Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 42 (2014) 296–300

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Article original

E´valuation de l’irradiation du personnel de chirurgie gyne´cologique lors de la recherche du ganglion sentinelle. Y a-t-il un risque pour le chirurgien et son e´quipe ? Radiation exposure of surgical staff during sentinel node surgery. Is there a risk for the surgeon and his team? M. Bailly a,*, A. Zinsius a,b, S. Maia b, M.-J. Santiago Ribeiro a a b

Service de me´decine nucle´aire, hoˆpital Bretonneau, CHRU–hoˆpitaux de Tours, 2, boulevard Tonnele´, 37000 Tours, France Service compe´tent en radioprotection, hoˆpital Bretonneau, CHRU–hoˆpitaux de Tours, 2, boulevard Tonnele´, 37000 Tours, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 10 septembre 2013 Accepte´ le 22 novembre 2013 Disponible sur Internet le 16 fe´vrier 2014

Objectif. – E´valuer l’exposition aux rayonnements ionisants du personnel du bloc ope´ratoire gyne´cologique lors de la recherche du ganglion sentinelle a` l’aide d’un traceur radioactif, les microcolloı¨des d’albumine marque´s au techne´tium-99m. Mate´riels et me´thodes. – E´tude monocentrique, prospective, mene´e sur un trimestre, au cours de 40 chirurgies de recherche de ganglion sentinelle. Les mesures dosime´triques sur le personnel (chirurgien, aide-ope´ratoire et infirmie`re de bloc) ont e´te´ re´alise´es avec des dosime`tres passifs et des bagues dosime´triques, comple´te´es par des mesures dosime´triques d’ambiance dans la salle de chirurgie. L’activite´ moyenne calibre´e de 99mTc-colloı¨des d’albumine e´tait de 50,1  2,4 MBq le jour de la chirurgie ou de 90,4  3,2 MBq pour une injection la veille. Re´sultats. – Les doses radioactives moyennes rec¸ues pour chaque intervention par le chirurgien, l’aideope´ratoire et l’infirmie`re de bloc sont respectivement de 5, 3,75 et 0 mSv pour l’exposition au corps entier, et de 17,5, 15,6 et 16,2 mSv aux extre´mite´s. Les doses d’ambiance sont inde´tectables. Sachant que 7 chirurgiens se re´partissent e´quitablement les 200 interventions/an, l’irradiation au corps entier et aux extre´mite´s de chaque chirurgien est infe´rieure aux seuils annuels de 1 et 50 mSv fixe´s par la Commission internationale de protection radiologique pour le public. Discussion et conclusions. – Lors d’une chirurgie de recherche du ganglion sentinelle utilisant un traceur radioactif, le personnel du bloc n’est que tre`s faiblement irradie´, ce qui permet de conside´rer son exposition semblable a` celle du public. La surveillance dosime´trique et l’utilisation d’e´quipements de protection contre les rayonnements ionisants n’est donc pas ne´cessaire. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Ganglion sentinelle Irradiation du personnel Dosime`tre Radioprotection Nanocoll

A B S T R A C T

Keywords: Sentinel node Radiation exposure Radioprotection Dosimeter Nanocoll

Objective. – Assess the radiation exposure of surgical staff during sentinel node surgery in gynecology using a radiotracer, the 99mTc-microalbumin. Materials and methods. – A monocentric, prospective study was conducted during 3 months representing 40 sentinel node surgical procedures with different dosimetric measurements. Dosimeters were used to evaluate the whole body and the fingers radiation exposure for all exposed workers (surgeon, nurse and surgical assistant). Another dosimeter was used to estimate the atmospheric radiation level. The activity of 99mTc-microalbumin was 50.1  2.4 MBq when the surgery was performed the same day and 90.4  3.2 MBq when the surgery was performed the day after.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Bailly). 1297-9589/$ – see front matter ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.01.007

