Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 258—264

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MÉMOIRE ORIGINAL

Étude clinique et histopronostique de 50 cas de porocarcinome eccrine Primary eccrine porocarcinoma: A clinicopathological study of 50 cases F. Skowron a,∗, N. Poulhalon b, B. Balme c, S. Touzet d, L. Thomas b a

Service de dermatologie, 179, boulevard Maréchal-Juin, 26000 Valence, France Service de dermatologie, centre hospitalier Lyon-Sud (Pierre-Bénite), université Lyon 1, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite cedex, France c Service d’anatomie pathologique, centre hospitalier Lyon-Sud (Pierre-Bénite), 165, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite cedex, France d Département d’information médicale, hospices Civils de Lyon, avenue Lacassagne, 69424 Lyon cedex 03, France b

Rec ¸u le 12 juin 2013 ; accepté le 29 octobre 2013 Disponible sur Internet le 5 d´ ecembre 2013

MOTS CLÉS Porocarcinome eccrine ; Facteurs histopronostiques ; Tumeur annexielle



Résumé Introduction. — Le porocarcinome est une tumeur maligne rare dérivant de la portion intra-épidermique du canal sudoral eccrine, l’acrosyringium. Il existe de rares séries histopronostiques. Nous rapportons une étude rétrospective de 50 cas. Patients et méthodes. — À partir d’un registre d’histopathologie, 50 cas de porocarcinomes étaient identifiés sur les critères classiques de malignité et sur la présence constante d’une différenciation canaliculaire. Pour chaque prélèvement histopathologique, une relecture était assurée avec analyse des éléments suivants : caractère invasif ou non, type d’infiltration (bien limitée ou dispersée), épaisseur tumorale, images d’emboles lymphovasculaires, invasion périnerveuse et index mitotique. Les données démographiques et l’évolution de chaque patient étaient colligées. Résultats. — Les patients étaient âgés en moyenne de 77 ans et 6 mois (43 à 99 ans). La tumeur évoluait depuis 4 ans et 5 mois lors du diagnostic. Les 2 localisations les plus fréquentes étaient l’extrémité céphalique (38 %) et la jambe (20 %). Six cas étaient in situ, 44 invasifs répartis en 23 avec une infiltration bien limitée et 20 avec une infiltration dispersée. L’épaisseur

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Skowron).

0151-9638/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2013.10.047

Étude clinique et histopronostique de 50 cas de porocarcinome eccrine

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tumorale moyenne était de 4,37 mm (extrêmes : 0,5 à 20 mm). Une atteinte de l’épiderme contiguë ou à distance était notée dans 7 cas. Trois cas présentaient des images d’emboles lymphovasculaires. Il n’a pas été observé d’invasion périnerveuse. L’index mitotique moyen était de 6,5 mitoses/champ. Le suivi était connu pour 48 patients avec un délai moyen de 24,3 mois (1 à 45 mois). Une évolution défavorable avec récidives locorégionales était notée chez 5 patients (10,4 %), dont 4 décédés de métastases viscérales. Ces 5 cas présentaient : une architecture invasive dispersée, des cellules cuticulaires, une épaisseur tumorale importante (moyenne 12,8 mm, extrêmes de 9 à 20 mm), un index mitotique élevé. Deux critères histologiques étaient associés à une évolution métastatique : une infiltration tumorale classée comme dispersée (p = 0,04) et une épaisseur tumorale importante, supérieure à 10 mm (p < 0,01). Conclusion. — Le porocarcinome est une tumeur sans particularité clinique. Le type d’infiltration et l’épaisseur tumorale sont 2 critères histopronostiques importants. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Eccrine porocarcinoma; Histopathology; Non-melanoma skin cancer; Adnexal skin tumor

