Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, 540—547

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ARTICLE ORIGINAL

Qualité de vision étudiée par mesure comparative de la diffusion de la lumière Quality of vision studied by comparative measurement of light scattering V. Rzemyk ∗, B. Cochener Service d’ophtalmologie, CHRU Morvan, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France Rec ¸u le 18 septembre 2013 ; accepté le 6 janvier 2014 Disponible sur Internet le 22 juillet 2014

MOTS CLÉS Qualité de vision ; Diffusion de lumière ; Cataracte ; OQAS ; C-Quant



Résumé Objectif. — Quantifier la vision qualitative en comparant la mesure de la diffusion de la lumière à l’aide de deux plateformes par rapport aux tests conventionnels chez des patients sains et des patients avec des modifications cristalliniennes. Patients et méthodes. — Étude prospective réalisée sur 168 yeux répartis en deux groupes (le groupe 1, témoins sains, âgés de 31,22 ans (± 6,76) et le groupe 2, patients consultant pour une cataracte, âgés de 60,36 ans [± 10,27]), examinés par le même opérateur. Les patients avec une altération de la surface oculaire ont été exclus de cette étude. Chaque groupe a répondu au questionnaire VF-14, bénéficié d’un examen clinique avec classification de l’opacification cristallinienne selon le LOCS III et d’une quantification de la diffusion de la lumière à travers les milieux intraoculaires à l’aide de deux plateformes : l’OQAS (Visiometrics© ) et le C-Quant (Oculus© ). Nous avons analysé l’existence de corrélation entre les indices de mesure de diffusion lumineuse de chaque plateforme (respectivement OSI et log(s)) et les tests conventionnels d’étude de la qualité de vision (score VF-14 et score du LOCS III). Résultats. — Nous avons trouvé une forte corrélation entre l’OSI et le score du LOCS III. Des corrélations plus modérées ont été mises en évidence entre l’OSI et le score VF-14 ainsi qu’entre le log(s), le score VF-14 et le score du LOCS III.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : v [email protected] (V. Rzemyk).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.01.006 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Conclusion. — Les indices de quantification de la diffusion de la lumière semblent être des outils fiables pour l’analyse de la qualité de vision pouvant ainsi être intégrés dans les explorations quotidiennes de la fonction visuelle. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Quality of vision; Light scatter; Stray light; Cataract; OQAS; C-Quant

Summary Purpose. — To assess quality of vision by measuring ocular light scattering with two platforms and comparing them to traditional tests, in healthy subjects and cataract patients. Patients and methods. — One hundred and sixty-eight eyes divided in two groups were examined by the same clinician in a prospective study (group 1, healthy controls, with a mean age of 31.22 [± 6.76]; and group 2, patients presenting with cataract, with a mean age of 60.36 [± 10.27]). Patients with ocular surface disease were excluded from this study. Each group responded to the VF-14 questionnaire, underwent an examination with lens opacities assessed by LOCS III and a measurement of ocular light scattering with two platforms: the OQAS (Visiometrics© ) and the C-Quant (Oculus© ). We analyzed correlations between indices of light scattering with the two platforms (respectively OSI and log(s)) and traditional quality of vision tests (VF-14 questionnaire and LOCS III). Results. — Strong correlations were found between the OSI and LOCS III. Moderate correlations were found between the OSI and the VF-14 questionnaire, as well as between log(s), VF-14 questionnaire and LOCS III. Conclusion. — Indices of light scattering seems to be valid tools to assess quality of vision, thus lending themselves to routine testing of visual function. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’acuité visuelle a longtemps été considérée traditionnellement comme le seul élément permettant d’estimer la fonction visuelle des patients. Depuis le début du XXe siècle, un intérêt croissant, lié à l’essor de la chirurgie réfractive, s’est développé pour la dimension qualitative de la vision, intégrant ainsi l’étude de la diffusion lumineuse à travers les milieux oculaires. Cette notion permet d’explorer des patients qui présentent une symptomatologie fonctionnelle importante sans en avoir une reconnaissance clinique compte-tenu de la normalité de l’acuité visuelle. Afin de quantifier cette diffusion lumineuse, deux plateformes ont été développées récemment : l’OQAS (Visiometrics© ) et le C-Quant (Oculus© ). La première repose sur le principe de l’aberrométrie en « double-pass » [1] tandis que la seconde explore la diffusion lumineuse par une méthode de comparaison par compensation [2]. Chaque plateforme a été utilisée de fac ¸on séparée afin d’étudier le retentissement des modifications de la transparence des milieux oculaires sur la diffusion de la lumière, notamment lors de la chirurgie réfractive, lors de l’apparition d’une cataracte ou d’un état inflammatoire intraoculaire. Notre étude s’est intéressée à l’exploration des troubles de la diffusion de la lumière dans l’œil liés essentiellement au cristallin à l’aide de ces deux plateformes afin de tenter de quantifier la dimension qualitative de la vision.

