Annales de pathologie (2014) 34, 145—148

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HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANC ¸ AISE DE PATHOLOGIE

Tumeurs rares du rein. Cas no 3. Carcinoïde rénal Rare renal tumors. Case no. 3. Renal carcinoid tumor Xavier Leroy Institut de pathologie, centre de biologie-pathologie, CHRU, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille, France evrier 2014 Accepté pour publication le 6 f´ Disponible sur Internet le 16 mars 2014

Renseignements cliniques Une femme de 39 ans, sans antécédents médico-chirurgicaux, bénéficie d’une échographie abdominale pour des troubles digestifs. Cet examen montre une tumeur rénale droite de 6 cm de diamètre. L’examen IRM confirme la présence d’une tumeur développée sur l’isthme d’un rein malformé en fer à cheval. Une section de l’isthme et une néphrectomie partielle emportant la tumeur est effectuée.

Diagnostic Localisation rénale primitive d’une tumeur rénale neuroendocrine bien différenciée (carcinoïde atypique rénal).

Description histologique Il s’agit d’une tumeur organisée en travées, cordons et structures pseudopapillaires (Fig. 1). Les cellules sont de taille moyenne à grande avec un cytoplasme éosinophile granuleux abondant. Les noyaux sont ronds ou ovalaires avec une anisocaryose modérée (Fig. 2). La chromatine est dense avec un nucléole parfois visible. Dans certains secteurs de la tumeur, on observe une anisocaryose et des noyaux parfois hyperchromatiques (Fig. 3). Dans les zones les plus mitotiques, on compte jusque 5 mitoses pour 10 champs à fort grandissement. Il n’est pas observé de nécrose ni d’embole. L’étude immunohistochimique montre une négativité de l’anticorps anti cytokératine 7, une positivité cytoplasmique granuleuse avec l’anticorps anti-chromogranine A (Fig. 4) et avec l’anticorps anti synaptophysine. Le marquage avec l’anticorps anti Ki-67 (Mib-1) montre, dans les hot-spots, un marquage nucléaire d’environ 10 % de cellules tumorales.

Adresse e-mail : [email protected] 0242-6498/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.02.004

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Figure 1. Tumeur rénale à cellules éosinophiles organisées en travées, cordons et pseudopapilles. Renal tumor with eosinophilic cells with nests, solid sheets and pseudo-papillae.

Commentaires Les tumeurs neuroendocrines primitives rénales sont rares et peuvent être confondues avec des tumeurs à cellules rénales. Dans la classification OMS 2004 des tumeurs urologiques, sont individualisés : les carcinoïdes et les carcinomes à petites cellules [1]. Il n’y a pas actuellement de classification spécifique comme pour les tumeurs neuroendocrines du poumon et du tube digestif. Les patients sont majoritairement âgés de moins de 50 ans avec des extrêmes de 25 à 78 ans. Le mode de découverte est fortuit dans près de 80 % des cas, plus rarement des signes cliniques comme des douleurs abdominales, une hématurie, une anémie peuvent être révélateurs [1—4]. Un syndrome carcinoïde est inhabituel. La présence d’une uropathie malformative comme un rein en fer à cheval n’est pas rare (20 % des cas) [1—3]. Le diagnostic de tumeur endocrine primitive rénale ne pourra être affirmé qu’après avoir exclus une tumeur pulmonaire ou digestive par des examens d’imagerie et d’endoscopie.

Figure 2. Les cellules tumorales sont de grande taille au cytoplasme éosinophile granuleux avec des noyaux ronds à la chromatine granuleuse. Tumor cells are large with an abundant eosinophilic cytoplasm and round hyperchromatic nuclei.

X. Leroy

Figure 3. Focalement, une anisonucléose et une activité mitotique plus marquée est présente. Focally, irregular nuclei and mitotic activity are observed.

Aspects anatomopathologiques En macroscopie, la tumeur est le plus souvent unique et polaire, bien limitée mesurant de 2 à 17 cm [2,4,5]. C’est une tumeur solide homogène, de coloration beige ou rougebrun (Fig. 5). En microscopie, c’est une tumeur bien limitée par rapport au parenchyme rénal, elle n’est pas encapsulée. L’architecture est composée de plages, nappes, cordons ou travées de cellules de grande taille (Fig. 6). Plus rarement, l’architecture est pseudoglandulaire ou pseudopapillaire comme dans notre observation. Le stroma est grêle mais richement vascularisé. Les cellules tumorales sont monomorphes, polygonales plus rarement fusiformes de taille moyenne à grande avec un cytoplasme abondant éosinophile parfois granuleux ou clarifié [2,4,5]. Les noyaux sont arrondis ou ovalaires avec un pléomorphisme souvent modéré (Fig. 7). La chromatine est granuleuse avec un aspect « poivre et sel ». Les nucléoles sont souvent de petite taille. L’activité mitotique est faible < 2 mitoses/10 GC. Néanmoins certaines tumeurs peuvent être cytologiquement plus atypiques avec une activité mitotique > 4—5 mitoses/10 GC [2,4,5]. En revanche, l’infiltration de la graisse péri-rénale

Figure 4. Immunomarquage intense granuleux avec l’anticorps anti-chromogranine A. Diffuse cytoplasmic staining with antibody to chromogranin A.

Tumeurs rares du rein. Cas no 3. Carcinoïde rénal

147 n’est pas exceptionnelle (40 % des cas) ainsi que la découverte de métastases ganglionnaires au diagnostic.

