L’Encéphale (2014) 40, S103—S114

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INSERTION PROFESSIONNELLE ET HANDICAP PSYCHIQUE

Les freins psychologiques à l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap psychique Psychological barriers to professional inclusion of people with mental disabilities S. Laberon EA 4139, laboratoire de psychologie, santé et qualité de vie, université de Bordeaux, 3 ter, place de la Victoire, 33076 Bordeaux cedex, France Rec ¸u le 8 avril 2014 ; accepté le 23 avril 2014 Disponible sur Internet le 16 juin 2014

MOTS CLÉS Handicap psychique ; Discrimination ; Recrutement ; Socialisation organisationnelle

KEYWORDS Mental disability; Discrimination;

Résumé Le présent article expose une synthèse de travaux utiles à la compréhension des processus psychologiques à l’œuvre dans le recrutement et plus particulièrement ceux qui sont à l’origine de comportements discriminatoires des acteurs de l’organisation. Une réflexion autour de l’adéquation de ces connaissances à la situation particulière de l’inclusion professionnelle de personnes en situation de handicap psychique est également proposée. La revue de la littérature fait état d’investigations scientifiques encore peu nombreuses sur ce thème, même si les données existantes nous permettent déjà de dégager des pistes de recherche et des hypothèses qui sont encore à mettre à l’épreuve. La question de l’accompagnement des organisations et de ses acteurs dans les différentes étapes du processus d’inclusion professionnelle (recrutement, intégration ou retour en emploi et maintien) pour modifier les représentations sociales sources de préjugés et combattre les discriminations semble prometteuse. Elle nécessite encore d’être explorée et adaptée à la problématique singulière qu’est le handicap psychique en milieu de travail. © L’Encéphale, Paris, 2014. Summary Mental health in the workplace today are ubiquitous and cause significant dysfunction in organizations (turnover, absenteeism, presenteeism, early retirement, long sick. . .). Statements of professional unfitness for depression is of particular concern. The human and financial costs associated with the support of mental disability is important, in France it is estimated to 14 billion euros. Mental disorder in the workplace also has a significant impact on the

Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2014.04.007 0013-7006/© L’Encéphale, Paris, 2014.

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Recruitment; Organizational socialization

S. Laberon individual. If not always leads to actual inability to work, it usually causes, from the disclosure of the disorder, professional inequalities related to perceived environmental work disability. Therefore, this type of public remains largely on the sidelines of a stable occupation and all forms of recognition and undergo disqualifications and some forms of exclusion. Instead of saving, the workplace can promote relapse and even constitute a real obstacle to improving health. These exclusionary behavior result in persistent employment resistance in France and elsewhere, especially because of the prejudice of employers. These resistances persist despite legal obligations in this regard (e.g. in France: Law of 11 February 2005 on Equal Rights and Opportunities). To address the issue of sustainable professional inclusion (recruitment, integration and job preservation) of people with mental disabilities, studies are especially developed for the rehabilitation in the workplace of this public or accompanying us in their professional reintegration into protected workplaces. We propose a reflection on the adaptation of knowledge about psychological processes of hiring discrimination in the particular employment situation of people with mental disabilities in ordinary workplaces. Researches on social representations, stereotypes and prejudices applied in the workplace help to understand the negative attitudes and resistance to the hiring of people with mental disabilities despite regulations. Representations of professional efficiency, cognitive bias in social perception, personological expectations and responsibilities about the success of the employment integration of new employees strongly impact the hiring and integration behaviors of actors of the company. Nevertheless, the influence of the organizational context was highlighted in the researches in psychology of organizations. Recruitment and integration practices implemented by organizations, the procedures used to recruit (procedural justice) and the quality of interpersonal treatment of individuals (interpersonal justice) are essential elements of socialization. Disability is recognized as a particularly salient dimension and effective in activating cognitive processes biased. Individual and/or collective courses of action as persuasive communication, suppression and dilution of stereotypes, self-regulation of prejudice, intergroup contact and the sharing of values, affirmative action, promoting diversity, are proposed to modify these psychological barriers. However, their effectiveness is moderated by various individual factors such as the level of prejudice of actors, their previous work experience of disabled workers, their commitment to the values promoted by the organization for example, or organizational and structural factors such as the characteristics of the organization, the degree of formalization of hiring procedures, social policy of the organization and how it is conveyed and received by workers. . . These studies support the conclusion that the process of professional inclusion of public considered as ‘‘nonstandard’’ is complex. These tracks remain to be tested under the mental disability taking into account the type of company and characteristics of actors that constitute them. © L’Encéphale, Paris, 2014.

Les problèmes de santé mentale en milieu de travail sont aujourd’hui omniprésents et affectent les travailleurs et les organisations dans des proportions inquiétantes. Les déclarations d’inaptitudes professionnelle pour cause de dépression sont notamment préoccupantes [1,2]. L’OMS stipule qu’en 2020 le trouble mental, notamment la dépression, sera parmi les premières causes d’absentéisme au travail. Le trouble mental en milieu de travail s’apparente à un véritable handicap. Si certaines capacités intellectuelles du travailleur peuvent être altérées, le trouble mental n’occasionne pas nécessairement une incapacité réelle au travail. Pourtant, dès sa divulgation, apparaissent des inégalités professionnelles liées à une incapacité perc ¸ue par l’environnement de travail qui laisse ces personnes en marge d’une activité professionnelle stable. Le coût humain et financier associé à la prise en charge du handicap psychique est lourd. Il est estimé en France à 14 milliards d’euros [3]. Alors que l’emploi lui-même (et son maintien) dans un milieu de travail soutenant peut être salvateur et permet de passer du statut de « malade » à celui de

« travailleur ordinaire » [4], les attitudes et/ou comportements du monde professionnel s’avèrent être un obstacle lors d’un retour ou d’une intégration en milieu de travail. La disqualification, le manque de reconnaissance et de soutien social, les difficultés relationnelles, voire l’exclusion professionnelle accompagnée de son insécurité économique, constituent alors une entrave supplémentaire à l’état de santé de ce type de public et à leur qualité de vie (. . .au travail, quand ils en ont un). La problématique de l’inclusion professionnelle pérenne (recrutement, intégration et maintien en emploi) des personnes en situation de handicap psychique (PSHP) est développée au Canada notamment en matière de réadaptation des PSHP en milieu de travail. En France, la recherche reste focalisée sur l’accompagnement des PSHP dans leur insertion professionnelle en milieux protégés (cas des entreprises sociales par ex.). D’une fac ¸on générale, les travaux sont peu centrés sur les organisations et leurs acteurs et une carence subsiste vis-à-vis des connaissances sur les attitudes des dirigeants qui pourraient expliquer leurs réticences face à l’emploi de PSHP dans les milieux ordinaires de travail.

Inclusion professionnelle et handicap psychique : freins psychologiques Ainsi, il nous semble qu’il existe un réel enjeu à approfondir une réflexion sur les freins psychologiques des dirigeants quant au traitement professionnel égalitaire des PSHP, notamment lors des phases de recrutement (accès à l’emploi ou « réintégration »), de retour (après arrêt maladie) et de maintien en emploi de ces personnes. Des éléments conceptuels porteurs de sens ont été ici recensés dans la littérature scientifique et arborent des axes de compréhension et de recherche qui sont encore à développer dans le cadre particulier de l’inclusion professionnelle des PSHP.

