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Rec¸u le : 26 novembre 2014 Accepte´ le : 22 mai 2015

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Me´moire original

Difficulte´s de prise en charge des infections urinaires fe´briles chez l’enfant vietnamien Practical problems related to the management of febrile urinary tract infection in Vietnamese children H.P. Duonga,*, T.T. Mong Hiepa, D.T. Hoanga, F. Janssenb, P. Lepagec, P. De Mold, S. Blumentalc, K. Ismailib a

De´partement de ne´phrologie pe´diatrique, hoˆpital Nhi Dong 2, universite´ Pham Ngoc Thach, 14, Ly Tu Trong, Quaˆ.n 1, Hoˆ-Chi-Minh, Viet Nam b De´partement de ne´phrologie pe´diatrique, hoˆpital universitaire des Enfants–Reine-Fabiola, universite´ Libre de Bruxelles (ULB), Bruxelles, Belgique c De´partement des maladies infectieuses, hoˆpital universitaire des Enfants–Reine-Fabiola, universite´ Libre de Bruxelles (ULB), Bruxelles, Belgique d De´partement de microbiologie me´dicale, CHU Sart-Tilman, universite´ de Lie`ge (ULg), Lie`ge, Belgique

Summary Background. To describe the practical problems related to urinary tract infection (UTI) management in febrile Vietnamese children. Methods. During a prospective 28-month inclusion period, 143 febrile children with significant bacteriuria were treated for UTI in the nephrology department of Nhi Dong 2 children’s hospital in Ho Chi Minh City, Vietnam. Patients were treated after blood and urine samples had been taken for culture, according to a local antibiotic protocol, parenterally with ceftriaxone 75 mg/kg/day. Oral treatment with cefixime 8 mg/kg/day was started after 48 h of apyrexia for 2 weeks. According to local protocol, antibiotic therapy was only changed if children did not respond clinically to treatment regardless of antibiogram results. Results. Among these 143 children, 51% were girls and 80% of them had their first UTI before the age of 2 years. The commonest causative agent was Escherichia coli (80% of cases) with a high resistance rate to ampicillin (91%) and cotrimoxazole (74%). Extended-spectrum b-lactamase (ESBL) production was observed in 52% of Enterobacteriaceae isolates. According to antibiotic susceptibility, the initial treatment with ceftriaxone was found to be inappropriate in 63% of cases. Conclusions. E. coli was responsible for 80% of UTIs in Vietnamese children with a high rate of resistance to first-line antibiotics. ESBL production was found to be extremely high in this study. Based

Re´sume´ Objectifs. De´crire les re´alite´s lie´es au diagnostic et au traitement de l’infection urinaire (IU) chez les enfants fe´briles vietnamiens, ainsi que les caracte´ristiques cliniques et la fre´quence des germes uropathoge`nes et leur taux de re´sistance. Me´thodes. E´tude prospective de 28 mois re´alise´e chez les enfants fe´briles traite´s pour IU documente´e dans le de´partement de ne´phrologie de l’hoˆpital pe´diatrique Nhi-Dong 2 a` Hoˆ-Chi-Minh-Ville (Vietnam). Apre`s l’obtention de pre´le`vements sanguins et urinaires, les enfants ont e´te´ traite´s par la ceftriaxone intraveineuse (75 mg/kg/ j). Apre`s 48 heures d’apyrexie, le relais a e´te´ pris par ce´fixime (8 mg/ kg/j) par voie orale pour une dure´e de traitement totale de 14 jours. L’adaptation du traitement n’e´tait envisage´e que chez les enfants ne re´pondant pas cliniquement, sans tenir compte de l’antibiogramme. Re´sultats. Cent-quarante-trois enfants ont e´te´ traite´s (51 % de filles) dont 80 % avaient eu leur premier e´pisode d’IU avant l’aˆge de 2 ans. Escherichia coli e´tait responsable de 80 % des IU, avec un taux de re´sistance de 91 % a` l’ampicilline et de 74 % au cotrimoxazole. Des ente´robacte´ries productrices de b-lactamases a` spectre e´tendu (BLSE) ont e´te´ isole´es dans 52 % des cultures. Selon l’antibiogramme, le traitement initial par ceftriaxone e´tait inapproprie´ dans 63 % des cas. Conclusions. E. coli est responsable de la majorite´ des IU chez l’enfant vietnamien avec un taux e´leve´ de re´sistance aux antibiotiques de premie`re ligne. La production de BLSE est extreˆmement

