Annales de dermatologie et de vénéréologie (2015) 142, 206—209

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LETTRE À LA RÉDACTION Le pseudomonilethrix : un artefact plus qu’une pathologie Pseudomonilethrix: More an artifact than a disease Le pseudomonilethrix (PMX) a été décrit pour la première fois en 1973 par Bentley-Philips et al. Cette équipe sudafricaine le définissait comme une atteinte de la tige pilaire présentant des nodules aplatis, irréguliers, de 0,75 à 1 mm de long. Cliniquement, les cheveux étaient secs, cassants, de longueur irrégulière et une alopécie était associée. Cependant, contrairement au monilethrix, la kératose folliculaire était absente [1]. Selon ces mêmes auteurs, le PMX se décline en trois types : PMX familial, PMX lié à un artefact et PMX acquis, associé aux dysplasies pilaires avec fragilité du cheveu. Le principal diagnostic différentiel du PMX est le monilethrix, une pathologie du cuir chevelu rare, autosomique dominante, due à des mutations du chromosome 12q13 et de différentes kératines du cortex du cheveu. Le diagnostic repose sur l’examen clinique (kératose pilaire, cheveux courts, fins, secs et cassants dans le monilethrix), l’examen trichoscopique (alternance de renflements et d’étranglements uniformes) et l’examen microscopique (succession de constrictions, l’espace entre les nœuds est régulier, présence de fractures au niveau des sites de constriction) (Tableau 1). Nous avons observé chez deux patientes la présence de signes microscopiques de PMX en l’absence de toute atteinte clinique.

porte-aiguille aux mors crantés (Fig. 2). L’échantillon était ensuite collé sur une lame de microscope à l’aide de ruban adhésif. Les lames ont été examinées par microscopie à lumière blanche et à lumière polarisée. Le diagnostic d’alopécie androgénogénétique a été retenu dans les deux cas. Cependant, les examens microscopiques ont révélé des cheveux « perlés » avec plusieurs nœuds aplatis, irréguliers en taille et espacés de manière irrégulière le long de la tige pilaire normale, donnant un aspect typique de PMX (Fig. 3). L’examen par microscopie à lumière polarisée n’a révélé aucune anomalie supplémentaire.

Figure 1. Trichoscopie du cuir chevelu d’une des deux patientes. Plus de 20 % de cheveux miniaturisés. Tiges pilaires normales.

Observations Deux femmes, âgées de 17 et 30 ans, étaient examinées pour alopécie diffuse acquise de grade II selon la classification de Ludwig, évoluant respectivement depuis 2 et 4 ans. La longueur des cheveux était d’environ 30 à 40 cm chez les deux patientes. Les tests de traction étaient négatifs et aucun cheveu cassé n’était observé. L’examen trichoscopique montrait un pourcentage de cheveux miniaturisés supérieur à 20 % chez les deux patientes ; cependant aucune anomalie de structure de la tige pilaire n’était observée (Fig. 1). L’interrogatoire ne révélait aucun antécédent familial de pathologie du cuir chevelu ou du cheveu. Des trichogrammes ont été réalisés à partir d’une mèche d’une trentaine de cheveux extraite à l’aide d’une pince

Figure 2. Pince porte-aiguille aux mors crantés utilisée pour le prélèvement du trichogramme.

Lettre à la rédaction

Figure 3.

207

Évaluation microscopique des cheveux des patientes. Les flèches bleues indiquent les nœuds aplatis.

Figure 4. Artefacts semblables au pseudomonilethrix, induits manuellement lors d’un prélèvement pour trichogramme sur des cheveux normaux. Les flèches bleues indiquent les nœuds aplatis.

208 Tableau 1

Lettre à la rédaction Diagnostic différentiel pseudomonilethrix/monilethrix. Pseudomonilethrix

Monilethrix

Aspect clinique

Aucune atteinte clinique Tout le cuir chevelu

Trichoscopie ou microscopie

Succession de renflements Nœuds aplatis de diamètre supérieur au calibre du cheveu Nœuds irrégulièrement espacés Les espaces entre les nœuds ont des calibres normaux Pas de fractures Monilethrix Trichorrhexis invaginata (ex : syndrome de Netherton) Tous les âges

Kératose pilaire Plaque alopécique de cheveux dystrophiques Cheveux courts Prurit du cuir chevelu Cheveux secs, ternes, fins, fragiles, courts (< 3 cm) surtout au niveau occipital et temporal Différentes formes : localisée au niveau de l’occiput ou la totalité du cuir chevelu ± atteintes d’autres zones pileuses (sourcils, aisselles, bras, jambes, pubis) Succession de constrictions Nœuds et espaces entre les nœuds réguliers (constrictions intermittentes) Fractures aux sites de constriction

