Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 139–141

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Cas clinique

Métastase pinéale d’un carcinome mammaire : à propos d’un cas et revue de la littérature Pineal metastasis of breast cancer: Case report and review S. Kanoun Belajouza a , O. Jaidane a,∗ , M. Labidi a , C. Kraiem b , N. Bouaouina a a b

Service de cancérologie–radiothérapie, CHU Farhat-Hached, rue Ibn-El-Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie Service d’imagerie radiologique, CHU Farhat-Hached, rue Ibn-El-Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 13 avril 2012 Rec¸u sous la forme révisée le 10 octobre 2013 Accepté le 23 octobre 2013

r é s u m é Les métastases pinéales des tumeurs solides sont très rares. Le cancer primitif est généralement absent au moment du diagnostic de la métastase. Leur diagnostic est fait à l’IRM cérébrale, qui constitue l’examen clé. Notre travail se proposait de faire une revue de la littérature à propos de cette entité rare, en rapportant un cas de métastase pinéale d’un carcinome mammaire, colligé dans notre service. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

Mots clés : Glande pinéale Métastase Cancer du sein

a b s t r a c t Keywords: Pineal gland Metastasis Breast cancer

Pineal metastases of solid tumors are rare. Primary cancer is generally absent at the diagnosis, for which a cerebral MRI is important. We report a case of pineal metastasis occurring in a 76-year-old woman treated for breast carcinoma in our department. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

1. Introduction Les métastases pinéales des tumeurs solides sont une entité rare. En effet, moins de 40 cas ont été rapportés dans la littérature [1–3]. La tumeur primitive est le plus souvent absente au moment du diagnostic. Souvent asymptomatiques, elles sont découvertes sur examen autopsique. Nous en rapportons un cas colligé en 2008 dans notre service. 2. Observation Une patiente âgée de 76 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle traitée, avait consulté pour un nodule du sein droit découvert à l’autopalpation. La mammographie trouvait une opacité du quadrant supéro-externe droit de 26 mm de grand axe, dense,

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : olfa [email protected] (O. Jaidane).

homogène et bien limitée. L’échographie mammaire objectivait une formation ovalaire bien limitée, hypoéchogène et homogène, sans atténuation postérieure des ultrasons. L’opacité a été classée ACR3. La patiente a eu une exérèse simple de la masse. L’examen histologique de la pièce de tumorectomie avait conclu à un carcinome canalaire infiltrant, de grade Scarff, Bloom et Richardson (SBR) II, mesurant 15 mm de grand axe. Les récepteurs hormonaux étaient exprimés pour l’œstrogène (100 %), mais non pour la progestérone (moins de 5 %). Il n’y avait pas de surexpression de l’oncogène Her-2. Le bilan d’extension n’avait pas montré de localisations secondaires. Une reprise chirurgicale par des recoupes systématiques du lit tumoral ainsi qu’un curage axillaire ont été pratiqués. L’étude anatomopathologique avait conclu à l’absence de foyers carcinomateux résiduels au niveau des recoupes. Treize ganglions avaient été prélevés, tous indemnes de métastase. La tumeur a été classée pT1N0M0. Le traitement adjuvant avait consisté en une radiothérapie locale dans le cadre de son traitement conservateur et une hormonothérapie par tamoxifène. Trois ans après le diagnostic, la patiente a été atteinte d’un ptosis de l’œil droit et des céphalées. L’IRM cérébrale a mis en

1278-3218/$ – see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.10.012

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Fig. 1. IRM cérébrale montrant un nodule pinéal (flèche). A. Séquence T1. B. Séquence T2. C. Après injection de gadolinium. Pineal nodule on cerebral MRI (arrow). A. T1 sequence. B. T2 sequence. C. After gadolinium injection.

évidence de multiples localisations secondaires intéressant l’os, la loge caverneuse droite, ainsi qu’un nodule de la région pinéale. Ce dernier était une lésion grossièrement ovalaire, mesurant 9 mm de grand axe, en iso-signal T1 et T2 et se rehaussant après injection de gadolinium (Fig. 1). Le reste du bilan d’extension a montré des masses surrénaliennes, bilatérales, d’allure secondaire ainsi que de multiples localisations osseuses secondaires (crâne, rachis dorsolombaire, gril costal, hémi-bassin et fémur gauches). Du fait de ces multiples localisations secondaires, le nodule pinéal n’a pas été biopsié et a été considéré d’origine métastatique. Notre stratégie thérapeutique, devant ce statut multimétastatique, l’âge de la patiente, l’altération de l’état général et le caractère symptomatique des métastases cérébrales et osseuses, a été de délivrer une radiothérapie cérébrale de 30 Gy en dix séances ainsi qu’osseuse, puis, une hormonothérapie de première ligne métastatique et des bisphosphonates, qui sont toujours en cours.