Position du problème Trouble de la santé mentale et handicap psychique en milieu de travail Dans la littérature internationale, deux grandes catégories de troubles de la santé mentale sont répertoriées [5]. Les troubles mentaux courants ou common mental disorder (par ex. troubles anxieux, dépression, intolérance psychologique au travail, épuisement professionnel, troubles de l’adaptation, stress post-traumatique et état de stress aigu) et les troubles mentaux graves ou sévères ou severe mental disorder (par ex. dépression majeure sévère, schizophrénie, troubles bipolaires). Le handicap psychique est à voir comme la conséquence directe des troubles en présence ; il n’est pas la maladie mais ce qui en découle en termes de participation. Selon Le Roy Hatala (p. 26) [6] : « Le handicap psychique est la reconnaissance d’une limitation de la participation d’une personne à la vie sociale du fait de troubles psychiques graves qui perdurent et entraînent une gêne dans son quotidien ». En France, une distinction s’est opérée entre ce qui est de l’ordre du handicap mental et du handicap psychique. Le premier est associé à une déficience intellectuelle, il est souvent diagnostiqué dans l’enfance alors que le second n’affecte pas directement les capacités intellectuelles mais plutôt leurs mises en œuvre avec des manifestations du trouble psychique variables dans le temps et dans leur intensité. Cette distinction a été appuyée par la loi no 2005102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005. En situation de travail, les troubles mentaux, qu’ils soient communs ou sévères, peuvent entraîner une inadéquation entre les exigences de l’activité de travail et de l’organisation et les aptitudes, attitudes et comportements du salarié présentant un trouble de la santé mentale. Ils peuvent ainsi générer un ou des arrêt(s) maladie plus ou moins long(s) ou répétés suivis d’un retour en emploi (return to work) ou encore une rupture avec le monde professionnel qui nécessite, lorsque l’état de santé le permet, une « réintégration » dans le marché du travail et donc une embauche.

Les obligations légales des employeurs vis-à-vis de l’embauche de PSHP Les PSHP bénéficient théoriquement des mêmes droits d’accès ou de maintien en emploi que toute « personne handicapée ». En France, la notion de « handicap psychique »

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est apparue dans les années 1960 et a mis du temps à être prise en compte par le droit. La réforme en 1975 du régime applicable aux personnes handicapées s’avère générale, couvrant tout type de handicap de fac ¸on indifférenciée et pose leur insertion comme une « obligation nationale ». Cette approche générale du handicap perdurera avec la loi du 4 mars 2002 qui affirme que « toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l’ensemble de la collectivité Nationale ». Ce n’est que plus tard, avec la loi du 11 février 2005 que les troubles psychiques ont été reconnus comme pouvant être à l’origine d’un handicap ; à cette occasion, la législation franc ¸aise va afficher une distinction entre handicap mental et handicap psychique. Le Code de l’action sociale et des familles indique ainsi que constitue un handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (art. 114). De même, la loi de 2005 a modifié le Code du travail pour indiquer qu’est considérée comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » (art. L. 5213-1). En matière plus particulièrement d’insertion professionnelle, c’est la loi du 10 juillet 1987 qui constitue un moment déterminant pour l’avancée des droits des personnes reconnues handicapées [7]. Elle impose notamment une obligation d’emploi à hauteur de 6 % des effectifs à toute entreprise ou organisme employant au moins vingt travailleurs. Toutefois cette obligation d’emploi, d’une part, peut être remplie par d’autres voies que l’emploi « direct » (accord collectif sur l’insertion professionnelle des personnes handicapées, sous-traitance avec le secteur « protégé »), d’autre part, est sanctionnée en cas d’irrespect par des pénalités financières uniquement dans le secteur privé. Ce n’est que récemment avec la loi du 11 février 2005 que ces sanctions financières ont été étendues au secteur public. Chaque année, les entreprises doivent faire leur déclaration d’emploi des travailleurs « reconnus » handicapés via les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) auprès de l’association de gestion du fond pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) pour le secteur privé, ou du fond pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Cette déclaration vaut pour mesure de l’obligation légale d’emploi et les employeurs qui n’ont pas respecté cette obligation doivent verser une contribution qui peut aller jusqu’à 600 fois le SMIC horaire par travailleur handicapé non employé. La reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés (RQTH) s’accompagne d’une orientation de la personne (Esat, milieu ordinaire. . .) mais ouvre aussi droit, pour elle et pour l’institution ou l’entreprise d’accueil, à diverses aides financières de la part de l’Agefiph ou du FIPHFP. Ces aides concernent la mobilité, le tutorat, l’adaptation du poste de travail. La reconnaissance institutionnelle de la qualité de « travailleur handicapé » est donc en soi un enjeu pour l’entreprise (prise en compte dans le calcul du respect de l’obligation d’emploi, bénéfice d’aides), ceci alors même

S106 qu’elle ne peut en aucun cas imposer à « son » travailleur de se faire reconnaître « handicapé ». La loi 2005 a particulièrement valorisé la notion et l’objectif « d’égalité de traitement » des personnes en situation de handicap. Elle énonce, d’une part, que l’employeur doit « prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés [. . .] d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée [. . .] ». Par ailleurs, l’article L. 1132-1 du Code du travail, dans une logique de lutte contre les discriminations, rappelle que : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement [. . .], aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte [. . .] en raison de [. . .]son état de santé ou de son handicap » (article L. 1132-1).

S. Laberon d’échec d’insertion professionnelle que tout à chacun a tendance à attribuer à l’altération des capacités d’adaptation des PSHP est alors contredite. Un ensemble de recherches sur les processus psychologiques conduisant à la discrimination, notamment en situation de recrutement de personnel [13] peut éclairer ce phénomène, qui reste encore peu étudié dans la situation singulière de l’embauche de PSHP. Ces travaux rendent compte de mécanismes cognitifs implicites actifs à plusieurs étapes de la procédure de recrutement qui produisent des distorsions systématiques dans l’appréciation des compétences professionnelles des candidats. Les croyances vis-à-vis des caractéristiques nécessaires à la réussite professionnelle, les perceptions « déformées » des candidats, les attributions personnologiques (centrées sur la personnalité) de la réussite d’intégration en emploi du nouveau salarié constituent des éléments aptes à expliquer des phénomènes d’exclusion professionnelle de publics jugés « hors normes ».