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (H.P. Duong). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.05.010 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-5 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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on these data, we propose a new empiric treatment schedule for Vietnamese children suspected of UTI. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

e´leve´e. Nous proposons une prise en charge plus rationnelle des enfants fe´briles avec IU ainsi qu’un traitement antibiotique empirique tenant compte de l’e´mergence des germes multire´sistants. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

pre´ce´dentes. En plus de la fie`vre, au minimum 2 des signes suivants e´taient ne´cessaires pour faire analyser les urines : une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral, une douleur lombaire, une inappe´tence ou des vomissements et les signes biologiques suivants : leucocytose  15 000/mm3, prote´ine Cre´active  40 mg/L. Lorsqu’une analyse d’urine a` la bandelette (BU) re´alise´e au service d’accueil des urgences (SAU) e´tait positive, un deuxie`me pre´le`vement d’urine e´tait re´alise´ dans le de´partement de ne´phrologie pour un examen cytobacte´riologique par microscope et culture. Les e´chantillons d’urines chez les nourrissons qui n’avaient pas de miction volontaire ont e´te´ obtenus par pose de sac ste´rile pre´ce´de´e d’un simple nettoyage des organes uroge´nitaux avec du savon suivie d’une de´sinfection avec de la be´tadine aqueuse a` 1 %. Chez les enfants plus grands, les urines ont e´te´ recueillies a` mi-jet apre`s une toilette locale. L’analyse d’urine e´tait conside´re´e comme positive a` la BU en pre´sence de leucocyte este´rase (LE) ou de nitrites et a` l’examen microscopique d’urine centrifuge´e en pre´sence de plus de 5 leucocytes par champ. L’IU e´tait confirme´e si la culture re´ve´lait > 100 000 colonies/mL d’un unique germe uropathoge`ne. Tous les enfants fe´briles suspects d’IU ont e´te´ traite´s apre`s pre´le`vement de sang et d’urine par ceftriaxone intraveineuse (75 mg/kg/j) selon un protocole de traitement antibiotique utilise´ localement depuis plus de 15 ans. Un traitement oral par ce´fixime (8 mg/kg/j) e´tait instaure´ apre`s 48 heures d’apyrexie, quels que soient les re´sultats de l’antibiogramme. La dure´e totale du traitement e´tait de deux semaines. Dans les habitudes the´rapeutiques locales, l’antibiothe´rapie n’e´tait modifie´e que si l’e´tat clinique de l’enfant s’aggravait ou si la fie`vre persistait plus de 3 jours apre`s l’instauration du traitement. A` la sortie de l’hoˆpital, les enfants e´taient prie´s de revenir a` la consultation pour ve´rifier la normalisation de la BU mais aucun suivi n’e´tait enregistre´. Les germes urinaires pathoge`nes e´taient caracte´rise´s selon des proce´dures standardise´es du laboratoire de microbiologie de l’hoˆpital Nhi-Dong 2. Le profil de sensibilite´ des principaux germes e´tait re´alise´ en utilisant des disques commerciaux standards (Oxoid Ltd, Basingstoke, Royaume-Uni) selon la me´thode de Kirby Bauer. L’interpre´tation du profil de sensibilite´ des bacte´ries se faisait selon les recommandations du Clinical and Laboratory Standards Institute (CLSI) [7]. La de´termination des souches BLSE e´tait re´alise´e phe´notypiquement par la me´thode de double diffusion recommande´e par le CLSI [7]. Le protocole d’e´tude a e´te´ revu et approuve´ par le comite´ d’e´thique de l’universite´ de Pham Ngoc Thach. Les variables

