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PHARMA-390; No. of Pages 11

Annales Pharmaceutiques Françaises (2015) xxx, xxx—xxx

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MISE AU POINT

Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium夽 Physico-chemical and toxicological profile of gadolinium chelates as contrast agents for magnetic resonance imaging J.-M. Idée a,∗, N. Fretellier a, M.M. Thurnher b, B. Bonnemain a, C. Corot a a

Guerbet, division recherche et innovation, BP 57400, 95943 Roissy-Charles De Gaulle cedex, France b Département de radiologie, CHU de Vienne, AKH, Vienne, Autriche Rec ¸u le 20 octobre 2014 ; accepté le 13 janvier 2015

MOTS CLÉS Chélates de gadolinium ; Gadolinium ; Imagerie par résonance magnétique ; Agents de contraste ; Fibrose systémique néphrogénique

夽 ∗

Résumé Les chélates de gadolinium (CG) sont des agents de contraste très largement utilisés pour faciliter ou permettre l’établissement d’un diagnostic lors des examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Au plan réglementaire, les CG sont des médicaments. Les CG ont très largement contribué au succès de l’IRM, qui est un élément majeur de l’arsenal diagnostique des cliniciens. Les CG ne sont pas métabolisés et sont excrétés par voie rénale. Ils se distribuent dans le compartiment extracellulaire. La toxicité du gadolinium impose son administration sous forme complexée. Les CG sont classés selon la structure chimique de leur ligand (linéaire ou macrocyclique) et leur charge (ionique, conduisant à des sels de méglumine ou de sodium, ou non ionique). De cette structure dépend la stabilité thermodynamique de ces chélates, les CG macrocycliques présentant la stabilité cinétique la plus élevée, et les CG ioniques sont en général thermodynamiquement plus stables que les CG non ioniques, ce qui réduit fortement le risque de dissociation du gadolinium. La tolérance des CG a longtemps été considérée comme excellente, jusqu’à la mise en évidence d’un lien de causalité entre l’administration de CG et une maladie sévère de description récente, la fibrose systémique néphrogénique (FSN). Il

Présenté lors de la séance académique du 12 novembre 2014. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Idée).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001 0003-4509/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

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J.-M. Idée et al. est assez vite apparu que la quasi-totalité des cas de FSN est consécutive à l’administration de certains CG linéaires chez des patients insuffisants rénaux. Au niveau international, les autorités de santé ont émis des recommandations qui ont très fortement réduit la survenue de nouveaux cas de FSN. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Gadolinium chelates; Gadolinium; Magnetic resonance imaging; Contrast agents; Nephrogenic systemic fibrosis

Summary Gadolinium chelates (GC) are contrast agents widely used to facilitate or to enable diagnosis using magnetic resonance imaging (MRI). From a regulatory viewpoint, GC are drugs. GC have largely contributed to the success of MRI, which has become a major component of clinician’s diagnostic armamentarium. GC are not metabolised and are excreted by the kidneys. They distribute into the extracellular compartment. Because of its high intrinsic toxicity, gadolinium must be administered as a chelate. GC can be classified according to two key molecular features: (a) nature of the chelating moiety: either macrocyclic molecules in which gadolinium is caged in the pre-organized cavity of the ligand, or linear, open-chain molecules, (b) ionicity: Gd chelates can be ionic (meglumine or sodium salts) or non-ionic. The thermodynamic and kinetic stabilities of the various GCs differ according to these structural characteristics. The kinetic stability of macrocyclic GCs is much higher than that of linear GCs and the thermodynamic stability of ionic GCs is generally higher than that of non-ionic GC, thus leading to a lower risk of gadolinium dissociation. This class of drugs has enjoyed an excellent reputation in terms of safety for a long time, until a causal link with a recently-described serious disease, nephrogenic systemic fibrosis (NSF), was evidenced. It is acknowledged that the vast majority of NSF cases are related to the administration of some linear CG in renally-impaired patients. Health authorities, worldwide, released recommendations which drastically reduced the occurrence of new cases. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique d’imagerie médicale qui permet l’acquisition d’images anatomiques en deux ou trois dimensions, avec une excellente résolution spatiale. Cette technique est fondée sur le principe de la résonance magnétique nucléaire, c’està-dire sur la propriété de certains noyaux d’atomes (comme l’hydrogène) à posséder un moment magnétique de spin. C’est en 1973 que le chimiste américain et prix Nobel de médecine et physiologie (2003) Paul Lauterbur, obtint la première image en IRM [1]. L’IRM permet l’obtention d’un bon contraste entre les tissus mous, notamment. Elle présente l’intérêt notable de ne pas être irradiante (contrairement au scanner ou à la médecine nucléaire). C’est bien sûr un outil diagnostique majeur, mais elle aide également à la décision thérapeutique et au suivi de l’efficacité d’un traitement. L’IRM anatomique (ou structurelle) permet de visualiser la structure anatomique d’un organe et permet, par exemple, de visualiser des tumeurs ou de localiser certaines malformations. L’IRM permet aussi l’imagerie fonctionnelle et ainsi l’étude dynamique de la fonction d’un organe ou de caractéristiques physiologiques d’un tissu. L’IRM a majoritairement des indications neurologiques (environ 50 %) et cardiovasculaires (17 %). La recherche d’une tumeur est la cause principale de la prescription d’une IRM. Le contraste entre les tissus n’est pas toujours suffisant pour permettre la différenciation nette des structures

