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Article de recherche

Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité Problematic Internet use, time spent online and personality traits S. Laconi a,∗ , A. Andréoletti a , E. Chauchard b , R.F. Rodgers c,d , H. Chabrol a a Octogone, Centre d’études et de recherches en psychopathologie, université de Toulouse II-Le Mirail, pavillon de la recherche, bureau R31, 5, allées Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex, France b Laboratoire de psychologie des Pays-de-la-Loire, université de Nantes, 44300 Nantes, France c Department of Counseling and Applied Educational Psychology, Northeastern University, MA 02115, Boston, États-Unis d Laboratoire stress traumatique (EA 4560), université de Toulouse-Paul Sabatier, 31062 Toulouse, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ´ 2014 Rec¸u le 6 fevrier Accepté le 3 novembre 2014 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Utilisation problématique d’Internet Temps passé en ligne Traits de personnalité

r é s u m é L’addiction à Internet ou l’utilisation problématique d’Internet a été régulièrement associée à de nombreux troubles psychiatriques. Cependant, peu d’études se sont intéressées à la relation entre l’utilisation d’Internet et les traits de personnalité. Notre objectif principal était donc d’explorer la relation entre l’utilisation problématique d’Internet, le temps passé en ligne et les traits de personnalité en prenant en considération la présence de symptômes dépressifs et en distinguant les hommes des femmes. Un échantillon de 276 participants âgés de 18 à 50 ans (M = 28 ; ÉT = 8,9) a été interrogé sur l’utilisation d’Internet, la présence de traits de personnalité et de symptômes dépressifs. Nos résultats ont mis en avant des différences significatives en fonction du genre. Chez les hommes, l’utilisation problématique d’Internet était associée à l’ensemble des traits de personnalité regroupés dans les clusters A (schizoïde et schizotypique) et B (limite et antisociale), alors que chez les femmes aucun trait de personnalité n’était associé à l’utilisation problématique d’Internet. Le temps passé en ligne était notamment prédit par les traits de personnalité schizoïdes chez les hommes et par les traits évitants chez les femmes. Ces résultats suggèrent l’importance d’évaluer l’impact des traits de personnalité sur l’utilisation d’Internet, notamment sur le temps passé en ligne, en distinguant les résultats en fonction du genre et des activités réalisées en ligne. © L’Encéphale, Paris, 2015.

a b s t r a c t Keywords: Problematic Internet use Time spent online Personality traits

Background. – Internet addiction or problematic Internet use is a recent and increasingly recognized disorder which has been consistently associated with many psychiatric disorders, adding to the documented negative consequences of problematic Internet use. However, very few studies have examined the relationship between problematic Internet use and personality traits and none in a French sample. Moreover, those which have evaluated this relationship have mainly been conducted on small samples. Objective. – The main goal of our study was to explore the relationship between problematic Internet use, time spent online and personality traits in a French sample, taking into account the presence of depressive symptoms, and gender. Methods. – A sample of 276 participants aged from 18 to 50 (M = 28; SD = 8.9) completed a questionnaire assessing problematic Internet use, time spent online, the presence of ten personality traits and depressive symptoms.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Laconi). http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017 0013-7006/© L’Encéphale, Paris, 2015.

Pour citer cet article : Laconi S, et al. Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017

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Results. – Our results revealed significant differences between genders. Among men, problematic Internet use was associated with personality clusters A and B while in women no cluster or personality traits were associated. Time spent online was predicted by schizoid personality traits among men and avoidant personality traits among women. Discussion. – Our results indicate that cluster A (schizoid and schizotypal) and cluster B traits (borderline and antisocial) play a more important role in problematic Internet use than cluster C traits among men. Differences between men and women regarding the relationships between personality traits, time online and problematic Internet use may be related to differences in the activities engaged in by men and women online. We observed that communication websites use was more prevalent among women while erotic, gambling and shopping websites use was more prevalent among men suggesting that the characteristics of problematic Internet use may vary according to gender. Conclusion. – Few studies have examined the relationship between problematic Internet use, time spent online and personality traits, and none among a French sample. These results suggest the importance of assessing the impact of personality traits on Internet use, particularly on time spent online, by differentiating results in terms of gender and online activities. © L’Encéphale, Paris, 2015.