Patients et méthodes Nous avons réalisé une étude prospective observationnelle de janvier à août 2013, portant sur 168 yeux de 84 patients,

répartis en deux groupes : le groupe 1, témoins sains, âgé de 20 à 45 ans, recrutés lors de consultations ophtalmologiques standards et le groupe 2 âgé de 46 à 85 ans, recrutés lors de consultations de cataracte. Les critères d’exclusion étaient les suivants : trouble de la surface oculaire, antécédents de chirurgie réfractive, inflammation intraoculaire, pathologies rétiniennes, pathologies du nerf optique et troubles neurologiques. Chaque patient a bénéficié d’un examen ophtalmologique complet par le même examinateur avec recueil des signes ophtalmologiques fonctionnels, qui ont été explorés par le questionnaire VF-14. Ce questionnaire explore les difficultés à réaliser 14 activités quotidiennes et les quantifie (allant d’une simple gêne à l’impossibilité de réaliser la tâche demandée). Il permet l’analyse de la gêne ressentie par les patients essentiellement liée à l’opacification cristallinienne [3—5]. Le score total issu de ce questionnaire a été utilisé dans nos résultats afin d’étudier l’existence d’une éventuelle corrélation entre ce score et les indices de diffusion lumineuse dans l’œil. La mesure de l’acuité visuelle (meilleure acuité visuelle corrigée) a été réalisée de fac ¸on systématique à l’aide d’une échelle décimale. Chaque patient a été examiné à la lampe à fente afin d’analyser la transparence des milieux intraoculaires et d’éliminer tout trouble des milieux. Les patients présentant une cataracte ont bénéficié d’un fond d’œil dilaté afin de coter la transparence cristallinienne selon la classification du Lens Opacities Classification System (LOCS III) [6]. Chaque cataracte a été classée dans l’une des catégories suivantes : corticonucléaire (NC), nucléaire (NO), sous-capsulaire postérieure (P) et corticale (C). Un indice quantifiant l’intensité de l’opacification du cristallin a été

