Progrès en urologie (2015) 25, 565—575

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REVUE DE LA LITTÉRATURE

Étude préliminaire des troubles vésico-sphinctériens et anorectaux chez les enfants paralysés cérébraux Preliminary study: Lower urinary tract dysfunction and anorectal disorders in children with cerebral palsy J. Beaufils a,∗, M. Damphousse b, H. Rauscent a, R. Heyman a, I. Bonan b a

Service de médecine physique et réadaptation enfant, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35000 Rennes, France b Service de médecine physique et réadaptation adulte, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35000 Rennes, France Rec ¸u le 29 juillet 2014 ; accepté le 26 mai 2015 Disponible sur Internet le 23 juin 2015

MOTS CLÉS Paralysie cérébrale ; Troubles vésico-sphinctériens ; Troubles anorectaux



Résumé But. — Décrire les troubles vésico-sphinctériens et anorectaux chez les enfants paralysés cérébraux (PC), en précisant leur retentissement sur la qualité de vie. Matériel. — Il s’agissait d’une étude monocentrique prospective. Le recueil de données était : type de PC, Gross Motor Function-Classification System (GMF-CS), scolarisation en milieu ordinaire ou non, mesure d’indépendance fonctionnelle chez l’enfant (MIF-môme), questionnaires standardisés de symptômes vésico-sphinctériens, et de qualité de vie (question spécifique du retentissement des troubles sphinctériens et échelle générique Kidscreen-52). Résultats. — Entre janvier et mars 2013, 19 enfants âgés de 5 à 17 ans étaient inclus, dont 16 scolarisés en milieu ordinaire. Sur les 19, 16 avaient des troubles vésico-sphinctériens : 14 incontinences urinaires, 3 nycturies, 6 dysuries, 12 urgenturies, aucune infection urinaire. Sur les 14 incontinents urinaires, 13 étaient scolarisés. Parmi les 16 enfants scolarisés, 5 avaient une incontinence fécale diurne et 2 une incontinence fécale nocturne. Les scores fonctionnels (GMF-CS et MIF-môme) des enfants incontinents urinaires étaient inférieurs à ceux des enfants continents urinaires (p = 0,04 et 0,0007). Ces troubles avaient un retentissement spécifique sur leur qualité de vie pour 10 enfants. Tous étaient scolarisés dont huit (80 %) en milieu ordinaire.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : juliebeaufi[email protected] (J. Beaufils).

http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.05.011 1166-7087/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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J. Beaufils et al. Conclusion. — Les troubles vésico-sphinctériens étaient fréquents chez les enfants atteints de PC. Ils entraînaient un retentissement sur la qualité de vie chez plus de la moitié des enfants étudiés, dont une majorité scolarisée en milieu ordinaire. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Cerebral palsy; Lower urinary tract dysfunction; Bowel

Summary Goal. — Describe lower urinary tract dysfunction and anorectal disorders to children with cerebral palsy (CP), indicating their impact on quality of life. Materials. — This was a prospective single-center study. A data collection was: type of PC, Gross Motor Function-Classification System (GMF-CS), mainstream education or not, Functional Independence Measure in children (MIF-kid), standardized vesicosphincteric symptoms and quality of life questionnaires (specific issue of impact sphincter dysfunction and generic scale Kidscreen-52). Results. — Between January and March 2013, 19 children aged 5—17 years were included, including 16 into mainstream schooling. Of the 19, 16 had bladder and sphincter disorders: 14 urinary incontinence, 3 nycturies, 6 dysuria, 12 urgenturies, no urinary infection. Of the 14 urinary incontinence, 13 were in school. Of the 16 children enrolled, 5 were daytime fecal incontinence and 2 nocturnal fecal incontinence. Functional scores (GMF-CS and MIF-kid) children urinary incontinence were lower than those of children urinary continents (P = 0.04 and 0.0007). Ten children had an impact of these disorders on quality of life. All were enrolled, eight (80%) in the mainstream. Conclusion. — The bladder and sphincter disorders were common in children with CP. They led to an impact on quality of life in more than half of the children studied, mostly educated in mainstream schools. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La paralysie cérébrale (PC) est selon la définition de la surveillance of cerebral palsy in Europe (SCPE) une déficience permanente du mouvement, de la posture et de la fonction motrice due à une lésion non progressive sur un cerveau immature. Elle est la cause la plus fréquente de handicap de la petite enfance : prévalence 2,08/1000 naissances. Les troubles vésico-sphinctériens (TVS) et anorectaux sont fréquents chez les enfants atteints de paralysie cérébrale (PC). Jusqu’à 90 % pourraient avoir une incontinence urinaire (IU). Un syndrome dysurie-rétention peut y être associé [1—3]. La fréquence et la gravité de ces troubles dans la PC pourraient être associées à celle de l’atteinte locomotrice [4,5]. Le rôle de l’âge, du sexe, de la spasticité ou encore des troubles cognitivo-comportementaux a été discuté mais non précisé [6]. Le risque de complication pouvant entraîner une détérioration du haut appareil urinaire est controversé, mais pas nul et pourrait être associé à l’existence d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne (DVS) [3]. Certains enfants ont pu nécessiter une prise en charge associant traitements anticholinergiques et sondages intermittents, voire de la chirurgie, tel que préconisés dans les situations à risque dans d’autres pathologies neuro-urologiques comme les atteintes médullaires [2,3,6].