1. Introduction À l’heure actuelle, le nombre d’utilisateurs d’Internet est de 52 millions soit environ 80 % de la population franc¸aise. Ainsi, la France est la 4e nation européenne la plus utilisatrice après l’Allemagne, la Russie et la Grande-Bretagne [1]. Face à ce succès, de nombreuses personnes semblent avoir développé un trouble lié à l’utilisation d’Internet, régulièrement appelé addiction à Internet [2] ou utilisation problématique d’Internet [3]. De nombreuses études ont permis de mettre en avant les conséquences néfastes que pouvait avoir une utilisation d’Internet excessive ou inadaptée [4,5] et ont ainsi relevé la présence de comorbidité entre l’utilisation problématique d’Internet et certains troubles reconnus par les classifications internationales, comme le DSM-IV [6]. Ainsi, parmi les troubles de l’axe I, certains troubles de l’humeur [7,8], anxieux [4,8], du comportement alimentaire [9,10] et liés à la consommation de substances [4,9,11] ont notamment été associés avec l’utilisation problématique d’Internet. Quelques études ont évalué les relations entre les comportements addictifs et certaines dimensions de la personnalité comme l’ouverture, l’impulsivité ou la recherche de sensation [12–14] mais peu ont évalué les traits de personnalité, tels que présentés dans l’axe II du DSM-IV [6]. Au nombre de dix dans le DSM-IV, les troubles de la personnalité ont été classés en trois groupes regroupant des personnalités « bizarres, excentriques » (A), « dramatiques, émotives » (B) et « anxieuses, craintives » (C). Le cluster A comprend les traits des personnalités paranoïdes, schizoïdes et schizotypiques, le cluster B les traits des personnalités limites, antisociales, histrioniques et narcissiques, et le cluster C les traits des personnalités obsessionnelles-compulsives, dépendantes et évitantes. Les traits de personnalité peuvent être considérés, lorsqu’ils sont trop rigides, comme des critères permettant de diagnostiquer un trouble. Il est essentiel de prendre en considération la présence d’un trouble de la personnalité car il peut influer le développement et l’expression d’autres troubles [15] et la mise en place d’une prise en charge [16,17]. Ainsi, trois études ont évalué le lien entre l’utilisation d’Internet et ces traits de personnalité [18–20]. L’utilisation problématique d’Internet était associée à différents traits du cluster B avec les personnalités limite [18,19], narcissique et antisociale [19], et du cluster C avec les personnalités obsessionnelle-compulsive et évitante [18]. Cependant, compte tenu du faible nombre de participants : 15 participants pour l’étude de Bernardi et Pallanti (2009) et 21 pour celle de Black et al. (1999), la prudence s’impose quant à la généralisation de ces résultats. Une étude plus récente, sur un échantillon plus important (n = 330) a montré que les traits de personnalité du cluster A étaient significativement plus associés à une utilisation problématique d’Internet que les traits du cluster B, remettant en cause les résultats précédents [20].

À ce jour, aucune étude n’a mis en avant la relation entre l’utilisation problématique d’Internet et ces traits de personnalité dans une population adulte franc¸aise. L’objectif principal de cette étude était : • d’observer si certains traits de personnalité étaient associés à l’utilisation problématique d’Internet, en prenant en considération la présence de symptômes dépressifs et le genre ; • d’examiner les liens entre les traits de personnalité et le temps passé en ligne, prédicteur d’une utilisation problématique d’Internet [21].