L’exclusion professionnelle des PSHP En France, malgré ces protections juridiques et les enjeux financiers qui y sont liés, les entreprises soumises à l’obligation d’emploi atteignent difficilement le quota des 6 % [8] et les personnes en situation de handicap restent encore majoritairement en marge de toute activité professionnelle, qui plus est, en milieu ordinaire de travail. Même si le nombre de travailleurs handicapés ne cesse de croître depuis 2005 (2,7 % des salariés à temps plein), environ 1/4 des entreprises assujetties à la loi ont choisi, en 2009, d’utiliser la seule contribution financière pour remplir leur obligation. Peu de données sont disponibles sur les taux d’insertion en milieu ordinaire de travail des PSHP. Pachoud et al. [9] estiment qu’il est faible et que le passage du milieu protégé au milieu ordinaire reste rare et ne concerne en général que moins de 5 % des effectifs intégrés dans des programmes de soutien à l’emploi. Les travaux outre-Atlantique sont plus fournis et la synthèse de Stuart [10] indique une discrimination professionnelle spécifiquement liée à la santé mentale. Elle est substantiellement visible par un taux de chômage trois à cinq fois plus élevé que les personnes bien portantes, taux pouvant atteindre 80 % à 90 % pour les personnes souffrant d’un trouble mental grave (type schizophrénie). Même lorsque ces personnes sont inscrites dans un programme de réinsertion au travail, 40 % d’entre elles ne retrouveraient pas d’emploi en milieu ordinaire [11] et lorsqu’elles y accèdent, la durée du maintien est très faible (entre 3 et 7 mois selon Corbière et al., [12]) avec des interruptions fréquemment dues à des problèmes interpersonnels. L’accès et le maintien en emploi s’avèrent ainsi compliqués et le sous-emploi (tâches subalternes, salaire bas, précarité. . .), y compris lors d’un retour après arrêt maladie, est caractéristique de cette population. Tous ces éléments traduisent une forme d’exclusion bien spécifique à la population de PSHP malgré les incitations et obligations légales.

Comment expliquer la persistance de cette exclusion du marché de l’emploi ordinaire ? Les représentations négatives des employeurs à l’égard de ce public semblent constituer un des principaux freins à l’inclusion professionnelle des PSHP. La causalité « intuitive »

Les processus psychologiques à l’œuvre dans la discrimination à l’embauche Représentations sociales et construction du jugement social : quelques repères Les travaux en psychologie sociale sur la construction du jugement semblent des plus éclairants et adaptables à la situation d’évaluation et de sélection professionnelle. Ils permettent d’identifier les mécanismes cognitifs qui interviennent dans chacune des évaluations qui jalonnent la procédure de recrutement et d’intégration en emploi. Jodelet [14] explique comment les jugements émis sont fortement construits sur la base de représentations sociales, connaissances de sens commun, croyances « naïves » et spontanées, que les individus entretiennent à l’égard d’autrui, selon ce qu’ils perc ¸oivent de son appartenance groupale. Cette manière d’interpréter et de penser notre réalité quotidienne naîtrait de nos expériences, des modèles de pensée que nous recevons et se compose d’éléments normatifs spontanément mobilisés comme références aux jugements élaborés à l’égard d’autrui. Face à un individu, le percevant organise l’information sociale rec ¸ue en un tout cohérent résultant de « schémas » de croyances sur les traits, les comportements et les affects de certaines catégories d’individus ou groupes sociaux, créant ainsi des attentes, voire des inférences bien précises à son égard. La congruence psychologique est alors privilégiée par rapport à la cohérence logique dans la mesure où cette réduction élaborée de la réalité permettrait d’alléger son caractère ambigu et pesant. De ce fait, ces représentations sont nécessairement erronées, simplificatrices et conduisent à un décalage inévitable avec la réalité. Elles nuiraient par conséquent à la précision de notre jugement et produiraient des « erreurs » dans l’évaluation des personnes.

Des évaluations biaisées à plusieurs niveaux de la procédure de recrutement Le modèle du « manque d’adéquation » (The lack of fit model) développé par Heilman en 1983 [15] a montré que

Inclusion professionnelle et handicap psychique : freins psychologiques les recruteurs cherchent des adéquations entre les caractéristiques qu’ils supposent nécessaires pour réussir dans le poste recruté et celles qu’ils perc ¸oivent chez le candidat. Un manque d’adéquation entre les deux composantes expliquerait alors le rejet de la candidature. La procédure de recrutement décrite dans la littérature [13] identifie notamment deux étapes cruciales qui sont celles de l’élaboration préalable du profil de poste et du candidat « idéal » (caractéristiques ou compétences requises pour le poste) et celle de l’évaluation à proprement parler des candidats afin de procéder à leur sélection et à décider de l’embauche. Les recruteurs disposent d’un arsenal de méthodologies afin de mener à bien des analyses du travail aptes à définir des profils de candidats centrés sur des compétences pertinentes au regard du poste à pourvoir. Ils ont aussi accès à de nombreuses techniques d’évaluation des compétences des candidats pour les aider dans leur décision d’embauche. Toutefois, les enquêtes sur les pratiques de recrutement [13] révèlent que l’étude du poste reste souvent rapide, voire négligée, et que le profil recherché est surtout basé sur des perceptions intuitives et le plus souvent stéréotypées des compétences nécessaires, au détriment d’une réelle analyse de l’activité de travail et des comportements efficaces. Elles montrent aussi que l’évaluation approfondie des candidatures est faite au moyen de techniques dont la validité est extrêmement faible, notamment par des entretiens de face-à-face non structurés, dont on sait qu’ils sont les plus propices à l’intervention de préjugés et de stéréotypes. Plusieurs hypothèses sont posées pour expliquer ces pratiques de recrutement : • le manque de formation à l’évaluation professionnelle et la diversité des profils de formation des recruteurs ; • le coût temporel et financier de certaines pratiques de recrutement (analyses de poste, mises en situation professionnelles. . .) ; • la difficulté à adopter des attitudes et comportements contre-intuitifs lors de l’évaluation des personnes (aller à l’encontre de ses croyances). Ces trois hypothèses ne sont pas exclusives et il est fort probable qu’elles expliquent chacune une partie des pratiques de recrutement mises en place par les recruteurs. Néanmoins, la dernière hypothèse s’avère riche dans la compréhension du phénomène au regard des connaissances conceptuelles sur l’utilité des croyances en matière d’évaluation des personnes. En effet, le recours aux représentations sociales et aux croyances plutôt qu’aux méthodes scientifiques pour fonder ses jugements constitue une stratégie cognitive économique à laquelle les individus ont recours dans des situations à haute complexité, doublées d’un fort enjeu et d’un contexte d’urgence. Ces raisonnements courts « biaisés » correspondent finalement à des stratégies d’acteur. À cause de ses capacités limitées à traiter l’information sociale, l’évaluateur utilise les informations les plus accessibles, souvent les plus saillantes et les plus aptes à mobiliser un processus de catégorisation sociale. Catégoriser une personne permet d’affirmer beaucoup de choses sur elle à partir de peu d’éléments et de produire des jugements rapides et justifiables. Il s’agit donc d’un processus d’adaptation qui

