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E´ditorial

Recherche en sante´ publique : ou` est le pilote ? Public health research: Is there a pilot? O. Grimaud a,*,b,c, Y. Charpak d, P. Lombrail d,e a

Inserm, UMR_S 1136, e´quipe de recherche en e´pide´miologie sociale, institut Pierre-Louis d’e´pide´miologie et de sante´ publique, Paris, France b UPMC universite´ Paris 06, UMR_S 1136, e´quipe de recherche en e´pide´miologie sociale, Sorbonne universite´s, institut Pierre-Louis d’e´pide´miologie et de sante´ publique, Paris, France c EHESP, de´partement d’e´pide´miologie et de biostatistiques, Rennes, France d Socie´te´ franc¸aise de sante´ publique (SFSP), Laxou, France e Sorbonne Paris Cite´, universite´ Paris 13, Bobigny, France Rec¸u le 25 fe´vrier 2014 ; accepte´ le 14 mars 2014

Comme dans tout domaine d’action, l’action en sante´ publique devrait dans l’ide´al s’appuyer sur une activite´ de recherche re´active et dynamique. Les fonctions accomplies par les professionnels de sante´ publique, qu’ils œuvrent dans le secteur de la surveillance et l’observation de la sante´, dans celui de la de´finition de programmes et sche´mas de pre´vention ou de soins, qu’ils soient responsables de la mise en œuvre ou de l’e´valuation de ces derniers, be´ne´ficieraient ainsi de connaissances pointues et re´gulie`rement mises a` jour. Ces professionnels seraient (mais ils le sont sans doute de´ja`) eux-meˆmes fortement « sensibilise´s » a` la recherche, c’est-a`-dire, capables d’acce´der aux e´tudes scientifiques, d’e´valuer leur validite´ et le cas e´che´ant, d’orienter des moyens pour la re´alisation de recherche dans les domaines ou` les connaissances sont absentes ou insuffisantes. La re´alite´ est, bien entendu, plus complexe. En premier lieu parce que bon nombre de de´cisions en sante´ publique sont prises dans des circonstances d’incertitude, au sens ou` l’information scientifique ne permet pas de trancher en faveur d’un sce´nario « tre`s probable » (ex : crise de la vache folle, ` noter que vis-a`-vis de certains risque de pande´mie grippale). A de´fis de sante´ publique, les informations probantes sont par contre disponibles (ex : tabagisme, obe´site´). Deuxie`mement, parce que compare´ au domaine biome´dical ou` l’essai randomise´ controˆle´ fait figure de re´fe´rence, ce qui constitue une « connaissance scientifiquement valide » en sante´ publique ` titre d’exemple, l’e´valuation est parfois proble´matique. A de campagnes de pre´vention ou encore la mesure de l’impact de programmes nationaux de sante´ ne sont pas aise´es d’un point

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Grimaud).

de vue me´thodologique. Certaines initiatives, dont le Health Evidence Network (HEN, http://www.euro.who.int/en/dataand-evidence/evidence-informed-policy-making/health-evidence-network-hen) mis en place dans le milieu des anne´es 2000 par l’Organisation mondiale de la sante´ Europe, font face a` cette difficulte´. En partant du questionnement des de´cideurs, l’ambition du HEN est de mettre a` leur disposition une synthe`se des connaissances faisant le tri entre ce qui rele`ve des donne´es probantes, de l’expertise individuelle et du choix politique. C’est ce dernier point, la dimension politique, qui ajoute a` la complexite´ des de´cisions en sante´ publique. Parce qu’elles concernent la « sante´ des populations » pour utiliser un terme actuellement en vogue, ces de´cisions sont, par essence, de nature socie´tale. Elles de´pendent non seulement des connaissances disponibles, mais aussi d’arbitrages entre les inte´reˆts de diffe´rents secteurs d’activite´ concerne´s (la sante´ bien suˆr mais aussi l’industrie, l’agriculture. . .) et s’inscrivent dans le syste`me de valeurs qui pre´vaut a` un moment donne´ [1,2]. Est-il raisonnable alors de faire l’e´conomie d’une strate´gie de recherche en sante´ publique dont le but serait de mieux pre´parer les re´ponses aux futurs de´fis que soule`vent, entre autres, le vieillissement de la population, l’augmentation du poids des maladies chroniques qui l’accompagnera, la gestion des risques e´mergents ou encore le maintien d’un acce`s e´quitable a` des soins de sante´ de qualite´ ? Plusieurs projets europe´ens se sont dernie`rement inte´resse´s a` la structuration (STEPS) et a` la production (SPHERE) de la recherche en sante´ publique en Europe. Dans leur sillage, le projet « Public Health Innovation and Research in Europe » (PHIRE), pilote´ par l’European Public Health Association (EUPHA, association dont la Socie´te´ franc¸aise de sante´ publique est membre), s’est penche´ sur la coordination et sur l’impact de cette recherche aux e´chelons national et communautaire. Un module du projet a