2. Méthode 2.1. Participants Notre échantillon était composé de 276 sujets volontaires âgés de 18 à 50 ans (M = 28 ; ET = 8,9) dont 41 % (n = 112) étaient des hommes. Il comprenait 56 % de personnes vivant en couple (n = 154), et 57 % (n = 158) d’inactifs. 2.2. Procédure Nous avons créé un formulaire en ligne regroupant les différents questionnaires. Un lien permettant d’accéder à ce formulaire a été diffusé sur Internet par l’intermédiaire de mails, de réseaux sociaux et de forums. Une phrase d’accroche permettait de présenter brièvement l’étude et ses objectifs principaux (questions liées à l’utilisation d’Internet chez les internautes franc¸ais), le temps de passation approximatif (20 minutes) ainsi que le lien menant aux questionnaires. Les participants ont été informés de l’anonymat et de la confidentialité de leurs réponses et ont donné leur consentement libre et éclairé en cochant la case appropriée. Cinq cent soixante-quatre participants ont commencé à remplir l’étude. Seuls les participants majeurs, ayant coché cette case et ayant complété l’ensemble des questionnaires ont été inclus. Le recrutement a eu lieu de février à mars 2012. 2.3. Instruments de mesure Les participants ont répondu à un questionnaire comprenant différentes échelles. La première partie renseignait les données démographiques des participants (sexe, âge, situation conjugale et situation professionnelle) ainsi que le temps moyen passé par jour sur Internet en semaine et le week-end (réponses allant de 0 « moins d’une heure » à 5 « plus de 8 heures ») pour des activités de

Pour citer cet article : Laconi S, et al. Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017

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loisirs. Nous avons ensuite demandé quelle était l’activité principale réalisée sur Internet le week-end et la semaine (achats, communication, contenu érotique, jeux d’argent, jeux vidéo, recherche d’informations ou « autre »). La seconde partie regroupait les questionnaires suivants. L’Online Cognition Scale (OCS) [22] est une mesure multidimensionnelle de l’utilisation problématique d’Internet, conceptualisée par quatre sous-dimensions décrivant un schéma potentiellement pathologique (confort social, solitude/dépression, impulsivité et distraction). L’OCS est composé de 36 items cotés à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 « fortement en désaccord » à 7 « fortement en accord » avec par exemple l’item 10 : « J’utilise davantage Internet que je ne le devrais ». Plus le score est élevé, plus le participant présente des risques d’utilisation problématique d’Internet. La version originale de l’OCS a obtenu un alpha de Cronbach de ˛ = 0,94, identique à celui de notre étude. Le Personality Diagnostic Questionnaire-4 (PDQ-4) [23,24] est composé de 99 items évaluant les dix troubles de la personnalité du DSM-IV. Dans sa version originale, les items sont présentés de manière dichotomique (vrai/faux), nous avons décidé d’utiliser une échelle de Likert allant de 1 « pas du tout typique de moi » à 5 « très typique de moi » [25]. Pour chaque trouble de la personnalité, plus le score est élevé et plus le participant présente de traits. Aucun score seuil ne peut être utilisé pour cette version. La version originale de ce questionnaire possède de bonnes propriétés psychométriques, tout comme la version franc¸aise [26]. Les coefficients de Cronbach que nous avons retrouvés dans notre étude étaient de ˛ = 0,95 pour l’échelle globale, ˛ = 0,85 pour le cluster A et ˛ = 0, 87 pour les clusters B et C. L’échelle des traits de personnalité évitants présentait une bonne consistance interne (0,83), celles des traits schizotypiques, narcissiques, histrioniques et dépendants une consistance acceptable (compris entre 0,70 et 0,78). Les coefficients des autres échelles se situaient entre ˛ = 0,50 et ˛ = 0,67. Le Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale (CES-D) [27,28] permet d’évaluer les symptômes dépressifs et comprend 20 items. Le participant devait indiquer la fréquence à laquelle il a éprouvé les impressions décrites, durant la semaine écoulée, sur une échelle en 4 points allant de 0 « rarement ou jamais » à 3 « la plupart du temps ou tout le temps (5 à 7 jours) » comme par exemple l’item 18 : « Je me sentais triste ». Le score varie de 0 à 60 ; plus le score est élevé, plus il indique une symptomatologie dépressive importante. La version originale du CES-D-20 a présenté un coefficient de Cronbach de ˛ = 0,85 en population générale ; celui de la version franc¸aise était de ˛ = 0,76. Dans notre étude, il était de ˛ = 0,93. 2.4. Analyses statistiques Les analyses descriptives ont été réalisées en distinguant les hommes et les femmes. Des analyses de corrélations (coefficients de Pearson) ont été effectuées afin d’établir les liens entre les traits de personnalité et l’utilisation problématique d’Internet, le temps passé en ligne et les symptômes dépressifs. Même les variables n’étant pas significatives au cours de ces analyses ont été entrées dans les analyses de régressions multiples. Par ailleurs, les analyses ont été réalisées séparément pour les clusters et les traits de personnalité. Ces analyses de régression ont été réalisées indépendamment pour les hommes et les femmes afin d’évaluer la contribution de nos variables (traits de personnalité et symptômes dépressifs) au score de l’OCS et du temps passé en ligne. Étant donné le nombre élevé de comparaisons réalisées dans les analyses de corrélation et de régression, le seuil de significativité p < 0,01 a été utilisé, minimisant ainsi les chances d’obtenir des erreurs de type I [29]. Le coefficient alpha de Cronbach a été utilisé afin d’évaluer la consistance interne des échelles ; il est considéré comme acceptable entre 0,70 et 0,79, bon entre 0,80 et 0,89 et excellent au-dessus