anatomiques d’intérêt. Les agents de contraste utilisés en IRM permettent d’améliorer le contraste et de mieux visualiser et caractériser, par exemple, les micro-vaisseaux, les ganglions ou de distinguer certaines tumeurs ou leurs limites anatomiques. Ils sont administrés par voie intraveineuse. La distribution des CG n’étant pas homogènes dans l’organisme, le signal issu de différents tissus sera différent. Les tumeurs fortement vascularisées présenteront un hyper-signal, par exemple. Dans le cerveau, la barrière hémato-encéphalique est imperméable aux CG. Elle n’est plus fonctionnelle dans les lésions tumorales, ce qui permet de distinguer ces dernières du tissu sain, après extravasation de ces molécules. Le gadolinium (Gd3+ ) présente des propriétés paramagnétiques uniques (c’est-à-dire que, bien que ne possédant pas d’aimantation spontanée, il acquiert celle du champ magnétique extérieur auquel il est soumis). On soulignera qu’en IRM, ce n’est pas l’agent de contraste que l’on voit sur l’image, mais la conséquence de ses effets sur les protons environnants. Les chélates de gadolinium (CG) sont très largement utilisés comme agents de contraste en IRM depuis la fin des années 1980 [2]. Ils sont administrés dans environ 40 % des examens. Comme tous les agents de contraste, ce sont des médicaments puisqu’utilisés « en vue d’établir un diagnostic médical ». On peut estimer que le succès considérable de l’IRM est en partie redevable à l’efficacité des agents de contraste, tant aux plans diagnostic que fonctionnel. Leur efficacité a été démontrée dans un très grand nombre d’essais cliniques. Un

Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

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Figure 1. Imagerie par résonance magnétique du cerveau pondérée T1 sans (A) et avec (B) administration d’un chélate de gadolinium, permettant la mise en évidence de lésions métastatiques focales. Brain T1-weighted magnetic resonance imaging (MRI) without (A) and with (B) gadolinium complex administration, showing enhancing focal lesions representing metastatic disease. Courtoisie du Pr MM Thurnher, département de radiologie, CHU de Vienne AKH, Vienne, Autriche.

exemple d’application d’un agent de contraste est montré en Fig. 1.