Ces complications sont habituellement dépistées par la réalisation d’une échographie vésico-rénale, mais l’intérêt de l’échographie de dépistage systématique a été remis en question dans la PC [7]. Un examen urodynamique permet habituellement en neuro-urologie de préciser le risque de détérioration du haut appareil urinaire en dépistant certaines anomalies à risque (trouble de compliance vésicale, dyssynergie vésico-sphinctérienne, régime de pression endo-vésical > 40cmH2 O). De telles anomalies urodynamiques ont été décrites dans cette population et même de manière fréquente [2,3], cependant leur signification dans la PC n’est pas établie. Les facteurs de risque de ces complications n’ont pas clairement été établis [3]. Les symptômes anorectaux dans la PC sont fréquents, mais peu étudiés. Trois enfants sur quatre ont un temps de transit colique radiologiquement allongé et ce ralentissement a été associé aux difficultés locomotrices [8]. La fréquence de l’encoprésie (25 %) est supérieure à celle de la population générale [2]. Les études concernant les troubles sphinctériens dans la PC sont peu nombreuses, elles concernent souvent de petites populations de PC de type et de sévérité différente. Dans ces études, le retentissement sur la qualité de vie des troubles urinaires et/ou anorectaux n’a jamais été évalué. Le caractère souvent considéré comme de second plan de ces troubles parmi les problématiques des enfants atteints

Troubles vésico-sphinctériens et anorectaux des enfants paralysés cérébraux de PC est probablement une cause de sous-estimation de ces troubles et d’un déficit de prise en charge. Le but de cette étude était de décrire les troubles vésicosphinctériens et anorectaux chez les enfants atteints de paralysie cérébrale, en précisant leur retentissement sur la qualité de vie (QDV).

Matériel et méthode Il s’agissait d’une étude monocentrique prospective d’une durée de 3 mois. Un bilan des altérations de fonction, limitations d’activité et restriction de participation, était réalisé systématiquement lors des consultations de suivi, incluant les TVS et ano-rectaux. Pendant la période de l’étude, un courrier d’information était adressé préalablement aux parents pour recueillir leur accord à l’utilisation anonyme des données. L’étude a été validée par le comité d’éthique (4 janvier 2013). Critères d’inclusion : tous les enfants PC âgés de 5 ans à 17 ans, vus en consultations de suivi dans un service de MPR durant la période de janvier à mars 2013. Critères de non-inclusion : antécédents de diabète, de malformations urogénitales ou anorectales et de lésion médullaire.

Recueil de données effectué en cours de consultation Données générales Les données générales sont : • âge, poids, taille, prématurité ; • traitements.

Évaluation de la paralysie cérébrale L’évaluation de la paralysie cérébrale est : • selon la classification européenne : spastique, ataxique, dyskinétique, dystonique, ou choréo-athétosique ; • selon la gravité du handicap locomoteur : échelle gross motor function classification system (GMF-CS) [9] en précisant l’aide technique de marche éventuelle ; • évaluation cognitive indirecte : scolarisation milieu ordinaire ou non, redoublement d’une classe, troubles du comportement.