Immunohistochimie En immunohistochimie, ces tumeurs sont marquées par les anticorps anti-pancytokératines et EMA mais les anticorps anti-CK7 et CK20 sont souvent négatifs. Les marqueurs neuroendocrines : chromogranine A et synaptophysine sont habituellement diffusément exprimées ainsi que le CD56 et le CD99. TTF1 est négatif ainsi que WT-1.

Diagnostic différentiel Figure 5. Aspect macroscopique d’un carcinoïde rénal. Tumeur bien limitée non encapsulée de couleur brun rouge. Gross examination of a renal carcinoid. Red-brown well limited but unencapsulated tumor.

Compte tenu de la rareté des tumeurs endocrines rénales, le diagnostic peut errer : la tumeur peut mimer un carcinome papillaire mais morphologiquement dans un carcinoïde, il n’y a pas de papilles vraies, les histiocytes spumeux sont rares et la vascularisation est plus abondante [1]. De plus, la cytokératine 7 est rarement exprimée dans les carcinoïdes. Certains carcinoïdes ont une architecture en îlots qui peut mimer un oncocytome mais l’architecture d’un oncocytome est plus souvent tubulokystique avec un stroma hyalin ou œdémateux [1]. Les cellules ont des cadres cytoplasmiques moins bien limités et des noyaux ronds centraux hyperchromatiques. Une PNET ou un carcinome à petites cellules sont plus facilement exclus sur la morphologie cellulaire (petites cellules basophiles atypiques).

Évolution-pronostic

Figure 6. Architecture tumorale en massif et rubans avec un stroma grêle mais richement vascularisé. Tumor cells arranged in ribbons and sheets with a rich vascular stroma.

L’histopronostic de ces tumeurs reste incertain, aucune classification n’ayant été validée à ce jour pour les tumeurs urologiques, on peut proposer d’appliquer les classifications du poumon (OMS 2004) et du tube digestif (OMS 2010) pour essayer de préciser le pronostic. Les critères défavorables retrouvés dans la littérature sont : un âge supérieur à 40 ans, une taille tumorale supérieure à 4 cm, un index mitotique supérieur à 2 mitoses pour 10 CFG, la présence de nécrose ou d’emboles [2—4,6,7]. Dans notre observation, selon la classification OMS des tumeurs pulmonaires, notre cas correspond à un carcinoïde atypique, et une tumeur neuroendocrine bien différenciée de grade G2 dans la classification de l’OMS 2010 des tumeurs digestives. La taille de 6 cm et l’activité mitotique accrue étaient deux facteurs défavorables confirmés par l’évolution métastatique hépatique deux ans après le diagnostic initial. Le pronostic de ces tumeurs est cependant globalement favorable malgré une évolution métastatique non rare essentiellement hépatique, ganglionnaire ou osseuse. Le suivi clinique et d’imagerie doit être prolongé [7].

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

Figure 7. Cellules cylindriques éosinophiles avec un pléomorphisme nucléaire modéré. Eosinophilic cells with a moderate nuclear pleomorphism.

• Les tumeurs neuroendocrines du rein sont rares. Elles se développent fréquemment sur une uropathie malformative de type rein en fer à cheval.

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X. Leroy • Il s’agit de tumeurs bien différenciées le plus souvent de type carcinoïde ou carcinoïde atypique. L’aspect microscopique est identique à celui des autres localisations. • Le diagnostic différentiel doit écarter un carcinome papillaire rénal ou un oncocytome par le profil immunohistochimique (chromogranine A, synaptophysine). • Le pronostic est le plus souvent favorable. Les facteurs péjoratifs sont une taille supérieure à 4 cm, une activité mitotique supérieure à 2 mitoses/10 GC, la présence de nécrose. • En l’absence de classification adaptée, les classifications utilisées pour le poumon et le tube digestif peuvent être proposées pour évaluer le pronostic.

Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

Références [1] World Health Organization Classification of Tumors.Eble JN, Sauter G, Epstein JI, Sesterhenn IA, editors. Pathology and Genetics of tumours of the urinary system and male genital organs. Lyon, France: IARC Press; 2004. [2] Hansel DE, Epstein JI, Berbescu E, Fine SW, Young RH, Cheville JC. Renal carcinoid tumor: clinicopathologic study of 21 cases. Am J Surg Pathol 2007;31:1539—44. [3] Quinchon JF, Aubert S, Biserte J, Lemaitre L, Gosselin B, Leroy X. Primary atypical carcinoid of the kidney: a classification is needed. Pathology 2003;35:353—5. [4] Aung PP, Kilian K, Poropatich CO, Linehan WM, Merino MJ. Primary neuroendocrine tumors of the kidney: morphological and molecular alterations of an uncommon malignancy. Hum Pathol 2013;44:873—80. [5] Jeung JA, Cao D, Selli BW, Clapp WL, Oliai BR, Parwani AV, et al. Primary renal carcinoid tumors: clinicopathologic features of 9 cases with emphasis on novel immunohistochemical findings. Hum Pathol 2011;42:1554—61. [6] Yoo J, Park S, Jung LH, Jin KS, Kee KB. Primary carcinoid renal tumor arising in a mature teratoma of the kidney: a case report and reveiw of the literature. Arch Pathol Lab Med 2002;126:979—81. [7] Romero FR, Rais-Bahrami S, Permpongkosol S, Fine SW, Kohanim S, Jarett TW. Primary carcinoid tumors of the kidney. J Urol 2006;176:2359—66.

[Rare renal tumors. Case no. 3. Renal carcinoid tumor].

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