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Results. – Radioactive doses received during each procedure by the surgeon, surgical assistant and nurse are 5, 3.75 and 0 mSv for whole body exposure and 17.5, 15.6 and 16.2 mSv for extremities respectively. Atmosphere dosimeter does not detect any radiation over this period. On average, 200 procedures are performed each year in our hospital by 7 surgeons. Surgeon’s radiation exposure remains below the threshold of 1 mSv annual for whole body and 50 mSv annual for fingers set for public by the International Commission on Radiological Protection. Discussion and conclusions. – During sentinel node surgery radiation exposure of surgical staff is weak. Everyone, including the surgeon, receives a dose below the limits of the public radiation exposure. There is no need for special dosimetric monitoring or use radiation protective devices during the sentinel node surgery using 99mTc-microalbumin injection. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Le concept de ganglion sentinelle a e´te´ initialement de´crit dans le cancer pe´nien par Cabanas en 1977 [1] comme le premier relais ganglionnaire situe´ dans le bassin de drainage lymphatique d’une tumeur. L’utilisation de cette technique, qui s’est e´tendue dans la chirurgie carcinologique gyne´cologique [2], du me´lanome [3] ou encore en cance´rologie ORL ou prostatique, permet l’identification, l’exe´re`se et l’analyse anatomopathologique imme´diate de ce ganglion, ame´liorant la stadification ganglionnaire et e´vitant la morbidite´ du curage ganglionnaire si celui-ci n’est pas indique´. D’un point de vue me´thodologique, le repe´rage du ganglion sentinelle dans le cancer du sein repose sur l’injection de microcolloı¨des d’albumine marque´s au techne´tium-99m, radiopharmaceutique fonctionnel des voies lymphatiques, pouvant eˆtre combine´e a` une injection de bleu trypan (ou e´quivalent) en pe´ritumoral [4], ame´liorant alors la sensibilite´ de de´tection [5–7]. L’utilisation de cette technique s’est conside´rablement de´veloppe´e, comme le montre une e´tude re´cente des pratiques franc¸aises en matie`re de chirurgie axillaire dans le cancer du sein [8], amenant son lot de questions et inquie´tudes quant a` l’exposition aux rayonnements ionisants des agents du bloc ope´ratoire de gyne´cologie. Quelques e´tudes ont e´te´ publie´es [9–14], de´montrant une exposition faible du personnel chirurgical aux rayonnements ionisants. Cependant, ces e´tudes ne se sont pas inte´resse´es aux diffe´rences d’exposition, selon que le protocole d’injection du radiopharmaceutique e´tait re´alise´ la veille ou le jour de l’intervention. De meˆme, pour la radioprotection des personnels, le zonage autour de la table de chirurgie selon l’arreˆte´ du 15 mai 2006 me´rite d’eˆtre e´tudie´, ainsi que l’e´limination des de´chets radioactifs issus de ces chirurgies. Cet arreˆte´, relatif aux conditions de de´limitation et de signalisation des zones en radioprotection, permet de hie´rarchiser le niveau de dangerosite´ des lieux de travail dans lesquels sont utilise´es

des sources de rayonnements ionisants. Le risque lie´ a` ces rayonnements n’e´tant pas perceptible, la re´glementation a de´fini diffe´rentes zones : la zone « surveille´e » et les zones « controˆle´es » vertes et oranges, de´finies selon des niveaux de re´fe´rence re´glementaires correspondant a` des doses de´livre´es en une heure (Fig. 1), ou` une surveillance particulie`re s’applique. L’objectif principal de l’e´tude e´tait d’e´valuer l’exposition du personnel du bloc ope´ratoire de gyne´cologie (chirurgien, aideope´ratoire et infirmie`re de bloc ope´ratoire [IBODE]) aux rayonnements ionisants lors de la chirurgie du ganglion sentinelle. Les objectifs secondaires e´taient d’e´tablir un zonage au sein du bloc ope´ratoire, selon les mesures de de´bit de dose re´alise´es et l’arreˆte´ zonage du 15 mai 2006, et d’adapter la gestion de l’e´limination des de´chets contamine´s issus de ces proce´dures chirurgicales.

2. Mate´riels et me´thodes Il s’agit d’une e´tude prospective, mene´e sur un trimestre, de mai a` fin juillet 2012, au sein du bloc ope´ratoire de gyne´cologie du CHRU de Tours. Durant cette pe´riode, 40 interventions de recherche du ganglion sentinelle dans le cadre de cance´rologie mammaire ont e´te´ re´alise´es, re´parties en 21 tumorectomies, 13 zonectomies, 5 mastectomies et 1 reprise du lit tumoral. Deux protocoles e´taient re´alise´s : soit l’injection du radiopharmaceutique e´tait re´alise´e la veille de la chirurgie, avec une activite´ moyenne calibre´e de 99mTc-micro-colloı¨des d’albumine de 90,4  3,2 MBq ; soit l’injection avait lieu le matin de la chirurgie avec une activite´ moyenne calibre´e de 50,1  2,4 MBq. La re´alisation d’un protocole sur deux jours offrait plus de flexibilite´ et permettait e´galement la re´alisation d’images au sein du de´partement de me´decine nucle´aire, ame´liorant la performance de de´tection du

Fig. 1. Arreˆte´ zonage du 15 mai 2006.