Évaluation fonctionnelle L’évaluation fonctionnelle est la : mesure d’indépendance fonctionnelle chez l’enfant : MIF-Mômes [10].

Évaluation des troubles urinaires et anorectaux L’évaluation des troubles urinaires et anorectaux : • catalogue mictionnel ; • catalogue des selles, avec échelle de Bristol [11] ; • interrogatoire par un questionnaire systématique standardisé (Annexe 1) ; • questionnaire validé par Akbal et al. en 2005 chez les enfants de 4 à 10 ans, traduit en franc ¸ais [12]. Les données des enfants et de leur famille étaient recueillies de

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manière dissociées, mais exploitées de manière globale (si l’enfant n’était pas conscient de son incontinence, il était considéré comme incontinent selon les données recueillies auprès des parents). C’était un score total sur 35 (score nul = pas de TVS), qui comportait une question supplémentaire sur la qualité de vie.

Évaluation de la qualité de vie par l’échelle Kidscreen-52 Cette échelle validée en franc ¸ais [13] comportait un autoquestionnaire rempli par l’enfant âgé de plus de huit ans et un auto-questionnaire rempli par les parents. Elle explorait dix dimensions de la QDV de l’enfant avec un score total sur 1000 (1000 correspondant à une QDV optimale).

Analyse statistique Nous avons utilisé le test de Student pour la comparaison de variables quantitatives dans deux groupes indépendants. Le test de Chi2 ou le test exact de Fisher selon les effectifs a été utilisé pour la comparaison de variables qualitatives dans deux groupes indépendants. L’étude de corrélation de Pearson a été utilisée pour évaluer l’association entre elles de variables quantitatives. L’analyse a été réalisée avec le logiciel BiostaTGV, avec un seuil de significativité de 5 %.

Résultats Vingt et un enfants PC ont été vus en consultation pendant la durée de l’étude. Deux parents ont refusé de participer au protocole. Dix-neuf enfants âgés de 5 à 17 ans (moyenne 10,7 ± 3,4 ans) ont donc été inclus. Onze enfants (58 %) étaient nés prématurés (moyenne 31,4 ± 2,4 semaines d’aménorrhée). Onze (58 %) avaient une hémiparésie spastique, six (32 %) une diplégie spastique, deux (10 %) une quadriplégie spastique. Le score GMF-CS était compris entre 1 et 4 (moyenne 2). Seize enfants (84 %) étaient marchants dont la moitié utilisait une aide technique (coques talonnières, orthèse suropédieuse fonctionnelle, déambulateur postérieur). Seize enfants sur dix-neuf (84 %) étaient scolarisés en milieu ordinaire dont un (6 %) avec un plan d’aide spécifique (classe pour l’inclusion scolaire). Quatre (25 %) ont redoublé. Trois (19 %) avaient des troubles du comportement signalés à l’école. Deux (10 %) étaient scolarisés dans des structures adaptées. Un (5 %) vivait en Institut médico-éducatif. Les scores d’indépendance fonctionnelle (MIF-môme) allaient de 42 à 126 (moyenne 101,6 ± 26,3). Quatorze (74 %) enfants ont répondu seuls de manière adaptée aux questionnaires, les autres avec l’aide de leurs parents. Sur le plan médicamenteux, deux enfants (10 %) prenaient des laxatifs, un seul (5 %) un anticholinergique, les autres n’avaient aucun traitement à visée urologique ou ano-rectale.

Évaluation des troubles urinaires Tous les enfants avaient des mictions spontanées. Un calendrier mictionnel interprétable était recueilli pour un seul

