© Elsevier Masson SAS, Paris, 2007.

QUESTION 4

Gastroenterol Clin Biol 2007;31:1S63-1S74

Quelle est la place du traitement local ? Frédéric BRETAGNOL

Introduction

Recherche documentaire

Les petits cancers de stade T1 ou T2 ou « early rectal cancer » représentent environ 20 à 30 % des tumeurs du rectum et sont de bon pronostic.

Stratégie générale

L’analyse de la littérature a été réalisée selon la méthodologie de l’ANAES. La revue de la littérature concerne la période 1980-2004 et s’est appuyée sur une recherche dans la base de données Medline (PubMed). Les mots clés utilisés étaient les suivants : Equation de départ : “Rectal Neoplasm” [MESH] AND “Early rectal cancer” [Title] AND “Local excision” [Title] : 160 références. Les 160 articles ont été sélectionnés manuellement par une lecture des titres et une sélection des articles en français ou en anglais aboutissant à 77 articles.

Actuellement, le traitement chirurgical standard est la résection antérieure rectale avec exérèse complète du mésorectum (TME) et anastomose colorectale ou coloanale pour les tumeurs du moyen et haut rectum ou l’amputation abdominopérinéale (AAP) avec colostomie terminale définitive pour les tumeurs bas situées [1]. Une technique rigoureuse avec TME permet à 5 ans un taux de récidives globales de 5 %. Dans l’étude multicentrique hollandaise, le taux de récidives locales était de 0,7 % après exérèse radicale des tumeurs T1-T2 N0 [2]. Pourtant, même dans des mains expertes, cette chirurgie radicale est encore associée à une mortalité d’environ 3 % et une morbidité d’au moins 30 % avec un risque de séquelles génito-urinaires et digestives [3].

Stratégie selon les sous-questions

Pour chaque sous-question, des mots clés ont été inclus à notre sélection : 1. Sous-question : Critères cliniques et anatomopathologiques tumoraux

À l’opposé, le traitement local ne s’adresse qu’à la tumeur et fait « l’impasse » sur un éventuel envahissement ganglionnaire, exposant donc au risque de récidive et de décès par cancer, ce qui n’est pas acceptable pour des petites lésions. Mais, dans la plupart des séries, la mortalité est de 1 % avec une morbidité faible variant de 5 à 10 %.

Mots clés ajoutés “Neoplasm Staging” [MESH] AND “Lymphatic metastasis” [MESH] AND “Vascular invasion“ [Title] AND “Perineural invasion“ [Title] AND “Histologic grade“ [Title] AND “Mucinous component“ [Title]. Résultats : 50 références

La difficulté actuelle est donc la sélection des petits cancers pouvant bénéficier d’une exérèse locale. Dans les recommandations établies en 1999 par les comités techniques médicaux des centres régionaux de lutte contre le cancer, le traitement local des petits cancers du rectum ne devait concerner que les tumeurs de moins de 3 cm, mobiles, classées uT1 ou uT2 en échoendoscopie et histologiquement bien différenciées [4].

2. Sous-question : Examens complémentaires préopératoires

Mots clés ajoutés “Neoplasm Staging” [MESH] AND “Endosonography” [MESH] AND “Tomography computed” [MESH] AND “Magnetic resonance imaging” [MESH] AND “Digital examination” [Title]. Résultats : Échoendoscopie 106 références - TDM 166 références - IRM 117 références - Examen clinique 2 références.

Une carence en travaux de bon niveau scientifique rend difficile la place du traitement local par rapport à la chirurgie radicale conventionnelle.

3. Sous-question : Résultats de l’exérèse locale seule

Parmi les 77 articles, une seconde sélection a été réalisée : Les articles incluant moins de 20 patients avec une période d’étude ou de recul de moins de 1 an ont été exclus. Selon ces critères, 42 articles ont été sélectionnés.

Le but de ce travail était d’établir les indications du traitement local en définissant les critères cliniques et anatomopathologiques tumoraux de sélection, de préciser l’imagerie indispensable dans ce choix thérapeutique et d’évaluer les résultats à long terme vis-à-vis de la chirurgie radicale. Enfin, les traitements adjuvants peuvent-ils être justifiés après exérèse locale ? Plus récemment, quelle est la place de l’exérèse locale après radiochimiothérapie néoadjuvante et réponse tumorale complète ?

Chirurgie de rattrapage

Mots clés ajoutés “Salvage therapy” [MESH]. Résultats : 5 références 4. Sous-question : Place des traitements adjuvants et néoadjuvants

Mots clés ajoutés “Neoadjuvant therapy“ [MESH] AND “Radiotherapy, adjuvant“ [MESH] AND “Chemotherapy, adjuvant“ [MESH]. Résultats : Traitement adjuvant : 21 références - Traitement néoadjuvant : 7 références.

Correspondance : [email protected]

1S63

F. Bretagnol

Équation de recherche par niveau de preuve “Meta-analysis” - “Controlled clinical trials” - “Prospective study” - “Review”.

tumorale en termes de survie sans récidive [10]. Mais, du fait du faible nombre de patients (22 patients), aucune étude multivariée n’avait pu être faite. Graham et al., dans une revue de la littérature, retrouvaient un taux de récidives locales de 19 % à 5 ans, mais concluaient qu’une taille tumorale de plus de 3 cm était associée en analyse univariée à un risque plus élevé de mortalité et de récidive locale [11].

Conclusion de la recherche

Au total, la sélection des études a abouti toutes les sousquestions confondues à : 1 méta-analyse, 1 étude randomisée, 22 études comparatives non randomisées dont 9 études prospectives et 13 études rétrospectives, 71 études non comparatives dont 13 études prospectives et 58 études rétrospectives.

À l’inverse, quelques études rétrospectives concluaient à l’absence de corrélation entre la taille tumorale et le taux de récidives locales ou de survie [12-14]. Taylor et al., dans une étude rétrospective rapportant 47 résections locales transanales, n’ont montré aucune différence significative en termes de récidive locale si la tumeur était inférieure à 3 cm (33 %) ou supérieure à 3 cm (22 %) [14].

À qui proposer un traitement local ? Quels sont les critères cliniques pour sélectionner les indications ?

MORPHOLOGIE

TAILLE

Existe-t-il une corrélation entre la morphologie tumorale et le risque de métastase ganglionnaire ou de récidive locale et de survie ?

TUMORALE

Existe-t-il une taille tumorale maximale pour l’exérèse locale ?

TUMORALE

Trois études rétrospectives ont montré, en analyse univariée, que la morphologie tumorale était un facteur prédictif de métastase ganglionnaire [8, 15, 16]. Brodsky et al. ont analysé de manière rétrospective, à partir de 154 patients opérés par voie classique (résection antérieure ou AAP), les critères susceptibles d’être corrélés au risque de métastase ganglionnaire [8]. La morphologie tumorale était un critère à la limite de la significativité avec un risque d’envahissement ganglionnaire de 11 % pour des tumeurs sessiles, non ulcérées et de 24 % pour des tumeurs ulcérées (p = 0,06).

Il n’existe pas dans la littérature de taille définie pour une exérèse locale. Dans la plupart des séries, la taille médiane était inférieure à 3 cm. Le diamètre tumoral est souvent d’emblée un critère d’exclusion et de sélection pour la chirurgie locale dans la plupart des études ; c’est-à-dire que les tumeurs de plus de 3 cm et occupant plus de 40 % de la circonférence sont exclues. Il est donc difficile de définir une taille maximale au-delà de laquelle une exérèse locale n’est pas envisageable. Il est logique de penser qu’une tumeur de 3 cm se prêtera plus facilement à une exérèse locale, d’une part, pour des raisons techniques, car si l’on veut conserver une marge de section saine minimale (5 à 10 mm), le diamètre de la plaie opératoire peut être majoré rapidement et le risque de morbidité postopératoire accru (fistule et sténose anastomotique) et, d’autre part, pour des raisons oncologiques liées au risque d’envahissement des marges de section lors de l’exérèse.

Une étude récente rétrospective confirmait la corrélation de l’aspect macroscopique tumoral au devenir oncologique. Le pronostic en termes de survie et de récidive locale à 5 ans était respectivement meilleur après résection locale de tumeur exophytique (91 et 9 %) qu’après résection de tumeur ulcérée (49 et 40 %) [15]. De la même façon, Papillon, dans sa série de tumeurs rectales traitées par irradiation endocavitaire, notait une différence en termes de récidive locale entre les tumeurs exophytiques et ulcérées avec un taux respectif de 5 % et 20 % [16].

Existe-t-il une corrélation entre la taille tumorale et le risque de métastase ganglionnaire ?