Les infections urinaires (IU) sont fre´quentes chez l’enfant ; 8 % des filles et 2 % des garc¸ons ont au moins une IU avant l’aˆge de 7 ans [1]. Les difficulte´s pour pre´lever proprement les urines chez un enfant qui n’a pas de miction volontaire peuvent amener a` une sure´valuation du diagnostic d’IU et a` des traitements par antibiotiques inutiles. Les ente´robacte´ries sont les germes les plus souvent retrouve´s dans ce groupe d’aˆge [2,3]. La re´sistance de ces bacte´ries a` l’ampicilline et au cotrimoxazole est de plus en plus rapporte´e de par le monde [2,3] mais aussi aux b-lactames a` cause de la production de blactamases a` spectre e´tendu (BLSE) [4]. Au Vietnam, comme dans d’autres pays en voie de de´veloppement, la re´sistance aux antimicrobiens est pre´occupante. Quelques rapports re´cents ont montre´ une haute pre´valence de re´sistance des ente´robacte´ries commensales a` la plupart des antibiotiques prescrits [5,6]. A` ce jour, il n’y a pas de donne´es concernant le profil bacte´rien et la re´sistance aux antibiotiques chez les enfants vietnamiens souffrant d’IU. Les buts de cette e´tude e´taient :  de de ´ crire les pratiques courantes de prise en charge des enfants vietnamiens avec un diagnostic d’IU fe´brile ;  de caracte ´ riser les germes en cause et d’analyser leur antibiogramme ;  d’e ´ valuer l’efficacite´ du traitement empirique par ceftriaxone administre´ depuis plus de 15 ans dans le de´partement de ne´phrologie pe´diatrique.

2. Me´thodes De juillet 2010 a` novembre 2012, nous avons collecte´ prospectivement les donne´es de 216 enfants aˆge´s de 3 mois a` 15 ans hospitalise´s a` l’hoˆpital pe´diatrique Nhi-Dong 2 a` HoˆChi-Minh-Ville (Vietnam) pour une suspicion d’IU fe´brile. NhiDong 2 est un hoˆpital tertiaire universitaire qui peut fournir tous les soins de sante´ spe´cialise´s a` l’enfant. Il dessert la ville d’Hoˆ-Chi-Minh et plusieurs provinces du Sud du Vietnam. HoˆChi-Minh-Ville (anciennement Saı¨gon) est le poˆle e´conomique le plus important du sud du Vietnam. Sa population est estime´e a` 8,2 millions d’habitants. Nhi-Dong 2 a une capacite´ de plus 1400 lits et une quarantaine de me´decins re´alisent en moyenne 5000 consultations par jour, ce qui donne au me´decin « un temps d’examen » de 3 minutes/enfant. Les crite`res d’inclusion ont e´te´ limite´s aux enfants fe´briles : tempe´rature  38 8C a` l’entre´e ou dans les 24 heures

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Prise en charge des infections urinaires fe´briles chez les enfants vietnamiens

qualitatives ont e´te´ exprime´es en pourcentage et compare´es par le test du x2. Les variables continues ont e´te´ exprime´es en me´dianes avec les extreˆmes. Une valeur de p infe´rieure a` 0,05 a e´te´ conside´re´e comme statistiquement significative.

3. Re´sultats 3.1. Re´sultats de´mographiques et cliniques Pendant la pe´riode d’inclusion, 216 enfants fe´briles (241 e´pisodes, aˆge me´dian 11 mois, extreˆmes : 3 mois–15 ans) ont e´te´ traite´s pour suspicion d’IU. L’utilisation d’antibiotiques pre´alablement a` l’admission avait e´te´ rapporte´e chez 65 enfants (30 %). Parmi ces 216 enfants, une IU a e´te´ prouve´e par culture urinaire chez 143 enfants (66 %). Il s’agissait d’un premier e´pisode d’IU chez 132 (92 %) enfants dont 106 (80 %) e´taient aˆge´s de moins de 2 ans. Les donne´es a` l’admission des enfants avec IU ave´re´e sont re´sume´es dans le tableau I.

3.2. Bacte´riologie Parmi les 143 enfants dont la culture d’urine e´tait positive Escherichia coli (E. coli) a e´te´ isole´ dans 115 cas (80 %). La distribution des autres germes a e´te´ la suivante : 15 (10 %) Klebsiella pneumoniae, 8 (6 %) Enterococcus faecalis, 3 (2 %) Staphylococcus saprophyticus, 1 (1 %) Proteus mirabilis et 1 (1 %) Pseudomonas aeruginosa. Une re´sistance a` l’ampicilline et au cotrimoxazole e´tait pre´sente respectivement pour 91 % et 74 % des E. coli. Le tableau II montre le taux de re´sistance aux autres antibiotiques se´lectionne´s. La fosfomycine, la nitrofurantoı¨ne et l’amikacine ont montre´ la meilleure activite´ in vitro contre l’E. coli (respectivement 100 %, 99 % et 97 %). Le taux de re´sistance a` la