0398-7620/$ – see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.respe.2014.03.003

Pour citer cet article : Grimaud O, et al. Recherche en sante´ publique : ou` est le pilote ?. Rev Epidemiol Sante Publique (2014), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.respe.2014.03.003

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tente´ de mesurer l’impact d’un e´chantillon de projets finance´s par le « Public Health Program » de la Commission europe´enne. Parmi les quelques 350 projets finance´s entre 2003 et 2007, huit ont e´te´ choisis par les responsables des sections the´matiques de l’EUPHA. Ces projets concernaient un e´ventail large de sujets de sante´ publique parmi lesquels l’obe´site´ de l’enfant, la sante´ mentale, la prise en charge du diabe`te ou encore l’environnement. Une enqueˆte re´alise´e aupre`s de correspondants dans chaque E´tat membre a re´ve´le´ que, malgre´ leur pertinence, l’impact de ces huit projets s’est ave´re´ peu visible a` l’e´chelon national [3]. Ce re´sultat corrobore les conclusions d’un rapport de la Cour des comptes europe´enne pointant du doigt le manque de priorisation du Programme de sante´ publique de l’Union europe´enne (2003–2007) [4]. Un autre module du projet a e´tudie´ l’effort consenti par les E´tats membres pour soutenir la recherche en sante´ publique. Selon les re´sultats, seule une minorite´ de pays (incluant la France) posse`de un me´canisme de centralisation et de diffusion des financements disponibles. Une strate´gie de recherche en sante´ est identifiable dans une courte majorite´ de pays (15/27). Ces strate´gies sont mene´es par le ministe`re de la sante´ dans seulement neuf cas, et seulement trois d’entre elles comprennent un volet spe´cifiquement de´die´ a` la ` la lueur des informations collecte´es, sante´ publique. A l’articulation de ces strate´gies avec le programme de recherche de l’Union europe´enne semble inexistante [5]. Les moyens et la me´thode mis en œuvre par le projet PHIRE (contacts avec te´moins « cle´s », ateliers organise´s par les socie´te´s de sante´ publique nationales) ont sans doute permis de ne de´voiler qu’une partie de la re´alite´. Par exemple, des progre`s inde´niables ont e´te´ accomplis a` l’e´chelon de l’Europe dans le domaine de l’e´change d’information et de l’alerte [6,7]. Des progre`s conse´quents ont pu eˆtre re´alise´s dans des domaines de recherche proches, mais conside´re´s comme distincts de la sante´ publique (ex : le re´seau ECRIN pour la promotion et la coordination de la recherche clinique, http://www.ecrin.org/). Le constat d’une situation globalement peu flatteuse vis-a`-vis de l’orientation strate´gique et de la coordination de la recherche en sante´ publique n’en reste pas moins cre´dible. Au sein de ce tableau, la France jouit d’une position particulie`re et peut saisir une opportunite´. La position particulie`re est grandement le fait de la pre´sence du GIS Iresp qui, en associant les principaux acteurs concerne´s par la recherche en sante´ publique, contribue a` focaliser et a` orienter les efforts dans ce domaine. La compilation des outils de recherche (ex : recensement des bases de donne´es et des cohortes) et celles des financements disponibles (appels a` projets, e´galement diffuse´s par les flash-email de la SFSP), sont ainsi des ressources pre´cieuses pour la communaute´ scientifique. Bien suˆr, des marges de progre`s persistent dans le domaine de la valorisation de la multidisciplinarite´ ou celui de la simplification des proce´dures de financement et d’acce`s aux donne´es [8]. L’Institut de recherche en sante´ publique (Iresp) a cependant permis l’orientation de ressources et ce faisant l’impulsion de projets de recherche en services de sante´, domaine important pour l’accompagnement des e´volutions de