Le gadolinium Le gadolinium (Gd3+ , numéro atomique Z = 64 ; masse molaire M = 157,25) est un élément de la famille des lanthanides. Cet élément a été découvert par le chimiste suisse Jean-Charles Galissard de Marignac en 1880, isolé par le franc ¸ais Paul-Émile Lecoq de Boibaudran en 1886. Le chimiste finlandais Johann Gadolin n’a pas découvert le métal qui porte son nom. Il a isolé, en 1794, une terre rare, qu’il a d’abord appelée ytterbium, d’après le nom du village (Ytterby) où se situe la carrière d’où elle avait été extraite, en Suède. C’est Lecoq de Boibaudran qui, en 1886, convaincra Galissard de Marignac de nommer « gadolinium » l’élément découvert par ce dernier [3]. La famille des lanthanides consiste en 15 éléments allant du lanthane (Z = 57) au lutécium (Z = 71). Le terme « terres rares » a longtemps été utilisé pour désigner ces éléments ainsi que l’yttrium (Z = 39) et le scandium (Z = 21), deux métaux qui possèdent de nombreuses propriétés chimiques communes aux lanthanides. Cependant, certains de ces métaux (comme le cérium) n’étant pas rares, stricto sensu, ce terme a été abandonné. Les lanthanides n’ont pas de rôle connu chez les organismes vivants. Les lanthanides sont souvent trivalents, même si certains (europium, samarium) peuvent exister au degré d’oxydation +2, voire +4 (cérium). Tous les lanthanides (Ln3+ ), à l’exception du La3+ et du Lu3+ , présentent des propriétés paramagnétiques, car ils possèdent des électrons non appariés. Le Gd3+ est particulièrement intéressant car il a sept électrons célibataires, ce qui lui confère un moment magnétique très élevé. De plus, sa symétrie orbitalaire lui permet d’avoir un temps de relaxation électronique long (T1 > 10−9 s) comparativement

aux autres lanthanides [4]. Ces deux propriétés sont à l’origine d’un couplage dipolaire efficace entre le moment magnétique du Gd3+ et le moment magnétique des protons qui l’environnent, induisant ainsi une augmentation de la vitesse de relaxation des protons (R1 et R2 , définis comme l’inverse des temps de relaxation T1 et T2 , respectivement). Comme pour tous les lanthanides, cette toxicité dépend de la voie d’administration. L’absorption gastro-intestinale est faible. Elle est plus importante en cas d’inhalation, et les travailleurs exposés au gadolinium présentent un risque notable de pneumoconiose [5]. La toxicité aiguë du gadolinium libre est bien connue et repose sur de nombreuses études réalisées in vitro et chez l’animal après administration intravasculaire [6]. Le rayon ionique de Gd3+ (107,8 pm) est proche de celui de Ca2+ (114 pm), ce qui explique en partie sa capacité à bloquer les canaux Ca2+ voltage-dépendant. De nombreux effets biologiques du Gd3+ s’expliquent par sa capacité à interférer avec des mécanismes calcium-dépendants. C’est ainsi qu’il inhibe la contraction musculaire, la coagulation sanguine et la transmission de l’influx nerveux [7]. Il déprime le système réticulo-endothélial et notamment les cellules de Kupffer, dont il inhibe la capacité de phagocytose in vivo [8]. Cet effet est largement utilisé en recherche, notamment dans les expérimentations qui nécessitent le blocage des capacités macrophagiques du foie [9]. Il inhibe également l’activité de certaines enzymes (des déshydrogénases, l’adénosine triphosphatase calcium-dépendante, certaines kinases, les glutathion-S-transférases) et il augmente l’expression de cytokines hépatiques et de facteurs de transcription de certaines cytokines chez le rat [10]. Par ailleurs, le Gd3+ présente aussi des propriétés stimulatrices de la prolifération de fibroblastes en culture [11,12], une propriété qu’il partage avec d’autres lanthanides [13]. En outre, le Gd3+ induit la migration in vitro de fibroblastes embryonnaires de souris [14]. Ces derniers effets du Gd3+

Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

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J.-M. Idée et al.

semblent plus cohérents avec une toxicité chronique plutôt qu’aiguë. Le gadolinium est toujours administré en IRM sous forme complexée par un ligand polyamino-polycarboxylique. Cette opération en réduit fortement la toxicité aiguë et en rend possible l’application comme agent de contraste. Le Gd3+ non complexé (dit « libre ») possède au maximum 9 sites de coordination qui lui permettent d’interagir avec des molécules d’eau en solution. Dans le cas des CG, le ligand se lie généralement à 8 sites de coordination. Par conséquent, seul un site est libre, sur lequel peut donc se lier une seule molécule d’eau (par liaison électrostatique entre le Gd3+ et un des doublets d’électrons non appariés de l’oxygène de la molécule d’eau).