Tableau I Caracte´ristiques de´mographiques et cliniques des enfants inclus dans l’e´tude (n = 143). Total (%) Sexe Garc¸ons Filles Distribution par aˆge (mois) 3–12 13–24 25–36 > 36 Dure´e de la fie`vre avant l’admission (jours) 3 Taux de prote´ine C-re´active (mg/L) < 40 40–100 > 100

70 (49) 73 (51) 83 26 13 21

(58) (18) (9) (15)

48 30 30 35

(34) (21 (21) (24)

48 (34) 61 (43) 34 (24)

Tableau II Profil de re´sistance antimicrobienne (en pourcentage) des principales bacte´ries uropathoge`nes.

Ampicilline Amoxi-clavulanate Cotrimoxazole Nitrofurantoine Ce´furoxime Ceftriaxone Ce´fe´pime Ciprofloxacine Gentamicine Amikacine Imipenem Meropenem Fosfomycine

E. coli n = 115

Klebsiella pneumoniae n = 15

Enterococcus faecalis n=8

91 20 74 1 64 64 59 38 48 3 0 0 0

100 53 73 43 60 60 40 50 33 13 7 7 0

71 NF NF 14 NF NF NF 83 50 NF NF NF NF

NF : non fait ; E. coli : Escherichia coli.

ceftriaxone, la gentamicine, la ciprofloxacine et a` l’amoxicilline-acide clavulanique, e´tait respectivement de 64 %, 48 %, 38 % et 20 %. Parmi les 131 ente´robacte´ries isole´es, 68 (52 %) e´taient productrices de BLSE (62 E. coli et 6 Klebsiella pneumoniae). Le profil de re´sistance des germes producteurs de BLSE dirige´s contre les diffe´rents antibiotiques est de´crit dans le tableau III. La re´sistance a` la ciprofloxacine et a` la gentamicine e´tait significativement plus e´leve´e parmi les organismes producteurs de BLSE que parmi ceux qui ne l’e´taient pas (respectivement 57 % versus 17 % et 65 % versus 24 %, p < 0,001). La fosfomycine, les carbape´ne`mes et l’amikacine ont montre´ la meilleure activite´ in vitro dirige´e contre les pathoge`nes producteurs de BLSE (respectivement 100 %, 99 % et 94 %).

Tableau III Profil de re´sistance antimicrobienne des bacte´ries productrices et non-productrices de BLSE. BLSE

BLSE+

Antibiotiques

n = 63

n = 68

p

Ampicilline Amoxi-clavulanate Cotrimoxazole Nitrofurantoine Ce´furoxime Ceftriaxone Ce´fe´pime Ciprofloxacine Gentamicine Amikacine Fosfomycine Imipenem Meropenem

54 (86 %) 11 (17 %) 42 (67 %) 6 (10 %) 17 (27 %) 14 (22 %) 0 (0 %) 11 (17 %) 15 (24 %) 1 (2 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %)

68 (100 %) 21 (31 %) 53 (78 %) 2 (3 %) 68 (100 %) 68 (100 %) 68 (100 %) 39 (57 %) 44 (65 %) 4(6 %) 0 (0 %) 1 (1 %) 1 (1 %)

0,001 0,1 0,17 0,15 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,4 1 1

BLSE : b-lactamase a` spectre e´tendu.

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En fonction de la sensibilite´ aux antibiotiques, le traitement initial de l’IU par ceftriaxone e´tait inapproprie´ dans 63 % (82/131) des IU dues a` des ente´robacte´ries. L’e´chec du traitement avec de´gradation de l’e´tat clinique ou fie`vre persistante 3 jours apre`s l’instauration du traitement a e´te´ observe´ chez 42 (29 %) patients. Tous avaient une culture positive pour des ente´robacte´ries productrices de BLSE a` la premie`re admission et lors de la re´cidive. Dans tous ces cas, un traitement par amikacine a e´te´ instaure´ (15 mg/kg/j).

3.3. E´volution Douze enfants (8 %), 8 filles et 4 garc¸ons, ont pre´sente´ une re´cidive d’IU. Les cultures e´taient positives pour 8 E. coli et 4 Klebsiella pneumoniae avec une re´sistance a` la ceftriaxone chez 8/12 (67 %) enfants. Le de´lai me´dian entre le premier et le deuxie`me e´pisode d’IU a e´te´ de 2,3 mois (extreˆmes : 0,4– 24 mois).