notre syste`me de sante´ mais encore peu investi par les e´quipes franc¸aises. L’opportunite´ a` saisir s’inscrit dans le de´bat actuel concernant la strate´gie nationale de sante´ (SNS) [9]. La feuille de route du 23 septembre 2013 affiche dans son axe 2.2, l’ambition de « promouvoir une recherche de pointe lisible par tous, reconnue a` l’international et adapte´e aux besoins de la socie´te´ ». Le document aborde en premier lieu la recherche en sante´, au sens recherche fondamentale et recherche clinique, et fait la part belle a` ces deux dimensions. Deux dispositions sont pourtant prometteuses pour la recherche en sante´ publique. Tout d’abord la proposition que le ministe`re des Affaires Sociales et de la Sante´ soit associe´ au ministe`re de la Recherche et de l’Enseignement Supe´rieur pour le pilotage de la recherche en sante´. Comme on l’a vu pre´ce´demment, ce cas de figure reste exceptionnel sur la sce`ne europe´enne. Il offre la perspective d’une recherche en sante´ plus oriente´e sur les besoins de la population. En second lieu, la SNS mentionne, et c’est une nouveaute´, la recherche en « sante´ des populations [qui] dans toute sa dimension interdisciplinaire [. . .] doit eˆtre promue » afin de servir comme « instrument d’aide aux de´cisions politiques en matie`re de sante´ ». Si ces deux caps sont maintenus, la France pourra se targuer d’un dispositif permettant re´ellement d’orienter et de piloter la recherche en sante´ publique. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Remerciement Les auteurs souhaitent remercier Alfred Spira pour ses commentaires et encouragements concernant ce texte. Re´fe´rences [1] Lomas J. Connecting research and policy. Can J Policy Res 2000;1:140–4. [2] Marmot MG. Evidence-based policy or policy-based evidence? Br Med J 2004;328:906–7. [3] Voss M, Alexanderson K, McCarthy M. Tracking uptake of innovations from the European Union Public Health Programme. Eur J Public Health 2013;23:19–24. [4] Communaute´s europe´ennes, Cour des comptes. Le programme de sante´ publique de l’Union europe´enne (2003–2007) : un moyen efficace d’ame´liorer la sante´ ?. Luxembourg: Office des publications officielles des Communaute´s europe´ennes; 2009. [5] Grimaud O, McCarthy M, Conceicao C. Strategies for public health research in European Union countries. Eur J Public Health 2013;23:35–8. [6] Amato-Gauci A, Ammon A. The surveillance of communicable diseases in the european union – A long-term strategy (2008–2013). Europe 2007;2:3. [7] McKee M, Ryan J. Monitoring health in Europe: opportunities, challenges, and progress. Eur J Public Health 2003;13:1–4. [8] Moatti J-P, Spira A, Manoux AS, Thiebaut R. Reconnaıˆtre la spe´cificite´ de la recherche en sante´ publique pour ame´liorer son impact scientifique, sanitaire et socie´tal. Sante´ Publique 2013;24:383–5. [9] Ministe`re des Affaires Sociales et de la Sante´. Strate´gie Nationale de Sante´, feuille de route. 2013.

Pour citer cet article : Grimaud O, et al. Recherche en sante´ publique : ou` est le pilote ?. Rev Epidemiol Sante Publique (2014), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.respe.2014.03.003

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