Modele +

ARTICLE IN PRESS

PUROL-1260; No. of Pages 9 Progrès en urologie (2013) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique Prognostic value of toxicities induced by targeted therapies in patients treated for a metastatic renal cell carcinoma F.-X. Nouhaud a,∗, J.-D. Rebibo a, F. Blanchard b, J.-C. Sabourin b, F. Di Fiore c,d,1, C. Pfister a,1 a

Service d’urologie, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France Service d’anatomie et cytologie pathologique, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France c Service d’oncologie urologique et digestive, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France d Service d’oncologie médicale, centre Henri-Becquerel, rue d’Amiens, 76000 Rouen, France b

ecembre 2013 Rec ¸u le 25 juillet 2013 ; accepté le 5 d´

MOTS CLÉS Facteurs pronostiques ; Survie ; Cancer du rein métastatique ; Thérapies ciblées ; Toxicité induite ; Métastase cérébrale

∗ 1

Résumé Objectif. — Étudier la valeur pronostique potentielle des variables clinico-biologiques, en particulier la toxicité induite par les thérapies ciblées (TC), chez des patients traités pour un carcinome rénal métastatique (CRM). Patients et méthodes. — Une étude rétrospective monocentrique a été réalisée chez les patients traités en première ligne de TC entre 2006 et 2012. Les variables clinico-biologiques et de toxicité ont été recueillies. Les survies étaient calculées selon la méthode de Kaplan-Meier et comparées par le test du Log-Rank. Une analyse multivariée a été réalisée selon le modèle de Cox. Résultats. — Cent-deux patients ont été inclus, avec un suivi médian de 20 mois. La médiane de survie globale (SG) était de 21 mois et de 6 mois pour la survie sans progression (SSP). Comme attendu, les variables regroupées dans le score pronostique du MSKCC avaient un impact significatif sur la SG (p < 0,0001) et la SSP (p < 0,0001). De plus, une hypoalbuminémie (p < 0,0001),

Auteur correspondant. Adresse e-mail : fx [email protected] (F.-X. Nouhaud). Contribution équivalente de ces auteurs à ce travail.

1166-7087/$ — see front matter © 2013 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

2

F.-X. Nouhaud et al. une métastase cérébrale (p = 0,003) et l’absence de néphrectomie (p < 0,0001) sont apparues comme des facteurs péjoratifs pour la SG. Enfin, la survenue d’au moins une toxicité sévère (grade 3-4) était significativement associée à une meilleure SG (p < 0,0001) et SSP (p = 0,0003) et était également identifiée comme facteur indépendant en analyse multivariée pour la SG (p = 0,02) et la SSP (p = 0,01). Conclusion. — Une toxicité sévère induite par les thérapies ciblées était un facteur significatif de bon pronostic. Des études ultérieures sont nécessaires afin d’évaluer le véritable intérêt de ce facteur dans le développement des stratégies multilignes du traitement du CRM. Niveau de preuve. — Niveau 5. © 2013 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Prognostic factors; Survival; Metastatic renal cell carcinoma; Targeted therapies; Induced toxicity; Brain metastasis