568 enfant (5 %), ce qui ne permettait pas d’analyse sur la population. Sur les dix-neuf enfants, dix-huit (95 %) questionnaires AKBAL interprétables ont été recueillis (Tableau 1) dont quatorze selon les réponses adaptées des enfants et quatre avec l’aide des parents. Les réponses de 50 % des parents des quatorze enfants ayant répondu seuls de manière fiable différaient de celles de leurs enfants : six parents décrivaient un score AKBAL plus élevé que celui estimé par leur enfant, un parent décrivait un score AKBAL inférieur à celui de son enfant. D’après ce questionnaire, seize enfants sur dix-huit (89 %) avaient des troubles fonctionnels urinaires. Aucun enfant n’avait de pollakiurie (question AKBAL 5), trois (17 %) avaient une nycturie, douze (67 %) une urgenturie (questions AKBAL 10 et 12) dont dix avec une IU, six (33 %) une dysurie (questions AKBAL 6, 8). Aucun n’avait d’infection urinaire. Parmi eux, un enfant dysurique avait aussi une urgenturie mais pas d’IU. Treize sur ces dix-huit enfants (72 %) étaient incontinents urinaires (IU) dont onze (61 %) le jour et cinq (28 %) la nuit. L’enfant pour lequel le questionnaire AKBAL n’a pas été rempli était incontinent jour et nuit, soit au total quatorze (74 %) enfants incontinents dont douze (63 %) le jour et six (32 %) la nuit. Quatre (21 %) sur les dix-neuf avaient à la fois une IU diurne et nocturne. Les caractéristiques des enfants incontinents et continents urinaires ont été résumées dans le Tableau 2. Parmi les quatorze incontinents, dix avaient aussi une urgenturie et cinq une dysurie. Six (32 %) portaient des couches la nuit dont trois aussi le jour (aucun enfant continent ne portait de couche). Parmi les cinq enfants continents urinaires, quatre (80 %) étaient hémiplégiques, un (20 %) diplégique, aucun n’était quadriplégique. Tous avaient un score GMF-CS à 1. Parmi les quatorze enfants incontinents urinaires, cinq (36 %) étaient hémiplégiques, sept (50 %) diplégiques, deux (14 %) quadriplégiques. Quatre avaient un GMFCS à 1, deux un GMF-CS à 2, quatre un GMF-CS à 3, quatre un GMF-CS à 4, aucun n’avait un GMF-CS à 5. Sur quatorze incontinents, treize (93 %) étaient scolarisés, dont onze en milieu ordinaire et deux dans une classe spécialisée mais intégrés au sein d’un collège normal. Les parents avaient majoritairement évalué l’âge d’acquisition de la propreté « urinaire » comme celui auquel l’enfant n’avait plus porté de couches. Cependant, deux parents ont déclaré leurs enfants propres pour les urines le jour alors que ceux-ci portaient des couches et avaient une incontinence urinaire sur le score AKBAL ; les deux avaient une incontinence fécale. Chez les enfants qui ne portaient pas de couche, la « propreté » a été acquise entre 18 et 60 mois (moyenne à 34 ± 11 mois pour la propreté diurne, 36 ± 11 mois pour la propreté nocturne). Chez les trois enfants qui portaient des couches seulement la nuit, la « propreté » diurne a été acquise à 36, 72 et 144 mois. Chez quatre enfants totalement continents (un n’a pas répondu), l’âge d’acquisition de la propreté urinaire diurne était en moyenne de 27 ± 7,7 mois, et pour la propreté nocturne 25,5 ± 13,3 mois.

J. Beaufils et al.

Évaluation des troubles ano-rectaux Sur le plan ano-rectal, onze (61 %) enfants n’allaient pas à la selle tous les jours (question AKBAL 13). Un seul (5 %) enfant avait moins d’une selle par semaine. Aucun catalogue des selles interprétable n’a été obtenu. La consistance habituelle des selles était cotée en moyenne Bristol 3. Six (33 %) enfants avaient des selles Bristol 1 ou 2, huit (44 %) des selles Bristol 3 ou 4, et quatre (22 %) des selles Bristol 5 ou 6. Un enfant n’a pas répondu (Fig. 1). Six enfants étaient incontinents fécaux (32 %) (Tableau 3). Sur les treize enfants (68 %) n’ayant pas d’incontinence fécale (IF), la propreté fécale diurne était acquise en moyenne à 46 mois ± 35, celle nocturne à 45 mois ± 36. Parmi les seize (84 %) enfants scolarisés en milieu ordinaire, cinq (31 %) avaient une IF diurne dont deux (12 %) une IF nocturne.