542 précisé pour chaque cataracte (allant de 1 à 6 pour les cataractes corticonucléaires et nucléaires et de 1 à 5 pour les cataractes sous-capsulaires postérieures et corticales). Le score issu de cette classification, subjectif mais déterminé par le même examinateur, nous a servi de référence pour l’analyse de l’impact de l’opacification cristallinienne sur la qualité de vision des patients. La diffusion de la lumière à travers les milieux oculaires a été étudiée à l’aide deux plateformes : l’OQAS (Visiometrics© ) et le C-Quant (Oculus© ). Les examens ont été réalisés non dilatés, avec le port d’une correction des amétropies sphérocylindriques si nécessaire, dans les mêmes conditions d’éclairage. L’OQAS (Optical Quality Analysis System Visiometrics© ) est un appareil permettant l’analyse objective simultanée des aberrations sphériques de haut degré et de l’altération de la transparence des milieux oculaires par l’analyse de la diffusion lumineuse. Il repose sur le principe de l’aberrométrie dite en « double-passage », étudiant la qualité optique de l’œil par l’analyse de l’image rétinienne d’un faisceau monochromatique infrarouge de 4 ␮m (780 nm laser diode) à l’aide d’un capteur CDD. Il nécessite une fixation de quelques minutes de la part du patient. Cet examen, reproductible [7—9], permet de quantifier de fac ¸on objective l’altération de la transparence des milieux oculaires à l’aide de l’indice Objective Scatter Index (OSI). Les valeurs normales de cet indice sont inférieures à 0,5 pour un patient jeune avec un cristallin clair, entre 1,5 et 4 pour un patient avec une cataracte et supérieure à 4 pour un patient avec une cataracte mature. Les valeurs d’OSI ont été obtenues avec un diamètre pupillaire de 4 mm. Cet indice nous a servi d’élément comparateur à l’indice de mesure du C-Quant afin de quantifier l’altération de la transparence des milieux oculaires. Le C-Quant (Oculus© ) est une plateforme permettant l’analyse de la diffusion antérograde de la lumière dans l’œil. Elle est basée sur le principe de comparaison subjective psychophysique de stimuli générés par ordinateur. Cet examen, reproductible [10], nécessite une participation active de plusieurs minutes du patient ainsi qu’une absence de troubles des fonctions supérieures. L’indice mesuré est le log(s), permettant de quantifier la diffusion antérograde de la lumière. Sa norme se situe aux environs de 0,9 et devient pathologique vers 1,2. Il nous a servi de comparaison avec l’OSI de l’OQAS (Visiometrics© ). Le test statistique utilisé pour analyser nos résultats est le test de Pearson avec p considéré comme significatif lorsqu’il est inférieur à 0,05.

Résultats Lors de notre étude, nous avons analysé 168 yeux de 84 patients, dont la moyenne d’âge se situe à 46,5 ans (± 17, de 20 à 85 ans). La moyenne de la meilleure acuité visuelle corrigée mesurée à l’aide d’une échelle décimale est de 9,2/10 (± 1,7). La moyenne de l’équivalent sphérique se situe à −0,32 (± 2,4 D). Les valeurs moyennes d’OSI et de log(s) sont respectivement de 1,26 (± 1,8) et de 1,21 (± 0,7). La population étudiée a été répartie en deux groupes : les témoins sains dans le groupe 1 et les patients consultant pour une cataracte dans le groupe 2.