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permet d’accomplir les buts de l’évaluateur. Bien qu’étant qualifié de « normal » ou « stratégique », ce processus cognitif engendre des distorsions à plusieurs niveaux de la procédure de recrutement. Profil recherché et représentations de l’efficacité professionnelle Les représentations sociales interviendraient fortement dans l’idée que les recruteurs se font des caractéristiques du candidat « idéal ». Les recruteurs se forgent une image très précise du profil recherché alors même qu’ils n’ont, la plupart du temps, pas procédé à une analyse du poste de travail à pourvoir. Les profils attendus renverraient davantage à des perceptions stéréotypées de l’efficacité au travail. Des travaux sur les représentations de l’efficacité professionnelle chez les recruteurs indiquent deux types de résultats [13]. Les premiers renvoient à l’existence d’un profil personnologique de l’employé « parfait », « idéal », quel que soit le poste de travail, sorte de profil générique du « bon travailleur » qui doit être autonome, conformiste, ouvert et consciencieux. Les seconds indiquent que, s’il existe des « profils normatifs génériques » de réussite (indépendants du type de poste), il existe aussi des représentations plus spécifiques qui s’accordent au niveau de qualification du poste à pourvoir. Ces « théories implicites des métiers » renvoient à des profils différents, plus contextualisés, mais qui restent le fruit de représentations quotidiennes ou naïves de l’efficacité professionnelle dans la mesure où elles sont aussi partagées par des personnes tout-venant (non-experts en recrutement). Il est également à noter que ces croyances sont fortement orientées vers la capacité de certaines caractéristiques personnelles du candidat à prédire la réussite en emploi : les profils requis sont définis à plus de 80 % en termes de traits de personnalité par les recruteurs interrogés. Les autres caractéristiques requises renvoient souvent à des critères discriminatoires. La place accordée à des indicateurs plus en lien avec l’emploi (expériences, formations. . .) reste modérée. Enfin les caractéristiques « supposées » pertinentes pour la sélection prennent plus d’importance dans la décision d’embauche que celles qui sont réellement prédictives de la réussite professionnelle. Comme le précise Castra (p. 168 [16]), il semble bien que « la décision de recrutement soit une construction sociale, structurée par des conventions et des attentes normatives dont on commence à réaliser qu’elles sont elles-mêmes excluantes ». Qu’il s’agisse de normes sociales généralisées ou de théories implicites des métiers, il existe bien des représentations figées des caractéristiques supposées nécessaires pour réussir dans différents postes chez les recruteurs. Ces représentations sont liées à des idéologies sous-jacentes, à la croyance en des profils idéaux : pour tel poste, il faut posséder telles caractéristiques personnelles, caractéristiques le plus souvent déconnectées des compétences comportementales réellement prédictives de la réussite en emploi. Des évaluations biaisées des candidats Les contenus des représentations sociales ont aussi une propension à engendrer des évaluations biaisées et discriminatoires dans un recrutement. Face à un candidat, le processus de catégorisation sociale conduit les recruteurs à des simplifications et à une réduction abusive des caractéristiques de celui-ci en fonction de ce qu’ils

S108 perc ¸oivent de son appartenance groupale. Une dimension perc ¸ue comme saillante chez le candidat (stimulus) va provoquer tout un processus de traitements cognitifs simplificateurs et économiques permettant au recruteur de se faire rapidement « une idée » du postulant, d’élaborer des hypothèses sur ses caractéristiques, sur ses comportements en fonction de son appartenance groupale. Par un biais de confirmation d’hypothèse, les évaluateurs peuvent être amenés à ne tenir compte que des informations permettant de valider leurs inférences. Si ces informations viennent à manquer, alors la candidature sera rejetée car elle représente une menace pour « l’équilibre cognitif ». Selon Festinger [17], c’est un état de motivation pour lequel l’individu s’efforce d’éviter les situations et les informations susceptibles d’introduire de la dissonance dans ses perceptions. Ce processus de catégorisation est animé par des stéréotypes ou idées rec ¸ues, étroitement liés aux normes, aux valeurs et à la culture des individus. Ils conduisent le plus souvent à des préjugés, réducteurs et caricaturaux, et peuvent amener à la discrimination. D’un sentiment défavorable dirigé contre les individus membres de l’exogroupe, le recruteur passe à l’acte en rejetant la candidature. Audelà de l’influence qu’ils exercent sur les jugements et comportements émis, les stéréotypes ont aussi pour fonction de fournir des justifications à la dévalorisation sociale dont certains font l’objet. Ils agissent comme un mécanisme de défense qui permet à l’individu de présenter de fac ¸on moralement acceptable ses conduites vis-à-vis de la cible victime du préjugé ou de la discrimination. Ils sont donc constitutifs d’un processus de rationalisation et facilement identifiables dans les justifications des décisions d’embauche. En somme, les recruteurs se forment rapidement une première impression du candidat qui va venir biaiser les évaluations produites sur ses compétences professionnelles. Celles-ci seraient imparfaites et globales dans la mesure où les recruteurs, influencés par une dimension saillante de l’évalué (non pertinente par rapport à l’emploi, voire discriminatoire comme l’âge, le sexe, le handicap. . .), vont être dans l’incapacité de produire des appréciations différenciées sur des aspects indépendants de cette personne. Ce phénomène de dilution des informations pertinentes au profit de perceptions stéréotypées a été nommé « effet de halo » par Thorndike en 1920 [18]. Il a été mis en évidence à maintes reprises dans les entreprises lors de divers contextes d’évaluation. Certaines dimensions spécifiques ou compétences seraient alors sur-évaluées ou sous-évaluées en fonction de l’impression globale, favorable ou défavorable, ressentie par l’évaluateur. Les représentations sont donc dépendantes d’un ou plusieurs stimuli ou caractéristique(s) perc ¸ue(s) et recherchée(s) par le recruteur pour déclencher ce processus de simplification de la réalité. Dans ce processus d’adaptation à des situations complexes, incertaines et risquées, les critères discriminatoires agiraient comme des « filtres cognitifs » [19] permettant au recruteur de limiter la considération de variables inconnues ou trop complexes peu propices à sa prise de décision d’embauche. Toutefois, s’il est aujourd’hui admis que les représentations sociales sont utiles à la construction du jugement, les conséquences de ces évaluations biaisées sur des candidats lors d’un recrutement n’en sont pas moins intolérables et désastreuses. Ces biais sont d’autant plus importants que