Summary Objective. — To assess the prognostic value of clinical and biological variables in the era of targeted therapies, especially induced toxicity in patients treated for metastatic renal cell carcinoma (RCC). Patients and methods. — A retrospective single-center study was performed in patients treated in our center from 2006 to 2012. The clinical and biological variables and toxicity data were retrospectively collected. Survival rates were calculated using the Kaplan-Meier method and compared by the Log-Rank test. Multivariate analysis was also performed using the Cox model. Results. — One hundred and two patients were included, with a median follow-up of 20 months. The median overall survival (OS) was 21 months, and 6 months for the progression free survival (PFS). As expected, the variables included in the Mozter prognostic score had a significant impact on OS (P < 0.0001) and PFS (P < 0.0001). However, hypoalbuminemia (P < 0.0001), brain metastasis (P = 0.003) and the absence of nephrectomy (P < 0.0001) were found as poor prognosis factors for OS. In addition, severe toxicity (grade 3-4) was significantly associated with higher OS (P < 0.0001) and PFS (P = 0.0003) and appeared as an independent factor in multivariate analysis for OS (P = 0.02) and PFS (P = 0.01). Conclusion. — Severe toxicity induced by targeted therapies was found as a prognostic factor increasing significantly the survival. Further studies are needed to assess the real value of this factor in the development of sequential therapies for the treatment of RCC. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction Le cancer du rein représente 3 % de l’ensemble des tumeurs malignes et est au 7e rang des causes de mortalité par cancer avec 3840 décès par an en France. Il est actuellement admis que près d’un tiers des patients sont pris en charge au stade métastatique et que par ailleurs environ 10 à 30 % des formes initialement localisées récidivent [1,2]. La prise en charge thérapeutique du cancer du rein métastatique (CRM) a été radicalement modifiée depuis l’introduction des thérapies ciblées (TC) avec un arsenal aujourd’hui constitué de plusieurs molécules anti-angiogéniques (sunitinib, sorafénib, pazopanib, axitinib) ou inhibiteurs de la voie mTOR (everolimus, temsirolimus). En dépit de leur nombre relativement important, il n’existe cependant aucun marqueur prédictif validé et l’utilisation de ces molécules repose sur l’existence de facteurs pronostiques classiques tels que le score du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC), définis à partir de populations sélectionnées pour des essais cliniques [3—6]. Ainsi, compte tenu du nombre de molécules de TC et du développement actuel de stratégies multilignes, la mise en évidence de facteurs pronostiques spécifiques apparaît nécessaire pour optimiser la prise en charge des patients [7]. Dans ce contexte, la recherche de marqueurs moléculaires et cliniques ont été les deux principales voies développées [3,8]. Concernant les études

focalisées sur la mise en évidence de facteurs cliniques, de récents travaux ont rapporté l’association possible entre la survenue des principales toxicités (cutanée, cardiovasculaires, digestive et asthénie) et l’efficacité du traitement par sunitinib et sorafénib [9—11]. L’étude du rapport entre l’efficacité et les toxicités induites des thérapies ciblées apparaît en effet intéressante, pour d’une part, améliorer la connaissance et la gestion des effets secondaires et, pour d’autre part, évaluer de nouvelles stratégies thérapeutiques en fonction des toxicités observées. L’objectif principal de notre travail était d’étudier la valeur pronostique des variables cliniques, biologiques et des toxicités observées chez l’ensemble des patients traités dans notre centre pour un CRM en première ligne de TC.

Patients et méthodes Population étudiée Nous avons réalisé une étude chez l’ensemble des patients traités dans notre centre par une première ligne de thérapies ciblées pour un CRM entre janvier 2006 et juin 2012. Les molécules de TC étaient le sunitinib utilisé en prise quotidienne à la dose de 50 mg pendant quatre semaines entrecoupées de 2 semaines de repos, le sorafénib utilisé à

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

Valeur pronostique de la toxicité des thérapies ciblées dans le cancer du rein la dose de 800 mg par jour en continu, l’everolimus délivré à 10 mg par jour en continu et le temsirolimus utilisé à la dose de 25 mg en perfusions intraveineuses hebdomadaires. Ces posologies étaient adaptées si besoin à l’initiation et secondairement selon la tolérance. À partir de l’initiation, un suivi clinico-biologique était réalisé au 15e et au 30e jours de traitement, puis tous les mois (toutes les semaines pour les patients traités par temsirolimus), associé à une évaluation tomodensitométrique des volumes cibles tous les 3 mois. Le recueil des données a été réalisé rétrospectivement et incluait pour chaque patient : les données démographiques, les dates du diagnostic de cancer du rein et de survenue de métastase, les modalités du traitement initial, les données histopathologiques des tumeurs, les modalités du traitement en première ligne de TC, l’indice de performance OMS, les comorbidités, les variables des scores pronostiques du MSKCC [6] et de Heng [12], et les valeurs biologiques avant le début de la première ligne (hémoglobine, plaquettes, polynucléaires neutrophiles, albumine, calcium corrigé, lactate déshydrogénase).