Plusieurs séries rétrospectives ont évalué ce risque par l’étude de pièces de résection rectale. La majorité des auteurs concluaient en faveur du risque potentiel ganglionnaire selon la taille tumorale. Le risque d’envahissement ganglionnaire était estimé à 33 % en cas de diamètre tumoral supérieur à 3,5 cm [5]. Goldstein et al. ont montré, dans une étude de 73 pièces rectales d’AAP, que la taille maximale sans et avec risque de métastase ganglionnaire était respectivement de 3,1 cm et 3,5 cm [6]. Une autre étude rapportant plus de 266 résections rectales montrait que les tumeurs supérieures à 5 cm étaient associées à un risque plus élevé de métastase ganglionnaire uniquement en analyse univariée (p = 0,02) [7]. Seuls Brodsky et al. ne concluaient à aucune différence en termes de risque de métastase ganglionnaire pour des tumeurs T1/T2 de plus de 3 cm (18 %) et des tumeurs de moins de 3 cm (21 %) [8].

HAUTEUR

TUMORALE

Il n’existe pas dans la littérature d’étude sur la limite maximale de hauteur tumorale par rapport à la marge anale. Pour des raisons techniques, seules les tumeurs accessibles au toucher rectal (TR) peuvent bénéficier d’une exérèse locale par voie transanale. Dans la plupart des études, la médiane de la hauteur tumorale est de 6 cm par rapport à la marge anale avec une limite supérieure de 8 cm [17-21]. Seuls Stipa et al. rapportaient l’exérèse locale de tumeur à 10 cm de la marge anale, mais avec une hauteur médiane de 5 cm [22]. Les tumeurs sus-péritonéales, comme d’ailleurs celles souspéritonéales, peuvent être traitées par microchirurgie endoscopique transanale (TEM). En effet, dans les séries d’exérèse locale par TEM, la médiane est de 8 cm avec des extrêmes de 1 à 20 cm. Dans l’étude de Stipa et al. rapportant l’exérèse de 80 tumeurs par TEM, la tumeur était située dans 40 % des cas à moins de 5 cm, dans 55 % des cas entre 5 et 10 cm et dans 5 % des cas à plus de 10 cm de la marge anale [22].

Existe-t-il une corrélation entre la taille tumorale et le pronostic en termes de récidive locale et de survie ?

En étudiant le taux de récidives locales en fonction de la taille tumorale, Killingback et al. observaient chez 36 patients après exérèse locale 12,5 % de récidive si la tumeur avait un diamètre inférieur à 3,5 cm et 33 % si la tumeur avait un diamètre supérieur à 3,5 cm (NS) [9]. Minsky et al. ont rapporté les résultats de l’exérèse locale tumorale avec radiothérapie adjuvante en soulignant l’impact de plusieurs facteurs dont la taille

Synthèse

Les seuls critères cliniques tumoraux à retenir pour proposer un traitement local sont la taille et la hauteur par rapport à la marge anale (niveau de preuve 4).

1S64

Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. Question 4

Il n’y a pas de données dans la littérature permettant de préciser quelle est la taille optimale pour une exérèse locale. Elle n’est pas un facteur pronostique majeur, mais elle est corrélée au risque d’envahissement ganglionnaire et au devenir oncologique en termes de récidive locale et de survie sans récidive (niveau de preuve 4). Ainsi, pour des raisons oncologiques et techniques (diamètre de la plaie opératoire), une taille tumorale inférieure ou égale à 3 cm semble être le seuil maximal raisonnable pour envisager une exérèse locale (niveau de preuve 4).

opérés d’une tumeur rectale T1/T2, 2 groupes de patients « à risque » en fonction de la présence ou non de 3 facteurs histopronostiques (grade, EL, EV). La seule variable statistiquement significative en termes de risque d’envahissement ganglionnaire était la présence d’EV.

CONTINGENT

Peu d’auteurs ont insisté sur le mauvais pronostic des cancers ayant un contingent mucineux, qui représentent seulement 10 à 30 % des cancers colorectaux [31, 32].

Quels sont les critères anatomopathologiques compatibles avec un traitement local ? DEGRÉ D’INFILTRATION

Quelques études rétrospectives retrouvaient cependant ce critère parmi les facteurs indépendants de risque d’envahissement ganglionnaire [26, 33, 34]. Okabe et al. rapportaient un risque ganglionnaire de 20 % s’il existait une composante mucineuse (présente dans 21 % des cas) [33].

EN PROFONDEUR

L’envahissement ganglionnaire est étroitement lié au degré d’envahissement pariétal. Six études non comparatives dont une prospective [23] et cinq rétrospectives [7, 8, 24-26] ont évalué l’envahissement ganglionnaire en fonction de l’envahissement pariétal pour des tumeurs limitées à la paroi rectale et qui avaient bénéficié d’une chirurgie carcinologique classique (résection antérieure ou AAP). Ainsi, en cas d’exérèse locale, le risque de méconnaître un envahissement ganglionnaire varie de 0 à 15 % pour les tumeurs T1 et de 16 à 28 % pour les tumeurs T2 (tableau I).

ENGAINEMENT

MARGE

DE RÉSECTION

Existe-t-il une valeur optimale pour la marge de résection tumorale ?

Il n’existe aucune valeur définie dans la littérature. Aucune étude n’a étudié le risque d’envahissement de la tranche de section en fonction du diamètre de la marge de résection. Il semble qu’à la lecture des protocoles chirurgicaux de plusieurs études, une marge de section péritumorale de 0,5 à 1 mm soit préconisée.

DE DIFFÉRENCIATION HISTOPATHOLOGIQUE

Selon le caractère plus ou moins bien différencié, les tumeurs sont classées en 3 grades : tumeur bien différenciée (grade I ou bas grade), tumeur moyennement différenciée (grade II) et tumeur peu différenciée (grade III ou haut grade). Plusieurs études avec résection rectale radicale ont montré que le risque d’envahissement ganglionnaire est d’autant plus important que la tumeur est peu différenciée [6, 8, 23, 26, 28, 29]. Dans les quatre premières études, ce critère était un facteur indépendant corrélé au risque d’envahissement ganglionnaire. Nascimbeni et al. confirmaient cette corrélation et montraient que 30 % des tumeurs de grade I et II envahissaient la couche profonde de la sous-muqueuse (sm3), alors que 70 % des tumeurs de grade III étaient sm3 [7].

EMBOLES

TUMORAL PÉRINERVEUX

Dans 6 études rétrospectives, l’engainement tumoral périnerveux (EPN) était un facteur pronostique péjoratif indépendant en termes de survie [35-40] et dans 3 études [19, 38, 41] en termes de récidive locale. Dans une étude récente rétrospective, parmi 364 patients opérés d’une résection antérieure rectale pour cancer, ce critère était présent dans 14 % des cas. En analyse multivariée, l’EPN était un facteur indépendant en termes de récidive locale (43 % versus 9 %) et de survie à 5 ans (40 % versus 74 %) [42].

Deux études non comparatives dont une prospective [27] et une rétrospective [7] ont étudié le risque d’envahissement ganglionnaire en fonction du degré de pénétration tumorale au niveau de la sous-muqueuse, celle-ci étant divisée en trois tiers : tiers superficiel (sm1), tiers moyen (sm2) et tiers profond (sm3). Les 2 études concluaient que l’envahissement du tiers profond de la sous-muqueuse (sm3) était associé à un risque plus élevé de métastase ganglionnaire (23 et 25 %) que l’envahissement du tiers superficiel (sm1) (0 et 3 %) ou du tiers moyen (sm2) (8 %).

GRADE

MUCINEUX

Existe-t-il une corrélation entre l’envahissement de la tranche de section et le pronostic tumoral (récidive locale et survie) ?