S. Laberon la cible présente une ou des caractéristique(s) particulièrement saillante(s). Dès la perception de cette dimension, l’observateur, en référence à ses croyances, à ses représentations sociales, va construire un jugement social basé sur des connaissances de sens commun. Il pourra alors tirer de ces connaissances le principe de ses actes, même discriminatoires, ainsi que les justifications (rationalisations) de ses prises de position. Ce processus est le plus souvent inconscient. Des attentes biaisées en termes d’intégration en emploi L’intégration en emploi est peu évoquée dans la littérature sur le recrutement et elle est souvent négligée par les entreprises alors qu’elle constitue une étape tout aussi importante et opérante que celle de l’évaluation de l’adéquation du candidat au poste ou encore de ses qualités d’adaptation. Les travaux sur l’intégration en organisation ainsi que ceux sur la socialisation organisationnelle ont apporté beaucoup d’éléments nouveaux. Ils montrent que le succès de l’entrée dans l’organisation relève d’un processus séquentiel durant lequel le nouveau salarié se socialise à l’organisation [20]. Ce processus de socialisation organisationnelle débute avant même que le nouveau salarié ait intégré son poste (socialisation anticipatrice) et se poursuit lors de sa prise de fonction (socialisation à l’entrée). Ainsi, les pratiques de recrutement mais aussi d’intégration mises en place par l’organisation peuvent faciliter ou entraver la réussite du processus d’entrée du nouveau salarié dans l’organisation et son maintien en emploi. Il a été montré, par exemple dans les travaux portant sur le concept de perception de justice organisationnelle [21], que la justice perc ¸ue à l’égard de la procédure de recrutement ou des méthodes utilisées pour prendre les décisions (justice procédurale) et de la qualité du traitement interpersonnel des individus (justice interpersonnelle) ont des conséquences positives sur le sentiment d’efficacité et les attitudes et comportements à l’égard du travail et de l’organisation (satisfaction au travail, engagement organisationnel, comportements citoyens, performance au travail, intention de rester dans l’organisation. . .). De la même fac ¸on, donner un aperc ¸u réaliste de l’emploi (realistic job previews) lors du recrutement tend à réduire les attentes erronées des nouvelles recrues et donc à limiter le décalage entre attentes et réalités professionnelles et ainsi accroître différents indicateurs d’ajustement au travail comme la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel, le maintien en emploi. . . [22]. D’autres travaux, enfin, ont montré que la prise de fonction du nouveau recruté est facilitée lorsque l’organisation met en place des pratiques d’intégration permettant d’accroître la connaissance et la compréhension de l’entreprise et de la fonction, pour susciter l’adhésion du nouveau venu, augmenter sa perception d’intégration au contenu de son travail, à son équipe de travail et plus largement à son entreprise et ainsi contribuer à sa fidélisation et à son maintien [23]. Au-delà des pratiques mises en place par l’organisation, les efforts d’adaptation déployés par les nouvelles recrues pour s’intégrer (comportements proactifs : recherche d’information demande d’interaction, expérimentation, etc.) ont été étudiés et sont aussi reconnus pour leur contribution dans le processus de socialisation organisationnelle [20]. Toutefois, la méta-analyse de Bauer et al. [24] a mis

Inclusion professionnelle et handicap psychique : freins psychologiques en évidence que l’ajustement de la nouvelle recrue était beaucoup plus fortement lié aux pratiques de socialisation mises en place par l’organisation qu’aux comportements de recherche d’information du salarié. Le rôle des membres de l’organisation a notamment été pointé comme décisif dans la facilitation du processus de socialisation. Ces « agents socialisateurs » (supérieurs, collègues, parrains, mentors, subordonnés) sont à l’évidence les acteurs incontournables de la réussite de l’intégration et de la socialisation du nouveau venu. Si ces travaux de recherche ont apporté des résultats suffisamment clairs sur les facteurs liés à la réussite ou à l’échec d’une intégration, l’accent est pourtant souvent mis sur la responsabilité de l’individu dans la réussite ou l’échec de son intégration en emploi. Des attributions personnologiques perdurent dans les discours des employeurs avec une sous-estimation du rôle de l’organisation dans le processus d’intégration des nouveaux venus. La persistance du modèle d’adéquation de Heilman, fondé sur les représentations sociales, est remarquable, y compris en période d’intégration en emploi. Si l’individu victime de stéréotypes est parvenu à une embauche, il doit encore s’attendre à des biais d’intégration. Des illustrations de ce phénomène sont particulièrement visibles dans les recrutements « atypiques ». Par exemple, les femmes rencontrent des difficultés d’intégration dans des métiers dits « d’hommes » [25]. La perception d’inadéquation entre les caractéristiques supposées nécessaires pour réussir dans ¸ues chez le nouveau venu peut le poste et celles perc conduire à des comportements de rejet de l’équipe de travail, limitant ainsi toute tentative de comportement proactif du nouveau salarié. Dans une recherche menée en France auprès de 97 employeurs [26], nous avions constaté que le comportement pro-organisationnel et proactif des nouveaux salariés durant la période d’essai leur paraissait être un élément majeur pour apprécier la réussite d’un nouveau salarié. L’intégration des nouveaux venus est perc ¸ue comme dépendant étroitement de leurs attitudes et comportement (implication, qualité du travail effectué, ponctualité, motivation et respect des consignes). Des éléments relationnels sont aussi attendus (bonne entente avec les collègues) et considérés d’ailleurs comme fondamentaux pour maintenir les nouveaux dans l’emploi occupé (bonne ambiance, esprit d’équipe. . .). La qualité des relations et de l’intégration dans l’organisation ne serait donc imputée qu’aux caractéristiques des salariés qui la constituent alors qu’on sait que le contexte et les pratiques organisationnelles d’intégration mises en place y jouent pour beaucoup. Un biais d’attribution semble aussi s’exercer lors de cette phase cruciale de l’entrée en organisation. Le paradigme de l’incapacité au travail de Loisel et al. adapté par Corbière et al. [27] dans leur modèle de la participation au travail des personnes présentant des troubles psychiques, a aussi indiqué la nécessité de ne pas prendre en compte seulement les caractéristiques de l’employé mais aussi celles de son environnement pour expliquer sa participation au travail (son intégration ou réintégration au travail, son retour et son maintien en emploi). Cette approche complexe permet de décentrer l’explication de la réussite de l’inclusion professionnelle des PSHP de leurs propres caractéristiques en y intégrant l’effet des acteurs de son environnement de travail.

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Un nouveau salarié présentant des caractéristiques « atypiques » peut ainsi cumuler des difficultés liées à un accueil mitigé de l’équipe de travail ne lui permettant pas de développer les comportements et attitudes attendues par leur supérieur hiérarchique et ce, d’autant plus si rien n’est fait en termes de pratiques d’intégration organisationnelles. De la procédure de recrutement à celle de l’intégration, tous ces processus psychologiques peuvent aider à comprendre la résistance face aux mesures économiques ou juridiques favorisant l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés. Quelques recherches complémentaires nous renseignent sur les représentations spécifiques liées au handicap psychique.

Les freins psychologiques à l’embauche des personnes en situation de handicap psychique et les difficultés exprimées par les employeurs Le handicap : une dimension particulièrement saillante Le handicap n’échappe pas à un certain nombre d’inférences spécifiques et très marquées par le caractère d’incapacité éloignant la personne de « la normalité ». Plus la personne est perc ¸ue comme s’éloignant de la « normalité », plus elle est exposée à des préjugés et des discriminations. L’équité des jugements professionnels serait d’autant plus altérée que l’individu présente une caractéristique très saillante. Or, selon Louvet et al. [28], le handicap a une telle saillance psychologique qu’il est apte à effacer l’effet d’autres caractéristiques discriminatoires (comme la couleur de peau, le sexe. . .). Autrement dit, il sera d’emblée perc ¸u alors que chez des individus valides, ce sont des caractéristiques de sexe ou d’ethnie qui serviront à le décrire. Dès lors, le handicap peut être considéré comme une caractéristique à haut potentiel de stigmatisation. En contexte de travail, le handicap introduit une discordance entre les attentes des employeurs (et de l’environnement de travail) en termes de compétences pour une activité donnée et les représentations associées aux personnes en situation de handicap. Bernardin et Lee [29] ont montré que parmi les différents types de handicap, c’est le handicap psychique qui est classé en dernier par les employeurs en termes de préférence d’embauche, derrière le handicap mental et physique. L’enquête sur les stéréotypes liée au handicap en milieu de travail, menée pour IMS — Entreprendre pour la cité [30] auprès de 400 managers, confirme ce résultat en France. Elle montre que parmi les différents types de handicap, c’est le handicap psychique qui recueille les plus mauvais jugements dans la sphère professionnelle. Les inférences liées à la perception du handicap psychique chez un travailleur sont une des explications possibles à ces attitudes défavorables. La PSHP est principalement considérée comme fragile, manquant d’autonomie et de résistance [31]. Les réticences à son emploi sont le plus souvent justifiées par des motifs tels que le manque de polyvalence, de rentabilité, l’absentéisme fréquent, la non-acceptation par les collègues ou les clients, une charge supplémentaire pour le système organisationnel et une crainte d’évolution délétère du handicap psychique dont les symptômes sont perc ¸us comme imprévisibles. Les