3. Discussion Les métastases pinéales sont rares. À notre connaissance, seulement 39 cas ont été rapportés dans la littérature, dont cinq d’un cancer du sein [1–3]. Leur incidence est faible. En effet, dans des séries autopsiques, cette incidence n’est que de 0,4 à 3,8 % [4,5]. Cependant, elle pourrait être plus élevée en raison de leur caractère souvent asymptomatique, rendant cette entité méconnue. Les principaux tableaux cliniques rapportés dans la littérature sont représentés par des céphalées, une encéphalopathie, des troubles oculomoteurs, des troubles endocriniens ou une hydrocéphalie [1,6]. Dans la majorité des cas, le cancer primitif est méconnu et recherché a posteriori après la découverte de la métastase. Ailleurs, les métastases pinéales peuvent apparaître chez des malades en situation de rémission de leur cancer. D’un point de vue physiopathologique, la proximité de la glande pinéale du troisième ventricule, et donc du liquide céphalorachidien, pourrait expliquer la fréquence élevée de l’atteinte méningée associée à ces métastases [7]. Cette atteinte est diagnostiquée sur l’étude cytologique du liquide céphalorachidien après ponction lombaire, qui retrouve des cellules néoplasiques (jusqu’à 67 % dans certaines séries) [1]. De plus, même si l’absence de barrière hématoméningée en regard de la glande pinéale suggèrerait une dissémination hématogène des cellules néoplasiques, le fait que la métastase pinéale soit souvent la seule localisation métastatique cérébrale pourrait être expliqué par l’hypothèse postulée par Paget du soil and seed [1]. Cette hypothèse suggère une adéquation entre les cellules tumorales (seed) et l’organe (soil). Cette interaction entre la cellule tumorale et le microenvironnement de certains organes riches en facteurs homéostasiques, contribuant à la croissance tumorale, la survie,

l’angiogénèse et l’invasion tumorale, expliquerait l’existence de sites particuliers de métastases de certains cancers [8,9]. Le diagnostic positif des métastases pinéales repose sur la présence d’une symptomatologie neurologique, déjà décrite, et sur la présence à l’imagerie par résonnance magnétique, qui constitue l’examen clé, d’une masse pinéale iso-intense en T1 et T2, prenant le contraste après injection de gadolinium [1,2]. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les autres tumeurs pinéales, telles que les pinéoblastomes, les pinéocytomes, les germinomes, les méningiomes ou même une sarcoïdose. Cependant, la présence d’un cancer déjà connu et souvent en rémission clinique, constitue le principal argument en faveur du caractère métastatique de la masse pinéale [1,2]. La tumeur primitive la plus souvent retrouvée est pulmonaire, mais le carcinome mammaire n’est pas exceptionnel [1–3,10]. En effet, le cancer mammaire donne fréquemment des métastases au niveau des glandes endocrines. De La Monte et al. ont rapporté une série de 187 patientes atteintes d’un cancer du sein avec des métastases au niveau des glandes endocrines, dont 2 % se localisaient au niveau de la glande pinéale [3]. Dans ce contexte, l’association à des métastases surrénaliennes, comme c’est le cas pour notre patiente, a été rapportée mais reste exceptionnelle. En effet, dans la série de De La Monte et al., il n’existe pas de corrélation entre les localisations surrénaliennes et pinéale synchrones du fait du faible nombre de celles-ci [3]. En raison de leur rareté, le traitement des métastases pinéales est non codifié, souvent conditionné par la présence d’autres métastases à distance. La chirurgie est rarement envisagée. La radiothérapie et/ou la chimiothérapie sont indiquées à but purement palliatif. Leur pronostic est malheureusement péjoratif et la survie dépasse rarement un an [1]. 4. Conclusion Les métastases pinéales des cancers du sein restent exceptionnelles, avec très peu de cas rapportés dans la littérature. Leur diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques. L’IRM est d’une grande aide au diagnostic. Leur pronostic défavorable limite les thérapeutiques, qui restent malheureusement à visée purement palliative. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Lassman AB, Bruce JN, Fetell MR. Metastases to the pineal gland. Neurology 2006;67:1303–4.

S. Kanoun Belajouza et al. / Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 139–141 [2] Kraker J, Maulucci C, Peng HQ, Reich SG. Pineal metastasis from breast cancer. Arch Neurol 2009;66:667. [3] De La Monte SM, Hutchins GM, Moore GW. Endocrine organ metastases from breast carcinoma. Am J Pathol 1984;114:131–6. [4] King AB, Ford FR. A clinical and anatomical study of neurological conditions resulting from metastases in the central nervous system due to carcinoma of the lung: review of one hundred cases. Bull Johns Hopkins Hosp 1942;70:124. [5] Schreiber D, Bernstein K, Schneider J. Metastases of the central nervous system: a prospective study. 3rd communication: metastases in the pituitary gland, pineal gland, and choroid plexus. Zentralbl Allg Pathol 1982;126:64–73.

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[Pineal metastasis of breast cancer: case report and review].

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