EDITORIAL

Prophylaxie de I'endocardite infectieuse P. G O D E A U *

Rev M e d Interne 1992 ; 13 : 17-18.

La prophylaxie de I'endocardite bact6rienne (EB) reste un des : points les plus controversOs. Les rbgles et les conseils prodigu~s par les diverses soci@~s scientifiques int~ress~es dans les pays occidentaux, U.S.A., Angleterre, France notamment, sont discordants, voire contradictoires. II s'agit pourtant d'un probl~me qui reste d'actualit6 et qui m6rite I'attention. En effet, la fr~quence de ['endocardite bact~rienne, estim~e h 2,5 par an pour 100 000 habitants Iors d'une enqu~te conduite de novembre 1990 octobre 1991, n'a pas d~cru depuis 1983 o~ une enquOte menOe dans 23 CHU et 50 H6pitaux G~n@aux entre juillet 1982 et juin 1983 avait r(~pertori6 18 cas par million d'habitants (1). Le vieillissement de la population d6pla~ant vers les d~cenn ies plus ~lev~es la cible de I'endocardite bact~rienne est un des (~l~ments de cette non r~gression. En effet, l'~ge moyen des patients atteints d'endocardite augmente r6guli&ement : 30 ans en 1930 - - 50 ansen 1986 - - 56,3 ansen 1985 (2) Personnellement, nous avons observ~ 33 cas d'endocardite chez des sujets de plus de 65 ans (~ge moyen 75) entre 1973 et 1985 (3). II est vraisemblabte que la m~connaissance des r?~gles de prophylaxie chez ces patients atteints de valvulopathies ~ d~g(~n@atives >~consid@(~es sans incidence pratique en I'absence de consequences h~modynamiques est un facteur d'augmentation de fr~quence de I'EB. L'augmentation des cas d'endocardite des drogues est un autre motif de r~flexion. DominOes par le staphylocoque dor~ (80 % des cas), plus rarement, epidermidis, et d~es occasionnellement au pseudomonas et ~ des champignons (candida 3 %), ces endocardites (~chappent aux r~gles de prophylaxie classique et le terrain particu lier expl ique ais~ment q ue ces patients socialement inadapt6s ne se soumettent (~videmment pas ~ une surveillance m6dicale. La fr~quence des r6cidives en est la preuve : elle est illustr~e de fa~;on caricaturald par le patient de Simonson (4) qui a pr(~sent~ 9 ~pisodes successifs... ! Cependant, en dehors de ces circonstances, I'endocardite est une maladie thOoriquement ~vitable en grande partie puisqu'elle survient dans 2/3 des cas environ chez des sujets ~arisque ayant une valvulopathie ou une proth~se valvulaire, voire ayant d6j~ eu u ne endocard ite. En outre, dans 50 % des cas environ, I'endocard ite succOde ,~ un geste precis, particuli?~rement un soin dentaire. * Service de M~rtecine Interne ; HOp, ital de la Piti~ ; PARIS.

1992 - Tome XII1 Num~ro 1

II devrait donc ~tre ais6 de r6duire consid(~rablement la frOquence de I'EB en 6dictant des r~gles pr6cises et en diffusant la connaissance non seulement aupr~s des m~decins g~n~ralistes ou sp6cialistes mais ~galement des dentistes et des patients. En effet, dans la s@ie fran~;aise de Allal (2), la fr~quence de I'origine dentaire reste de 45,9 %, dans la s&ie beige de Hollander de 45 % (5). Si le risque dentaire est en diminution dans certaines s@ies (Petersdorf 15 % en 1979 (6), Mc Kinsey 11 .% en 1987 (7)), c'est en partie par un biais li~ pr~cis~ment ~aI'augmentation des endocardites des drogues et non par une meilleure prevention dentaire. Le risque dentaire ne se limite pas aux extractions : le d6tartrage et les dOvitalisations comportent un risque certain. L'information est-elle suffisante ? O n peut en douter.

En outre, la difficult~ r6side dans le fait que de nombreuses questions ne sont pas r~solues. Pour nous borner ~ 3 exemples concrets : - - que faut-il faire dans un prolapsus valvulaire mitral ?