Analyse statistique L’objectif du travail était de déterminer les facteurs pronostiques de survie. Nous avons étudié les données de survie globale (SG), définie comme le délai entre le début de la première ligne de traitement et le décès du patient quelle qu’en soit la cause ainsi que les données de survie sans progression (SSP), définie par le délai entre le début de la première ligne de traitement et la mise en évidence d’une progression selon les critères RECIST (Response Evaluation Criteria In Solid Tumor) ou le décés du patient en l’absence de progression objectivée. L’ensemble des toxicités induites par les thérapies ciblées ont également été analysées selon les grades de la classification Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) version 3.0 et regroupées en deux catégories : toxicité nulle ou modérée (grades 0, 1 et 2) et toxicité sévère (grades 3 et 4). En analyse univariée, les données de survie ont été analysées selon la méthode de Kaplan-Meier et comparées par le test du Log-Rank. Les résultats étaient considérés comme statistiquement significatifs pour une valeur de p < 0,05. Le modèle de Cox a été utilisé en analyse multivariée pour identifier d’éventuels facteurs pronostiques indépendants de survie. Les facteurs statistiquement significatifs (p < 0,05) en analyse univariée ont été inclus dans l’analyse multivariée. Les analyses statistiques ont été réalisées par l’intermédiaire du logiciel StatView version 4.55, © Abacus Concept, Berkeley, CA, États-Unis.

Résultats

3

Tableau 1 Caractéristiques cliniques et biologiques des patients à l’initiation de la thérapie ciblée (TC). Variables

Patients n

Âge médian au début de la ligne 1 Extrêmes Sexe Homme Femme Métastase synchrone Plus d’un site métastatique Métastase cérébrale Score OMS 0 ≥1 Albuminémie < LNIa Groupe pronostique du MSKCCb Bon pronostic Pronostic intermédiaire Mauvais pronostic Groupe pronostique de Hengc Bon pronostic Pronostic intermédiaire Mauvais pronostic Type histologique Carcinome rénal à cellule claire Carcinome tubullo-papillaire Autre Stade pTd T 1-2 T 3-4 Ganglions positifs (N+)d Führman ≥ 3d Emboles vasculairesd Marges positivesd Néphrectomie Élargie Partielle Élargie + Thrombus cave Métastasectomie antérieure à la première ligne Immunothérapie antérieure

%

62 38 ; 87 65 37 52 62 10

63,7 36,3 51 60,8 9,8

68 34 40

66,7 33,3 41,2

20 43 22

23,5 50,6 25,9

25 48 28

24,6 47,6 27,7

87 8 7

85,3 5,8 6,9

43 49 13 63 46 3 92 80 6 6 25

46,7 53,3 14,1 68,4 50 3,3 90,2 87 6,5 6,5 24,5

14

13,7

LNI : limite normale inférieure ; MSKCC : Memorial SloanKettering Cancer Center. a Albuminémie disponible pour 97 patients. b Score MSKCC disponible pour 85 patients. c Score de Heng disponible pour 101 patients. d Données anatomopathologiques issues des 92 patients ayant eu une néphrectomie.

Caractéristiques des patients et de leurs tumeurs Au total, 102 patients consécutifs ont été inclus. Le suivi médian était de 20 mois [1—149]. Les caractéristiques cliniques, biologiques et anatomopathologiques des patients sont résumées dans le Tableau 1. L’âge médian au début de la première ligne de traitement était de 62 ans [38—87]. Cinquante-deux patients (51 %) avaient une métastase syn-

chrone au diagnostic, alors que 50 patients sont devenus métastatiques avec un délai moyen de 40,2 (±53,8) mois après le diagnostic. Soixante-deux patients (60,8 %) avaient plus d’un site métastatique et 10 (9,8 %) avaient une métastase cérébrale. Sur le plan biologique, 40 patients (41,2 %) avaient une hypoalbuminémie. Selon les critères du score du MSKCC, 50,6 % des patients étaient de pronostic intermédi-

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

4

F.-X. Nouhaud et al. Tableau 2 Caractéristiques de la première ligne de thérapies ciblées (TC). Variables

Molécule de première ligne Sunitinib Sorafénib Everolimus Temsirolimus Survie globale médiane (mois) Survie sans progression médiane (mois) Toxicité induite par les TCa Grades 0, 1, 2 Grades 3, 4 Toxicité grade 3, 4 selon les molécules de TCa Sunitinib (n = 66) Sorafénib (n = 24) I mTor (n = 9) Principales toxicités induites (tous grades)a Cutanée/Muqueuse Digestive Hypertension artérielle Cause d’arrêt de la première ligneb Progression Toxicité Modification du traitement lié à la toxicitéc Seconde ligne de TC

