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La Revue de médecine interne xxx (2015) xxx–xxx

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Communication brève

Paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1) Recurrent facial palsy revealing Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1) infection M. Leclercq , G. Sauvêtre , H. Levesque , I. Marie ∗ Département de médecine interne, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Paralysie faciale Atteinte neurologique Human T-cell leukemia/lymphoma virus type 1

r é s u m é Introduction. – Les complications neurologiques de l’infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV1) sont surtout représentées par les myélopathies (tropical spastic paraparesis). En revanche, les atteintes des nerfs crâniens sont rares au cours de cette infection, et notamment les atteintes du nerf facial. Observation. – Nous rapportons l’observation d’un patient, d’origine antillaise, qui a présenté des épisodes itératifs de paralysie faciale périphérique à bascule, au nombre de six en sept ans. La sérologie HTLV-1 était positive au niveau sanguin et du liquide céphalo-rachidien, permettant de poser le diagnostic de paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à HTLV-1. Conclusion. – Notre observation souligne qu’un tableau neurologique de paralysie faciale à bascule récidivante doit faire suspecter une infection à HTLV-1 chez les sujets originaires de zones d’endémie (bassin caribéen, Amérique du Sud, Japon, Afrique centrale et orientale). Ces données indiquent qu’une sérologie HTLV-1 doit être réalisée systématiquement chez ces patients. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Facial diplegia Neurologic impairment Human T-cell leukemia/lymphoma virus type 1

Introduction. – Neurological involvement of Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1) mainly results in myelopathy (tropical spastic paraparesis). However, cranial nerve impairment, including facial nerve damage, is rare in patients with HTLV-1 infection. Observation. – We report the case of a patient, originally from Caribbean islands, who developed recurrent bilateral facial palsy (six recurrences during the 7-year follow-up). Both blood and cerebrospinal fluid serologies were positive for HTLV-1. The diagnosis of recurring bilateral facial palsy revealing HTLV-1 infection was made. Conclusion. – Our case report underscores that HTLV-1 infection should be considered in patients, coming from endemic areas (Caribbean islands, South America, Japan and Africa), who exhibit recurrent bilateral facial palsy. Our data therefore indicate that HTLV-1 serology should be routinely performed in these patients. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Marie).

L’atteinte du nerf facial est une pathologie fréquente, secondaire à une lésion de son noyau pontique ou du tronc du nerf facial entre l’angle ponto-cérébelleux et la glande parotide [1]. La paralysie faciale périphérique idiopathique ou a frigore est la forme la plus fréquente de paralysie faciale (62 à 93 % des cas) ;

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.11.013 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Leclercq M, et al. Paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1). Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.11.013