V. Rzemyk, B. Cochener Le groupe 1 est constitué de 40 patients, témoins sains, âgés de 20 à 45 ans avec une moyenne d’âge à 31,22 ans (± 6,76). La valeur moyenne de la meilleure acuité visuelle corrigée mesurée en échelle décimale est de 10/10 et celle de l’équivalent sphérique de −0,55 (± 2,3 D). La symptomatologie fonctionnelle liée aux modifications cristalliniennes a été cotée à l’aide du questionnaire VF-14. Les valeurs moyennes obtenues sont de 98,6 (± 4,53). La diffusion lumineuse à travers les milieux oculaires a été évaluée à l’aide de l’OQAS (valeur moyenne obtenue d’OSI est de 0,59 [± 0,39]) et du C-Quant (valeur moyenne de log(s) est de 0,95 [± 0,22]). Le groupe 2 est formé par 44 patients ayant consulté pour une cataracte, âgés de 45 à 85 ans avec une moyenne d’âge à 60,36 ans (± 10,27). La valeur moyenne de la meilleure acuité visuelle corrigée mesurée en échelle décimale est de 8,64/10 (± 2,2) et celle de l’équivalent sphérique de −0,08 (± 2,5 D). La moyenne du score VF-14 est de 90,9 (± 12,29). Les résultats des mesures de la diffusion lumineuse à travers les milieux oculaires à l’aide de l’OQAS et du C-Quant ont montré pour l’OSI une valeur moyenne de 1,87 (± 2,29) et le log(s) 1,46 (± 0,91). Nous avons obtenu une corrélation moyenne pour les deux groupes entre les valeurs d’OSI et le score du questionnaire VF-14 (r = −0,39 avec p = 0,0003 pour le groupe 1 et r = −0,41 avec p < 0,05 pour le groupe 2) (Fig. 1). Une corrélation moyenne a été retrouvée entre log(s) et le score VF-14 pour le groupe 1 (r = −0,28 avec p = 0,01) mais pas pour le groupe 2 (r = −0,019 avec p = 0,86) (Fig. 2). Nous avons étudié l’existence d’une éventuelle corrélation entre l’OSI mesuré avec l’OQAS (Visiometrics© ) et le log(s) indiqué par le C-Quant (Oculus© ), deux techniques basées sur des principes de mesure différents. Ces deux indices, aspirant au même but qui est de pouvoir quantifier la diffusion lumineuse à travers les milieux oculaires, ont été étudiés dans les deux groupes de patients. Une corrélation modérée a été retrouvée entre ces deux données uniquement dans le groupe 2 (r = 0,05 avec p = 0,66 dans le groupe 1 et r = 0,46 avec p = 0,017 dans le groupe 2) (Fig. 3). Les patients du groupe 2 consultant pour une cataracte ont été classés selon le degré d’opacification cristallinienne selon la classification LOCS III après la réalisation d’un fond d’œil dilaté. Au total, les patients ont été répartis de la fac ¸on suivante : 50 cataractes nucléaires (NO), 10 cataractes corticonucléaires (NC), 6 cataractes corticales (C) et 2 cataractes sous-capsulaires postérieures (P). En raison de la taille d’échantillons trop faible, tous les patients ont été inclus dans la catégorie NO. L’intensité de l’opacification cristallinienne a été cotée de 1 à 6. Les patients notés « 0 » sont ceux présentant un cristallin clair. Il existe une forte corrélation entre l’indice OSI et la classification des opacités cristalliniennes selon le LOCS III (r = 0,5 avec p = 0,007) (Fig. 4), corrélation retrouvée plus modérée entre le log(s) et la classification du LOCS III (r = 0,3, p = 0,004) (Fig. 5).

Discussion L’étude quantitative de la diffusion de la lumière à travers les milieux oculaires est une notion développée assez récemment, depuis l’essor de la chirurgie réfractive et son

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Figure 1.

Analyse de la corrélation entre l’indice OSI et la qualité de vision (score du questionnaire VF-14) pour les groupes 1 et 2.

intérêt pour l’obtention d’une qualité de vision optimale. Elle permet d’identifier la gêne exprimée par des patients dont l’acuité visuelle reste conservée et l’examen clinique à la limite de la normale. L’excès de diffusion lumineuse dans l’œil entraîne un éblouissement important ayant un retentissement sur la vie quotidienne des patients, tel la conduite automobile nocturne [11]. Les principales causes de diffusion de la lumière à travers les milieux oculaires sont liées à l’altération de la transparence des différents dioptres oculaires telle l’atteinte du film lacrymal, les opacités cornéennes, la chirurgie réfractive, la présence d’une inflammation intraoculaire, la modification de la transparence cristallinienne, les pathologies vitréorétiniennes. . . L’augmentation de la diffusion lumineuse évolue de fac ¸on parallèle avec l’âge [12,13]. Lors de notre étude, nous nous sommes intéressés essentiellement aux modifications de la diffusion de la lumière dans l’œil liées au cristallin. Chez les patients en bon état général, l’opacification cristallinienne est l’une des principales causes d’altération de la

Figure 2.

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diffusion lumineuse. Elle entraîne une diminution de la qualité de vision sans nécessairement atteindre l’acuité visuelle lors du stade de cataracte précoce. Peng et al. [14] ont montré que l’acuité visuelle pouvait sous-estimer l’influence de la cataracte sur la qualité de vision et qu’il faudrait prendre en compte d’autres paramètres tels la diffusion de la lumière dans l’œil pour la prise en charge des cataractes. Michael et al. ont également étudié la relation entre les opacités cristalliniennes et la diffusion de la lumière (straylight) à travers les milieux oculaires et ont montré l’existence d’une plus forte corrélation entre la diffusion lumineuse et la classification du cristallin selon le LOCS III que l’acuité visuelle et le LOCS III [15], reflétant ainsi l’insuffisance de la simple mesure de l’acuité visuelle pour étudier la qualité de la fonction visuelle ressentie par les patients présentant une cataracte [16]. Les aberromètres classiques ont été utilisés pour tenter d’analyser la diffusion lumineuse dans les milieux oculaires. Donnelly et al. ont utilisé un aberromètre de type

Analyse de la corrélation entre l’indice log(s) et la qualité de vision (score du questionnaire VF-14) pour les groupes 1 et 2.