Patients n

%

67 24 7 4 21

65,7 23,5 6,9 3,9

6

49 50

49,5 50,5

34 15 1

51,5 62,5 11,1

65 59 33

65,7 59,6 33,3

64 27 64

70,3 29,7 64,6

60

58,8

I mTor : inhibiteurs de mTor. a Données pour 99 patients. b Parmi les 91 patients ayant arrêté la première ligne. c Réduction de dose ou arrêt du traitement.

Figure 1.

Courbes de survie globale et de survie sans progression.

fréquemment retrouvées, tous grades confondus, étaient : la toxicité cutanée et muqueuse avec 65 patients (63,7 %) concernés, une toxicité digestive chez 59 patients (57,8 %) dominée par des épisodes de diarrhées, et une hypertension artérielle induite retrouvée dans 32,4 % des cas.

Survie globale et survie sans progression aire, contre respectivement 23,5 % et 25,9 % pour les groupes de bon et mauvais pronostics. La distribution de la population selon les critères du score de Heng était assez similaire (Tableau 1). Quatre-vingt-douze patients (90,2 %) ont été opérés de la tumeur primitive, dont 42 parmi les 52 patients (81 %) métastatiques au diagnostic. Vingt-cinq patients (24,5 %) avaient un antécédent de chirurgie d’exérèse d’une ou plusieurs métastases et 14 (13,7 %) avaient rec ¸u une immunothérapie antérieure à la première ligne de TC.

Toxicité liée aux thérapies ciblées Les molécules de TC utilisées en première ligne étaient majoritairement des inhibiteurs de tyrosine kinase (n = 91, soit 89,2 %). Le Tableau 2 résume les caractéristiques de la première ligne de thérapie ciblée. La survenue d’au moins un épisode de toxicité sévère (grade 3-4) induite par les TC était retrouvée chez 50,5 % des patients (tous types de toxicité confondus) et était responsable de près d’un tiers (29,7 %) des arrêts de la première ligne. Les toxicités les plus

Analyse univariée La médiane de survie était de 21 mois pour la SG et de 6 mois pour la SSP (Fig. 1). Les résultats de l’analyse univariée étudiant la SG et la SSP en fonction des caractéristiques clinico-biologiques des patients figurent dans le Tableau 3. Le score MSKCC ainsi que celui de Heng étaient significativement liés à la SG et la SSP (p < 0,0001). De plus, l’existence d’une toxicité induite sévère était significativement associée à une meilleure SG (médiane = 34 mois vs 10 mois en cas de toxicité faible ; p < 0,0001) et SSP (10 vs 4 mois ; p = 0,0003) (Fig. 2). Cette étude a également mis en évidence qu’une hypoalbuminémie était un facteur péjoratif pour la SG (p < 0,0001) et la SSP (p = 0,004) et que l’existence d’une métastase cérébrale constituait également un facteur de mauvais pronostic pour la SG (p = 0,003). Concernant les modalités thérapeutiques, un traitement antérieur par immunothérapie semblait être associé à une meilleure SG (p = 0,045) et SSP (p = 0,016), tout comme pour les patients ayant bénéficié d’une métastasectomie (SG : p = 0,027 ; SSP : p = 0,035). En revanche, le type de molécule utilisé en

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

Valeur pronostique de la toxicité des thérapies ciblées dans le cancer du rein

Figure 2.

5

Courbes de survie globale et de survie sans progression selon la toxicité induite par les thérapies ciblées.

première ligne de TC n’était pas dans notre population significativement lié à la SG (p = 0,19) ni à la SSP (p = 0,082).