Une étude prospective non contrôlée [43] et quatre rétrospectives [17, 19, 20, 44] ont souligné l’importance pronostique de la marge de résection après exérèse locale. Dans la majorité des études, l’envahissement de la tranche de section était associé à un taux de récidive plus fréquent, mais dans aucune étude, ce critère n’était un facteur indépendant de récidive locale car, le plus souvent, une chirurgie radicale de complément était réalisée, biaisant l’analyse statistique. Lorsque la marge est envahie, le taux de récidives locales varie de 50 à 100 %. Une série rétrospective de 119 patients traités par exérèse locale au St-Mark’s Hospital estimait que les taux de récidives locales et de survie à 5 ans étaient respectivement de 3 % et 82 % en cas d’exérèse complète et de 36 % et 57 % en cas de marge envahie [44]. Dans une étude récente évaluant à long terme les résultats de 64 exérèses locales, en cas de marge envahie, la moitié des patients avaient récidivé et, en cas de marge douteuse, un tiers des patients avaient récidivé [17]. Dans deux études, la marge de résection était envahie seulement dans 4 % des cas, mais avec une récidive locale dans 100 % des cas [20, 43]. Seuls Paty et al., dans une série rétrospective de 125 patients traités par excision locale, montraient qu’une marge de résection envahie (n = 11) n’était pas un critère corrélé au risque de récidive locale [19]. En effet, un seul patient avec marge envahie avait

VASCULAIRES ET LYMPHATIQUES

Plusieurs auteurs ont insisté sur la valeur pronostique d’emboles tumoraux dans les lymphatiques (EL) ou les vaisseaux (EV). Dans quatre études rétrospectives de plus de 100 patients, évaluant les critères prédictifs de métastase ganglionnaire à partir de pièces d’exérèse rectale, la présence d’EL ou EV était, en analyse multivariée, un facteur indépendant corrélé au risque métastatique ganglionnaire [8, 26, 28, 30]. Parmi une cohorte de 353 patients présentant une tumeur T1 du rectum et opérés par voie classique ou locale, le risque de métastase ganglionnaire était en cas d’EL significativement plus élevé (11 %) [7]. Une étude prospective [23] distinguait, parmi 318 patients

1S65

F. Bretagnol

récidivé, nécessitant une chirurgie radicale. Mais tous les patients avec marges envahies avaient eu une radiothérapie adjuvante, biaisant ainsi l’analyse statistique

sa taille qui sont deux éléments clés pour le choix du traitement local. Elle permet enfin la réalisation de biopsies qui préciseront le type histologique et le grade de différenciation de la tumeur, en sachant qu’en définitive, seul l’examen de la totalité de la pièce d’exérèse permettra une classification anatomopathologique exacte. En effet, plusieurs études ont montré le manque de corrélation entre les données de la biopsie et l’examen complet de la tumeur [40, 51]. Thomas et al. observaient seulement 50 % de concordance pour les tumeurs de haut grade [52]. Kneist et al. montraient que la taille tumorale influençait les résultats avec 52 % de concordance pour une taille inférieure à 3 cm et 25 % si la tumeur était supérieure à 3 cm [53].

Synthèse

Le degré d’envahissement pariétal tumoral est un facteur pronostique essentiel et est étroitement lié au risque de métastase ganglionnaire (niveau de preuve 4). Ce risque est significatif dès l’envahissement du tiers profond de la sous-muqueuse (sm3). Le risque d’envahissement ganglionnaire est d’autant plus important que la tumeur est peu différenciée, c’est-à-dire de haut grade (niveau de preuve 4). La présence au niveau tumoral d’emboles vasculaires ou lymphatiques (niveau de preuve 2), d’un contingent mucineux (niveau de preuve 4) ou d’un engainement périnerveux (niveau de preuve 4) est un facteur pronostique en termes de risque de métastase ganglionnaire et/ou de récidive locale et de survie.

ÉCHOENDOSCOPIE

Une méta-analyse [54], incluant 90 études publiées de 1985 à 2002 et comparant les performances de l’échoendoscopie rectale (EER), de la TDM et de l’IRM à l’histologie définitive, concluait à la supériorité de l’EER concernant la différenciation des tumeurs T1/T2 (atteinte de la musculeuse) susceptibles d’être traitées par chirurgie locale. L’EER avait la même sensibilité que l’IRM (94 %), mais elle était plus spécifique (86 versus 69 %), c’est-à-dire avec un risque de surestimation du stade T1 pour l’IRM. Concernant l’envahissement ganglionnaire, les résultats (sensibilité et spécificité) de chaque examen étaient bas, mais comparables (65 et 75 %, respectivement). L’IRM n’apportait pas d’information complémentaire.

Il n’existe pas de valeur définie dans la littérature pour la marge de résection tumorale, mais son envahissement est associé à un risque de récidive locale (niveau de preuve 4).

Quels sont les examens préopératoires recommandés pour envisager une exérèse locale ? Le « staging » préopératoire d’une tumeur rectale est primordial dans la mesure où d’une part, la survie des patients est directement corrélée à l’envahissement pariétal et ganglionnaire et où, d’autre part, il conditionne les choix thérapeutiques en termes de voie d’abord chirurgical (chirurgie locale ou radicale) et/ou d’indication éventuelle d’un traitement complémentaire de la chirurgie.

L’EER a largement contribué à améliorer la prise en charge thérapeutique du cancer du rectum en apportant des informations importantes pour le bilan de l’envahissement pariétal (T) et ganglionnaire (N). Deux types de sondes sont le plus souvent utilisés dans les études, celle de 7,5 MHz qui met en évidence 5 couches au niveau de la paroi rectale ou celle de 10 MHz qui fait apparaître 7 couches en distinguant la sous-muqueuse. Néanmoins, il existe un consensus pour attribuer la quatrième couche hypoéchogène à la musculeuse rectale qui constitue la frontière entre les tumeurs classées uT1-2 et uT3 [55]. Pourtant, l’utilisation des sondes standard (moins de 15 MHz) permet de voir une atteinte de la musculeuse, mais pas de distinguer correctement la muqueuse de la sous-muqueuse, car la seconde couche hypoéchogène correspond à la muqueuse et à une partie de la sous-muqueuse. L’absence de visualisation d’une lésion permet de la classer « Tis à T1 ». En revanche, l’utilisation de sondes de 15 MHz [56] a permis de classer correctement 85 % des tumeurs de 35 patients en séparant atteinte muqueuse et sm1 d’une part, atteinte sm2, sm3 et plus, d’autre part. Cette distinction est utile à la décision thérapeutique d’exérèse endoscopique ou non. Les sondes de 20 MHz permettent d’améliorer encore ce résultat avec 88,9 % de classements corrects selon ces deux classes [57] chez 45 patients, et 66 % de bons résultats d’un classement en 6 couches (muqueuse, les 3 parties de la sous-muqueuse, musculeuse, sous-séreuse-séreuse).

La place des examens indispensables au choix thérapeutique a été abordée dans la première question des RPC. Nos propos se limiteront donc à la place de ces examens dans la prise en charge de petites tumeurs rectales T1/T2 susceptibles d’être traitées par chirurgie locale.

TOUCHER

RECTAL

Le toucher rectal (TR) est indispensable à l’examen clinique, car l’exérèse locale s’adresse à des tumeurs facilement accessibles. Dans des mains expertes, il permet d’apprécier le siège tumoral, le caractère macroscopique, la mobilité tumorale par rapport aux structures adjacentes [45, 46]. Trois études non comparatives, deux rétrospectives [45, 46] et une prospective [47], ainsi que trois études comparatives, deux rétrospectives [48, 49] et une prospective [50] ont évalué la fiabilité du TR dans le bilan préopératoire de petites tumeurs du bas rectum à 70 % (65 à 80 %). Concernant l’envahissement ganglionnaire, la précision du TR était de 50 % [46]. Une étude prospective récente [50] a comparé les performances du TR, de l’échoendoscopie (EER) et de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) à l’histologie définitive. Parmi 98 patients, la corrélation entre l’histologie définitive et le « staging » de tumeurs dites favorables (T1, T2, N-) était de 94 % (k = 0,81) pour l’IRM, de 69 % (k = 0,17) pour l’EER et de seulement 65 % (k = 0,08) pour le TR.

RECTOSCOPIE

ENDORECTALE

Plusieurs facteurs peuvent limiter la précision de l’EER : la possibilité de surévaluation des tumeurs T2 liée le plus souvent à l’inflammation péritumorale ; l’expérience de l’opérateur ; le niveau et la sténose tumorale. L’équipe de Minneapolis a rapporté récemment son expérience à propos d’une cohorte de 545 patients [58]. Le stade T ne fut correctement apprécié que dans 69 % des cas avec une surestimation dans 18 % des cas et une sous-estimation dans 13 % des cas. La valeur prédictive positive était de 72 % et la valeur prédictive négative était de 93 %. Les tumeurs T1 et T2 n’étaient correctement classées que dans seulement 47 et 69 % des cas. Concernant le stade N (évalué sur 238 patients), la précision était de 64 %. Comme dans toutes les études, une différence significative a été notée en fonction des opérateurs. Dans une étude non comparative prospective, les

AU TUBE RIGIDE ET BIOPSIE

La rectoscopie au tube rigide est indispensable, car elle complète l’examen clinique. Il n’existe pas d’étude dans la littérature évaluant ses performances. Elle permet, en visualisant la tumeur, de confirmer sa morphologie, de préciser sa hauteur et

1S66

Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. Question 4

résultats étaient identiques avec une précision du stade T de 79 %, supérieure dans les stades T1 [47]. Une exérèse locale avait pu être proposée dans 45 % des cas à la place d’une résection antérieure et dans 20 % des cas à la place d’une amputation abdominopérinéale. Les auteurs concluaient que l’imprécision la plus grande concernait les stades uT2 qui étaient parfois surestimés (10 % des cas), en raison d’une stroma réaction inflammatoire périphérique.

la décollant de la sous-muqueuse et de la musculeuse et de la saisir avec une anse diathermique. Le plan de clivage obtenu permet de sectionner dans la sous-muqueuse et de retirer toute l’épaisseur de la muqueuse, avec un faible risque de perforation et des manifestations hémorragiques immédiates plus fréquentes, mais traitées endoscopiquement sans difficulté [59-61]. Cette technique permet l’exérèse de toute la lésion lorsqu’un bon décollement de la muqueuse est obtenu. En l’absence de bon soulèvement après injection (« non-lifting sign »), il est déconseillé de pratiquer une exérèse par mucosectomie, car il s’agit alors en général de lésions envahissant la musculeuse (T2).