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cependant, les causes de paralysie faciale périphérique sont nombreuses et variées, justifiant la réalisation d’une enquête étiologique systématique chez ces patients [1]. De fait, les paralysies faciales périphériques peuvent être d’origine traumatique, tumorale (neurinome de l’acoustique, cholestéatome, tumeur glomique ou parotidienne, métastase), métabolique (diabète, porphyrie aiguë) ; elles peuvent également être liées à une affection systémique (sarcoïdose, amylose), neurologique (sclérose en plaque, paralysie bulbaire ou pseudo-bulbaire), à un syndrome de Melkersson-Rosenthal, ainsi qu’à une infection (otites moyennes aiguës ou chroniques, maladie de Lyme, syphilis, tuberculose, infection à Herpes simplex, varicelle-zona ou virus de l’immunodéficience humaine) [1,2]. Nous rapportons l’observation originale d’un patient ayant présenté une paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1). 2. Observation Un patient, âgé de 32 ans d’origine antillaise, était hospitalisé pour une paralysie faciale périphérique droite évoluant depuis dix jours. Ses antécédents médico-chirurgicaux étaient marqués principalement par des épisodes itératifs de paralysie faciale périphérique à bascule, au nombre de cinq en sept ans. À l’admission, le patient était apyrétique. L’examen clinique trouvait une paralysie faciale périphérique droite ; il était normal par ailleurs, et notamment ne montrait pas de syndrome méningé, d’atteinte des autres nerfs crâniens, ni d’angiœdème ou d’aspect de langue plicaturée. Les examens biologiques mettaient en évidence : vitesse de sédimentation : 14 mm à la première heure, C-réactive protéine : 9 mg/L, hémoglobine : 13,3 g/dL, leucocytes : 7,9 G/L (polynucléaires neutrophiles : 4,6 G/L) ; l’ionogramme sanguin, les tests hépatiques, l’électrophorèse des protides sériques et le dosage de l’hémoglobine glycosylée étaient normaux. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) cérébrale était normale. Le bilan immunologique (recherche de facteurs rhumatoïdes, anticorps antinucléaires et anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, cryoglobuline, angiotensine convertase) était négatif. Les sérologies virales (virus ourlien, rubéole, Herpes simplex, cytomégalovirus, Epstein-Barr virus, varicelle-zona, adénovirus, virus coxsackie, Myxovirus influenzae et parainfluenzae, virus de l’immunodéficience humaine) et bactériennes (TPHA, VDRL, Lyme et Brucella) étaient négatives. En revanche, la sérologie HTLV1 était positive en Elisa, confirmée en Western blot (rgp 21, p19, p24, rgp 46-1). La ponction lombaire révélait une hyperprotéinorachie (0,40 g/L) avec normoglycorachie (2,5 mmol/L) ; l’analyse cytologique objectivait : 5 leucocytes/mm3 . L’examen direct et les cultures aéro- et anaérobies du liquide céphalo-rachidien étaient négatifs ; la sérologie HTLV-1 dans le liquide céphalo-rachidien était positive. Les autres examens, incluant une tomodensitométrie thoraco-abdominale, un scanner des rochers, un panoramique dentaire, un électromyogramme des 4 membres, une IRM médullaire, une biopsie des glandes salivaires accessoires et une consultation otorhino-laryngologique et ophtalmologique, étaient normaux ; la tomographie par émission de positons était également normale. En définitive, le diagnostic d’infection à HTLV-1 révélée par une paralysie faciale périphérique récurrente à bascule était retenu. 3. Discussion HTLV-1 est un rétrovirus isolé en 1980 par l’équipe de R. Gallo, à partir de cellules T d’un patient atteint d’une leucémie/lymphome T de l’adulte [3]. Ce virus appartient à la famille des Retroviridae et au genre des Deltaretroviridae ; sept sous-types moléculaires d’HTLV1 ont été identifiés, variant en fonction des zones géographiques

d’endémie [4]. L’HTLV-1 se transmet essentiellement de cellules à cellules ; différents types cellulaires peuvent être infectés par le virus, incluant surtout les lymphocytes T CD4, mais également les lymphocytes T CD8 et B, les cellules dendritiques et les macrophages [5–8]. Le virus HTLV-1 a une structure génétique proche de celle du virus STLV-1 du singe (Simian T-cell leukemia virus) [4]. Son génome de 9 kb comporte : • trois gènes structuraux (gag, pol, env) ainsi qu’une région codante en 3 (pX) ; • deux gènes régulateurs Rex et Tax [4,9–11]. La protéine p40-Tax immortalise les lymphocytes T CD4 infectés, avec augmentation de leur prolifération et synthèse de cytokines pro-inflammatoires comme l’interleukine-2 (IL-2), l’IL-15, le tumor necrosis factor-␣ et l’interféron-␥ [4,9–11] ; • le gène HTLV-1-b ZIP factor (HBZ), découvert plus récemment, qui est impliqué dans la prolifération cellulaire et dont l’expression est corrélée à la charge pro-virale [4,12]. Des études ont estimé que 10 à 20 millions de personnes sont infectées par le virus HTLV-1 dans le monde. En Europe, l’infection à HTLV-1 est sporadique, correspondant à des cas d’importation (0,003 %). En revanche, l’infection est endémique dans le sud-ouest du Japon, en Amérique du Sud (Brésil, Colombie, Guyane franc¸aise, Surinam) et centrale, dans le bassin caribéen (dont les Antilles franc¸aises), en Afrique centrale et orientale. Ainsi, la prévalence de l’infection à HTLV-1 a été évaluée entre 1 à 5 % parmi les adultes résidant en zones d’endémie : 1,2 % au Togo, 1,76 % au Brésil, et 3 % aux Antilles et en Guyane franc¸aises [13,14,15]. Les modes de contamination du virus HTLV-1 en zones d’endémie sont les suivants : • par voie sexuelle, essentiellement de l’homme à la femme. Ces données expliquent, en partie, que l’infection à HTLV-1 est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes ; • de la mère à l’enfant. Quinze à 20 % des enfants de mères infectées seront infectés, via un allaitement prolongé d’au moins 6 mois ; • par voie sanguine : transfusions sanguines (concentrés érythrocytaires, culots plaquettaires) et toxicomanie intraveineuse [4,10]. L’infection à HTLV-1 demeure, le plus souvent, asymptomatique [15,16,17]. Cependant, 3 à 10 % des sujets infectés développent une affection sévère [14,15] ; il s’agit principalement : • de leucémie/lymphome T de l’adulte dans 1 à 5 % cas. Elle correspond à une prolifération monoclonale de lymphocytes T CD4 activés, et ses modes de présentation sont variables : leucémique (5 %), lymphomateux (25 %), chronique à évolution lente (20 %), ou encore indolent [18] ; • de myélopathie : tropical spastic paraparesis/HTLV-1-associated myelopathy (TSP/HAM) dans 2 à 4 % des cas [18,19] ; • de dermatite infectieuse déterminée par une éruption eczématiforme exsudative chronique [18] ; • d’uvéite [16,18,20] ; • d’infections opportunistes graves comme l’anguillulose, la gale et les dermatophyties [18]. Cependant, l’infection à HTLV-1 peut être responsable d’autres complications viscérales. Ainsi, dans une étude cas-contrôle de 71 patients brésiliens atteints d’infection récente à HTLV-1, les sujets infectés présentaient plus fréquemment que les témoins : des dysesthésies des mains (OR : 5,3 ; IC 95 % : 1,8–15,3 ; p = 0,002) et des pieds (OR : 4 ; IC 95 % : 1,3–12 ; p = 0,013), des difficultés à courir (OR : 4 ; IC 95 % : 1,1–14,2 ; p = 0,032), une nycturie (OR : 5 ; IC 95 % : 1,1–22,8 ; p = 0,038), des arthralgies (OR : 3,3 ; IC 95 % : 1,4–7,7 ;