Évaluation de l’impact des TVS sur la qualité de vie (question AKBAL 14) Dix enfants (55 %) avaient un retentissement de leurs troubles vésico-sphinctériens sur leur QDV. Parmi ces dix enfants, neuf avaient une IU, six une dysurie, et sept une urgenturie. Sur le plan fécal, sept étaient constipés (question AKBAL 13), trois avaient une IF. Trois (30 %) avaient un score GMF-CS à 1, deux (20 %) un score GMFCS à 2, trois (30 %) un score GMF-CS à 3 et deux (20 %) un score GMF-CS à 4. Cinq (50 %) étaient hémiplégiques, trois (30 %) diplégiques, deux (20 %) quadriplégiques. Les scores d’indépendance fonctionnelle (MIF-môme) allaient de 69 à 125 (moyenne 100,6 ± 20). Tous étaient scolarisés dont huit (80 %) en milieu ordinaire.

Questionnaire Kidscreen-52 Huit enfants et onze parents ont rempli un score Kidscreen52 interprétable. Le score moyen au questionnaire Kidscreen-52 répondu par les enfants allait de 345 à 698 (moyenne de 467 ± 125) (Fig. 2) et celui répondu par les parents allait de 354 à 570 (moyenne de 454 ± 72). Le score au questionnaire Kidscreen52 ne différait pas significativement entre les enfants et les parents. Le score de qualité de vie Kidscreen-52 des enfants qui portaient des couches (388 à 482, moyenne 435 ± 66) ne différait pas significativement de celui des enfants qui n’en portaient pas (345 à 699, moyenne 478 ± 143). De même, le score de qualité de vie Kidscreen-52 des parents des enfants qui portaient des couches (354 à 496, moyenne 442 ± 77) ne différait pas significativement de celui des parents des enfants qui n’en portaient pas (355 à 570, moyenne 459 ± 75).

Discussion Parmi les dix-neuf enfants étudiés, seize (84 %) avaient des TVS. Quatorze avaient une IU (74 %). Aucun ne nécessitait de sondages intermittents mais six (33 %) avaient une dysurie. La majorité avait pour symptôme une urgenturie.

Troubles vésico-sphinctériens et anorectaux des enfants paralysés cérébraux

569

Tableau 1 Échelle d’incontinence urinaire et de dysurie validée de 4 à 10 ans (AKBAL 2005) : répartition des réponses des 18 enfants (n = nombre d’enfants).

1.

2.

3. 4.

5.

6.

7. 8.

9.

10.

11.

12.

13. 14.

Votre enfant se mouille-t-il pendant la journée ? À quel point votre enfant se mouille-t-il pendant la journée ? Votre enfant fait-il pipi au lit ? À quel point votre enfant se mouille-t-il la nuit ? Combien de fois par jour votre enfant va-t-il uriner ? Mon enfant pousse pour uriner Mon enfant a mal quand il urine Mon enfant urine en plusieurs jets Mon enfant a besoin de retourner uriner peu après avoir uriné Mon enfant a des envies soudaines et urgentes d’aller uriner Mon enfant essaie de se retenir en croisant ses jambes Mon enfant se mouille alors qu’il est en train d’aller aux toilettes Mon enfant ne va pas à la selle tous les jours Score total moyen (item 1 à 13) À quel point cela affecte-t-il sa vie familiale, sociale ou scolaire ?

Non

Parfois

1—2 fois/jour

Tous les jours

Sous-score

n=7

n = 11

n=0

n=0

0,61

Pantalon humide n=4

Pantalon trempé n=1

1,28

Sous-vêtements mouillés n = 6

non n = 13 Draps humides

1—2 nuits/semaine 3—5 nuits/semaine 6—7 nuits/semaine n=3 n=1 n=1 n=3 Draps trempés n = 2

0,61 0,61

< 7 fois/jour n = 18

≥ 7 fois/jour n = 0

0

Non n = 15

Oui n = 3

0,67

Non n = 17

Oui n = 1

0,06

Non n = 13

Oui n = 5

0,56

Non n = 17

Oui n = 1

0,11

Non n = 7

Oui n = 11

0,61

Non n = 15

Oui n = 3

0,33

Non n = 13

Oui n = 5

0,56

Non n = 7

Oui n = 11

0,61

6,62 Pas du tout n = 8

Parfois n = 5

Vraiment n = 5

Gravement n = 0

0,83

570

J. Beaufils et al.

Tableau 2

Caractéristiques des enfants incontinents urinaires et des enfants continents urinaires.