La méta-analyse de Bipat (niveau 1), qui compare les performances respectives de l’IRM, du scanner et de l’EER, montre que l’EER et l’IRM ont une sensibilité équivalente (94 %) pour déterminer l’atteinte de la musculeuse (T1 vs T2), l’EER étant plus spécifique (86 % vs 69 %). Sur le critère N, aucun examen n’est supérieur aux autres avec des sensibilités de 67 % pour l’EER, 55 % pour le scanner, 66 % pour l’IRM. Les spécificités sont de 78 %, 76 % et 76 % respectivement.

La recherche de séries incluant exclusivement des cancers du rectum et traités par résection endoscopique a été infructueuse. Des séries rassemblant des cancers du côlon et du rectum ont été publiées. Elles rapportent l’évolution à moyen terme des patients et le taux de récidives locales : • chez 6 patients [61], pas de récidive à l’issue de 18 mois de surveillance (extrêmes 6-30) ; • chez 18 patients [62] porteurs d’un cancer superficiel colique (pas de cancer du rectum), pas de récidive au cours d’un suivi de 21,5 mois (extrêmes 2-74).

Synthèse

Le pronostic du cancer rectal est essentiellement lié à l’envahissement pariétal (T) et ganglionnaire (N). Le but du bilan préthérapeutique sera donc le « staging » tumoral et donc l’évaluation du risque ganglionnaire aboutissant pour des tumeurs T1/T2 à la possibilité d’un traitement local.

Parmi les 91 patients de la plus vaste cohorte [63], 5 récidives, toutes locales et accessibles à un traitement chirurgical, au cours d’une surveillance de 40,9 mois (extrêmes 18-189), soit 5,5 % des patients. Parmi ces patients, 73 avaient une lésion muqueuse et 18 un cancer envahissant la sous-muqueuse. Dixhuit, dont 11 avec envahissement sous-muqueux, avaient bénéficié d’une exérèse chirurgicale complémentaire systématique.

La réalisation du toucher rectal dépend plus du bon sens, car sa fiabilité est faible (niveau de preuve 4). L’échoendoscopie doit être réalisée, car c’est l’examen le plus performant pour l’évaluation préopératoire de l’extension pariétale (T1 versus T2) (niveau de preuve 1) et qu’il est équivalent à l’IRM et au scanner pour évaluer l’extension ganglionnaire. Plusieurs limites sont à rappeler : 1/ la qualité de l’évaluation dépend de l’expérience de l’opérateur ; 2/ l’imprécision se majore dans les tumeurs uT2 qui sont parfois surestimées (15 % des cas) ; 3/ la sensibilité pour l’envahissement ganglionnaire est insuffisante, car la plupart des ganglions métastatiques ont un aspect macroscopiquement normal, ainsi, le risque ganglionnaire est apprécié à défaut dans près de 50 % des cas ; 4/ l’impossibilité de réaliser cet examen en cas de sténose tumorale.

Exérèse par résection transanale La voie transanale est la plus souvent utilisée. Il existe très peu d’études évaluant la technique elle-même, c’est-à-dire qui répondent aux questions « faut-il réaliser une résection totale ou partielle de la paroi ? » et « faut-il suturer ou non la plaie opératoire ? » L’excision peut en effet se limiter à la muqueuse et la sous-muqueuse ou intéresser toute l’épaisseur de la paroi rectale (excision dite « full-thickness ») avec ablation de la musculeuse et de la graisse périrectale. La suture de la plaie opératoire est souvent dans ce cas conseillée afin d’éviter l’infection et l’hémorragie secondaires. Certains auteurs électrocoagulent le lit tumoral pour parfaire l’hémostase. L’excision ne peut s’adresser qu’à des tumeurs basses situées sous le cul-de-sac de Douglas, pour éviter une perforation péritonéale. Lorsque la tumeur se situe au niveau de la face antérieure du rectum, il y a un risque de perforation de la cloison rectovaginale chez la femme ou de lésions urétrales chez l’homme.

Recommandations retenues par le groupe de travail

La sélection d’une tumeur pour une exérèse locale se fait sur les données du toucher rectal et de l’EER, plus performante que le toucher rectal pour l’évaluation préopératoire de l’extension de la tumeur dans la paroi rectale (T1 vs T2) et de l’extension ganglionnaire (grade C), d’autant que l’utilisation de sondes de 15 MHz et plus permet de préciser le degré d’infiltration muqueuse et sous-muqueuse (m+ sm1 versus sm2+ sm3). Le groupe de travail retient comme indication possible d’une exérèse locale les tumeurs uTIS ou uT1 N0. Bien qu’il n’y ait pas dans la littérature de données sur la taille maximale de la tumeur, le groupe de travail recommande de ne réaliser une exérèse transanale que pour des tumeurs inférieures à 3 cm dans leur plus grand diamètre.

Dans une étude, 44 patients ont été randomisés entre suture de la plaie opératoire après exérèse locale versus pas de suture [64]. Il s’agissait de résection locale par microchirurgie endoscopique (TEM). Les auteurs ne notaient aucune différence significative en termes de morbidité précoce ou de pertes sanguines entre les 2 groupes. Seule la durée opératoire était supérieure dans le groupe suture (94 min) versus non suture (78 min) (NS).

Comment réaliser une exérèse locale ?

Les résultats opératoires en termes de morbidité et de mortalité sont inférieurs à ceux de la chirurgie radicale. La mortalité périopératoire est le plus souvent nulle. La morbidité varie en moyenne de 0 à 20 % [19, 20, 22, 65-67]. Dans une étude récente, parmi 40 excisions locales « full-thickness », la mortalité opératoire était nulle et la morbidité globale était de 11 % à type de fistule (4 %), d’hémorragie (4 %) et de sténose anale (2 %) [20].

Exérèse par mucosectomie endoscopique La « résection endoscopique par mucosectomie » (EMR) consiste à réséquer un segment de la paroi digestive après injection à l’aiguille d’un liquide (sérum physiologique coloré ou non ou hyaluronidate de sodium) qui permet de soulever la lésion en

1S67

F. Bretagnol

La résection endoscopique par la technique de mucosectomie, sous réserve qu’elle soit faite monobloc, est un traitement possible pour les tumeurs TIS ou T1sm1.

Exérèse par microchirurgie endoscopique transanale L’exérèse locale par voie transanale est actuellement reconnue pour les lésions du bas rectum, mais est souvent difficile sur le plan technique pour les tumeurs du moyen et haut rectum. L’exérèse transanale par microchirurgie endoscopique (TEM), décrite par Buess et al. en 1984, permet l’excision complète des tumeurs du moyen et haut rectum par voie transanale à travers un rectoscope autorisant le passage simultané de plusieurs instruments chirurgicaux et d’un système optique binoculaire grossissant (x 6) [68]. L’ensemble du système est relié à un insufflateur-exsufflateur de CO2 permettant une distension continue du rectum. Le système binoculaire est relié à une caméra permettant une retransmission sur un moniteur de télévision. La TEM présente plusieurs avantages ; (a) grâce à la distension continue du rectum par l’insufflation, elle offre une parfaite exposition du site opératoire et permet une exérèse monobloc de la tumeur sans fragmentation tumorale ave une marge péritumorale satisfaisante, permettant ainsi une étude histologique exhaustive de la tumeur et des marges de résection ; (b) elle permet la résection de tumeurs du moyen et haut rectum, inaccessibles par exérèse conventionnelle transanale ; (c) elle est suivie d’une morbidité faible ; (d) elle n’a aucune conséquence à long terme sur la fonction anorectale avec un taux d’incontinence anale faible.