Pour citer cet article : Leclercq M, et al. Paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1). Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.11.013

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p = 0,006) et une photophobie en rapport avec des troubles ophtalmologiques (OR : 3,3 ; IC 95 % : 1,4–7,7 ; p = 0,006) [15]. D’autres manifestations polymorphes liées à l’infection par HTLV-1 ont été rapportées, i.e. : • une alvéolite lymphocytaire et/ou des nodules pulmonaires centrolobulaires diffus [21,22] ; • un syndrome sec oculaire et/ou buccal d’intensité variable [16,18,21,22] ; • une périodontite [15] ; • des nodules sous-cutanés des mains et des olécranes [16,18] ; • une polyarthrite chronique, peu destructrice et corticosensible [16,18] ; • des pathologies musculaires inflammatoires associées à type de : ◦ polymyosite/dermatomyosite [10]. De fait, la prévalence des anticorps anti-HTLV-1 est supérieure chez les patients ayant une polymyosite/dermatomyosite que dans la population générale à la Martinique (50 % vs 2,2 %) [23] et au Japon (35 % vs 11 %) [24], ◦ myosite à inclusions [25]. La prévalence globale des complications neurologiques au cours de l’infection par HTLV-1 est évaluée entre 2 et 4 % [26]. La myélopathie (TSP/HAM) est la complication neurologique la mieux connue et la plus habituelle, se traduisant par des troubles moteurs des membres inférieurs caractérisés par une paraparésie spastique et des troubles génito-sphinctériens (pollakiurie, impériosités mictionnelles) [10,16,27]. Les critères diagnostiques de la TSP/HAM sont les suivants : • critères majeurs : ◦ paraparésie symétrique associée à un syndrome pyramidal des membres inférieurs, ◦ absence ou caractère modéré des troubles sensitifs des membres inférieurs, ◦ mode de présentation d’allure progressive sans rémission, ◦ absence de compression et d’augmentation du volume de la moelle épinière à l’IRM médullaire, ◦ présence d’anticorps anti-HTLV-1 dans le liquide céphalorachidien ; • critères mineurs : ◦ élévation des anticorps anti-HTLV-1 dans le sérum, ◦ atrophie diffuse de la moelle épinière thoracique à l’IRM médullaire, ◦ mise en évidence d’IgG anti-HTLV-1 au niveau du liquide céphalo-rachidien. Le diagnostic de TSP/HAM peut être posé lorsqu’il existe cinq critères majeurs et au moins deux critères mineurs [16,27]. D’autres localisations neurologiques ont été mentionnées au cours des infections à HTLV-1. Biswas et al. [27] ont ainsi signalé que les patients présentant une infection à HTLV-1 et sans TSP/HAM, comparés aux témoins, présentaient plus volontiers : (1) un déficit moteur des membres inférieurs (OR : 1,67 ; IC 95 % : 1,28–2,18), une instabilité (OR : 1,25 ; IC 95 % : 1,07–1,41), un signe de Babinski (OR : 1,54 ; IC 95 % : 1,13–2,08), des troubles de la sensibilité profonde vibratoire (OR : 1,16 ; IC 95 % : 1,01–1,13) et une incontinence urinaire (OR : 1,45 ; IC 95 % : 1,23–1,72). Par ailleurs, chez les patients infectés par HTLV-1, d’autres investigateurs ont constaté les complications neurologiques suivantes : • une dysfonction érectile [27] ; • un syndrome dysautonomique [10] ; • une polyneuropathie périphérique motrice ou sensitivo-motrice [10,27]. Cette neuropathie survient surtout chez les patients