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problèmes posés par les personnes dépressives sont particulièrement pointées dans l’enquête d’Al Adlouni, et al. [30]. Ils se traduiraient par des difficultés de communication et d’acceptation dans les équipes de travail. Les auteurs concluent à une forte mise à distance défensive des managers face à la dépression (peur d’un phénomène de contagion). Le travail induit des notions de rendement, de productivité et d’efficacité qui sont en inadéquation avec ces représentations. La conséquence sera d’éviter cette population de candidats avant même de considérer ses compétences malgré son type de déficience.

l’organisation et les équipes de travail. Un fort pouvoir anxiogène propre à ce type d’insertion peut être pressenti comme explicatif des comportements d’exclusion sous couvert des difficultés concrètes d’embauche évoquées par les employeurs (sourcing, coût financier. . .). Finalement, les structures qui se soucient d’être en conformité avec la loi peuvent trouver plus sécurisant de recruter des personnes présentant un handicap physique ou mental (stabilisé).

Les difficultés de recrutement et d’intégration exprimés par les dirigeants

Actions visant à réduire les préjugés et la discrimination

Des difficultés matérielles lors des phases de recrutement et d’intégration sont aussi évoquées dans le rapport de Peureux et al. [32] réalisé pour l’APEC auprès de DRH et d’employeurs en France. Il évoque « le parcours du combattant » lorsqu’il s’agit de recruter des personnes en situation de handicap. Le sourcing y est qualifié de « maquis institutionnel », avec peu de candidatures spontanées et des carences de profils qualifiés (82 % des personnes demandeurs du statut RQTH ont un niveau inférieur ou égal au BEP, 15 % avec un niveau supérieur ou égal au bac). Les DRH interrogés estiment que les 6 % leur paraissent quasi inatteignable pour ces raisons de qualification. Par ailleurs, le nombre de tâches non accessibles aux personnes en situation de handicap semble surévalué ainsi que le coût financier attribué à son intégration (suivi, formation et aménagement du contexte de travail) quand on sait que 90 % des besoins d’accommodements de travail, pour les personnes présentant un trouble mental, sont modiques [33]. Selon l’enquête de l’institut Louis Harris réalisé en 20051 , 53 % des organisations n’employant pas de travailleurs handicapés jugent qu’une telle embauche se passerait de manière non satisfaisante. Enfin, le management crée aussi une préoccupation car les employeurs estiment ne pas avoir la connaissance, les compétences et la formation nécessaires pour encadrer les personnes atteintes d’un trouble psychique. Pour pallier ces dernières difficultés, les conseillers en emploi spécialisés œuvrant dans des programmes de soutien à l’emploi localisés au Canada et dans d’autres pays anglo-saxons, facilitent l’intégration au travail des PSHP dans l’organisation en offrant leurs services à l’employeur [34]. Le recrutement d’une PSHP représente donc pour l’employeur une prise de risque bien plus élevée que celle qui serait liée à l’embauche d’une PSH physique. Le handicap psychique apparaît souvent caractérisé par l’instabilité, « l’imprévisibilité » et « l’invisibilité ». Il génère un niveau d’incertitude élevé lié notamment à la capacité de la PSHP à occuper son poste de fac ¸on régulière et efficace, à son intégration dans l’équipe de travail mais aussi, à la capacité des managers à « gérer » les accommodements et ajustements nécessaires à l’inclusion de ce public dans

Sans qu’elle soit ciblée sur la question du handicap psychique, la littérature est prolixe pour ce qui est des actions possibles à mettre en œuvre dans le but de modifier les attitudes et comportements d’exclusion. Plusieurs niveaux d’intervention ont été étudiés et recensées par Whitley et Kite [35]. Au niveau individuel, des actions, que l’on peut qualifier d’explicites comme les campagnes de communication persuasives, ont été expérimentées. Pour qu’elles fonctionnent, elle doivent diffuser un message positif c’està-dire se focaliser sur les similitudes entre les attitudes des membres de l’endo- et de l’exogroupe, rendre compte de la diversité et de l’hétérogénéité de la minorité et enfin donner un message explicite, clair et verbalisé. D’autres actions individuelles, à un niveau plus implicite, comme la suppression des stéréotypes, peuvent donner des résultats intéressants. Il est ici question d’encourager les individus à repousser les préjugés hors du champ de conscience pour les remplacer par d’autres informations plus pertinentes et acceptables. Mais cette stratégie, si elle peut être efficace sur un temps limité, souffre d’un effet rebond c’est-à-dire d’un retour amplifié du préjugé envers la cible. À cet égard, les formations dispensées sur les biais évaluatifs en situation d’embauche qui encouragent à proscrire des pensées orientées vers des caractéristiques discriminatoires (sexe, ethnie, handicap. . .) se révèlent d’efficacité modérée. Toutefois, il est constaté que la suppression du stéréotype est plus opérante chez les individus qui présentent à l’origine un faible niveau de stéréotype et une motivation interne (conforme à leurs valeurs) à réduire ce biais. Ces personnes pourraient présenter des capacités d’autorégulation pour le contrôle des préjugés. Il s’agit d’un mécanisme cognitif qui consiste à réduire l’écart entre les valeurs personnelles non discriminatoires et les préjugés entretenus à l’égard de l’exogroupe. Mais cette autorégulation n’est possible que chez les individus qui accordent beaucoup d’importance à leurs valeurs personnelles de fac ¸on à ce que cet écart entre valeurs et préjugés produise suffisamment d’inconfort psychologique pour les motiver à le réduire. Cette stratégie individuelle suppose aussi que les personnes soient conscientes de cet écart. Dans le cas inverse, la technique de la confrontation des valeurs a été également testée. Elle consiste à aider les individus à prendre conscience de cet écart et des contradictions entre leurs valeurs et leurs comportements. Mais cette méthode