À qui proposer un traitement complémentaire ? Comme nous l’avons dit précédemment, la stratégie thérapeutique définitive ne peut être proposée qu’après un examen anatomopathologique complet de la pièce opératoire et évaluation des critères histologiques du pronostic en termes de risque d’envahissement ganglionnaire ou de récidive locorégionale. Outre le risque oncologique, il faut tenir compte du risque opératoire et du bénéfice réel pour le patient.

Résultats après exérèse locale seule Résultats globaux

Les résultats sont très variables dans la littérature (tableau II). Les caractéristiques des patients inclus (sous-groupes de patients sélectionnés) et les données exprimées (taux de récidives locales, survie globale, survie sans récidive) ne sont pas identiques d’une étude à l’autre. Les études incluant des patients ayant eu un traitement adjuvant ou néoadjuvant associé à l’exérèse locale ont été exclues de cette analyse. L’étude des séries dont 4 prospectives [34, 78, 80, 81] montre un taux global de récidives locales après exérèse locale seule variant de 0 à 32 %. Les taux à 5 ans de survie globale et de survie sans récidive varient respectivement de 77 à 87 % et de 66 à 91 %. En 2001, une revue de la littérature par Sengupta et al., rapportant 41 séries rétrospectives d’exérèse locale concluait à un taux de récidives locales variant de 0 à 32 % et un taux de survie sans récidive de 66 à 100 % [84].

Plusieurs études [22, 47, 69-75] ont été publiées dans la littérature. Pourtant, les indications concernent le plus souvent des tumeurs bénignes. En incluant seulement les cancers, les séries sont le plus souvent de faible effectif avec un recul faible en moyenne inférieur à 2 ans et plusieurs données manquantes. La morbidité varie de 2 à 30 % dans les séries. Les complications le plus fréquemment rapportées sont les brèches péritonéales peropératoires, les fistules au niveau de la suture, les hémorragies tardives et les complications urinaires. Quelques cas de sténose rectale et de fistules rectovaginales ont été rapportés. Gavagan et al. ont étudié l’exérèse par TEM de tumeurs sus-péritonéales et l’impact d’une brèche péritonéale peropératoire. Les auteurs concluaient que la morbidité n’était pas majorée par la brèche et qu’une conversion en laparotomie n’était pas nécessaire, à la condition d’une réparation immédiate par suture. Dans une étude contrôlée randomisée comparant les résultats de la chirurgie d’exérèse locale par TEM (n = 24) à la chirurgie « ouverte » (n = 26) chez des patients porteurs d’une tumeur T1 du rectum, la morbidité précoce (< 30 jours) était plus basse après TEM qu’après chirurgie radicale (21 versus 35 %) ainsi que la morbidité tardive (8 versus 23 %) [76].

Résultats selon le « staging » tumoral

L’envahissement pariétal est un facteur indépendant primordial de risque de métastase ganglionnaire (voir plus haut). L’analyse des résultats de la littérature en termes de survie et de récidive locale en fonction du « staging » tumoral préopératoire est donnée par le tableau III. Il existe une corrélation entre l’envahissement pariétal et le pronostic tumoral en termes de contrôle local et de survie [86, 87]. Peu de séries rapportent l’exérèse locale de tumeurs T3. Parmi les études précédemment citées, seules 6 ont inclus ce stade, soit moins de 40 patients. Mais le taux de récidives locales après exérèse seule est unanimement condamné par les auteurs, car prohibitif, variant de 30 à 71 % [14, 17, 43, 79, 82, 83]. Pour les tumeurs T2, le taux de récidives locales à 5 ans est de 28 % (0 à 47 %) et le taux de survie sans récidive est de 70 % (33 à 89 %).

Synthèse

L’exérèse locale est le plus souvent réalisée par voie transanale, mais aussi par microchirurgie endoscopique, notamment pour les tumeurs du moyen et haut rectum, techniquement inaccessibles. La mortalité est nulle et la morbidité plus faible (10 %) par rapport à la chirurgie d’exérèse rectale (niveau de preuve 4).

Pour les tumeurs T1, le taux de récidives locales à 5 ans est de 12 % (0 à 19 %) et le taux de survie sans récidive est de 87 % (72 à 100 %).

L’exérèse par mucosectomie endoscopique est réservée aux tumeurs intramuqueuses. Recommandations retenues par le groupe de travail

La revue de 41 études rétrospectives par Sengupta en 2001 montrait que le taux de récidives locales après exérèse locale était de 10 % pour les tumeurs T1, de 25 % pour les tumeurs T2 et de 38 % pour les tumeurs T3 [84].

L’exérèse doit être monobloc, macroscopiquement complète, passant en zone de muqueuse macroscopiquement saine. Elle doit intéresser en profondeur toute l’épaisseur de la paroi du rectum. Elle doit être adressée à l’anatomopathologiste épinglée sur un support rigide.

Résultats selon les critères histologiques

Nous avons vu précédemment que certains critères histologiques tumoraux sont des facteurs indépendants corrélés au risque d’envahissement ganglionnaire et à la survie et/ou au contrôle local.

Il est recommandé que le degré d’envahissement de la sousmuqueuse (sm1, 2, ou 3) soit précisé dans le compte rendu anatomopathologique.

1S68

Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. Question 4

Dans une étude rétrospective (Paty et al. [19]), sur plus de 100 patients, la présence d’EV influençait significativement la survie (survie à 10 ans de 80 % si pas d’EV versus 20 % si présence d’EV, p < 0,0001) et était un facteur prédictif de survie (p < 0,01). Sur 125 patients sélectionnés (T1 avec marges de résection saine, pas d’EV, de bas grade), le taux de récidives locales à 10 ans était de 13 % et la survie sans récidive de 87 %. Pour les T1 n’ayant pas ces critères, le taux de récidive était de 29 % et la survie à 10 ans de 49 %.

Résultats de la chirurgie de rattrapage Les raisons de l’échec local après exérèse locale des petits cancers du rectum ne sont pas claires. On les attribue volontiers au risque de métastase ganglionnaire associée qui constitue l’impasse incontournable du traitement local seul. En fait, le mode de récidive locale, évalué à partir de 29 récidives après exérèse locale de tumeurs T1-T2, a été rapporté comme étant pariétal dans 26 cas (90 %) et ganglionnaire dans 3 cas (10 %) [89]. Ceci est donc en faveur d’une fréquente insuffisance ou défaillance de la technique chirurgicale.

L’étude comparative prospective de Chakravarti et al. a montré, parmi 52 exérèses locales (44 T1 et 8 T2), que les taux de survie sans récidive à 5 ans et de contrôle local étaient significativement plus élevés en l’absence de critère de mauvais pronostic (EV, EL, grade II ou III) avec respectivement 87 versus 37 % (p = 0,001) et 97 versus 37 % (p = 0,0001) [81]. Une étude rétrospective récente a montré un taux de récidives locales global de 23 % après exérèse locale (n = 64). Ce taux était majoré en fonction du stade T (T1 13 %, T2 24 % et T3 71 %), du grade de différenciation (grade I 12 %, II 24 % et III 50 %), de la marge de résection (négative : 16 %, < 2 mm : 33 %, positive : 50 %) [17].

Il existe dans la littérature quelques études rapportant de petites séries de patients opérés pour récidive après chirurgie locale et ayant un suivi parfois court (tableau V).

CHIRURGIE DE RATTRAPAGE POUR RÉCIDIVE LOCALE VERSUS CHIRURGIE RECTALE D’EMBLÉE En cas de récidive après exérèse locale, une chirurgie de rattrapage (chirurgie locale ou radicale) n’est réalisée en moyenne que dans 77 % des cas (entre 50 et 100 % des cas). Les résultats après chirurgie de rattrapage sont très controversés dans la littérature [90].

Résultats après exérèse rectale

La revue de Sengupta et al. montre que la survie sans récidive après chirurgie de rattrapage varie de 50 à 100 %, mais les séries sont souvent inhomogènes et donc non comparables [84]. Le pronostic de cette chirurgie reste inférieur à celui de l’exérèse rectale d’emblée.

Une réponse à l’intérêt de l’exérèse locale dans le traitement des petits cancers du rectum pourrait être apportée en comparant les résultats de la chirurgie locale à ceux de la chirurgie radicale. Il est difficile de comparer les séries ouvertes de malades traités par voie locale aux séries ouvertes et contrôlées qui font référence actuellement sur l’exérèse du mésorectum, d’autant que les caractéristiques des patients et les données mesurées diffèrent. Les résultats de l’exérèse locale paraissent cependant décevants par rapport à ceux de la chirurgie radicale. Pour les stades T1-T2 N0, le taux de récidives locales après 244 exérèses totales du mésorectum était de 0,7 % [2].

Dans l’étude de Varma et al., la courbe de survie des patients opérés d’une récidive était identique à celle des patients sans récidive [79], mais Friel et al. notaient que dans 93 % des cas, le stade tumoral de la récidive était supérieur à celui de la tumeur initiale [89].