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souffrant d’une infection à HTLV-1 compliquée de TSP/HAM (34 % vs 6 %) [28] ; • des troubles cognitifs. Les patients infectés par HTLV-1 avec ou sans TSP/HAM, par rapport aux témoins, présentent plus fréquemment des troubles de la mémoire visuelle et verbale [29] ; • un syndrome cérébelleux, qui est, dans la majorité des cas, associé à l’existence d’une TSP/HAM déterminant ainsi un syndrome spino-cérébelleux [10] ; • un tableau de pseudo-sclérose latérale amyotrophique [30]. Les patients séropositifs pour HTLV-1 et souffrant de pseudo-sclérose latérale amyotrophique, comparés aux sujets atteints de sclérose latérale amyotrophique, présentent : ◦ une meilleure survie à long terme, ◦ une absence de corps de Bunina à l’analyse histologique, ◦ une instabilité vésicale [30]. Enfin, les atteintes des nerfs crâniens sont rares au cours de l’infection à HTLV-1, et notamment les atteintes du nerf facial. C’est à Bartholomew et al. [31] que l’on doit la première description de paralysie faciale chez des patients infectés par HTLV-1. Cependant, dans une étude menée dans les îles de Tobago et Trinidad, Bartholomew et al. [31] ont noté que la prévalence de paralysie faciale périphérique était plus élevée chez les patients infectés par HTLV1 (20,7 %) que dans la population générale (3,5 %) et que chez des patients séronégatifs pour HTLV-1 hospitalisés (5,7 %). Notre revue de la littérature ne nous a permis de recenser que quatre observations ponctuelles de paralysie faciale périphérique associée à une infection par HTLV-1 [32–35] ; dans deux cas, il s’agissait d’une paralysie faciale à bascule [32,34]. Le premier de ces deux derniers patients, âgé de 56 ans, d’origine péruvienne mais résidant en Espagne depuis 18 ans, avait développé un premier épisode de paralysie faciale gauche, et 6 mois plus tard une paralysie faciale droite [34]. Le deuxième patient, âgé de 60 ans, martiniquais, avait présenté une paralysie faciale à droite, puis à gauche 3 ans plus tard ; lors du suivi prolongé à 6 ans, le patient était hospitalisé pour une diplégie faciale [32]. Notre patient a présenté des épisodes itératifs de paralysie faciale périphérique à bascule durant sept ans, avant que le diagnostic définitif de paralysie faciale périphérique secondaire à l’infection par HTLV-1 soit retenu. Ainsi, notre observation a l’intérêt de souligner qu’une infection à HTLV-1 doit être recherchée systématiquement chez les sujets, originaires de zones d’endémie, présentant une paralysie faciale à bascule. Chez notre patient, les autres causes de paralysie faciale périphérique ont pu être écartées, au premier rang desquelles une sarcoïdose, une syphilis, une borréliose ou une infection par le VIH. Dans notre observation, le diagnostic de paralysie faciale périphérique à bascule a été confirmé par la positivité de la sérologie HTLV-1 dans le sang et le liquide céphalo-rachidien. Par ailleurs, notre patient ne présentait pas de TSP/HAM. Ces résultats confortent les données d’autres investigateurs qui n’ont pas constaté d’association entre TSP/HAM et la paralysie faciale périphérique chez les personnes infectées par HTLV-1 [36]. Au cours de l’infection à HTLV-1, les mécanismes de survenue des complications neurologiques sont mal élucidés. Plusieurs hypothèses physiopathogéniques ont été évoquées, impliquant le rôle de phénomènes dysimmunitaires plutôt qu’une action directe du virus sur les cellules nerveuses ; ainsi les atteintes neurologiques observées chez les patients infectés par HTLV-1 pourraient être plurifactorielles, et liées à : • une structure moléculaire du virus favorisant les manifestations neurologiques, via la réaction croisée d’épitopes communs entre le virus HTLV-1 et les cellules nerveuses [9,10,18,27] ; • une altération de la fonction des lymphocytes T régulateurs CD4+ CD8+ Foxp3+, avec réduction de leur synthèse de cytokines