Âge Prématurité (SA = semaines d’aménorrhée) GMF-CS Type PC MIF Scolarisation Âge de propreté fécale diurne Âge de propreté fécale nocturne Selles : échelle de Bristol Incontinence fécale Kidscreen-52 enfant Kidscreen-52 parent Question 14 AKBAL

Continents urinaires n = 5

Incontinents urinaires n = 14

p

10 à 17ans, moyenne 13,3 ans ± 3,45 n = 4, de 29 à 37 SA, moyenne 32 SA ± 3,6

De 6 à 15 ans, moyenne 9,8 ans ± 3,09 n = 7, de 28 à 33 SA, moyenne 31 SA ± 1,7

NS

1 ou 2 : n = 5 ; 3 ou 4 : n = 0 Diplégie : 1, hémiplégie : 4, quadriplégie : 0 120 à 126 ; moyenne 124 ± 2.5 Milieu ordinaire : n = 5

0,0445

18 à 36 mois ; moyenne 27 ± 8

1 ou 2 : n = 6 ; 3 ou 4 : n = 8 Diplégie : 5, hémiplégie : 7, quadriplégie : 2 42 à 121 ; moyenne 94 ± 26 Milieu ordinaire : n = 11 ; classe spécialisée : n = 2 ; IME : n = 1 24 à 144 mois; moyenne 52 ± 34

12 à 42 mois ; moyenne 25 ± 13

24 à 144 mois ; moyenne 52 ± 34

0.0454

1 ou 2 : n = 2 ; 3 ou 4 : n = 3 ; 5 ou 6 : n=0 n=0 345 à 699 ; moyenne 459 ± 163 435 à 525 ; moyenne 470 ± 48 0 à 1 ; moyenne 0,2 ± 0,4

1 ou 2 : n = 4 ; 3 ou 4 : n = 5 ; 5 ou 6 n = 4 ; sans réponse : n = 1 n=6 388 à 610 ; moyenne 475 ± 98 354 à 570 ; moyenne 448 ± 81 0 à 2 ; moyenne 1,1 ± 0,9

NS NS 0,0138

NS

0,0007

0.0349

IME : institut médico-éducatif ; NS : non significatif.

Ces données sont cohérentes avec celle de la littérature [6,7]. L’IU est commune chez les enfants scolarisés, mais avec une plus faible prévalence (5 à 15 %).

Figure 1.

Six enfants (32 %) avaient une IF, ces enfants avaient également une IU, la double incontinence est fréquente [2]. Park et al. [8] ont mis en évidence un ralentissement du temps de transit colique aux radio-marqueurs dans un

Consistance des selles selon l’échelle Bristol des 18 enfants ayant répondu.

Troubles vésico-sphinctériens et anorectaux des enfants paralysés cérébraux Tableau 3

Caractéristiques des 6 enfants incontinents fécaux.

Incontinence de selle

Traces de selles soiling

Âge (ans)

Scolarisation

GMF-CS

PC

Bristol

Fréquence de l’incontinence fécale

Incontinence u ri n aire

Diurne/ nocturne

10,5

Ordinaire

4

Quadriplégie

5

Tous les jours

Occasionnelle

D+N

6,5

Ordinaire

4

Diplégie

5

Permanente

D+N

15

Pas scolarisé

4

Diplégie

3

> une fois/semaine > une fois/mois

Occasionnelle

D

13

Ordinaire

2

Diplégie

3

Occasionnelle

D

10,5

Ordinaire

1

Hémiplégie

?

Occasionnelle

D

11

Ordinaire

1

Hémiplégie

6

> une fois/semaine > une fois/mois > une fois/mois

Occasionnelle

D

groupe d’enfant PC. Nous n’avons effectué aucun examen radiologique, mais la consistance des selles était un reflet indirect du temps de transit. Deux tiers des enfants avaient des selles de consistance Bristol supérieur ou égale à 3, le ralentissement du transit colique aurait donc été loin d’être la règle générale. Les alternances diarrhées/constipation étaient repérées à l’interrogatoire mais on n’a pas pu exclure l’existence d’une « fausse diarrhée chronique » sur constipation. Les mécanismes de l’IF étaient mal connus et probablement multifactoriels. Dans notre étude, l’âge moyen des enfants continents urinaires ne différait pas significativement de celui des enfants incontinents, le plus jeune des enfants continents était âgé de dix ans. Cela aurait pu faire évoquer un rôle de l’âge dans l’acquisition de la continence, comme le suggéraient Ozturk et al. [5]. Cependant, l’âge moyen de l’acquisition de

Figure 2.