4. Discussion La pre´valence d’une IU chez les enfants fe´briles de moins de 2 ans est estime´e approximativement a` 7 % [8]. Dans notre pe´riode d’e´tude de 28 mois, nous n’avons pu diagnostiquer que 143 enfants avec une IU ave´re´e. Ce nombre est certainement sous-estime´ pour plusieurs raisons :  des IU ont e ´ te´ probablement manque´es chez certains enfants fe´briles a` cause de la surcharge de travail au SAU, le temps d’examen me´dical moyen par patient e´tant de 3 minutes ;  l’examen des urines chez les enfants fe ´ briles n’e´tait pas fait syste´matiquement au SAU. Les enfants pre´sentant une atteinte des voies respiratoires supe´rieures ou du tractus digestif e´taient traite´s par antibiotiques oraux ;  il est tre ` s difficile d’obtenir un e´chantillon urinaire correct en raison de la densite´ de la population pe´diatrique au SAU et des ressources limite´es en mate´riel et en personnel me´dical. De nombreuses recommandations concernant les modalite´s de recueil des urines chez l’enfant ont e´te´ publie´es, notamment par l’American Academy of Pediatrics [9]. Le diagnostic d’IU par sac ste´rile est largement remis en cause. Bien entendu, la ne´gativite´ de cet examen rend tre`s improbable le diagnostic d’IU, mais la positivite´ n’a malheureusement qu’une faible valeur pre´dictive positive [9]. La majorite´ des bacte´ries identifie´es en culture apre`s recueil par sac (comme E. coli) sont souvent des bacte´ries commensales du pe´rine´e. Il faut noter que le personnel me´dical et parame´dical de l’hoˆpital Nhi-Dong 2 n’a pas l’habitude du cathe´te´risme ve´sical ni de la ponction sus-pubienne chez l’enfant. De plus, ces gestes invasifs sont difficilement accepte´s par les parents. Il est pourtant essentiel de sensibiliser les professionnels de sante´ a` l’abandon des pre´le`vements par sac et d’encourager d’autres me´thodes comme le sondage chez les nourrissons filles ou l’utilisation du pre´le`vement au deuxie`me jet chez les

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enfants qui se tiennent debout en laissant le sie`ge a` l’air et en donnant le pot a` la me`re. Notre e´tude, malgre´ ses faiblesses me´thodologiques, a montre´ qu’E. coli, isole´ dans 80 % des cas, e´tait le principal organisme responsable d’IU chez les enfants vietnamiens. Cela correspond au profil bacte´rien rapporte´ dans d’autres e´tudes internationales [2,3]. Une pre´occupation re´elle est le taux conside´rable de re´sistance d’E. coli aux antibiotiques de premie`re ligne [2,3]. Comme l’a montre´ cette e´tude, le taux de re´sistance a` l’ampicilline et au cotrimoxazole est extreˆmement e´leve´ (91 % et 74 %, respectivement). Notre e´tude souligne e´galement l’e´mergence d’E. coli producteur de BLSE. Ce taux e´leve´ a e´te´ de´crit chez les adultes dans la plupart des pays asiatiques et du Pacifique [10], mais peu de donne´es ont e´te´ publie´es en pe´diatrie. Un autre me´canisme de re´sistance aux ce´phalosporines de troisie`me ge´ne´ration est la production de ce´phalosporinase de haut niveau [11]. Cette production n’a pas e´te´ recherche´e dans notre e´tude. L’utilisation fre´quente et inade´quate des antibiotiques constitue un facteur de risque de portage de bacte´ries productrices de BLSE [12]. Au Vietnam, comme dans d’autres pays en voie de de´veloppement, l’utilisation inapproprie´e d’antibiotiques par la population entraıˆne la se´lection de souches de bacte´ries re´sistantes entraıˆnant une re´elle catastrophe bacte´riologique. La population a acce`s librement sans prescription me´dicale aux antibiotiques dans toutes les pharmacies, ce qui entraıˆne une importante consommation d’antibiotiques a` large spectre sans aucun controˆle [13]. Les corps acade´miques et politiques sont conscients de ce proble`me et des colloques ont e´te´ organise´s dans ce sens [14]. Il manque actuellement des campagnes d’information plus larges au niveau national, que ce soit a` l’adresse du corps me´dical ou de la population ge´ne´rale avec affichage dans les hoˆpitaux de district et centres de sante´ communautaire. Dans notre e´tude, un nombre important d’enfants pre´sentait une suspicion d’IU fe´brile sur la base des re´sultats de la BU et de l’examen au microscope, mais les cultures e´taient ne´gatives. Ceci peut s’expliquer, en partie au moins, par le nombre important d’enfants sous antibiothe´rapie orale a` l’admission et par l’utilisation syste´matique de la be´tadine comme de´sinfectant cutane´. Cette de´sinfection pourrait ste´riliser les urines et influencer l’examen quantitatif de la croissance bacte´rienne [15]. Par ailleurs, des donne´es de la litte´rature ont montre´ que certaines pye´lone´phrites aigue ¨s pouvaient s’accompagner de cultures ne´gatives alors que la scintigraphie au DMSA (acide dimercaptosuccinique) e´tait compatible avec une atteinte parenchymateuse [16]. Le choix empirique du traitement antibiotique par la ceftriaxone a e´te´ e´tabli depuis plus de 15 ans a` la suite d’un rapport local de 1998 (non publie´) qui montrait une grande sensibilite´ des ente´robacte´ries aux ce´phalosporines de 3e ge´ne´ration (98 %). Le spectre de re´sistance a conside´rablement change´ au cours des dernie`res anne´es et l’on doit s’interroger sur le maintien de cette strate´gie the´rapeutique.