Pour citer cet article : Leclercq M, et al. Paralysie faciale à bascule révélatrice d’une infection à Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1). Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.11.013

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permettant d’inhiber l’activation des lymphocytes T CD4 et CD8 [9,10,18,27] ; • la protéine virale Tax induit une prolifération des lymphocytes T infectés produisant en excès des cytokines pro-inflammatoires (IL-2 avec surexpression de son récepteur, tumor necrosis factor␣ et interféron-␥) et des chémokines CXCL9 et CXCL10, dont des taux élevés ont été décelés au niveau du liquide céphalorachidien des patients porteurs de complications neurologiques [4,9,10,11]. Ces molécules pro-inflammatoires favorisent l’afflux des lymphocytes T CD8 activés, aboutissant à : une destruction des lymphocytes CD4 infectés (infiltrant le système nerveux) et les cellules nerveuses infectées par cytotoxicité CD8 [4,9–11] ; • un terrain génétique favorisant : HLA-DRB1*0101, alors que HLAA*02 aurait un rôle protecteur [10,16,23]. En 2014, le traitement de l’infection à HTLV-1 n’est pas codifié et reste symptomatique. Les traitements immunomodulateurs (corticothérapie, immunosuppresseurs, immunoglobulines intraveineuses, plasmaphérèses, ciclosporine, anticorps monoclonaux anti-IL-2, danazol, interféron-␣, anti-TNF-␣, rituximab) et anti-rétroviraux (zidovudine seule ou associée à la lamivudine, anti-protéases) n’ont pas fait la preuve de leur efficacité [1,19]. Malheureusement, aucun vaccin n’est disponible à l’heure actuelle. Dans ces conditions, la prévention de l’infection par HTLV-1 est cruciale. Elle fait appel : • au port de préservatifs ; • à l’emploi de matériel à usage unique chez les toxicomanes ; • au dépistage systématique chez les femmes enceintes et les donneurs de sang. En France, une sérologie HTLV-1 est effectuée systématiquement chez les donneurs de sang depuis juillet 1991. De plus, le dépistage est également pratiqué chez les femmes enceintes originaires de zones d’endémie ; en cas de séropositivité de la mère, l’allaitement artificiel est recommandé. 4. Conclusion En définitive, un tableau neurologique de paralysie faciale à bascule récidivante doit faire suspecter une infection à HTLV-1 chez les sujets originaires de zones d’endémie (bassin caribéen, Amérique du Sud, Japon, Afrique centrale et orientale). Ces données indiquent qu’une sérologie HTLV-1 doit être réalisée systématiquement chez ces patients. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Frenzel L, Moura B, Marcais A, Chapdelaine H, Hermine O. HTLV-1associated arthropathy treated with anti-TNF-alpha agent. Joint Bone Spine 2014;81:360–1. [2] Lesourd A, Ngo S, Sauvêtre G, Héron F, Levesque H, Marie I. Diplégie faciale révélatrice d’une maladie de Lyme. Rev Med Interne 2014, http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.05.002. [3] Poiesz BJ, Ruscetti FW, Gazdar AF, Bunn PA, Minna JD, Gallo RC. Detection and isolation of type C retrovirus particles from fresh and cultured lymphocytes of a patient with cutaneous T-cell lymphoma. Proc Natl Acad Sci U S A 1980;77:7415–9. [4] Mahieux R. Aspects virologiques de l’infection par HTLV-1 et nouveaux concepts thérapeutiques. Bull Soc Pathol Exot 2011;104:181–7. [5] Hanon E, Stinchcombe JC, Saito M, Asquith BE, Taylor GP, Tanaka Y, et al. Fratricide among CD8(+) T-lymphocytes naturally infected with Human T-cell lymphotropic virus type I. Immunity 2000;13:657–64.

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G Model REVMED-4878; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS M. Leclercq et al. / La Revue de médecine interne xxx (2015) xxx–xxx

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[Recurrent facial palsy revealing Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1) infection].

Neurological involvement of Human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1) mainly results in myelopathy (tropical spastic paraparesis). However, cranial n...
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