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Tableau 1 Analyses descriptives du temps passé en ligne et des sites fréquentés en fonction du genre.

Temps passé en ligne la semaine Moins d’une heure 1 à 2 heures 3 à 4 heures 5 à 6 heures 7 à 8 heures Plus de 8 heures Temps passé en ligne le week-end Moins d’une heure 1 à 2 heures 3 à 4 heures 5 à 6 heures 7 à 8 heures Plus de 8 heures Sites fréquentés la semaine Achats Communication Contenu érotique Jeux d’argent Jeux vidéo Informations Autres Sites fréquentés le week-end Achats Communication Contenu érotique Jeux d’argent Jeux vidéo Informations Autres

Hommes (n = 112)

Femmes (n = 164)

n (%)

n (%)

9 (8) 39 (35) 21 (19) 17 (15) 4 (4) 22 (20)

24 (15) 48 (29) 55 (33) 20 (12) 8 (5) 9 (5)

9 (8) 21 (19) 27 (24) 25 (22) 9 (8) 21 (19)

36 (22) 46 (28) 45 (27) 22 (13) 6 (4) 9 (5)

4 (4) 54 (48) 1 (1) 1 (1) 19 (17) 26 (23) 7 (6)

8 (5) 108 (66) 0 0 4 (2) 38 (23) 6 (4)

6 (5) 49 (44) 1 (1) 1 (1) 28 (25) 21 (19) 6 (5)

11 (7) 111 (68) 0 0 8 (5) 25 (15) 9 (5)

de 0,90 [30]. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SPSS 20. 3. Résultats 3.1. Résultats descriptifs Le score moyen obtenu à l’OCS était de 107 (ET = 38) pour les hommes et de 104 (ET = 39) pour les femmes. Aucune différence significative n’a été observée en fonction du genre. Les analyses descriptives du temps passé en ligne et des sites fréquentés sont présentées dans le Tableau 1. 3.2. Corrélations entre l’OCS, les traits de personnalité et les symptômes dépressifs Chez les hommes, les scores à l’OCS étaient corrélés aux scores des clusters A (0,28) et B (0,29), et aux scores des traits de personnalité limites (0,28), schizotypiques (0,27), antisociaux (0,26) et schizoïdes (0,25) à p < 0,01. Les scores aux symptômes dépressifs étaient également corrélés à ceux de l’OCS (0,26) à p < 0,01. Chez les femmes, aucune variable n’était significative (de r = –0,00 à r = 0,10). 3.3. Régressions prédisant les scores à l’OCS Chez les femmes comme chez les hommes, aucune variable (traits de personnalité et symptômes dépressifs) n’expliquait significativement (p < 0,01) les scores globaux à l’OCS. 3.4. Corrélations entre le temps passé en ligne et les autres variables Les clusters A (r = 0,41) et C (r = 0,43) étaient significativement associés au temps passé en ligne chez les hommes le week-end, et la semaine : A et C (r = 0,28). La semaine, les traits de