Summary Background. — Eccrine porocarcinoma is a rare cutaneous tumor arising from the intraepidermal portion of eccrine sweat glands, the acrosyringium. Histoprognostic studies in large series are rare. Herein, we report a retrospective study of 50 cases. Patients and methods. — Fifty cases of porocarcinoma were retrieved from a histopathological register. Each histopathological sample was evaluated for the following criteria: presence or absence of dermal invasion, pattern of the infiltrative component (pushing or infiltrative), tumor thickness, lymphovascular emboli, perineural invasion and mitotic index. Clinical data and outcome were also retrieved for each patient. Results. — Mean patient age was 77 years (range: 43—99 years). The mean duration of progression prior to diagnosis was 4 years and 5 months. The 2 most common skin locations were the head (38%) and lower limbs (20%). The lesions showed no specific distinctive clinical features. Six cases were in situ, and 44 were invasive (23 with limited infiltration and 20 with scattered infiltration). Mean tumor thickness was 4.37 mm (range: 0.5 to 20 mm). Neighboring or remote epidermal involvement was noted in 7 cases. Lymphovascular emboli were observed in 3 cases. No cases of neurotropism were observed. The average mitotic index was 6.5 mitoses/high power (×400) field. A mean follow-up of 24.3 months was available for 48 patients. Local recurrence was noted in 5 patients, 4 of whom died from visceral metastases. These 5 cases showed no distinctive clinical features, a scattered pattern of the invasive component, cuticular cells, significant tumor thickness (mean 12.8 mm, range 9—20 mm), and an elevated mitotic index. Two histopathological criteria were significantly associated with a metastatic outcome: scattered pattern of the dermal invasive component (P = 0.04) and significant tumor thickness, above 10 mm (P < 0.01). Conclusion. — Porocarcinoma is a tumor without any particular clinical criteria to distinguish it from squamous cell carcinoma. The architecture of the invasive component and tumor thickness constitute 2 important histoprognostic criteria. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le porocarcinome est une tumeur maligne rare dérivant de la portion intra-épidermique du canal sudoral eccrine, encore appelée acrosyringium [1,2]. La plupart des cas rapportés concernent des observations isolées, avec fréquemment une évolution métastatique de mauvais pronostic. Parmi les grandes séries publiées, 2 seulement ont étudié les critères histopronostiques de cette tumeur [3—8]. Robson et al., sur une analyse de 54 porocarcinomes, retiennent comme facteur pronostique une épaisseur importante (> 7 mm), un nombre de mitoses élevé et un envahissement lymphovasculaire [7]. Une série plus récente retient comme facteur de récidive l’architecture histologique pagétoïde ou infiltrante [8]. Nous rapportons une étude clinique, histologique et pronostique de 50 cas de procarcinome.

Patients et méthodes Nous avons étudié rétrospectivement 50 cas de porocarcinomes diagnostiqués entre janvier 1997 et juillet 2001. Chacune des 50 tumeurs était réexaminée histologiquement après coloration par hématoxyline-éosine-safran et en immuno-histochimie avec marquage de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) (DAKO : CEA, 1:300), de l’antigène membranaire épithélial (epithelial membrane antigen) (EMA) (DAKO : EMA, 1:300) et de la protéine S-100 (PS 100) (DAKO : S-100, 1:400). Le diagnostic de porocarcinome était retenu devant l’association de signes de différenciation glandulaire et de malignité (Fig. 1). Les données suivantes étaient notées : l’âge du patient lors du diagnostic, son sexe, la durée d’évolution de la

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Figure 1. Aspect de porocarcinome avec association de signes de différentiation glandulaire et de malignité (hématoxyline-éosinesafran, grossissement ×20).

lésion, l’existence d’une immunodépression, la topographie de la lésion, son aspect clinique et le diagnostic évoqué. L’évolution de chaque patient était déterminée : en vie sans récidive, récidive locale, métastase, décès et sa cause. Les porcoracinomes étaient classés en 3 groupes selon leur architecture : • in situ ; • infiltrant bien limité (pushing) (Fig. 2), constitué de massifs de grandes tailles avec une limite tumorale nette, le plus souvent anastomosés les uns aux autres et connectés à l’épiderme ; • infiltrant mal limité (infiltrative) (Fig. 3), fait de massifs de plus petite taille à limites floues au sein d’un stroma souvent dense et fibreux. La cytologie de chaque tumeur était appréciée. Les cellules étaient classées en porales (cellules sombres à noyau ovale ou rond à cytoplasme minuscule, de taille très légèrement inférieure aux autres kératinocytes, normalement situées en périphérie des canaux eccrines de l’acrosyringium) ou cuticulaires (cellules plus grandes avec un cytoplasme abondant rose, normalement situées autour

F. Skowron et al.

Figure 3. Porocarcinome infiltrant mal limité, de type infiltrative (hématoxyline-éosine-safran, grossissement ×2).