CHIRURGIE DE RATTRAPAGE VERSUS CHIRURGIE IMMÉDIATE DE COMPLÉMENT APRÈS EXÉRÈSE LOCALE

Cinq études comparatives (une étude randomisée et 4 rétrospectives) ont évalué les résultats de l’exérèse locale à ceux de la chirurgie radicale (tableau IV). Toutes ces études concluent à l’absence de différence significative en termes de récidive locale et de survie pour les tumeurs T1 excepté pour les tumeurs sm2. L’unique contrôlée randomisée [76] ne concerne que des patients ayant une tumeur rectale T1, le sous-groupe traitement local (n = 24) ayant été opéré par microchirurgie endoscopique transanale (TEM). Il n’existait aucune différence significative entre les 2 groupes en termes de récidive locale (4 %) et en termes de survie sans récidive à 5 ans (96 %).

Baron et al. ont comparé la chirurgie immédiate après résection locale pour des tumeurs ayant des facteurs de mauvais pronostic (taille tumorale > 3 cm, marges de résection envahies et stade T3) et la chirurgie de rattrapage pour récidive après exérèse locale [85]. Les 2 groupes n’étaient pas randomisés et donc non comparables. La survie sans récidive à 5 ans avec une chirurgie complémentaire immédiate était supérieure à celle d’une chirurgie de rattrapage après récidive (94 versus 56 %, p < 0,005). Une autre limite de cette étude est la non-inclusion, comme facteurs de chirurgie complémentaire, du grade tumoral, de la présence d’emboles lymphovasculaires. Friel et al. confirment qu’en cas de facteurs tumoraux histopronostiques défavorables, la chirurgie de rattrapage est corrélée à une plus mauvaise survie qu’après chirurgie immédiate de complément (29 versus 68 % avec un suivi de 39 mois) [89].

Il existe d’autres études de moindre niveau de preuve [18, 65, 77, 88]. La survie globale à 5 ans n’était pas significativement différente, bien qu’inférieure dans le groupe chirurgie locale (72 % versus 80 %). Pour les patients ayant une tumeur de stade T2, la survie était significativement inférieure dans le groupe chirurgie locale (65 versus 81 %, p < 0,001), et le taux de récidive locale était significativement plus élevé après exérèse locale (47 versus 9 %) [18]. L’étude de Nascimbeni et al. comparant 70 patients ayant une tumeur T1 opérés par excision locale avec 74 patients opérés par chirurgie radicale ne montrait pas de différence significative en termes de récidive locale à 5 ans (7 versus 3 %), mais la survie sans récidive à 5 ans était significativement meilleure après chirurgie radicale (84 % versus 67 %) [77]. De même, pour les tumeurs T1 infiltrant la couche profonde de la sous-muqueuse (sm3), la survie était meilleure après chirurgie radicale.

Résultats du traitement adjuvant Plusieurs auteurs ont proposé d’associer à l’exérèse locale une radiothérapie postopératoire pour diminuer le risque de récidive. La radiothérapie pelvienne est réalisée généralement un mois après la chirurgie locale et s’étale sur environ 6 semaines. Le champ d’irradiation comporte le pelvis (45 Gy), parfois associé à un surdosage tumoral (10 à 15 Gy). La chimiothérapie (5FU) est le plus souvent utilisée pour potentialiser l’effet de la radiothérapie. Il est difficile de comparer les études

1S69

F. Bretagnol

de la littérature, car les indications du traitement adjuvant sont très variables et parfois pas clairement définies [17, 91]. Ce sont le plus souvent les tumeurs T2 et les tumeurs T1 avec critères histopronostiques défavorables. Enfin, pour tous les auteurs, excepté Steele et al. [80], le stade T3 est une indication de chirurgie radicale, sauf refus du patient ou état général contreindiquant une chirurgie lourde.

étude rétrospective (Paty et al. [19]) (niveau de preuve 4) n’a pas montré de bénéfice du traitement adjuvant pour les tumeurs T1 et T2 [19]. Synthèse

Les tumeurs T3 sont une contre-indication à l’exérèse locale seule (niveau de preuve 3). Il n’existe pas de différence significative en termes de survie et de récidive locale entre exérèse locale et exérèse rectale radicale pour les tumeurs T1 à faible risque (sm1) (niveau de preuve 4).

INTÉRÊT

DU TRAITEMENT ADJUVANT APRÈS TRAITEMENT LOCAL EN TERMES DE RÉCIDIVE LOCALE ET SURVIE

Radiothérapie

Pour les tumeurs T2 et les tumeurs T1 à haut risque, l’exérèse locale seule doit être exclue du fait du risque élevé de récidive locorégionale (niveau de preuve 2).

Russel et al., dans une étude multicentrique de phase II, ont rapporté les résultats d’une radiothérapie après traitement local décidée en fonction du niveau de risque chez 65 patients [78]. Les patients à haut risque (T2, T3, haut grade, emboles vasculaires ou lymphatiques et taille de plus de 3 cm) étaient traités par radiothérapie postopératoire. Avec un suivi médian de 6 ans, le taux de récidives locales était de 12 % avec un taux de 4 % pour les tumeurs T1, de 16 % pour les T2 et de 23 % pour les T3.

La chirurgie de rattrapage pour récidive après exérèse locale donne de mauvais résultats (niveau de preuve 4). Après exérèse locale d’une tumeur ayant des facteurs histopronostiques défavorables, il est préférable de réaliser une chirurgie complémentaire radicale dont les résultats en termes de survie sont supérieurs à ceux de la chirurgie de rattrapage pour récidive (niveau de preuve 4).

Deux études de cohorte concluaient que l’exérèse locale avec radiothérapie serait supérieure à la chirurgie locale seule, surtout concernant les tumeurs T2, voire équivalente à la chirurgie radicale. • Une première étude [81] a comparé 2 groupes de 52 et 47 patients traités respectivement par excision seule et excision avec radiothérapie externe (RT). Les taux de récidives locales et de survie sans récidive à 5 ans étaient respectivement de 72 et 66 % pour le groupe excision seule et de 90 et 74 % pour le groupe chirurgie + RT. La différence en faveur du traitement adjuvant était à la limite de la significativité. • Dans la seconde étude [92], le taux de récidives locales à 5 ans était de 3 % pour 32 patients (20 tumeurs T1 traitées par excision seule et 12 tumeurs T2 avec RT postopératoire), sans différence significative avec le groupe de 70 patients traités par chirurgie radicale (tumeur Dukes A) dont le taux de récidives locales était de 6 %.

Après exérèse locale d’une tumeur rectale T1 à faible risque, la radiochimiothérapie n’améliore ni le contrôle local ni la survie (niveau de preuve 3). Après exérèse locale d’une tumeur T1 à haut risque ou T2, la radiochimiothérapie améliore le contrôle local, le taux de récidives locales devenant inférieur à 20 %. (niveau de preuve 4). Ces résultats restent inférieurs à ceux publiés concernant la chirurgie radicale d’emblée ou à la chirurgie complémentaire immédiate. Recommandations retenues par le groupe de travail

Après exérèse locale d’une tumeur comportant des facteurs histopronostiques défavorables, il est préférable de réaliser une exérèse rectale complémentaire dont les résultats en termes de survie sont supérieurs à ceux de la chirurgie de rattrapage pour récidive (grade C).

Ces résultats sont en faveur d’une amélioration par rapport à l’exérèse locale seule, mais ils restent décevants comparés à ceux de la chirurgie radicale.

Cette exérèse rectale complémentaire est recommandée en présence des critères suivants : • exérèse incomplète du fait de l’envahissement de la tranche de section ; • envahissement en profondeur de la couche profonde de la sous-muqueuse (T1sm3) ou de la musculeuse (T2) ; • présence d’emboles vasculaires et/ou lymphatiques (grade C).

Radiochimiothérapie

Dans les séries publiées (études non comparatives, niveau de preuve 4), tous stades confondus, la radiochimiothérapie adjuvante améliore les taux de contrôle local et de survie sans récidive à 5 ans qui sont respectivement de 80 % et 75 % après traitement combiné exérèse locale + radiochimiothérapie [43, 78, 80, 81, 92].

Après exérèse locale d’une tumeur rectale T1 de bon pronostic (sm1, bien différenciée, sans emboles veineux ou lymphatiques), ni la radiothérapie ni la radiochimiothérapie n’améliorent le contrôle local et la survie. Inversement, après exérèse locale d’une tumeur T1 à haut risque de récidive, la radiothérapie et la radiochimiothérapie améliorent le contrôle local, le taux de récidives locales devenant inférieur à 20 % (grade C). Il est cependant recommandé de privilégier une exérèse rectale d’emblée ou complémentaire immédiate dont les résultats sont meilleurs.