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Fig. 2. Images de fusion (tomoscintigraphie couple´e a` la tomodensitome´trie) dans les trois plans montrant deux foyers d’hyperfixation du regard de deux ganglions axillaires superficiels droits.

ganglion sentinelle au bloc ope´ratoire [15] (Fig. 2). Dans tous les cas, le me´decin nucle´aire effectuait une injection unique, pe´ritumorale. L’exposition de trois cate´gories de personnels a e´te´ e´tudie´e : 7 chirurgiens, 9 aides-ope´ratoires et 14 infirmie`res de bloc ope´ratoire (IBODE). Chaque agent a e´te´ e´quipe´ d’un dosime`tre passif et d’une bague dosime´trique de chez DOSILAB1. La bague dosime´trique e´tait place´e sur l’index de la main dominante avant le lavage chirurgical des mains. La proce´dure de de´sinfection et de lavage des bagues dosime´triques a e´te´ valide´e par le comite´ local de lutte contre les infections nosocomiales. Deux dosime`tres passifs d’ambiance (DOSILAB1) e´taient e´galement dispose´s, l’un dans la salle d’ope´ration (au niveau du poste d’anesthe´sie) et le second sur le container a` de´chets, dans le local de stockage. La mesure des doses efficaces au corps entier et e´quivalentes aux extre´mite´s a e´te´ re´alise´e a` la fin du trimestre. Le service compe´tent en radioprotection de l’e´tablissement a alors extrapole´ ces donne´es a` l’anne´e, afin d’e´tablir l’exposition des personnels. Des de´bits de dose au contact, a` 30 et a` 100 cm de la patiente, ont e´te´ mesure´s le jour de l’injection et au moment de l’intervention, afin de de´terminer le zonage, a` l’aide d’un AT1123 de chez APVL1. 3. Re´sultats

99m

Tc-colloı¨des d’albumine en

au corps entier et aux extre´mite´s de respectivement 3,75 et 15,6 mSv pour chaque intervention). Pour l’IBODE, l’irradiation au corps entier est infe´rieure au seuil de de´tection du dosime`tre passif ; sa dose rec¸ue aux extre´mite´s, 16,2 mSv par intervention, est voisine de celle des autres agents. En extrapolant ces donne´es sur l’anne´e, l’irradiation au corps entier du chirurgien est estime´e a` 152 mSv ; sa dose annuelle estime´e aux extre´mite´s sera de 533 mSv. Les dosime`tres d’ambiance au sein de la salle d’ope´ration et du local de stockage des de´chets n’ont pas permis de mesurer de dose, car celle-ci e´tait infe´rieure au seuil de de´tection du dosime`tre, confirmant la faible exposition des autres personnels du bloc ope´ratoire et notamment des aides-soignants. 3.2. Mesure des de´bits de dose et de´termination du zonage Selon l’arreˆte´ zonage du 15 mai 2006 relatif aux conditions de de´limitation et de signalisation des zones en radioprotection (Fig. 1), et les mesures de de´bit de dose rapporte´es dans le Tableau 2, nous avons pu de´terminer une zone re´glemente´e controˆle´e verte a` 14 cm autour de la patiente le jour de l’intervention quand la proce´dure est re´alise´e sur deux jours. Quand l’injection est pratique´e le matin meˆme de l’intervention, la zone controˆle´e verte est de´finie a` 32 cm autour de la patiente (Tableau 3).