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Figure 3. Analyse de la relation entre les deux indices de quantification de la diffusion lumineuse dans l’œil (OSI et Log(s)) dans les deux groupes de population testés.

Hartmann-Shack pour quantifier la diffusion de lumière lors de cataractes nucléaires [17]. Mais il a été prouvé que ces aberromètres ne parviennent pas à la quantifier de fac ¸on assez précise. Diaz-Douton et al. ont montré qu’un

aberromètre type Hartmann-Shack pouvait surestimer la qualité de l’image rétinienne dans des yeux avec une altération importante de la diffusion de la lumière (cataracte sous-capsulaire postérieure, implants de chambre

Figure 4. Analyse du lien entre l’altération de la diffusion lumineuse dans l’œil mesurée avec l’OSI et la classification des opacités cristalliniennes selon le LOCS III dans le groupe 2.

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Figure 5. Analyse du lien entre l’altération de la diffusion lumineuse dans l’œil mesurée avec le log(s) et la classification des opacités cristalliniennes selon le LOCS III dans le groupe 2.

postérieure. . .) [18]. Pour parvenir à quantifier ce phénomène, deux plateformes ont été mises au point : l’OQAS (Visiometrics© ) et le C-Quant (Oculus© ). L’OQAS repose sur le principe de l’aberrométrie en « double-pass ». Saad et al. [7] ainsi que Vilaseca et al. [9] ont prouvé la reproductibilité de ses résultats. Cette plateforme permet l’analyse de toute atteinte de la transparence des milieux oculaires en quantifiant la diffusion de la lumière avec l’indice OSI. Elle a été ainsi utilisée pour l’étude de la qualité de vision après de la chirurgie réfractive par Lasik et Lasek par Lee et al. [19], par PRK et Lasik par Ondategui et al. [20], après la mise en place d’un ICL par Kamiya et al. [21] ou pour quantifier la diffusion lumineuse lors d’uvéites par Nanavaty et al. [22]. Le C-Quant utilise quant à lui la méthode de compensation par comparaison [2]. La reproductibilité de cette plateforme a également été prouvée dans la littérature par Guber et al. [10] et Cervino et al. [23]. Elle permet l’analyse de la diffusion antérograde de la lumière et a essentiellement été utilisée pour l’étude de la qualité de vision après chirurgie réfractive (après Epilasik et Lasik par Li et al. [24], pour mesurer l’effet d’implants de chambre postérieure par Ehmer et al. [25] et Xing et al. [26], l’étude de glistennings sur les implants de chambre postérieure par Colin et al. [27]. . .). Aucune étude jusqu’à présent n’a, à notre connaissance, comparé ces deux plateformes sur des patients. Notre but était d’analyser la diffusion de la lumière à travers les milieux oculaires chez deux populations (un groupe témoin et un groupe de patients présentant des modifications de la transparence cristallinienne) afin d’étudier l’altération de la qualité de vision liée à la survenue d’opacifications cristalliniennes avec l’âge et de confronter les résultats obtenus à l’aide des deux plateformes aux tests conventionnels.