1 Cette enquête est disponible sur le site http://www.agephip.fr/ upload/files/Louis Harris aout 2005.pdf.

Des pistes d’action pour modifier ces freins psychologiques

Inclusion professionnelle et handicap psychique : freins psychologiques ne peut s’adresser qu’aux personnes qui présentent potentiellement des conflits de valeur. Ils doivent donc adhérer aux valeurs égalitaires et présenter des comportements discriminatoires dont ils sont inconscients. Enfin, la dilution des préjugés et stéréotypes peut aussi s’opérer lorsque l’on apporte des informations additionnelles aux informations catégorielles. Mais les convictions des individus ne peuvent être fragilisées que si les stéréotypes n’ont aucun fondement objectif. S’ils sont conformes à la réalité alors la dilution n’aura pas lieu. Au niveau groupal, des entraînements cognitifs comme la technique des jeux de rôle peuvent être employés dans un cadre formatif afin d’inciter les individus du groupe dominant à combattre leurs comportements discriminatoires. Cette technique consiste à faire subir une discrimination à des personnes ordinaires afin de leur faire prendre conscience du préjudice. Mais c’est sans doute l’approche du contact intergroupe qui peut, sous certaines conditions, produire des changements de croyances et d’attitudes les plus durables à l’égard d’autrui et ainsi réduire les préjugés. Selon le modèle combiné de Pettigrew [36], certains facteurs situationnels sont nécessaires : les membres du groupe en interaction doivent avoir : • un statut égal ; • établir un travail de groupe (en interdépendance) et coopérer pour répondre à un objectif commun et, de préférence, pour lequel ils présentent les mêmes compétences ; • un potentiel relationnel c’est-à-dire se connaître les uns les autres en tant qu’individus (pour favoriser la perception de similitudes) ; • bénéficier d’un soutien institutionnel à s’engager dans ce type de contact (loi ou normes sociales égalitaires fortes et clairement exprimées par la direction des organisations, développement d’un climat égalitaire). Avoir le même nombre de membres de chaque groupe, partager des croyances et des valeurs similaires sur un certain nombre de thématiques, pouvoir interagir hors de la situation présente et avoir des contacts volontaires à long termes facilitent encore le processus. Mais les effets du contact intergroupe en termes de réduction des préjugés sont aussi conditionnés par des facteurs individuels tels que les attitudes préexistantes (niveau de préjugés) des individus à l’égard de l’exogroupe, la qualité des expériences intergroupe passées, l’intérêt et l’anxiété associés aux problèmes intergroupe. Selon l’auteur, dans les conditions appropriées, le contact initial direct permettrait de considérer la cible non plus comme un membre de l’exogroupe mais comme un individu à part entière, donc de mieux la connaître et l’apprécier pour elle-même (phénomène de décatégorisation ou de personnalisation). Il y aurait alors un affaiblissement du biais de catégorisation sociale. Cependant, cette réduction du préjugé peut être limitée à la seule personne avec qui le contact a été établi, lui donnant un statut d’ « exception » parmi sa catégorie d’appartenance. Pour qu’une généralisation de la réduction des préjugés envers les membres d’un groupe se produise, il faut un laps de temps qui permette de percevoir que la personne côtoyée soit typique de son groupe d’appartenance, c’est-à-dire que

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la caractéristique qui a servi à la catégoriser reste saillante (phénomène de catégorisation saillante). Les perceptions positives qui lui ont été attribuées peuvent alors se généraliser à tout son groupe d’appartenance et générer des attitudes plus favorables. Le processus peut se finaliser par le développement d’une identité commune intergroupe, les deux groupes seraient recatégorisés en un seul avec une réduction maximum des préjugés. Ces travaux ont, pour la plupart, étés menés dans le cadre d’expérimentations de laboratoire. Dans une perspective plus appliquée, les recherches de Corrigan et al. ont apporté des connaissances sur l’efficacité de ces types d’actions vis-à-vis de la stigmatisation des PHSP. Ils indiquent que ce sont les stratégies de contact intergroupe, comme les contacts directs [10] le partage de l’expérience de la maladie [37], qui semblent les plus prometteuses en termes de changement d’attitudes et de comportements visà-vis des PSHP [38]. Mais ces contacts seraient davantage développés par les personnes ayant déjà une expérience de côtoiement des PSHP [39] et impliquent nécessairement la divulgation du trouble. D’autres stratégies en termes de ressources humaines ont également montré des effets positifs sur l’inclusion de personnes présentant des profils atypiques. Nous avons constaté dans une recherche menée auprès de 97 employeurs [26] que plus les procédures de recrutement et d’intégration mises en place par l’organisation sont structurées et formelles, moins les recruteurs ont des comportements discriminatoires. Ceci renforce l’hypothèse du paradigme de l’ambiguïté développé par Dovidio et al. [40] dans le cadre de la discrimination ethnique. Les stratégies de masquage des préjugés mises en place par les recruteurs sont facilitées par des situations d’évaluation ambiguës et peu structurées (critères mal définis, peu clairs, peu objectifs. . .). Dans ce cas, des échelles personnelles d’évaluation sont produites et ajustées de fac ¸on à rendre invisible les raisons réelles de l’exclusion de tel ou tel candidat. Dans le cas d’une procédure plus claire, les comportements discriminatoires sont plus difficiles à masquer et la recherche d’informations additionnelles et pertinentes (centrées sur l’emploi et les compétences) peut limiter le poids des informations catégorielles (stéréotypées). Ce contexte s’avère ainsi moins propice à la discrimination.

Poids du contexte organisationnel et actions de promotion de la diversité Une approche plus contextuelle développée par Bayle et al. [41] tente d’identifier les freins et les moteurs à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Elle confronte le rôle : • de l’attitude « générale » des recruteurs vis-à-vis du handicap en emploi ; • de l’attitude « spécifique » vis-à-vis de l’embauche d’un travailleur handicapé dans leur propre entreprise ; • du contexte organisationnel, c’est-à-dire de la structuration faible/forte de l’entreprise comme déterminants du comportement d’inclusion professionnel (ensemble des actes effectués par les décideurs qui favorisent l’inclusion de travailleurs handicapés dans leur entreprise).