571

la propreté était normal chez les quatre enfants continents dont les parents avaient répondu à la question, comme le constataient Richardson et Palmer [6]. Le faible effectif actuel n’a pas permis d’étude statistique de l’IU en fonction du type de PC. Cependant, les enfants ayant une PC plus sévère avaient plus d’incontinence : tous ceux ayant un GMF-CS supérieur ou égal à 3 étaient incontinents. Les scores GMF-CS et MIFmôme moyens des enfants continents urinaires, étaient significativement meilleurs que ceux des incontinents. Ces résultats étaient retrouvés dans d’autres études [4,5,14], mais pas dans la série d’Ersoz et al. [1]. Une des faiblesses de cette étude était le défaut d’évaluation précise des fonctions cognitives. Cependant, nous avions un indicatif indirect de ces fonctions cognitives par la scolarisation en milieu ordinaire ou la

Répartition des sous-scores des 10 dimensions du questionnaire Kidscreen-52 répondu par les 8 enfants PC.

572 nécessité d’une scolarité en milieu spécialisé. Nous ne pouvions pas préciser l’existence ou pas d’une association entre déficience intellectuelle et incontinence dans la PC. Cependant dans notre étude, la majorité des enfants (environ 70 %) étaient scolarisés (milieu ordinaire ou classe spécialisée intégrée dans un milieu ordinaire) et avaient une incontinence. L’IU et ses comorbidités (chutes, escarres. . .) entraînent un retentissement sur la QDV, et génèrent des coûts de prise en charge [15]. Les troubles urinaires peuvent avoir un impact comme celui d’autres maladies chroniques graves [16], ou qu’un handicap locomoteur sévère [17]. Ici deux tiers des enfants scolarisés avaient une urgenturie, reconnue particulièrement pourvoyeuse de retentissement sur la QDV [18]. Les différents facteurs impactant la qualité de vie des enfants PC scolarisés ont été étudiés [19], mais seul les troubles moteurs et cognitifs ont été pris en compte, l’impact des TVS n’a jamais été étudié, ce qui peut témoigner de leur sous-estimation, derrière les autres problématiques de ces patients. Pourtant, le fait de porter des couches est un facteur limitant à l’admission à l’entrée à l’école maternelle et peut imposer une démarche spécifique des parents. La présence d’urgenturie peut amener l’enfant à aller aux toilettes pendant une lec ¸on, et en perturber le suivi. L’IU et les couches peuvent générer des moqueries des camarades de classe et constituer un facteur de limitation d’intégration sociale. Les scores des questionnaires Kidscreen-52 parents comme enfants ne différaient pas significativement entre ceux qui ne portaient pas de couches et ceux qui en portaient. Les dimensions « bien-être physique » et « participation sociale » étaient les plus atteintes. Il aurait été possible que le handicap plus sévère des enfants

J. Beaufils et al. porteurs de couches suffisait à expliquer cette différence. Des échelles de QDV spécifiques des TVS sont donc nécessaires [20]. Aucune échelle de QDV spécifique des TVS n’est validée chez l’enfant. Nous avons donc choisi d’utiliser l’item relatif à la QDV du score AKBAL. Les réponses à cette question montraient qu’il existait un retentissement des TVS sur la QDV chez plus de la moitié des enfants étudiés, dont 50 % d’enfants avec des PC parmi les moins sévères (GMFCS 1 et 2) et 80 % d’enfants scolarisés en milieu ordinaire pour lesquels cette problématique n’était probablement pas négligeable. Notre étude montrait que les parents pouvaient sousestimer les troubles urinaires et fécaux de leur enfant. Certains avaient déclarés leur enfant propre pour les urines alors que ceux-ci portaient des couches et que les deux avaient une double incontinence. Plusieurs précisaient dans leur questionnaire un âge d’acquisition de la propreté urinaire diurne alors que des fuites étaient signalées aux questions suivantes, ou précisaient un âge d’acquisition de la propreté urinaire nocturne alors qu’une énurésie était encore signalée. Cela allait dans le sens d’un défaut de prise en compte des TVS par les aidants, peut-être par priorisation des troubles moteurs et cognitifs plus visibles.