3.1. Dosime´trie des personnels 3.3. Gestion de l’e´limination des de´chets contamine´s Les mesures de dosime´trie au corps entier et aux extre´mite´s pour chaque cate´gorie de personnel sont pre´sente´es dans le Tableau 1. Ces doses sont rapporte´es pour une intervention et ont e´te´ extrapole´es pour l’anne´e selon le nombre annuel moyen de chirurgie du ganglion sentinelle sur notre centre (211 interventions en 2010 et 216 en 2011). La personne la plus expose´e est le chirurgien, avec une dose rec¸ue au corps entier et aux extre´mite´s respectivement de 5 et 17,5 mSv pour chaque intervention. Ces valeurs sont un peu plus faibles pour l’aide-ope´ratoire (dosime´trie Tableau 1 Doses rec¸ues par les diffe´rents personnels. Cate´gorie de personnel

Chirurgien Aide-ope´ratoire IBODE

Dose rec¸ue par intervention (mSv)

Lorsque les patientes sont injecte´es la veille ou le jour meˆme de l’ope´ration, les de´chets issus de la chirurgie et potentiellement radioactifs ne sont e´vacue´s que le lendemain de l’ope´ration et sont entrepose´s en attendant leur e´vacuation dans un container de´die´ et signale´ par l’IBODE. Vu que l’activite´ injecte´e aux patientes est faible (infe´rieure a` 90 MBq) et que la demi-vie (dure´e au bout de laquelle l’activite´ radioactive est divise´e par deux) du techne´tium-99m est relativement courte (6 heures), la mise en de´croissance durant 24 heures des de´chets potentiellement contamine´s suffit pour que ces de´chets pre´sentent une radioactivite´ si faible qu’ils puisse eˆtre traite´s comme des de´chets a` risque infectieux standards.

Extrapolation de la dose sur l’anne´e (mSv)

Corps entier

Extre´mite´s

Corps entier

Extre´mite´s

5 3,75 < seuil

17,5 15,6 16,2

152 88 < seuil

533 369 247

IBODE : infirmie`re de bloc ope´ratoire diploˆme´e d’e´tat. Les mesures sont exprime´es en mSv. L’extrapolation est faite sur la base d’une moyenne de 210 proce´dures chirurgicales de ce type, chaque anne´e au CHU de Tours, par 7 chirurgiens diffe´rents. Les dosime`tres corps entiers de l’infirmie`re de bloc ope´ratoire n’ont pas de´passe´ le seuil de mesure au cours de la pe´riode d’e´tude.

Tableau 2 Mesure des de´bits de dose – en mSv/h. Distance entre la patiente et le de´tecteur

Injection la veille de la chirurgie j0 (injection)

j1 (chirurgie)

Au contact 30 cm 1m Mesure du bruit de fond

451 17,4 2,06 0,083

49,8 1,78 0,58 0,082

Injection le jour de la chirurgie 201 8,7 1,1 0,092

M. Bailly et al. / Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 42 (2014) 296–300 Tableau 3 Zonage e´tabli pour la dose efficace corps entier, selon les mesures de de´bits de dose. Rayon autour de la patiente (en cm) Zone controˆle´e jaune

Zone controˆle´e verte

Zone surveille´e

Proce´dure sur deux jours j0 (injection) j1 (chirurgie)