Nos résultats ont montré, dans le groupe 1, l’existence d’une corrélation modérée entre les indices OSI et log(s) et le score obtenu à partir du questionnaire sur la qualité de vision VF-14 (respectivement r = −0,39 avec p = 0,0003 et r = −0,28 avec p = 0,01). Ceci souligne le fait que les jeunes patients ont pour la majorité une bonne qualité de vision car les indices de quantification de la diffusion lumineuse sont faibles. La clarté de leur cristallin n’entraîne aucun retentissement sur leur fonction visuelle. Les résultats des mesures d’OSI rejoignent ceux testés par Martinez-Roda et al. lors d’une étude sur une population jeune [28]. Il est plus intéressant d’analyser les résultats du groupe 2, regroupant des patients présentant pour la plupart des modifications du cristallin, âgés de 45 à 85 ans. Nos résultats montrent l’existence d’une corrélation modérée entre l’OSI et le score VF-14 (r = −0,41 avec p = 0,04) mais non significative entre le log(s) et le score VF-14 (r = −0,019 avec p = 0,86). L’âge s’accompagne d’un retentissement visuel en premier lieu qualitatif avec en parallèle une dégradation de la diffusion de la lumière. Ces patients peuvent présenter une bonne acuité visuelle mais qui s’accompagne d’une altération de la qualité de la fonction visuelle, dont le principal responsable est l’augmentation de la diffusion lumineuse dans l’œil liée à la présence d’une cataracte [29]. Cabot et al., lors d’une étude sur la mesure de l’intensité des cataractes à l’aide de l’OQAS ont retrouvé des corrélations entre l’acuité visuelle, l’OSI et chaque type de cataracte. Nous rejoignons leur résultat en retrouvant également une forte corrélation entre l’OSI et le score obtenu avec la classification des cataractes par le LOCS III (r = 0,5 avec p = 0,007). La population testée présentait essentiellement des cataractes nucléaires. Le faible échantillon de cataractes corticales ou sous-capsulaires nous a empêchés d’avoir une analyse statistique fiable

546 individualisée pour chaque type de cataracte. Selon sa morphologie, chaque type de cataracte entraîne une symptomatologie différente liée à l’atteinte de la diffusion de la lumière variable [30]. Bal et al. ont pu analyser l’influence des différents types de cataractes sur la diffusion lumineuse dans l’œil et ont montré qu’il existait une augmentation de ce phénomène chez tous les patients présentant une cataracte, plus importante lors des cataractes sous-capsulaires et corticonucléaires [11]. Chua et al. ont également étudié les effets des différents types de cataractes sur la fonction visuelle et ont montré l’impact des cataractes corticales et nucléaires dans l’altération de la qualité de vision [31]. Compte tenu de la subjectivité de la classification du LOCS III, Artal et al. ont proposé de classer chaque cataracte selon ses caractéristiques de diffusion lumineuse (classification basée sur l’OSI) [32]. Les deux plateformes utilisées ont pour objectif de quantifier la diffusion de la lumière à travers les milieux oculaires. Barrionuevo et al. ont montré que les deux systèmes étaient capables de distinguer un œil dit « transparent » d’un début de cataracte [33] en simulant différents stades d’altération de la diffusion lumineuse à l’aide de filtres. Nos résultats tendent à montrer également que ces deux plateformes, malgré un principe de fonctionnement différent, sont capables de quantifier les atteintes de la diffusion lumineuse chez les patients. Ainsi, une corrélation modérée a été mise en évidence entre ces deux indices pour le groupe 2 (r = 0,46 avec p = 0,017). Ces deux plateformes ont pourtant des méthodes de mesure différentes. L’OQAS permet un test objectif, nécessitant la fixation du patient pendant quelques minutes. Le C-Quant demande quant à lui une concentration plus importante de la part du patient, pendant plusieurs minutes. Les patients doivent avoir une bonne compréhension des consignes, aucun trouble des fonctions supérieures ne doit être présent. Les patients âgés ont présenté quelques difficultés à la réalisation de ce test, ce qui a pu influer sur les résultats obtenus. De plus, les patients présentant une acuité visuelle faible liée à la présence d’une cataracte blanche n’ont pu réaliser ce test, ne pouvant voir le stimulus central. On peut également s’interroger, compte-tenu de la différence de résultats, si les deux méthodes mesurent réellement la même chose. L’OQAS a également présenté quelques limites pendant nos différentes mesures. La sélection des patients a été importante à réaliser notamment sur le plan de la sécheresse oculaire. Une instabilité du film lacrymal entraîne une altération de la qualité de vision [34,35] par le biais d’une augmentation des aberrations et de la diffusion dans l’œil ce qui, par conséquent, modifie les résultats obtenus de l’OSI [36]. C’est pourquoi tous les patients présentant une sécheresse oculaire ont été exclus de l’étude afin d’éviter ce biais d’analyse. Les tests réalisés avec l’OQAS nécessitent également la correction totale des amétropies sphérocylindriques sous peine d’avoir des résultats aberrants. Lors des mesures du groupe 2, nous avions obtenu un OSI à 4,7 pour une patiente avec une acuité visuelle limitée à « voit la main bouger à 20 cm » compte-tenu de la présence d’une cataracte blanche alors que nous avions un OSI à 17,7 pour une patiente avec une acuité visuelle à 4/10 et une cataracte sous-capsulaire postérieure. Cette dernière patiente avait été testée à