le retour à l’équilibre de l’aimantation des protons. La relaxivité correspond à la contribution que le CG apporte, à la concentration de 1 mM, à la vitesse de relaxation (en s−1 ) des protons présents dans les tissus. La relaxivité est donc la mesure de la vitesse de relaxation paramagnétique longitudinale R1 ou transversale R2 des protons à un champ magnétique et à une température donnée, et à différentes concentrations en agent de contraste paramagnétique. La vitesse de relaxation est définie par l’inverse du temps de relaxation : 1 R1,2 (s−1 ) = (1) T1,2 La constante de relaxivité r1,2 est définie par : r1,2 (mM−1 s−1 ) =

Les chélates de gadolinium La classification chimique des CG dépend de la structure du ligand utilisé pour chélater le gadolinium car le ligand utilisé n’est jamais identique. Il existe quatre types de chélates : les molécules macrocycliques pour lesquelles l’ion Gd3+ est « encagé » dans le ligand (acide gadotérique ; gadotéridol ; gadobutrol) et les molécules linéaires où le métal est complexé par un ligand linéaire (ou « ouvert ») (gadodiamide ; acide gadopentétique ; gadoversétamide ; acide gadobénique ; acide gadoxétique ; gadofosveset) [15,16] (Fig. 2). Dans les deux cas, la molécule peut être ionique, et salifiée par la méglumine ou par le sodium ou non ionique (ou « neutre »). Dans ce dernier cas, le nombre de fonctions acides carboxyliques est réduit à trois, qui neutralisent les trois charges positives du Gd3+ .

Caractéristiques physico-chimiques L’acide gadotérique, le gadotéridol, l’acide gadopentétique, le gadobutrol, le gadoversétamide et le gadodiamide sont des agents de contraste dits « non spécifiques ». En effet, ils ne présentent pas de spécificité tissulaire. Ce sont des marqueurs exclusifs de l’espace extracellulaire. En revanche, l’acide gadoxétique, l’acide gadobénique et le gadofosveset sont dits « spécifiques ». En effet, la structure de leurs ligands comprend un ou plusieurs cycles aromatiques lipophiles permettant une liaison protéique. Les 2 premiers CGs sont utilisés pour l’imagerie du foie car ils sont captés par les hépatocytes. Le gadofosveset, quant à lui, est indiqué pour l’angiographie car il se lie à l’albumine plasmatique, ce qui lui confère une rémanence vasculaire [15,16]. Les solutions pharmaceutiques des CG ioniques présentent logiquement une osmolalité supérieure à celles des CG non ioniques. En pratique clinique, les faibles volumes administrés (0,1 ou 0,2 mL/kg) expliquent l’absence de conséquences hémodynamiques, quelle que soit la catégorie de CG injectée. La relaxivité est définie par la mesure de la vitesse de relaxation paramagnétique longitudinale R1 ou transversale R2 des protons à un champ magnétique et à une température donnée, et à différentes concentrations d’agent de contraste paramagnétique. Les CG sont caractérisés par des constantes de relaxivité longitudinale r1 et transversale r2 (toutes deux exprimées en mM−1 s−1 ) qui définissent la vitesse avec laquelle le CG va accélérer

1 R1,2 = T1,2 × [Gd] [Gd]

(2)

Les CG non spécifiques possèdent des constantes de relaxivité r1 et r2 équivalentes et ces dernières sont similaires pour un champ magnétique compris entre 0,47 et 4,7 T. Les champs cliniques sont généralement 1,5 ou 3 T. Dans l’eau, à 37 ◦ C et à un champ de 1,5 T, la relaxivité r1 des CG non spécifiques se situe entre 3 et 4 mM−1 s−1 . Dans le plasma, les constantes de relaxivité sont légèrement plus élevées du fait de l’augmentation de la viscosité [16]. La stabilité d’un chélate peut être décrite selon deux approches complémentaires : la stabilité thermodynamique et la stabilité cinétique.