25 8

25–45 8–14

> 45 > 14

Injection le jour de la chirurgie

17

17–32

> 32

4. Discussion Nous avons voulu mesurer l’exposition aux rayonnements ionisants du personnel du bloc ope´ratoire lors de la chirurgie du ganglion sentinelle. Cette e´tude locale confirme que l’irradiation de l’e´quipe chirurgicale est tre`s faible ; la dose la plus e´leve´e est rec¸ue par le chirurgien, notamment au niveau de ses mains (5 mSv au corps entier, par intervention, 17,5 mSv aux extre´mite´s). L’exposition aux rayonnements ionisants de l’aide-ope´ratoire est un peu plus faible ; celle de l’infirmie`re du bloc ope´ratoire se faisant uniquement aux extre´mite´s (16 mSv par intervention). A` titre de comparaison, rappelons que l’irradiation naturelle est responsable en France d’une dose annuelle moyenne de 2900 mSv (entre 1500 et 6000 mSv, dans les re´gions montagneuses, surtout dans le Massif Central), ou qu’au cours d’un vol Paris-Tokyo, le rayonnement cosmique est responsable d’une dose de 100 mSv au corps entier [16]. Dans notre e´tablissement, l’activite´ calibre´e dans la seringue est d’environ 90 MBq pour les protocoles sur deux jours, 50 MBq sur une journe´e. Il faut tenir compte de l’activite´ re´siduelle dans la seringue apre`s injection (de l’ordre de 25 MBq) ; ainsi l’activite´ re´ellement injecte´e est donc plutoˆt de 25 ou 65 MBq selon le protocole. Elle est le´ge`rement supe´rieure aux recommandations de l’European Association of Nuclear Medicine (EANM) (50 MBq pour les protocoles sur 2 jours) [17] ; cependant, il s’agit d’une activite´ recommande´e, a` adapter si l’intervention a lieu plus de 16 h apre`s l’injection, raison pour laquelle nous injectons environ 65 MBq dans les protocoles sur deux jours. La demi-vie du techne´tium99m est courte (6 heures) ; par conse´quent, l’intervalle libre entre l’injection et l’intervention chirurgicale va jouer un roˆle majeur dans la re´ussite de la de´tection du ganglion sentinelle, mais e´galement dans l’irradiation du personnel. L’exposition aux rayonnements ionisants de l’e´quipe va aussi de´pendre de la distance par rapport a` la patiente et du temps d’exposition aupre`s de celle-ci, expliquant ainsi pourquoi le chirurgien reste la personne qui rec¸oit la dose efficace et la dose e´quivalente les plus importantes. Ces donne´es sont tout a` fait en accord avec les donne´es de la litte´rature [9–14]. Cependant il existe des variations importantes dans ces mesures, lie´es a` l’importante variabilite´ dans les protocoles et activite´s injecte´es : de 8 mSv (de Kanter et al. [10]) a` 10 mSv (Klausen et al., [12]) a` la paroi abdominale, pour chaque intervention, et de 18 mSv (main dominante dans l’e´tude de de Kanter [10]) a` 159 mSv (main non dominante dans l’e´tude Sera et al. [11]) pour la dose e´quivalente aux extre´mite´s, par intervention. Nos valeurs mesure´es se situent dans les limites infe´rieures de ces autres e´tudes, pour des activite´s injecte´es voisines [12]. La Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a fixe´ la limite annuelle de dose efficace corps entier pour le public a` 1 mSv. En se fondant sur les re´sultats obtenus, cela correspond a` une exposition lors de 200 interventions environ pour un meˆme chirurgien. De meˆme, la dose e´quivalente limite aux extre´mite´s

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pour le public est de 50 mSv/an, ce qui correspond a` plus de 2500 interventions par an pour le chirurgien, l’aide-ope´ratoire et l’infirmie`re de bloc ope´ratoire. Certaines e´tudes ont meˆme montre´ que le nombre maximal d’interventions qu’un meˆme chirurgien peut pratiquer annuellement avant d’atteindre la limite re´glementaire du public de´passe les 500 [18–20]. Ces re´sultats permettent de conside´rer le personnel du bloc gyne´cologique en cate´gorie « publique » et de s’affranchir de mesure de surveillance dosime´trique particulie`re ou de mise en œuvre d’e´quipement de protection individuelle comme les tabliers plombe´s. Ces derniers, en plus d’eˆtre inutiles, peuvent meˆme limiter la dexte´rite´ du chirurgien et ainsi augmenter le temps ope´ratoire et donc le temps d’exposition. Cela dit, pour le cas particulier de la femme enceinte, dont la dose effective a` l’embryon/fœtus ne doit pas exce´der 1 mSv, le nombre limite d’interventions a` ne pas de´passer pourrait eˆtre donc e´galement de 200. Cependant, en vertu du principe de pre´caution, on pourra tout de meˆme proposer aux femmes enceintes le port d’un tablier de protection plombe´, associe´ a` une surveillance de type dosime´trie ope´rationnelle qui permet de connaıˆtre l’exposition aux rayonnements de fac¸on instantane´e. Meˆme si les re´sultats sont rassurants du point de vue de l’exposition externe du personnel, le risque majeur lors de ce type de chirurgie reste celui de la contamination a` la peau suite a` un proble`me technique lors de l’injection du radiopharmaceutique (de´solidarisation de l’aiguille et de la seringue, surpression, de´solidarisation du piston de la seringue, site d’injection inadapte´ ou encore geste mal maıˆtrise´) avec comme conse´quence la projection du produit radioactif sur le personnel et leur contamination. Ce type d’incident est peu fre´quent lors des injections mammaires, mais il devient plus important dans le cas d’injections dans des sites plus difficiles d’acce`s, notamment en carcinologie pelvienne (tumeurs du col de l’ute´rus, par exemple). Afin d’e´viter ce risque, des seringues Lu¨er-lock de 1 mL sont utilise´es ; en outre le personnel porte un sur-tablier ste´rile jetable, des surchaussures, une charlotte, deux paires de gants ainsi qu’une visie`re. Par ailleurs, en cas de suspicion de contamination, le personnel est controˆle´ en fin d’intervention avec un contaminame`tre. Concernant le zonage, les de´limitations des diffe´rentes zones re´glemente´es montrent que la limite de la zone controˆle´e verte est situe´e a` 14 cm autour du patient le jour de la chirurgie pour les proce´dures sur deux jours ; elle se situe a` 32 cm pour les chirurgies re´alise´es le meˆme jour de l’injection. Cette zone e´tant tre`s limite´e, et les de´bits de dose restant faibles, il semble peu judicieux de mettre en place une dosime´trie ope´rationnelle car seules les extre´mite´s du chirurgien et de l’aide-ope´ratoire sont vraiment proches du patient, se situent en zone controˆle´e et rec¸oivent des doses significatives. Nous avons e´galement de´termine´ dans cette e´tude la dosime´trie d’ambiance au sein de la salle d’ope´ration et du local de stockage des de´chets. Les deux dosime`tres n’ont pas mesure´ de dose car celle-ci e´tait infe´rieure a` leur seuil de de´tection, montrant l’irradiation quasi nulle dans ces zones (classe´es en zone surveille´e selon l’arreˆte´ zonage du 15 mai 2006). Les limites de notre e´tude sont plutoˆt d’ordre me´thodologique : nous avons choisi d’utiliser des dosime`tres corps entier et des bagues dosime´triques. L’utilisation d’une dosime´trie e´lectronique ou plus pre´cise se serait ave´re´e plus contraignante pour le personnel de la salle d’ope´ration. De plus, cette e´tude a e´te´ re´alise´e sur un trimestre, soit une courte pe´riode d’analyse, mais permettant une bonne coope´ration de l’e´quipe du bloc ope´ratoire. Enfin, la grande variabilite´ des activite´s injecte´es selon les centres fait varier la dosime´trie du personnel ; cependant, toutes les e´tudes, utilisant des protocoles parfois tre`s diffe´rents, montrent syste´matiquement une irradiation du personnel du bloc ope´ratoire infe´rieure aux limites pour le public [9–14].