Conclusion Les troubles vésicosphinctériens et anorectaux étaient très fréquents chez les enfants PC. Le dépistage systématique de l’incontinence devrait être effectué à chaque consultation des enfants PC par les médecins et les soignants en vue d’une amélioration de la QDV des enfants atteints de PC.

Annexe 1. Questionnaire systématique Nom: . . .. . .. . .. . .. . .. . . Prénom: Date de naissance: . . .. . .. . .. . .. . .. Adresse postale : . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. Mail des parents: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. Téléphone: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... Date d’inclusion (accord . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... de participer à l’étude): Données générales: Naissance: oui À terme: Prématuré: oui Si oui, nombre de semaine d’aménorrhée: ............... Critères d’exclusion: Diabète Malformations urogénitales/anorectales Lésions médullaires

oui oui oui

Données cliniques: Paramètre: Âge (mois):

. . .. . ..

. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ...

non non

non non non

Troubles vésico-sphinctériens et anorectaux des enfants paralysés cérébraux

573

Annexe 1 (Suite) Sexe: Poids (kg): Taille (cm):

. . .. . .. . ... . . .. . .. . .. . . . . .. . .. . ...

Type de PC: Forme PC: Spastique  Ataxique  Dyskinétique  Dystonique  Choréo-athétosique 

diplégie

hémiplégie

Niveau intellectuel: Scolarité: Milieu ordinaire

oui oui

non non

Classe:

. . .. . .. . ...

Redoublement d’une classe Troubles du comportement à l’école

oui oui

Handicap: GMF-CS: niveau

. . .. . .. . ..

quadriplégie

non non

oui non Marchants: Si oui, avec aide technique: non oui Précisez laquelle/lesquelles: . . .. . .. . ... Score MIF môme: . . .. . .. . .. . .. Évaluation des troubles vésico-sphinctériens et anorectaux: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... Prise de traitements à visée urologiques (DCI): . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. Prise de traitement ano-rectale: Autres traitements: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... Neurostimulation tibial postérieur: oui non . . .. . .. . .. . .. . . fréquence:. . .. . .. . .. . .. . ... Si oui, durée: Concernant les urines:  acquise......../ non acquise  Âge d’acquisition de la propreté urinaire diurne (mois): Âge d’acquisition de la propreté urinaire nocturne (mois):  acquise......../ non acquise  Mode mictionnel: Naturelle: Autosondage: Hétérosondage: Fréquence des ASI ou HSI par jour:

oui non oui non, si oui exclusifs oui non, si oui exclusifs . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .

Utilisations pour se protéger des fuites: Couches/changes complets Serviettes hygiéniques Protèges slips

oui oui oui

non non non

oui

non

oui . . .. . .. . .. . .. . ..

non

Si oui, quand ? Jour Nombre: 0  1/24 h par sécurité  > 1/24 h Nuit Nombre: 0  1/24 h par sécurité  > 1/24 h

oui oui

non non

574

J. Beaufils et al.

Annexe 1 (Suite) Nycturie: plainte de se lever au moins une fois Si oui, . . .. . .. . .. . .. . .. . . levers la nuit

oui

non

oui non Infections urinaires symptomatiques: (Brulures, fièvre, douleurs abdominales hypogastriques et/ou lombaires, ECBU+, soulagement par antibiotique) Décrire les symptômes: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. Fièvre: oui non Nombre d’épisode dans l’année précédente: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... ECBU: oui non Germe: . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ... oui non Antibiotiques: Lequel ? ............................ Durée ? .................. ................. Concernant les selles:  acquise........../  non acquise Âge d’acquisition de la propreté fécale diurne (mois): Age d’acquisition de la propreté fécale nocturne (mois):  acquise........../  non acquise Constipation: ou= une fois par jour

oui oui oui

Consistance des selles: Échelle BRISTOL:

. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . ..

Incontinence fécale: Type: traces de selles  Diurne: Fréquence: F

[Preliminary study: Lower urinary tract dysfunction and anorectal disorders in children with cerebral palsy].

Describe lower urinary tract dysfunction and anorectal disorders to children with cerebral palsy (CP), indicating their impact on quality of life...
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