Steele et al. notaient chez 51 patients que l’association d’une radiochimiothérapie adjuvante (54 Gy et 5FU) à l’exérèse locale permettait d’obtenir à 6 ans un taux de contrôle local et une survie sans récidive de 85 % [80]. Pour quel type de tumeur (T1 et/ou T2) une radiochimiothérapie adjuvante est-elle nécessaire ?

Il existe peu d’études comparant les résultats d’un traitement combiné en fonction du stade tumoral (tableau VI). Il n’existe pas dans la littérature de consensus sur la meilleure indication de traitement adjuvant en termes de stade tumoral T1/T2 [99]. Quatre études [14, 17, 79, 81], dont une prospective [81], concluent au bénéfice du traitement combiné pour les tumeurs T1 à haut risque (lésion peu différenciée avec emboles lymphovasculaires, de taille supérieure à 3 cm) et les tumeurs T2. Une

Pour les tumeurs envahissant la partie moyenne de la sousmuqueuse (T1sm2), le groupe ne peut recommander d’attitude standard, les différentes options (surveillance ou exérèse rectale complémentaire) devant être discutées au cas par cas en RCP et avec le patient. La radiothérapie et la radiochimiothérapie postopératoire de rattrapage ne sont pas recommandées en cas de tumeur T2

1S70

Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. Question 4

La radiochimiothérapie préopératoire suivie de l’exérèse locale chez les « bons répondeurs » en cas de tumeur rectale T2 ou T3 pourrait donc être une alternative à la chirurgie radicale. Une des limites de cette stratégie est que la réponse thérapeutique au niveau des ganglions soit similaire à la réponse tumorale. En fait, le risque de métastase ganglionnaire en cas de régression tumorale complète ou partielle (pT0 ou pT1) a été estimé entre 0 et 15 % [103], ce qui incite à une extrême prudence.

dont le traitement de référence est une proctectomie complémentaire immédiate. Elle peut être cependant proposée chez des patients dont l’espérance de vie est courte ou dont le risque opératoire d’une exérèse rectale est important.

Peut-on envisager une exérèse locale après traitement néoadjuvant et downstaging ?

Une étude récente rétrospective concluait que le stade tumoral préopératoire et non la réponse tumorale au traitement néoadjuvant était un facteur indépendant de récidive locale et de survie [104].

L’intérêt de la radiochimiothérapie préopératoire est basé sur le concept du « downstaging » qu’elle induit, notamment dans les cancers avancés du rectum, où il est démontré qu’elle facilite la résécabilité des tumeurs volumineuses et la conservation sphinctérienne pour les tumeurs basses [94]. Les patients « bons répondeurs » auraient une meilleure survie que les « non-répondeurs » [95]. Ainsi, après radiochimiothérapie pour tumeur T3, une réponse partielle peut être obtenue dans 40 à 50 % des cas et une réponse tumorale complète dite « stérilisation tumorale » dans 10 à 15 % des cas. Ces constatations ont incité certaines équipes à proposer un traitement conservateur par exérèse locale chez les « bons répondeurs » après traitement néoadjuvant. Peu d’études sont disponibles dans la littérature et il s’agit dans tous les cas de petites séries.

Synthèse

La radiochimiothérapie préopératoire de tumeurs T2 ou T3, suivie de l’exérèse locale en cas de réponse tumorale complète (clinique et anatomopathologique) pourrait être une alternative à la chirurgie radicale systématique (niveau de preuve 4).

Place des traitements par destruction tumorale

Parmi un total de 122 patients inclus dans 5 études [74, 9598], aux indications très variables et ne s’inscrivant pas dans un schéma thérapeutique clair, les indications étaient dans 65 % des cas une forte comorbidité contre-indiquant la chirurgie ou un refus du patient, dans 25 % des cas une intention de traiter sans tenir compte de la réponse tumorale au traitement et dans 5 % des cas une réponse clinique complète (non explicitée dans l’étude). Les résultats sont prometteurs avec un taux de récidives locales de 15 % proche de celui des tumeurs T1. Seuls Pigot et al. [96] notaient un taux de récidive élevé dans une série prospective non comparative de 30 patients T2 ou T3 et N0 MO.

Traitement à visée curative RADIOTHÉRAPIE

DE CONTACT

La radiothérapie endocavitaire ou irradiation de contact a été développée par Papillon à Lyon. Elle permet de délivrer des photons de basse énergie avec une pénétration en profondeur limitée, grâce à un applicateur endorectal placé en regard de la tumeur. Elle ne peut prétendre traiter les éventuels ganglions satellites. Un boost au niveau du lit tumoral peut être réalisé par curiethérapie [105, 106], ou une irradiation externe dans le but de traiter d’éventuelles micrométastases ganglionnaires périrectales [107].

Quatre études rétrospectives [99-102] s’inscrivent dans une stratégie plus clairement définie selon la réponse tumorale au traitement avec un meilleur niveau de démonstration : dans la première étude [100], sur une période de 8 ans, 74 tumeurs T3 ont été traitées par radiothérapie (45 Gy) et chimiothérapie (5FU) préopératoire. Après traitement, le premier critère de sélection pour l’exérèse locale était l’obtention d’une régression tumorale clinique et endoscopique en faveur d’un stade T0 ou T1, associée à une cicatrice tumorale de petite taille (< 2 cm). Le second critère de sélection était la confirmation par examen histologique extemporané du stade tumoral résiduel pT0-1. Le cas échéant, une résection rectale radicale était réalisée au cours de la même anesthésie. Onze patients sur 74 (15 %) ont eu une exérèse locale, sans mortalité opératoire avec une faible morbidité. Après un suivi médian de 48 mois, il n’y a pas eu de récidive locale. Dans la seconde étude [101], une approche similaire a été réalisée avec une seule étape (réponse clinique complète chez 26 patients sur 95 (28 %) porteurs de tumeurs T2, T3 traités par radiochimiothérapie première). Aucune récidive n’est survenue chez les patients qui avaient une réponse clinique et anatomopathologique (pT0 = 17).

— Tumeurs T1 N0 Une revue de la littérature [108] a rapporté plus de 1 000 patients porteurs d’une tumeur rectale T1 N0 traités par radiothérapie endocavitaire. Les résultats montraient un contrôle local dans 85 à 90 % des cas, une survie globale à 5 ans comprise entre 60 et 88 %, une préservation satisfaisante de la fonction anorectale, et peu d’effets secondaires toxiques. La taille, lorsqu’elle était inférieure à 3 cm, était un critère de bon pronostic (survie globale de 80 % contre 60 % si diamètre > 3 cm). Les mêmes auteurs ont rapporté pour 101 tumeurs traitées par radiothérapie endocavitaire un taux de récidives locales ou ganglionnaire de 3 % parmi les tumeurs T1 N0 versus 36 % pour les tumeurs T2 N0. Ils recommandaient la radiothérapie endocavitaire seule uniquement pour les tumeurs T1 N0 [105]. Dans une série de 124 patients, le taux de contrôle local était de 93 % pour les tumeurs T1 et de 69 % pour les tumeurs T2. Les auteurs confirmaient l’efficacité de l’irradiation endocavitaire pour les tumeurs T1, avec des résultats comparables aux séries chirurgicales d’exérèse locale, sous réserve d’une stricte sélection des patients [109].

Une étude récente [99] a comparé après radiochimiothérapie préopératoire (n = 265) les patients ayant eu une réponse clinique complète suivie d’une simple surveillance (71 soit 27 %) aux patients avec réponse incomplète suivie d’une exérèse rectale immédiate. Les résultats n’étaient pas significativement différents en termes de récidive locale et survie globale entre les groupes surveillance et chirurgie (respectivement 7 % versus 14 % et 100 % versus 88 %).

— Tumeurs T2-3 N0 Le traitement standard est la résection antérieure ou l’amputation abdominopérinéale.

1S71

F. Bretagnol

La radiothérapie endocavitaire peut se discuter si le patient est inopérable du fait de son état général ou s’il refuse la colostomie. Du fait de l’extension pariétale tumorale et du risque élevé de métastase ganglionnaire, le traitement doit alors associer une irradiation externe à la radiothérapie endocavitaire, permettant un contrôle local dans 73 % des cas avec une survie globale à 5 ans de 64 % [110]. Dans la série de Gérard et al., parmi 63 patients ayant une tumeur T2-T3 du rectum, 26 étaient jugés inopérables et 15 avaient refusé la colostomie définitive. Un traitement combiné avait été réalisé associant une radiothérapie externe (37 Gy) et une irradiation endocavitaire (80 Gy en 3 fractions). Avec un suivi médian de 54 mois, le taux de contrôle local était de 86 %. La survie globale à 5 ans était de 64 % et de 78 % parmi les patients âgés de moins de 80 ans (46 patients). Aucune toxicité de grade III n’était notée. Deux facteurs pronostiques indépendants étaient retrouvés : une réponse tumorale après 2 fractions d’irradiation endocavitaire et le stade T. Le taux de contrôle local et la survie globale à 5 ans étaient respectivement pour les tumeurs T2 de 80 et 86 % et pour les tumeurs T3 de 61 et 52 %.