Pour citer cet article : Laconi S, et al. Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017

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personnalité schizoïdes (0,33), dépendants (0,31), schizotypiques (0,27) et évitants (0,27) étaient significatifs tandis que le weekend, les traits évitants (0,47), dépendants (0,43), schizoïdes (0,42), schizotypiques (0,40) et limites (0,26) l’étaient. Les symptômes dépressifs étaient également corrélés au temps passé sur Internet la semaine (0,39) et le week-end (0,50) dans cet échantillon. Chez les femmes, les clusters A (r = 0,27) et B (r = 0,24) étaient associés au temps passé en ligne la semaine. Le week-end, les trois clusters étaient significatifs : A (r = 0,21), B (r = 0,28) et C (r = 0,24). Les traits schizoïdes (0,29), limites (0,26), schizotypiques (0,21) et histrioniques (0,20) corrélaient avec le temps sur Internet la semaine tandis que le week-end, les traits limites (0,28), évitants (0,28), antisociaux (0,23), histrioniques (0,23) et schizotypiques (0,22) étaient significatifs. Dans nos deux échantillons, les scores à l’OCS n’étaient pas significativement associés au temps passé en ligne, le week-end comme la semaine. 3.5. Régressions prédisant le temps passé en ligne Chez les hommes, le temps passé en ligne le week-end et la semaine étaient significativement prédits par les symptômes dépressifs : (ˇ = 0,36 ; t = 3,00 ; p = 0,003) et (ˇ = 0,39 ; t = 3,57 ; p = 0,001) mais par aucun cluster. Les analyses de régression réalisées avec les traits de la personnalité montraient un lien unique et indépendant entre le temps passé en ligne le week-end et les traits évitants (ˇ = 0,40 ; t = 2,80 ; p = 0,006), et les symptômes dépressifs (ˇ = 0,38 ; t = 3,14 ; p = 0,002). Dans l’échantillon de femmes, le temps passé sur Internet la semaine était uniquement prédit par les traits de personnalité schizoïdes (ˇ = 0,28 ; t = 2,76 ; p = 0,006) tandis que le week-end, aucune variable n’était significative. 4. Discussion L’objectif de cette étude était d’évaluer l’existence d’un lien entre l’utilisation problématique d’Internet, le temps passé en ligne et les traits de personnalité. Nos résultats mettent en avant des différences significatives entre les hommes et les femmes. Alors que chez les femmes, aucune variable n’était significative, chez les hommes, les traits de personnalité (schizotypique, schizoïde, antisociale et limite) étaient corrélés avec l’OCS. Ces résultats confirment la place plus importante des traits des clusters A et B dans l’utilisation problématique d’Internet comparée aux traits du cluster C [19,20] notamment chez les hommes. Comme dans d’autres études [18,19], les traits limites et antisociaux du cluster B étaient significativement associés à l’utilisation problématique d’Internet, chez les hommes dans notre échantillon. Les données retrouvées dans la littérature indiquent que ces traits sont souvent liés à un risque élevé de conduites addictives [31]. Ainsi, le comportement impulsif des personnalités limites et antisociales peut notamment être mis en lien avec l’impulsivité associée aux comportements addictifs [32] dont l’utilisation problématique d’Internet. Les traits de personnalité schizoïde et schizotypique (cluster A) étaient également associés à l’utilisation problématique d’Internet dans notre échantillon d’hommes. Plus particulièrement, les traits schizoïdes présentaient également un lien unique et indépendant avec le temps passé en ligne la semaine chez les femmes. Ces traits sont marqués par un détachement vis-àvis des relations sociales et leur association avec le temps passé en ligne semble contradictoire avec d’autres résultats (le temps passé en ligne était majoritairement destiné aux activités de communication). Il est possible que les interactions sociales sur Internet soient préférées par les individus présentant des traits schizoïdes parce qu’elles impliquent un plus faible niveau d’engagement ou permettent de compenser le manque de « relations positives » qu’ils