S112 Elle a ainsi caractérisé les 140 entreprises interrogées en deux catégories au moyen de plusieurs indicateurs tels que le poids de la structure organisationnelle, le degré de formalisation du système de contrôle des activités, le degré de formalisation des processus de décision. Ainsi, les entreprises faiblement formalisées regroupent les structures de petite taille, faiblement hiérarchisées, avec un système de planification des activités peu formalisé dans des règles explicites, un système de contrôle et de décisions centralisé ; les entreprises fortement formalisées sont de grande taille, fortement hiérarchisées, avec un système de planification des activités formalisé, un système de contrôle et de décisions décentralisé. L’étude montre que pour les entreprises faiblement formalisées, les attitudes spécifiques des dirigeants sont liées à leurs attitudes générales et à leur comportement d’inclusion alors que pour les entreprises fortement formalisées, les attitudes spécifiques sont plus faiblement liées aux attitudes générales et ne présentent pas de lien avec le comportement d’inclusion. La présence d’attitudes générales favorables ou défavorables à l’embauche de personnes en situation de handicap ne suffit pas à expliquer les comportements d’embauche des recruteurs. Autrement dit, ce résultat complexifie l’effet des croyances générales ou représentations liées au handicap acquises par un processus d’inculcation sociale que nous avons décrit précédemment. Il indique qu’il est nécessaire d’étudier les attitudes spécifiques qui sont composées d’éléments plus contextuels et étroitement liées aux caractéristiques de l’organisation et à l’expérience professionnelle du recruteur en matière d’insertion de personnes en situation de handicap. Il est probable, selon les auteurs, que le comportement d’inclusion soit lié à « l’expression d’un compromis cognitif » entre les incitations liées aux croyances générales à l’égard de la personne en situation de handicap et celles qui sont issues de la place que les recruteurs occupent dans l’organisation. Dans les entreprises faiblement formalisées, les attitudes personnelles et professionnelles individuelles (ou motivations personnelles) influencent plus facilement les comportements de recrutement que dans les entreprises fortement structurées, où les décisions d’embauche sont impulsées par des incitations organisationnelles liées aux règles et politiques sociales établies. Ces résultats renvoient à l’objet de désirabilité sociale qui pousse les décideurs à adopter ou non des comportements d’inclusion professionnelle. La psychologie des organisations s’est interrogée sur l’objet réel de cette désirabilité : est-il seulement individuel (être en cohérence avec ses propres croyances), social (être en cohérence avec les valeurs sociales) ou encore plus contextuel (être en cohérence avec les valeurs de l’organisation à laquelle on appartient) ? Ainsi, Dipboye et al. [42] et Goldman et al. [43] encouragent à envisager la discrimination comme un phénomène organisationnel puisque les décideurs sont avant tout les membres d’une organisation qui opèrent et sont contraints par un contexte organisationnel. La discrimination y est alors étudiée comme la résultante des préférences de la direction (politique et valeurs prônées par l’organisation) suivie par ses salariés les plus engagés [44]. Ainsi, un climat discriminatoire versus climat équitable peut faire varier les comportements discriminatoires versus non discriminatoires des recruteurs les plus engagés [45]

S. Laberon quel que soit leur niveau de préjugés initial. Il est à noter, enfin, que les recruteurs soumis à un « code de conduite » (éléments éthiques, mises en garde contre la discrimination, code de déontologie. . .) seraient à même de contrer l’avis éventuellement discriminatoire de leur direction [46]. Ces résultats encouragent à mettre en place des actions de promotion de la diversité dans les entreprises. Différentes initiatives ont été mises en œuvre dans les organisations. Si elles ne visent pas forcément à réduire les préjugés mais plutôt à renforcer l’accès à l’emploi et la promotion des groupes minoritaires, elles ont toutefois des effets contrastés sur les attitudes à l’égard de ces groupes. La discrimination positive peut être citée comme un exemple de ces initiatives. Elle consiste à tenir compte de la diversité des employés dans la politique de recrutement. Les contacts intergroupes sont donc favorisés. Mais si cette discrimination positive est perc ¸ue comme une politique de favoritisme indépendante des compétences et qualifications, elle peut provoquer des attitudes défavorables à l’égard des personnes recrutées qui risquent de se généraliser à tout le groupe minoritaire. Des programmes de valorisation de la diversité par des formations ou séminaires dispensés au personnel existent aussi, sans qu’on connaisse avec exactitude leur efficacité. Selon leur contenu, elles peuvent être mal rec ¸ues par le public et renforcer le ressenti d’une menace, l’anxiété voire le rejet de la démarche. Enfin, la gestion à proprement parler de la diversité constitue une approche plus ancrée dans la politique de l’organisation. Elle touche sa culture, son climat, ses procédures RH. Cependant, ces démarches peuvent s’avérer contre-productives : on note un effet possible de « réactance » (selon le terme de Brehm, [47]) face à une initiative institutionnelle de lutte contre les préjugés. Perc ¸ue comme une injonction à agir contre nature, elle peut être comprise comme une atteinte à la liberté individuelle et par « effet ressac » [48] produire des résistances capables de renforcer les comportements discriminatoires. Cette réactance est visible au niveau individuel et collectif et sera d’autant plus importante que les individus n’adhèrent pas, par le fait de leur propre croyance, à la norme égalitaire proposée par l’institution [49]. Ce phénomène de réactance aux politiques de promotion de la diversité est donc à considérer comme un risque contre-productif de renforcement des préjugés, probablement amplifié ou diminué selon l’engagement de l’individu à son organisation, son appropriation des normes et des valeurs promues par l’organisation dont il est membre. La mise en place de ce type de politique devrait ainsi s’accompagner d’une véritable réflexion collective autour d’un positionnement éthique mais aussi d’un travail d’identification des contraintes perc ¸ues par les acteurs de l’organisation en termes de justice sociale, et, comme l’indique Ndobo [50], de gain (valorisation de l’identité du groupe) ou de perte (démunir les uns au profit des autres comme dans la politique des quotas) perc ¸us par ces mêmes acteurs. Bien que ces travaux ne portent pas spécifiquement sur le handicap psychique, ils renforcent l’approche de Bayle selon laquelle les actions de sensibilisation doivent être « situées » et « sur mesure », c’est-à-dire qu’elles doivent tenir compte du type d’entreprise en présence et de ses caractéristiques. À titre d’exemple, il est probable, au

Inclusion professionnelle et handicap psychique : freins psychologiques regard des résultats apportés par toutes ces recherches, que les actions visant à la réduction des préjugés soient plus efficaces dans les petites structures car les attitudes personnelles et professionnelles individuelles influencent plus facilement les comportements de recrutement alors que les actions visant à promouvoir une politique sociale orientée vers la diversité auraient plus de poids dans les grandes structures où les décisions d’embauche sont fortement impulsées par des incitations organisationnelles liées à la politique sociale. Encore faut-il tenir compte des différentes conditions d’application de ces actions (par ex. identifier le niveau de préjugé de l’entourage professionnel, le caractère anxiogène généré par ce type d’insertion. . .) pour ne pas produire un effet contre-productif. Les démarches d’intervention sur cette question doivent donc être singulières et évaluer, selon nos propres termes, la « maturité » de l’organisation et de ses acteurs vis-à-vis de l’inclusion de publics jugés « particuliers ». Toutes ces recherches se sont avérées productives en ce qui concerne les minorités ethniques et sexuées. Elles sont malheureusement encore embryonnaires sur la question de l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap psychique. De nombreuses pistes de recherche et hypothèses relatives à l’application de ces théories à la situation particulière de ce type d’inclusion sont encore à exploiter pour dégager des actions de promotion et d’accompagnement productifs et spécifiques auprès des organisations. Les actions engagées auprès des entreprises ne peuvent faire l’économie d’une aide au positionnement à adopter pour transmettre des valeurs, supportées par des initiatives concrètes, dans un contexte dont on sait qu’il est perturbé par d’incessantes contraintes qui encouragent les recruteurs à aller vers la simplicité (et donc la normativité).

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Déclaration d’intérêts

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L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Psychological barriers to professional inclusion of people with mental disabilities].

Mental health in the workplace today are ubiquitous and cause significant dysfunction in organizations (turnover, absenteeism, presenteeism, early ret...
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