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Prise en charge des infections urinaires fe´briles chez les enfants vietnamiens

On peut eˆtre surpris par le fait que certains patients infecte´s par des souches d’E. coli productrices de BLSE aient re´pondu cliniquement a` la ceftriaxone (de´fervescence thermique, controˆle ne´gatif des urines). Cela pourrait s’expliquer par le profil pharmacocine´tique tre`s particulier de ce me´dicament, principalement par sa tre`s longue demi-vie d’excre´tion, avec 40 % de la dose excre´te´e inchange´e dans l’urine apre`s 48 heures d’administration [17]. Par conse´quent, la tre`s haute concentration de la drogue active dans les urines pourrait annihiler l’effet des b-lactamases des E. coli. Cette hypothe`se ne´cessite cependant une confirmation clinique. Compte tenu de la fre´quence importante des souches productrices de BLSE chez les enfants de notre e´tude, le traitement empirique par ceftriaxone devrait eˆtre abandonne´ et l’amikacine ou la fosfomycine utilise´es comme traitement initial. Actuellement, ces deux me´dicaments pre´sentent des taux tre`s bas de re´sistance de la part des ente´robacte´ries, y compris des souches productrices de BLSE et sont relativement peu cou ˆ teux. L’amikacine peut eˆtre donne´e en une seule dose quotidienne et pre´sente une faible ne´phrotoxicite´ si elle est administre´e pendant une courte pe´riode. La fosfomycine peut eˆtre donne´e par voie intraveineuse ou orale avec peu d’effets secondaires [18]. Quoi qu’il en soit, il semble fondamental de s’appuyer sur les antibiogrammes afin de re´e´valuer la pertinence du traitement antibiotique instaure´ empiriquement a` l’admission.

5. Conclusion Cette e´tude vietnamienne illustre les grandes difficulte´s de diagnostic et de traitement des enfants hospitalise´s pour IU. E. coli e´tait le germe le plus fre´quent avec un taux de re´sistance e´leve´ a` l’ampicilline et au cotrimoxazole. Les souches productrices de BLSE repre´sentaient 52 % des ente´robacte´ries isole´es. Le de´pistage des IU chez les enfants fe´briles doit eˆtre ame´liore´ et le protocole de traitement empirique adapte´ aux re´alite´s du terrain.

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De´claration d’inte´reˆts

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Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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Re´fe´rences [1]

Hellstrom A, Hanson E, Hansson S, et al. Association between urinary symtoms at 7-year-old and previous urinary tract infections. Arch Dis Child 1991;66:232–4.

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[Practical problems related to the management of febrile urinary tract infection in Vietnamese children].

To describe the practical problems related to urinary tract infection (UTI) management in febrile Vietnamese children...
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