Diagnostic différentiel Âge

Traitements

Aucun Éviter les traumatismes du cheveu

Discussion Chez ces deux patientes, l’absence d’antécédents familiaux et d’anomalies cliniques nous a amenés à considérer les anomalies à type de PMX observées sur les tiges pilaires comme des artefacts. La procédure du trichogramme a été incriminée et nous avons pu confirmer sa responsabilité en reproduisant les mêmes caractéristiques de PMX sur des cheveux normaux (Fig. 4). Le PMX a été initialement décrit comme une fragilité héréditaire du cheveu caractérisée par la présence de nœuds aplatis irréguliers, irrégulièrement localisés et de diamètre supérieur à celui de la tige pilaire normale [1,2]. Cependant, d’autres auteurs ont suggéré que ces nœuds pourraient en fait résulter de contraintes mécaniques liées au prélèvement [3,4]. Il s’agirait d’artefacts correspondant aux altérations de la tige pilaire dues à la compression du cheveu entre les mors de la pince ou à la pression exercée sur le ruban adhésif lors du collage. Ce phénomène est bien démontré par les trichogrammes de nos patientes où la taille des nœuds, leur forme et les espaces qui les séparent correspondent à la forme des mors de la pince utilisée pour les prélèvements (Fig. 2). L’utilisation excessive de produits cosmétiques peut aussi être à l’origine d’un PMX [5]. Autre notion importante, ces altérations n’ont jamais été observées de manière isolée avec un réel défaut structurel qui leur serait propre, mais plutôt rapportées en association à d’autres anomalies de la tige pilaire telles que pili torti, trichorrhexis nodosa ou monilethrix, ou encore chez certains enfants

Pseudomonilethrix Pili torti Enfance ou petite enfance Amélioration occasionnelle à la puberté ou pendant la grossesse Éviter les traumatismes du cheveu Acitrétine (rechute à l’arrêt)

atteints d’acrodermatitis enteropathica [6,7]. De plus, le PMX peut aussi être observé dans le cas de fragilité de la tige pilaire induite par la chimiothérapie. Enfin, l’existence, postulée par certains auteurs, d’une forme familiale de PMX à transmission autosomique dominante n’était fondée que sur l’observation de quelques familles dans les années 1970 et aucun autre cas n’a été publié depuis. Tous ces éléments confortent notre opinion que le PMX est probablement plus un artefact qu’une pathologie à part entière. Nos observations mettent aussi en évidence l’avantage de la trichoscopie, qui permet l’évaluation de la tige pilaire et la réalisation du diagnostic différentiel sans risque d’artefact d’échantillonnage. Conclusion Plus qu’une pathologie primitive de la tige pilaire, le pseudomonilethrix semble être un artefact pouvant intervenir au cours du trichogramme, favorisé par des cheveux abîmés ou fragiles ou par l’existence d’autres anomalies de la tige pilaire. L’identification de cet artefact par le dermatologue est importante afin d’éviter des erreurs diagnostiques (monilethrix, trichorrhexis invaginata) et des examens complémentaires inutiles. Pour prévenir cet artefact, il est recommandé de protéger les mors de la pince avec des manchons en caoutchouc, de fixer les cheveux entre lames et lamelles avec du milieu de montage sans exercer de pression et d’associer un examen trichoscopique du cuir chevelu au préalable.

Lettre à la rédaction Déclaration d’intérêts

209 [7] Garcia Bartels N, Blume-Peytavi. Hair loss in children. Hair growth and disorders. Springer; 2008. p. 273.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Bentley-Phillips B, Bayles MA. A previously undescribed hereditary hair anomaly (pseudo-monilethrix). Br J Dermatol 1973;89:159—67. [2] Camacho F, Ferrando J, Rodriguez-Pichardo A. Acquired pseudomonilethrix in a family with monilethrix. Eur J Dermatol 1993;3:651—5. [3] Ferrando J, Fontarnau R, Haussman G. Is pseudomonilethrix an artifact? Int J Dermatol 1990;29:380—2. [4] Zitelli JA. Pseudomonilethrix. An artifact. Arch Dermatol 1986;122:688—90. [5] Itin PH, Schiller P, Mathys D, Guggenheim R. Cosmetically induced hair beads. J Am Acad Dermatol 1997;36: 260—1. [6] Rakowska A, Slowinska M, Czuwara J, Olszewska M, Rudnicka L. Dermoscopy as a tool for rapid diagnosis of monilethrix. J Drugs Dermatol 2007;6:222—4.

A. Guichard a,b , E. Puzenat b , F. Fanian a,b , P. Humbert a,b,∗ a

Inserm UMR1098, SFR FED 4234 IBCT, université de Franche-Comté ; centre d’études et de recherche sur le Tégument (CERT), centre d’investigation clinique (CIC Inserm 1431), CHRU de Besanc¸on, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on cedex, France b Service de dermatologie, CHRU de Besanc ¸on, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on cedex, France ∗ Auteur

correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Humbert) Rec ¸u le 19 juin 2014 ; accepté le 7 novembre 2014 evrier 2015 Disponible sur Internet le 14 f´ http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.11.020 0151-9638/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

[Pseudomonilethrix: more an artifact than a disease].

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