des lumières des canaux eccrines de l’acrosyringium, avec au fort grossissement présence de ponts d’union intercellulaires). Selon le type cytologique prédominant, les tumeurs étaient classées en porales, cuticulaires ou mixte. Les autres critères histologiques pronostiques suivants étaient notés : épidermotropisme (présence dans l’épiderme adjacent de foyers isolés de cellules tumorales), épaisseur tumorale (mesurée en mm entre la couche granuleuse et la plus profonde cellule tumorale), envahissement lymphovasculaire, index mitotique (calculé sur la zone tumorale présentant la plus forte activité mitotique dans un champ à l’objectif 40) et nombre de cellules PS100+ présentant au moins une dendrite intratumorale et péritumorale dans un champ à l’objectif 40. L’analyse statistique des données a été faite avec le logiciel SPSS, version 9.0 (SPSS Inc., Chicago, Illinois). Nous avons réalisé une analyse descriptive des caractéristiques de notre série de 50 cas. Puis, nous avons recherché des facteurs pronostiques d’une évolution métastatique ainsi que les facteurs associés à une infiltration bien limitée et à une infiltration dispersée, par des analyses bivariées. Les tests utilisés ont été le test du Chi2 de Pearson ou le test exact de Fisher pour les variables qualitatives, et l’analyse de variance (Anova) pour les variables quantitatives. L’association était retenue comme statistiquement significative lorsque le degré de signification (p) était inférieur ou égal à 0,05.

Résultats Descriptifs cliniques

Figure 2. Porocarcinome infiltrant bien limité, de type pushing (hématoxyline-éosine-safran, grossissement ×2).

Les patients étaient âgés en moyenne de 77,5 ans (43 à 99 ans), avec un sex-ratio de 1. Trois d’entre eux étaient immunodéprimés (2 transplantations d’organes, 1 leucémie lymphoïde chronique active). La tumeur était connue du patient lors de l’exérèse chirurgicale depuis 4 ans et 5 mois en moyenne (1 mois à 50 ans). Elle était située dans 38 % des cas sur l’extrémité céphalique, 34 % sur un membre inférieur, 18 % sur un membre supérieur, 10 % sur le tronc. Elle était le plus souvent kératosique (44 %), érythémateuse

Étude clinique et histopronostique de 50 cas de porocarcinome eccrine

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Figure 4. Porocarcinome situé sur la poitrine gauche dans une forme agressive infiltrante (a : vue topographique ; b : vue rapprochée).

(20 %), parfois ulcérée (10 %) ou nodulaire (16 %), évoquant un carcinome épidermoïde (64 %), une maladie de Bowen (22 %) ou un carcinome basocellulaire (20 %) (Fig. 4 et 5). Le traitement a été chirurgical dans 49 cas et par radiothérapie dans 1 cas en raison de l’âge du patient.

Descriptifs histologiques Six cas étaient in situ et 44 invasifs, répartis en 23 avec une infiltration bien limitée et 20 avec une infiltration dispersée. L’épaisseur tumorale moyenne était de 4,37 mm (0,5 à 20 mm). Une atteinte de l’épiderme, contiguë ou à distance, était notée dans 7 cas. Trois cas présentaient des images d’emboles lymphovasculaires. Il n’a pas été observé d’embole péri-nerveux. L’index mitotique moyen était de 6,5 mitoses/champ. Le nombre moyen de cellules dendritiques exprimant PS 100 était de 3,66 (médiane 2,5) en localisation extratumorale et 5,68 (médiane 5) en situation intratumorale. La comparaison entre les 2 formes invasives de porocarcinomes, bien limitée et mal limitée, ne montrait pas de différence clinique. Le sex-ratio, l’âge des patients, l’aspect clinique et la topographie étaient similaires. En revanche, l’analyse histologique révélait des différences. Les porocarcinomes invasifs bien limités présentaient une cytologie principalement porale ou mixte ; l’envahissement de l’épiderme en périphérie était rare (8 %), l’épaisseur

Figure 5. Porocarcinome situé sur le cuir chevelu dans une forme superficielle et pigmentée (a : vue topographique ; b : vue rapprochée).

tumorale faible (3,2 mm) et l’envahissement lymphovasculaire rare (4 %). Au contraire, le type invasif dispersé présentait des cellules principalement cuticulaires, un envahissement de l’épiderme adjacent fréquent (25 %), une épaisseur importante (6,25 mm), un envahissement lymphovasculaire plus fréquent (10 %).