Traitement à visée palliative ÉLECTROCOAGULATION C’est une méthode qui consiste à détruire les tissus par la chaleur grâce à un courant électrique. La destruction complète de la tumeur s’effectue de la superficie vers la profondeur jusqu’à la graisse périrectale. Plusieurs séances sont parfois nécessaires. Les complications sont surtout à type de perforation rectale, d’hémorragie lors de la chute d’escarre, d’abcès de la fosse ischiorectale, d’incontinence sphinctérienne transitoire lorsque la tumeur est juxta-sphinctérienne et de sténose cicatricielle. L’une des principales critiques de cette méthode est la destruction tumorale qui empêche toute analyse histologique. Nous avons retenu dans la littérature quatre séries rétrospectives [111-114]. Le taux de récidives locales varie de 10 à 40 % et la survie globale à 5 ans de 58 à 70 %. La morbidité est en moyenne de 20 %. Salvati et al. notaient que la taille de la lésion influençait la survie globale à 5 ans (65 % pour une tumeur < 4 cm versus 30 % pour une tumeur > 4 cm) [114].

— Facteurs pronostiques Si tous les auteurs mettent en avant le stade tumoral comme facteur pronostique indépendant, d’autres facteurs influençant le risque de récidive locale ont été mis en évidence. Dans deux études [105, 106] (niveau de preuve 4), une réponse tumorale complète au traitement (94 % des cas) ainsi que la cinétique de régression tumorale (régression tumorale supérieure à 90 % après deux séances) étaient corrélées à un faible risque de récidive locale.

LASER Les traitements par laser et plus récemment au plasma Argon sont des techniques de destruction tumorale par coagulation. Elles ne permettent pas l’analyse histologique de la totalité de la tumeur et exposent au risque de sous-traiter un cancer invasif. L’utilisation de ces traitements est donc limitée à des lésions tumorales polypoïdes aisément résécables en totalité, ainsi que dans le cadre d’un traitement palliatif. L’intérêt est donc limité et il existe dans la littérature peu d’études. La revue de Spinelli et al. rapporte plus de 1 000 patients traités par laser soit pour une indication de désobstruction tumorale (traitement palliatif) avec un taux de succès de 37 % et une morbidité de 3 %, soit pour exérèse de tumeurs polypoïdes avec une morbidité de 5 % [115]. Dans une série de 6 patients ayant une tumeur rectale traitée par laser (état général contre-indiquant une chirurgie), la tumeur a été enlevée en totalité chez 2 patients. Seule une patiente a présenté une fistule rectovaginale à 3 mois [116].

Synthèse

La radiothérapie endocavitaire suppose un bilan préthérapeutique rigoureux concernant le staging tumoral, du fait de l’impossibilité d’examen histologique post-thérapeutique. Elle est indiquée dans le traitement local de tumeurs uT1 N0 en permettant un taux de contrôle local de 90 % comparable à la chirurgie locale (niveau de preuve 4). Chez des patients inopérables ayant une tumeur T2 ou T3, elle peut être proposée en association avec une radiothérapie externe (taux de contrôle local de 70 %) (avis d’expert). Recommandations retenues par le groupe de travail

La radiothérapie endocavitaire ou interstitielle est un traitement possible des tumeurs uT1 N0, avec des résultats équivalents à ceux d’une exérèse transanale.

1S72

Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. Question 4

Annexes Tableau I. – Envahissement ganglionnaire (%) selon le degré d’envahissement pariétal. Auteurs

Année

n

T1

T2

Nascimbeni [7]

2002

266

13



Blumberg [23]

1999

159

10

17

Huddy [24]

1993

109

11

23

Lasser [25]

1993

123

15

16

Brodsky [8]

1992

154

12

22

Minsky [26]

1995

168

0

28

Tableau II. – Résultats après excision locale seule de cancer du rectum. Auteurs

n

T1

T2

T3

RL %

Survie % 5 ans

Suivi (mois)

Nascimbeni [77], 2004

70

70

0

0

7

SSR 67

108

Gao [20], 2003

47

36

11

0

15

SSR 91

53

Balani [65], 2000

20

13

7

0

0

SG 88

-

Garcia Aguilar [21], 2000

82

55

27

0

24

SSR 66

54

Mellgren [18], 2000

108

69

39

0

23

SG 69

48

Russel [78], 2000

20

20

0

0

7

SSR 80

72

Varma [79], 1999

39

24

11

4

21

SG 84

72

Steele [80], 1999

59

59

0

0

5

SG 87

48

Chakravarti [81], 1999

52

44

8

0

28

SSR 66

52

Taylor [14], 1998

34

25

8

1

32

SSR 67

52

Kim [82], 1998

71

44

25

2

16

SSR 88

-

Faivre [34], 1996

126

44

82

0

19

SSR 85

88

Heimann [83], 1992

36

17

16

3

20

SG 77

48

RL : récidive locale. SSR : survie sans récidive. SG : survie globale. Tableau III. – Résultats après chirurgie locale seule des cancers du rectum. Auteurs

Année

n

Tumeur T1 SSR % RL %

Tumeur T2 SSR % RL %

Stipa [22]

2004

47

92

16

75

20

Maeda [66]

2004

91



2



15

Gopaul [17]

2004

64



13



24

Gao [20]

2003

47

94

11

83

27

Paty [19]

2002

94

92

14

87

28

Garcia Aguilar [21]

2000

82

77

18

63

37

Mellgren [18]

2000

108

72

18

65

47

Balani [65]

2000

20

100

0

63

0

Varma [79]

1999

23

87

5

75

45

Steele [80]

1999

110

83



71



Chakravarti [81]

1999

52

80

11

33



Faivre [34]

1996

126

84



65



Sticca [87]

1996

71

91

0

88

10

Baron [85]

1995

76

86

19

89

21

Hager [86]

1983

33

95



54



SSR : survie sans récidive à 5 ans. RL : récidive locale à 5 ans.

1S73

F. Bretagnol

Tableau IV. – Comparaison des résultats entre chirurgie locale et chirurgie radicale pour petite tumeur du rectum. Auteurs

Année

n

Chirurgie locale Tumeur T1 Tumeur T2 RL SG RL SG

Chirurgie radicale Tumeur T1 RL SG RL

Nascimbeni [77]

2004

144

7

67*





3

84*





Lee [88]

2003

126

4

100

19

95

0

93

9

96

Mellgren [18]

2000

108

18

72

47

65

0

80

9

81

Balani [65]

2000

79

0

100

0

63

6

93

10

81

Winde [76]

1996

50

4

96





4

96





Tumeur T2 SG

RL : taux de récidive locale à 5 ans (%). SG : taux de survie globale à 5 ans (%). * Survie sans récidive à 5 ans.

Tableau V. – Résultats de la chirurgie de rattrapage pour récidive après exérèse locale. Auteurs

Récidives n

Excision locale

Chirurgie de rattrapage Proctectomie

%

Survie (mois)

Winslow [90], 2004

38



38**

54

71

Friel [89], 2002

29



29

59

39

Russel [78], 2000

8

1

4





Mellgren [18], 2000

25

5

19

33

60

Chakravarti [81], 1999

18



10



50

Varma [79], 1999

8

4

4

77

88

Taylor [14], 1998

14

2

5



42

Survie sans récidive au terme du suivi. ** Amputation abdominopérinéale.

Tableau VI. – Récidive locale (%) après exérèse seule et après exérèse + radiochimiothérapie (RT) adjuvante pour tumeurs rectales T1 et T2. Auteurs

Année

n

Chakravarti [81]

1999

47

11

0

67

15

Taylor [14]

1998

34

24

50

50

11

Varma [79]

1999

23

5

0

46

0

Lamont [93]

2000

48

23

0

0

20

Gopaul [17]

2004

64

11

25

36

9

Paty [19]

2002

125

15

15

30

25

Exérèse

1S74

Tumeur T1 Exérèse et RT

Exérèse

Tumeur T2 Exérèse et RT

Quelle est la place du traitement local ?

Quelle est la place du traitement local ? - PDF Download Free
135KB Sizes 2 Downloads 3 Views