V. Rzemyk, B. Cochener l’aide de verres d’essai installés sur l’objectif de l’OQAS, ce qui a pu limiter le champ visuel testé par la plateforme.

Conclusion L’acuité visuelle ne reflète qu’insuffisamment la fonction visuelle des patients, omettant le confort visuel quelques soient les conditions de son environnement. La notion de qualité de vision et son exploration permettent ainsi d’expliquer une symptomatologie fonctionnelle ressentie comme handicapante par le patient malgré une acuité visuelle conservée. L’analyse de la diffusion de la lumière de fac ¸on quantitative a permis d’objectiver cette atteinte de la fonction visuelle. Les deux plateformes permettant cette analyse ont été comparées aux méthodes conventionnelles dans notre étude portant sur l’impact des modifications de la transparence cristallinienne sur la qualité de vision. Nous avons retrouvé de fortes corrélations entre l’indice OSI mesuré par l’OQAS (Visiometrics© ) et la classification de l’opacification cristallinienne LOCS III. Des corrélations plus modérées ont été retrouvées entre le log(s) mesuré par le C-Quant (Oculus© ) et le LOCS III. Nous avons également pu mettre en évidence des corrélations modérées entre chaque indice de quantification de la diffusion lumineuse ainsi qu’avec le score VF-14 reflétant la qualité de vision ressentie par le patient. Les deux plateformes utilisées ont donc démontré leur capacité d’analyse des modifications de la diffusion lumineuse à travers les milieux oculaires. La différence des résultats obtenus peut être liée au fait qu’elles ne sont pas basées sur le même principe et n’explorent pas exactement le même paramètre. Ces indices mesurés par ces deux plateformes paraissent être un bon reflet de la dimension qualitative de la vision et peuvent être inclus dans l’exploration des troubles visuels en complément des tests conventionnels. On note cependant des différences notables dans les conditions d’utilisation, l’ergonomie, la courbe d’apprentissage et le coût de chaque appareil pouvant jouer un rôle dans le choix d’acquisition de l’une de ces deux plateformes. Les données de la littérature explorant la diffusion de la lumière lors de l’apparition de la cataracte mettent toutes en évidence la nécessité d’intégrer cette notion dans la décision chirurgicale de la cataracte [14,16,37,38]. En effet, la chirurgie de la cataracte est basée actuellement, en France, sur la conférence de consensus de 1989, indiquant un remboursement de la chirurgie lorsque l’acuité visuelle est inférieure à 20/40. Cette définition ne correspond plus aux besoins de la population, demandeuse d’une qualité de vision optimale. De nouveaux critères sont alors nécessaires pour la prise en charge chirurgicale des patients. L’étude de la diffusion de la lumière en fait partie et pourrait donc être intégrée dans les bilans pré-opératoires avant la prise décisionnelle d’une chirurgie de la cataracte.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

Qualité de vision étudiée par mesure comparative de la diffusion de la lumière

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[Quality of vision studied by comparative measurement of light scattering].

To assess quality of vision by measuring ocular light scattering with two platforms and comparing them to traditional tests, in healthy subjects and c...
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