Analyse multivariée Concernant la SG, la toxicité induite par les TC a été identifiée comme un facteur pronostique indépendant avec une diminution significative de la SG pour les patients ayant eu une toxicité faible par rapport à ceux ayant eu une toxicité sévère (p = 0,02 ; HR = 2,1 [1,1—4]) (Tableau 4). De même, l’existence d’une métastase cérébrale ainsi que l’absence de néphrectomie étaient également des facteurs pronostiques indépendants pour la survie (p = 0,005 ; HR = 0,2 [0,1—0,6] et p = 0,03 ; HR = 4,6 [1—8,8—18] respectivement). Concernant la SSP, la toxicité induite était également identifiée comme facteur indépendant de la survenue d’une progression (p = 0,01 ; HR = 1,9 [1,2,2,3]).

Discussion L’évolution naturelle du CRM est extrêmement péjorative avec une médiane de survie globale inférieure à 10 mois. De plus, ce pronostic a été peu amélioré par l’utilisation de l’immunothérapie en raison d’un taux de réponse faible (15—20 %) associé à une médiane de SG restant inférieure à 1 an et 5 à 10 % de survie à 5 ans [13]. En revanche depuis

2006 et l’émergence des thérapies cibles, le pronostic du CRM a été significativement amélioré, avec globalement un doublement de la SSP et une médiane de SG estimée à 24 mois [14]. Cependant, l’utilisation de ces molécules reste encore non optimale et nécessite de nouveaux facteurs pronostiques afin d’en améliorer l’efficacité [7]. Le résultat principal de notre étude monocentrique rétrospective était d’avoir mis en évidence l’impact pronostique significatif de la toxicité induite par les TC en première ligne de traitement du CRM. Par ailleurs, nos résultats ont également souligné la valeur pronostique de l’hypoalbuminémie et de l’existence d’une métastase cérébrale à l’initiation du traitement. À notre connaissance, ces trois paramètres ont été peu rapportés dans la littérature alors que, comme attendu, l’intérêt des principaux facteurs pronostiques déjà décrits a également été retrouvé dans notre travail, qu’il s’agisse du score pronostique du MSKCC ou plus récemment de Heng [6,12]. Dans notre étude, la moitié des patients traités ont eu une toxicité sévère grade 3-4 avec près d’un tiers des arrêts de traitement lié à cette toxicité. Cependant, nos résultats montraient l’impact pronostique significatif d’une toxicité sévère induite par les TC que cela soit sur la survie globale mais également sur la survie sans progression plus rarement étudiée [10,11]. Enfin, nos résultats ont identifié la toxicité comme facteur indépendant de SG et de SSP en

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

6

F.-X. Nouhaud et al. Tableau 3

Résultats de l’analyse univariée de la survie globale et la survie sans progression.

Variables

Survie sans progression

Survie globale

Médiane (mois)

p (Log-Rank)

Médiane (mois)

p (Log-Rank)

6 10

0,17

20 27

0,8

Néphrectomie Oui Non

8 2

0,13

26 2

< 0,0001

Métastase synchrone Oui Non

5 9

0,14

13 30

0,13

Nombre de sites métastatiques 1 >1

9 6

0,79

26 13

0,48

12 5

0,035

60 18

0,027

5 8

0,16

11 26

0,003

Score OMS 0 ≥1

10 3

0,007

30 8

0,0001

Immunothérapie antérieure Oui Non

12 6

0,016

31 19

0,045

Molécule de première ligne de TC Sunitinib Sorafénib I mTOR

10 5 3

0,082

21 26 5

0,19

Anémie Oui Non

5 10

0,002

9 31

< 0,0001

Sexe Masculin Féminin

Métastasectomie Oui Non Métastase cérébrale Oui Non

Thrombocytose Oui Non

2 9

< 0,0001

5 27

< 0,0001

Neutrophilie Oui Non

4 9

0,011

9 26

0,008

Hypoalbuminémie Oui Non

4 9

0,004

10 34

< 0,0001

Hypercalcémie Oui Non

2 8

0,052

2 26

0,006

LDH supérieur à la normale Oui Non

5 9

0,21

13 26

0,037

Type histologique CC claires Autre

8 4

0,36

20 24

0,74

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

Valeur pronostique de la toxicité des thérapies ciblées dans le cancer du rein

7

Tableau 3 (Suite ) Variables

Grade de Führman 1—2 3—4 Emboles vasculaires Oui Non

Survie sans progression

Survie globale

Médiane (mois)

p (Log-Rank)