Suivi évolutif Le suivi était connu chez 48 patients avec un délai moyen de 24,3 mois (1 à 45 mois) (Tableau 1). Une évolution défavorable avec récidives locorégionales était notée chez 5 patients (10,4 %), dont 4 présentaient ensuite des métastases viscérales, principalement pulmonaires, entraînant le décès. Ces patients n’étaient pas immunodéprimés, avaient un âge moyen de 81,2 ans et un sex-ratio de 0,2. La tumeur était connue depuis 9,6 ans en moyenne. Les tumeurs de ce groupe de mauvais pronostic présentaient des similitudes histologiques : une épaisseur tumorale importante, en moyenne de12,8 mm (9 à 20 mm) ; une architecture invasive dispersée ; un index mitotique plus élevé que la moyenne ; un nombre moyen de cellules exprimant la PS100 plus faible que les tumeurs invasives de bon pronostic, tant en localisation intratumorale (2,8 vs 6,48 cellules PS100 +) qu’extratumorale (2,8 vs 4,15). En

262 Tableau 1

F. Skowron et al. Facteurs de mauvais pronostic. Évolution défavorable

Absence de récidive

Analyse statistique

Nombre de patients

5

43

Âge en années, moyenne (extrêmes)

81,2 (76—93)

77,87 (43—91)

Sex-ratio

0,25

1,35

Topographie de la tumeur primitive Tronc Tête Membre inférieur Membre supérieur

2 1 2 0

1 15 10 7

Ancienneté de la tumeur en années, moyenne

9,6

3,8

Survie sans progression en mois, moyenne (extrêmes)

9 (6—36)

22 (1—45)

Métastase ganglionnaire, n

5

0

Métastase viscérale et décès, n

4

0

Type d’infiltration tumorale in situ, n Bien limité (pushing), n Mal limité (infiltrative), n

0 0 4

5 23 15

(p = 0,04)

Epidermotropisme, n

1

6

ns

Épaisseur tumorale en mm, moyenne (extrêmes)

12,8 (9—20)

3,96 (1—14)

(p < 0,01)

Index mitotique, moyenne (extrêmes)

8,2 (6—11)

6 (2—19)

ns

Emboles lymphovasculaires, n

0

3

ns

Nombre de cellules PS100 + extratumorales moyenne (extrêmes)

2,8 (0—6)

4,15 (0—12)

ns

Nombre de cellules PS 100 + intratumorales moyenne (extrêmes)

2,8 (0—6)

6,48 (1—15)

ns

ns

n : nombre ; ns : différence non significative ; PS100 : protéine S100.

revanche, l’envahissement de l’épiderme adjacent était rare et l’envahissement lymphovasculaire inexistant. Deux critères étaient associés à une évolution métastatique : une infiltration tumorale classée comme dispersée (p = 0,04) et une épaisseur tumorale importante (p < 0,01).

Discussion Notre étude présente quelques limites. Elle est rétrospective, basée sur un registre d’histopathologie. Il ne s’agit pas d’une étude monocentrique clinique. Aussi, nous ne disposons pas du détail de la prise en charge chirurgicale initiale (marges d’exérèse, caractère in sano ou non). La durée de suivi est relativement courte, de 2 ans en moyenne. Mais elle reste pertinente, les récidives étant notées principalement dans la première année. Les principales caractéristiques cliniques du porocarcinome sont retrouvées dans notre série [7]. Il s’agit d’une tumeur atteignant les personnes âgées (âge moyen : 77,7 ans), localisée principalement sur l’extrémité céphalique (38 %) et les membres inférieurs (22 %), d’évolution lente (moyenne 4,7 ans), sans aspect clinique spécifique (hyperkératose et érythème faisant évoquer un carcinome

épidermoïde). Des cas de porocarcinome survenus chez des sujets immunodéprimés ont déjà été rapportés [9—11]. Dans notre série, l’immunosuppression n’apparaissait pas comme un facteur pronostique. Le porocarcinome a une évolution métastatique locorégionale estimée à 20 % sur une revue de 105 cas de la littérature. Les données cumulées des séries publiées et de notre étude (222 cas au total) montrent un taux de récidives locorégionales de 16,2 % [3—8,12,13]. Robson et al., sur l’analyse de ces 54 cas invasifs, trouvent 3 facteurs indépendants de décès : • un index mitotique élevé (> 14 mitoses par champ à fort grossissement) ; • une invasion lymphovasculaire ; • une épaisseur tumorale supérieure à 7 mm ; ainsi qu’un facteur prédictif de récidive locale : une infiltration tumorale mal limitée [7]. Dans cette étude en revanche, une extension tumorale dans l’épiderme adjacent n’est pas un facteur de mauvais pronostic. Belin et al., sur 24 cas, trouvent un risque plus élevé de récidive locorégionale pour les formes de porocarcinome in situ de types pagétoïde et infiltrant mal limité [8]. Pour Shiohara et al., sur une étude de 12 cas, la présence