possèdent dans la vie réelle [33]. Cependant, le fait de fréquenter des sites de communication n’implique pas automatiquement une participation active ; des recherches plus approfondies devraient être conduites. De plus, un engagement dans des activités plus solitaires (jeux d’argent, achats, consommation de contenu érotique) pourrait expliquer une part de la relation entre l’utilisation problématique d’Internet, le temps passé en ligne et les traits schizoïdes. Les différences observées la semaine et le week-end suggèrent de réaliser des études complémentaires révélant notamment l’impact des traits de personnalité sur l’utilisation d’Internet, particulièrement le week-end étant une période plus utilisée pour des activités de loisirs. De plus, ces résultats mettent en avant la présence de relations différentes entre le temps passé en ligne et l’utilisation problématique d’Internet. Alors que le temps passé en ligne était régulièrement considéré comme un facteur prédictif de l’addiction à Internet [21], il semblerait que ces deux variables présentent des caractéristiques différentes [34,35], notamment en fonction du genre. De la même manière, alors que les symptômes dépressifs ont régulièrement été associés à l’utilisation problématique d’Internet [4], dans notre échantillon ils ne prédisaient que le temps passé en ligne chez les hommes. L’utilisation de cette variable comme prédicteur de la validité discriminante dans de nombreuses études de validation [36] devrait être remise en question. Alors que chez les hommes l’utilisation problématique d’Internet était corrélée avec les traits de personnalité des clusters A et B, le temps passé en ligne est lui, plus fortement associé aux traits des clusters A et C. Ces résultats suggèrent une association particulière entre les personnalités « anxieuses » du cluster C et le temps passé en ligne, et se rapprochent d’études ayant observé une relation significative entre symptômes anxieux et utilisation problématique d’Internet [4]. De plus, les traits évitants étaient associés au temps passé en ligne le week-end chez les hommes comme chez les femmes (contrairement à l’utilisation problématique d’Internet) suggérant l’attrait des activités et des échanges en ligne chez les individus ayant des tendances évitantes. Particulièrement chez les hommes, les traits évitants et leur relation avec le temps passé en ligne semblent propices au développement d’une utilisation problématique d’Internet si l’on considère la valeur prédictive du temps passé en ligne sur l’utilisation problématique d’Internet. Néanmoins, même si ces traits étaient prédicteurs du temps passé en ligne le week-end chez les hommes, ils ne présentaient aucune relation significative avec l’utilisation problématique d’Internet. Certaines différences ont pu être observées en ce qui concerne les traits de personnalité associés au temps passé en ligne, en fonction du genre. Chez les femmes, les traits histrioniques correspondent à un mode général de réponses émotionnelles excessives et de quête d’attention [6] et se démarquaient particulièrement la semaine et le week-end, tout comme les traits schizoïdes qui présentaient un lien unique et indépendant avec le temps passé en ligne la semaine. L’ensemble de ces résultats nous amène à nous interroger sur les raisons des différences retrouvées entre hommes et femmes en termes de corrélats de l’utilisation et l’utilisation problématique d’Internet. Les variables étudiées seraient davantage des facteurs de risque impliqués dans le développement d’une utilisation problématique chez les hommes que chez les femmes. Il existerait donc d’autres dimensions en jeu chez les femmes. Nous avons observé que les sites de communication (courriel, réseaux sociaux. . .) étaient davantage fréquentés par les femmes. L’opportunité qu’offre la plupart de ces sites de se mettre en avant (photos, vidéos, statuts, messages ou commentaires) pourrait notamment expliquer la relation entre le temps passé en ligne et les traits histrioniques chez les femmes. Il serait donc judicieux de se poser la question du rôle des dimensions sociales (recherche de soutien social et sentiment de solitude) et des dimensions

Pour citer cet article : Laconi S, et al. Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017