Médiane (mois)

p (Log-Rank)

10 6

0,11

Non atteinte 19

0,009

9 6

0,95

19 27

0,32

Groupe pronostique du MSKCC 1 2 3

12 8 3

< 0,0001

35 26 8

< 0,0001

Groupe pronostique de Heng 1 2 3

12 10 2

< 0,0001

35 26 5

< 0,0001

Toxicité induite Grades 0—2 Grades 3—4

4 10

0,0003

10 34

< 0,0001

Délai entre diagnostic et TC > 1 an < 1 an

10 5

0,0055

35 13

0,0032

I mTor : inhibiteurs de mTor ; CC claires : carcinome à cellules claires ; MSKCC : Memorial Sloan-Kettering Cancer Center.

analyse multivariée. Par rapport aux études publiées, notre travail portait sur l’ensemble des toxicités induites, contrairement à l’étude rétrospective de Proprach et al. réalisée sur 705 patients traités par sunitinib et 365 par sorafénib qui n’évaluait que la toxicité cutanée [11]. Les résultats de ce travail retrouvait également un impact pronostique de la toxicité étudiée avec une médiane de SG à 43 mois en cas de toxicité cutanée vs 31 mois sans toxicité (p = 0,027). En revanche, en analyse multivariée, la toxicité cutanée a été identifiée comme facteur indépendant uniquement pour la SG dans le sous-groupe des patients traités par sunitib. Par ailleurs, l’étude de Bono et al. qui s’intéressait seulement à l’hypertension artérielle induite chez 64 patients retrouvait une médiane de SSP à 4,7 mois en l’absence d’hypertension contre une médiane non atteinte en cas d’hypertension (p = 0,0003) [10]. Ainsi, l’ensemble de ces résultats suggèrent que des études spécifiques sur la toxicité sont nécessaires afin d’étudier notamment leurs cinétiques

Tableau 4

respectives, l’intérêt de mesures préventives pour maintenir un traitement en cas de toxicité, leurs fréquences en fonction de certains sous-groupes, voire d’évaluer l’intérêt d’une escalade de dose chez les patients ne présentant pas de toxicité. Nos résultats ont également souligné l’effet délétère sur la survie (SG et SSP) d’un état nutritionnel précaire représenté par une hypoalbuminémie retrouvée chez 41,2 % des patients traités. Si ce paramètre nutritionnel est classiquement rapporté en cancérologie, son importance dans le cancer du rein métastatique traité par TC a été peu étudiée. Karakiewicz et al. ont rapporté la valeur pronostique de l’albuminémie avant traitement par bévacizumab plus interféron. Dans ce travail, un nomogramme de la SSP à 6, 12, 18 et 24 mois a été développé en intégrant plusieurs variables dont l’albuminémie initiale [15]. Le maintien d’un bon état nutritionnel ou une prise en charge nutritionnelle adap-

Résumé des résultats de l’analyse multivariée (seules les variables significatives ont été reportées).

Variables

Hazard ratio

IC 95 %

p

Survie globale Absence de néphrectomie Absence de métastase cérébrale Absence de toxicité sévère

4,6 0,2 2,1

1,2—18,8 0,1—0,6 1,2—4,1

0,03 0,005 0,02

Survie sans progression Absence de toxicité sévère

1,9

1,2—3,2

0,01

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

8

F.-X. Nouhaud et al.