Étude clinique et histopronostique de 50 cas de porocarcinome eccrine d’emboles lymphovasculaires est corrélée aux métastases ganglionnaires, et le décès du patient à une infiltration mal limitée [13] ; ils ne retrouvent pas la valeur pronostique de l’épaisseur tumorale ni de l’index mitotique mais l’effectif de leur étude est faible. Au contraire, l’épaisseur tumorale du porocarcinome est le principal élément statistiquement significatif de mauvais pronostic dans notre série, où le groupe de mauvais pronostic présente une épaisseur tumorale moyenne de 12,8 mm et une épaisseur minimum de 9 mm. Robson et al. ont proposé de retenir une épaisseur tumorale supérieure à 7 mm comme prédictive de mauvais pronostic [7] ; nos résultats corroborent la pertinence de ce seuil. Une infiltration mal limitée est le deuxième critère de mauvais pronostic révélé dans notre série. Le rôle pronostique de ce type d’infiltration a été montré dans d’autres études [7,8,13]. Une épaisseur tumorale plus importante est associée aux formes invasives mal limitées par rapport aux formes invasives bien limitées (6,25 mm vs 3,2 mm), ce qui peut en partie expliquer leur mauvais pronostic. Une deuxième explication pourrait être le type cytologique cuticulaire ou poral. Les cellules cuticulaires sont le plus souvent situées autour des lumières des canaux eccrines de l’acrosyringium, tandis que les cellules porales sont situées plus à distance des lumières glandulaires. Nous notons que les formes invasives mal limitées ont une cytologie cuticulaire, tandis que celles invasives bien limitées sont porales ou mixtes. Cette différence peut traduire une origine ou une différentiation différente de ces 2 formes infiltrantes, avec un caractère plus agressif pour la variété cuticulaire (glandulaire). Quoi qu’il en soit, ces différences histologiques n’ont pas de traduction clinique nette. Belin et al. ont noté que les tumeurs pagétoïdes avaient un plus grand risque de récidive [8]. Dans notre étude, l’épidermotropisme n’est pas un indicateur prédictif de récidive, ce qui rejoint les conclusions de Robson et al. [7]. Ce critère semblerait moins important que l’épaisseur tumorale et le type d’invasion. À la différence des constatations d’autres auteurs [7,13], aucun des 3 patients de notre série qui présentaient des emboles lymphovasculaires n’a eu de récidive. Cette bonne évolution pourrait être expliquée par la faible épaisseur de leurs tumeurs, en moyenne de 3,83 mm (3 à 4,5 mm), et un suivi relativement court, en moyenne de 21 mois (14 à 29 mois). D’autre part, l’index mitotique était plus élevé dans les formes avec évolution métastatique que dans les formes d’évolution favorable (8,2 vs 6), rejoignant les constatations de Robson et al. [7] ; toutefois la différence n’est pas statistiquement significative dans notre série. Wei et Tahan ont suggéré un rôle pronostique des cellules dendritiques dans le carcinome épidermoïde de la lèvre [14]. Ils ont en effet montré qu’un nombre élevé de cellules exprimant PS 100 en situation péri- et intratumorale est associé à l’absence de métastase. Dans notre étude, nous notons que les cas d’évolution néfaste présentent un nombre de cellules PS100-positives intra- et extratumorales plus faible que les tumeurs invasives de bon pronostic (respectivement : 2,8 vs 6,48 et 2,8 vs 4,15). Cependant, ces chiffres ne sont pas statistiquement significatifs. En conclusion, nous retiendrons 2 éléments de cette étude. Le principal facteur pronostic du porocarcinome est

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avant tout son épaisseur tumorale, quelles que soient ses autres caractéristiques. Une épaisseur seuil peut être fixée à 7 mm. Deuxièmement, il semble intéressant de distinguer 2 types de porocarcinomes infiltrants, le type bien limité (constamment de bon pronostic dans notre série) et le type dispersé (statistiquement associé à un mauvais pronostic).

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements Les auteurs remercient pour leur aide les médecins suivants : Dr F. Augey, Dr M. Berthier-Boachon, Dr C. Bertrand, Dr C. Bridel, Dr M.F. Brun, Dr J. Chevallier, Dr T. Cognat, Dr E. Comte, Dr H. Flacher, Dr P. Grézard, Dr P. Grimand, Dr V. Guillaud, Dr M. Jannin, Dr P. Joasson, Dr M. Kirkorian, Dr M. Leroux, Dr A. Lucas-Moullec, Dr M. Magis, Dr J.P. Masson, Dr N. Mathon, Dr N. Notteghem, Dr S. Ronger, Dr T. Secchi, Dr D. Souquet, Dr A.M. Viallard, Dr H. Vigneau, Dr M. Vionnet, Dr Y. Weltert, Dr F. Wolf.

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[Primary eccrine porocarcinoma: a clinicopathological study of 50 cases].

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