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intrapersonnelles (affirmation et estime de soi) dans le développement d’une utilisation problématique d’Internet. D’autre part, nous avons relevé une fréquentation majoritairement masculine des sites à caractère érotique, d’achats et de jeux d’argent. Or, les données de la littérature nous indiquent que certains usages semblent être plus à même de générer une utilisation problématique, comme les jeux vidéo, les jeux d’argent ou le cybersexe [37]. Ceci pourrait expliquer les différences observées entre les hommes et les femmes. La présente étude nous semble pertinente du fait de son caractère novateur mais comporte cependant certaines limites. En effet, certains biais peuvent avoir influencé les résultats obtenus, notamment ceux liés au recrutement réalisé sur Internet. Lorsque l’étude vise des internautes, cette méthode est justifiée [38]. Par ailleurs, il semble que l’utilisation d’Internet, comparée à celle de la méthode « papier-crayon » n’influence que très légèrement la consistance des résultats [39]. En revanche, notre échantillon, hétérogène (de 18 à 50 ans, catégories socioprofessionnelles non détaillées), n’est pas suffisamment représentatif de la population générale et ne concerne que des internautes. Par ailleurs, cette recherche ne nous a pas permis d’étudier la relation causale entre nos différentes variables, et cela semble primordial pour de prochaines études. D’autre part, le choix de nos questionnaires s’est avéré être une limite pour l’interprétation de nos résultats. En effet, l’OCS qui permet d’évaluer l’utilisation problématique d’Internet n’a pas de score seuil, nous n’avons donc pas pu différencier de groupes cyberdépendants/non cyberdépendants dans l’analyse de nos résultats. Nous aurions pu explorer une prévalence plus importante de la cyberdépendance chez les hommes comparés aux femmes [20,34], expliquant ainsi certains résultats. Le manque de résultats significatifs dans les analyses de régression des scores à l’OCS aurait pu s’expliquer par un faible taux de cyberdépendants dans notre échantillon. Les études portant sur l’utilisation problématique d’Internet sont nombreuses mais peu se sont penchées sur le lien entre ce trouble et les traits de personnalité, en particulier chez les adultes franc¸ais. Il apparaît nécessaire de réaliser plus d’études sur le sujet afin de confirmer la place des différents troubles et cluster de la personnalité, en prenant en considération le genre au vu des différences retrouvées. De plus, les recherches sur Internet différencient rarement les dimensions psychopathologiques mises en jeu en fonction du genre des participants alors qu’il semble important de les distinguer au vu des nombreuses différences déjà observées [40]. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Internet World Stats. Internet usage and world population statistics; 2012 [Retrouvé sur http://www.internetworldstats.com/stats9.htm]. [2] Lai CM, Mak KK, Watanabe H, et al. Psychometric properties of the Internet Addiction Test in Chinese adolescents. J Pediatric Psychol 2013;38(7):794–807. [3] Hsu SL, Shih HJ. Is Internet addiction a mental disorder? A review of empirical and conceptual studies. Bull Educ Psychol 2013;44(4):773–92. [4] Ko CH, Yen JY, Yen CF, et al. The association between Internet addiction and psychiatric disorder: a review of the literature. Eur Psychiatry 2012;27:1–8. [5] Wallace BE, Masiak J. A review of Internet addiction with regards to assessment method design and the limited parameters examined. Curr Probl Psychiatry 2011;12(4):558–61. [6] American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 4th ed. Washington DC, USA: American Psychiatric Association; 1994. [7] Alavi SS, Jannatifard F, Eslami M, et al. Validity, reliability and factor analysis of Compulsive Internet Use Scale in students of Isfahan universities. Health Inf Manag 2011;7:713–24. [8] Ko CH, Yen JY, Chen CS, et al. Psychiatric comorbidity of Internet addiction in college students: an interview study. CNS Spectr 2008;13(2):147–53. [9] Laconi S, Chauchard E, Girard M, et al. Utilisation problématique d’Internet au sein d’un échantillon de femmes : étude du lien avec les troubles du

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Pour citer cet article : Laconi S, et al. Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2015.12.017

[Problematic Internet use, time spent online and personality traits].

Internet addiction or problematic Internet use is a recent and increasingly recognized disorder which has been consistently associated with many psych...
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