tée des patients dénutris apparaissent donc nécessaires pour optimiser l’efficacité du traitement par TC. Concernant la valeur pronostique des caractéristiques des métastases, dans les études de Motzer et al. [16,17] le nombre de métastases d’une part et leur localisation (pulmonaires, hépatiques ou osseuses) d’autre part avaient un impact pronostique sur la SG, ce que nous n’avons pas mis en évidence dans notre population. En revanche, nous avons observé que l’existence d’une métastase cérébrale, retrouvée chez 9,8 % des patients à l’initiation du traitement, était un facteur indépendant de mauvais pronostic pour la SG. La fréquence observée dans notre étude était concordante aux données publiées qui rapportent un taux de 8 à 15 % [12,18]. Il est à noter que ce facteur n’a pas été retrouvé de fac ¸on significative dans l’analyse pronostique de Heng, mais qu’il existait une forte tendance avec des médianes de SG proches de nos résultats (22,7 mois sans métastase cérébrale vs 14 mois, p = 0,07) [12]. Par ailleurs, dans la plupart des essais cliniques, l’existence d’une métastase cérébrale constituait un critère d’exclusion excluant ainsi une part des patients de mauvais pronostic. Cela explique également que les études traitant des métastases cérébrales dans le cancer du rein métastatique soient rares [18]. Dans nos résultats, la notion d’une chirurgie de la tumeur primitive avant le traitement par TC a été identifiée comme facteur indépendant de survie globale, cette notion ayant déjà été rapportée par Motzer et al. [16]. Cependant, ce facteur est d’interprétation difficile dans la mesure où les modalités de prise en charge chirurgicale varient en fonction de l’état général du patient. Cette question est d’actualité et une étude prospective randomisée est actuellement en cours (Essai CARMENA) pour évaluer la place de la chirurgie de la tumeur primitive chez les patients traités par TC pour un CRM [4]. De plus, nos résultats suggéraient l’impact pronostique sur la SG et la SSP d’une métastasectomie ainsi que d’une immunothérapie antérieure à la TC, ces deux facteurs reflétant probablement une population a priori d’emblée de meilleur pronostic. L’originalité de notre travail rétrospectif était d’avoir pris en compte l’ensemble des patients traités consécutivement dans notre centre par TC pour un CRM sans critère de sélection. Cependant, les caractéristiques de notre population demeuraient comparables à celles décrites dans la littérature avec un âge médian de 62 ans, un sex-ratio d’environ 2 hommes pour une femme, près de 50 % de patients métastatiques synchrones et 85 % carcinome rénal à cellules claires [19]. La médiane de SG (21 mois) était semblable aux valeurs retrouvées dans les autres études, notamment celle de Heng et al. qui retrouvait une SG à 22 mois [12]. À l’inverse, la médiane de SSP en première ligne de TC dans notre étude (6 mois) était légèrement inférieure aux valeurs habituellement retrouvées dans la littérature (8—12 mois) [14,20]. Cette différence peut probablement s’expliquer par le caractère non sélectionné de notre population comme décrit précédemment.

Conclusion Notre étude suggérait qu’une toxicité sévère induite par les thérapies ciblées constituait un facteur pronostique indépendant sur la survie globale et sans progression des

patients traités par TC pour un cancer du rein métastatique. Des études prospectives ultérieures sont nécessaires pour évaluer le véritable intérêt en pratique clinique de ce facteur dans la stratégie d’utilisation des TC (séquence thérapeutique, diminution des doses).

Déclaration d’intérêts F.X.N. Travail réalisé grâce au soutient financier d’une bourse de recherche de l’Association franc ¸aise d’urologie.