- - que faut-il faire en cas d'explorations endoscopiques digestives, bronchiques, gyn6cologiques, urinaires ? - - y a-t-il des explorations cardiologiques h risque ? S'il est g6n6ralement admis qu'un prolapsus valvulaire mitral comportant une fuite mitrale objective n~cessite une prophylaxie (8), il serait certainement abusif d'6tendre cette r~gle ~ tousles prolapsus, soit ~ pr?~s de 15 % de la population fOminine selon certaines estimations, le rapport cofit-efficacitO devenant prohibitif et le risque ~ventuel de la prophylaxie (allergie) d6passant alors le b~n~fice r~el... En revanche, la question reste pos6e de la justification de I'antibioprophylaxie sur valve dysmorphique sans r6gurgitation. De m&me, le risque des endoscopies doit ~tre bien pr~cis~ aux endoscopistes : la survenue d'endocardites apr~s polypectomie colique illustre cette m6connaissance (9) ; aprbs fibroscopie gastrique on compte 10 % de bact~ri~mies et 3 cas sur 582 endocardites avaient eu une fibroscopie r~cente (10) ; apr~s biopsie de I'endom~tre, on compte 16 % de bact~ri~mies dans les 2 h 7 minutes (11 ), aucunedes investigations urologiques, ORL, pneumologiques etc.., n'est exempte de risque. L'intubation naso-trach~ale comporte 2 1 % de bact~ri~mies si I'hOmoculture est faite dans les 5 minutes. II s'agit g~n~ralement de staphylocoque ~pidermidis, germe responsable de 24 % des endocardites tardives sur proth~se (12). Q u e l l e attitude adopter dans tous ces cas ?

S'il est Iogique d'admettre que toute investigation comportant un geste traumatisant (biopsie) justifie une antibiopr~vention, aucune r?~gle prOcise n'a fait I'objet d'un consensus.

l~ditorial

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En ce qui concerne les explorations cardiologiques, I'exp~rience quotidienne montre qu'elle sont parfois r6alis(~es sans prophylaxie bact~rienne et un cas r6cent d'endocardite apr?~s exploration hissienne endocavitaire illustre bien ce risque ; bien que rares, les endocardites sur sonde de cardiostimulation, 0,15 % (13) ~ 3 % (14) sont souvent m~connues et la n~cessit~ d'ablation du materiel en complique le traitement. La vogue justifi(~e de I'~chographie transoesophagienne a soulev(~ un doute : n'yavait-il pas dans cette exploration un risque infectieux ? la r~ponse est n6gative selon les conclusions du dernier congr@s de I'American Heart Association. Cependant, la diffusion de nouvelles techniques en dehors des milieux cardiologiques (6cho-endoscopie digestive, ~chographie prostatique par voie transrectale et banalisation de la biopsie prostatique, cholangio pancr~atographie r(~trograde,angioscopie, interventions chirurgicales abdominales sous laparoscopie...) posent autant de probl?~mes non r6solus. L'interniste ~ la crois~e des diverses sp~cialit~s a une place de choix dans la sensibilisation des sp~cialistes au risque

d'endocardite bact6rienne, d'autant plus que nombre de ces investigations concernent des sujets ~g6s chez qui le risque est accru par la fr~quence des valvulopathies d6g~n@atives m~connues. [I ~tait donc justifi~ d'envisager une Conference de Consensus consacr~e ~ ce th~me de la prophylaxie de ['endocardite bact@ienne sous I'~gide de la Soci@~ de Pathologie Infectieuse de Langue Fran~;aise. Le comit~ d'organisation pr~sid6 par Catherine Leport, a sollicit~ la participation de la S.N.F.M.I. Nos coll~gues Claude Carbon, membre du comit~ d'organisation et Fr~d&ic Liozon, membre du jury repr~senteront notre SocietY. Cette Conf6rence de Consensus se tiendra le 27 mars 1992 Paris. La participation de nombreux intemistes ~ cette r6union devrait souligner I'int6r@ que notre discipline porte ~ ce probl~me d'actualit6 et la diffusion des conclusions de cette Conf6rence de Consensus au sein de notre Soci@6 suscitera

une r6flexion salutaire et peut-~tre d'autres projets de recherche.

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P. G O D E A U

La Revue de Mddecine Interne Janvier - Fdvrier

[Prevention of infectious endocarditis].

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