une diplopie, un œdème péri-orbitaire, une injection conjonctivale, un chémosis sans baisse de l'acuité visuelle. L'imagerie confirme le diagnostic clinique, retrouvant une hypertrophie d'un ou plusieurs muscles oculomoteurs avec forte prise de contraste et atteinte du tendon. L'IRM note en T2 un hypersignal spontané des muscles atteints. Le traitement de première intention consiste en une corticothérapie à forte dose (1 à 2 mg/kg pendant 2 semaines) suivi d'une décroissance progressive sur 2 à 3 mois. Déclaration d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

Références [1]

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Attarian S, Fernandez C, Azulay JP, Serratrice J, Pelissier JF, Pouget J. Myosite orbitaire : étude clinique, radiologique et profil évolutif. Rev Neurol (Paris) 2003;159:307–12. Fraser CL, Skialicky SE, Gubaxani A. Ocular myositis. Curr Allergy Asthma Rep 2013;13:315–21.

Reçu le 14 avril 2014 Accepté le 3 juillet 2014 Disponible sur internet le : 13 décembre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.06.022 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Maladie de Basedow et anomalies hépatiques : les antithyroïdiens de synthèse ne sont pas les seuls responsables ! Graves' disease and liver abnormalities: Antithyroid drugs are not the only factors involved! Il existe de nombreux liens physiopathologiques entre le foie et la thyroïde. Des anomalies hépatiques sont constatées dans 45 à

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