Références [1] Gupta K, Miller JD, Li JZ, Russell MW, Charbonneau C. Epidemiologic and socioeconomic burden of metastatic renal cell carcinoma (mRCC): a literature review. Cancer Treat Rev 2008;34:193—205. [2] Méjean A, Lebret T. Prise en charge du cancer rénal métastatique. Prog Urol 2008;18:S298—308. [3] Sun M, Shariat SF, Cheng C, Ficarra V, Murai M, Oudard S, et al. Prognostic factors and predictive models in renal cell carcinoma: a contemporary review. Eur Urol 2011;60:644—61. [4] Patard J-J, Baumert H, Corréas J-M, Escudier B, Lang H, Long J-A, et al. Recommandations en onco-urologie 2010 : cancer du rein. Prog Urol 2010;20:S319—39. [5] Ljungberg B, Cowan NC, Hanbury DC, Hora M, Kuczyk MA, Merseburger AS, et al. EAU guidelines on renal cell carcinoma: the 2010 update. Eur Urol 2010;58:398—406. [6] Motzer RJ, Bacik J, Murphy BA, Russo P, Mazumdar M. Interferon-alfa as a comparative treatment for clinical trials of new therapies against advanced renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2002;20:289—96. [7] Escudier B, Albiges L, Blesius A, Loriot Y, Massard C, Fizazi K. How to select targeted therapy in renal cell cancer. Ann Oncol 2010;21:vii59—62. [8] Junker K, Ficarra V, Kwon ED, Leibovich BC, Thompson RH, Oosterwijk E. Potential role of genetic markers in the management of kidney cancer. Eur Urol 2013;63:333—40. [9] Di Fiore F, Rigal O, Ménager C, Michel P, Pfister C. Severe clinical toxicities are correlated with survival in patients with advanced renal cell carcinoma treated with sunitinib and sorafenib. Br J Cancer 2011;105:1811—3. [10] Bono P, Rautiola J, Utriainen T, Joensuu H. Hypertension as predictor of sunitinib treatment outcome in metastatic renal cell carcinoma. Acta Oncol 2011;50:569—73. [11] Poprach A, Pavlik T, Melichar B, Puzanov I, Dusek L, Bortlicek Z, et al. Skin toxicity and efficacy of sunitinib and sorafenib in metastatic renal cell carcinoma: a national registry-based study. Ann Oncol 2012;23:3137—43. [12] Heng DYC, Xie W, Regan MM, Warren MA, Golshayan AR, Sahi C, et al. Prognostic factors for overall survival in patients with metastatic renal cell carcinoma treated with vascular endothelial growth factor-targeted agents: results from a large, multicenter study. J Clin Oncol 2009;27:5794—9. [13] Tourani J-M, Pfister C, Tubiana N, Ouldkaci M, Prevot G, Lucas V, et al. Subcutaneous interleukin-2 and interferon alfa administration in patients with metastatic renal cell carcinoma: final results of SCAPP III, a large, multicenter, phase II, nonrandomized study with sequential analysis design–the Subcutaneous Administration Propeukin Program Cooperative Group. J Clin Oncol 2003;21:3987—94. [14] Motzer RJ, Hutson TE, Tomczak P, Michaelson MD, Bukowski RM, Rixe O, et al. Sunitinib versus interferon alfa in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007;356:115—24.

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

Modele + PUROL-1260; No. of Pages 9

ARTICLE IN PRESS

Valeur pronostique de la toxicité des thérapies ciblées dans le cancer du rein [15] Karakiewicz PI, Sun M, Bellmunt J, Sneller V, Escudier B. Prediction of progression-free survival rates after bevacizumab plus interferon versus interferon alone in patients with metastatic renal cell carcinoma: comparison of a nomogram to the Motzer criteria. Eur Urol 2011;60: 48—56. [16] Motzer RJ, Bukowski RM, Figlin RA, Hutson TE, Michaelson MD, Kim ST, et al. Prognostic nomogram for sunitinib in patients with metastatic renal cell carcinoma. Cancer 2008;113:1552—8. [17] Motzer RJ, Escudier B, Bukowski R, Rini BI, Hutson TE, Barrios CH, et al. Prognostic factors for survival in 1059 patients treated with sunitinib for metastatic renal cell carcinoma. Br J Cancer 2013;108:2470—7.

9

[18] Vickers MM, Al-Harbi H, Choueiri TK, Kollmannsberger C, North S, Mackenzie M, et al. Prognostic factors of survival for patients with metastatic renal cell carcinoma with brain metastases treated with targeted therapy: results from the International Metastatic Renal Cell Carcinoma Database Consortium. Clin Genitourin Cancer 2013, http://dx.doi.org/10.1016/j.clgc.2013.04.012 (article sous presse, publié en ligne). [19] Ljungberg B, Campbell SC, Choi HY, Cho HY, Jacqmin D, Lee JE, et al. The epidemiology of renal cell carcinoma. Eur Urol 2011;60:615—21. [20] Hudes G, Carducci M, Tomczak P, Dutcher J, Figlin R, Kapoor A, et al. Temsirolimus, interferon alfa, or both for advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007;356:2271—81.

Pour citer cet article : Nouhaud F-X, et al. Valeur pronostique de la toxicité induite par les thérapies ciblées dans le carcinome rénal métastatique. Prog Urol (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.12.001

[Prognostic value of toxicities induced by targeted therapies in patients treated for a metastatic renal cell carcinoma].

To assess the prognostic value of clinical and biological variables in the era of targeted therapies, especially induced toxicity in patients treated ...
830KB Sizes 0 Downloads 4 Views