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M. Bailly et al. / Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 42 (2014) 296–300

Comme nous l’avons de´ja` mentionne´, la recherche du ganglion sentinelle peut eˆtre sensibilise´e graˆce a` l’adjonction d’un marquage au bleu au marquage radiopharmaceutique. L’utilisation combine´e du marquage au bleu et aux colloı¨des radioactifs est nettement supe´rieure a` l’utilisation du bleu seul [6,7,21]. Cette injection « radioactive » est donc reconnue comme ne´cessaire dans la prise en charge optimale de la chirurgie du ganglion sentinelle. Nos re´sultats, en ve´rifiant la tre`s faible exposition du personnel chirurgical aux rayonnements ionisants, font clairement pencher la balance en faveur du be´ne´fice pour le patient, par rapport aux risques pour le personnel. 5. Conclusion Lors de la chirurgie du ganglion sentinelle, le chirurgien, personne la plus expose´e au sein de l’e´quipe chirurgicale, ne rec¸oit qu’une dose d’irradiation tre`s faible, bien infe´rieure aux limites de la CIPR, notamment du public. L’ensemble du personnel travaillant au sein du bloc ope´ratoire de gyne´cologie ne ne´cessite donc pas de surveillance dosime´trique particulie`re, confirmant leur classement dans la cate´gorie « public ». Tout est mis en œuvre pour e´viter le risque de contamination du personnel. Ces re´sultats ont e´te´ pre´sente´s au staff de chirurgie gyne´cologique, ce qui a permis de les rassurer sur leur risque d’exposition. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Cabanas RM. An approach for the treatment of penile carcinoma. Cancer 1977;39(2):456–66. [2] Krag DN, Weaver DL, Alex JC, Fairbank JT. Surgical resection and radiolocalization of the sentinel lymph node in breast cancer using a gamma probe. Surg Oncol 1993;2(6):335–9 [discussion 340]. [3] Alex JC, Weaver DL, Fairbank JT, Rankin BS, Krag DN. Gamma-probe-guided lymph node localization in malignant melanoma. Surg Oncol 1993;2(5): 303–8.

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[Radiation exposure of surgical staff during sentinel node surgery. Is there a risk for the surgeon and his team?].

Assess the radiation exposure of surgical staff during sentinel node surgery in gynecology using a radiotracer, the (99m)Tc-microalbumin...
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