Stabilité thermodynamique À cause de sa toxicité intrinsèque, le métal Gd3+ doit être impérativement chélaté par un ligand approprié pour pouvoir être administré. Par définition, un équilibre thermodynamique existe entre le métal (Gd), le ligand (L) et le chélate (GdL) : [Gd] + [L]  [GdL]

(3)

La stabilité thermodynamique du chélate est exprimée par la constante Ktherm qui est définie par : Ktherm = [gdL]/[Gd] × [L]

(4)

La stabilité thermodynamique du chélate peut aussi être caractérisée par la constante de stabilité thermodynamique apparente au pH physiologique (Kcond ) qui intègre les constantes de protonation du ligand [16]. Cette constante Kcond est définie par la concentration totale du ligand libre [LT ] plutôt que celle du ligand libre [L] (Eq. (5)). Elle est, logiquement, plus pertinente au plan physiologique. Kcond = Ktherm × [L]/LT

(5)

où LT est la concentration totale du ligand non complexé, soit {[LT ] = [L] + [HL] + [H2 L] + . . . + [Hn L]}. Les CG ioniques sont, en général, thermodynamiquement plus stables que les chélates non ioniques [16] (Tableau 1).

Stabilité cinétique La stabilité cinétique est l’autre caractéristique essentielle de ces chélates. La stabilité cinétique d’un chélate exprime la vitesse de dissociation de ce chélate, effective tant que l’équilibre thermodynamique n’est pas atteint. En fait, elle

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Figure 2. Structures moléculaires des chélates de gadolinium commercialisés à ce jour comme agents de contraste. Molecular structure of gadolinium chelates marketed to date as contrast agents. Modifié de [15] avec permission.

correspond à la durée nécessaire au chélate métallique pour atteindre l’état d’équilibre (Équation 3). Elle peut être évaluée expérimentalement par la demi-vie du chélate en milieu acide. La demi-vie de dissociation (T1/2 ) des CG linéaires est nettement plus faible que celle des CG macrocycliques (Fig. 3). Ceci est confirmé à pH physiologique, dans le sérum humain [17].

En fait, les stabilités thermodynamique et cinétique décrivent un même phénomène et doivent être interprétées conjointement. Ceci peut être illustré par un récipient percé. La Fig. 4 montre la libération de Gd3+ libre à partir de chélates, présentant différentes stabilités thermodynamiques et cinétiques. Le récipient figure le chélate de gadolinium et le liquide, le Gd3+ « libre ». La hauteur du trou

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DTPA-Gd

BT-DO3A-Gd

Acide gadoxétique

Acide gadobénique

Gadofosveset Gadodiamide Gadoversétamide

Acide gadotérique

Gadotéridol

Gadobutrol

Magnevist®

Primovist®

MultiHance®

Ablavar®

Omniscan®

OptiMARK®

Dotarem®

ProHance®

Gadovist®

Sel de

Méglumine

Sodium

Méglumine

Sodium





Méglumine





Titulaire de l’AMM

Bayer Healthcare

Bayer Healthcare

Bracco Imaging

Lantheus Medical Imaging

GE-Healthcare

Mallinckrodt

Guerbet

Bracco Imaging

Bayer Healthcare

Commercialisé en France

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Structure moléculaire du ligand

Linéaire

Linéaire

Linéaire

Linéaire

Linéaire

Linéaire

Macrocyclique Macrocyclique Macrocyclique

Charge

Di-ionique

Di-ionique

Di-ionique

Tri-ionique

Non ionique

Non ionique

Ionique

Non ionique

Non ionique

Concentration de la solution pharmaceutique (M)

0,5

0,25

0,5

0,25

0,5

0,5

0,5

0,5

1,0

Osmolalité à 37 ◦ C (mOsm/kg H2 O)

1960

688

1970

825

789

1110

1350

630

1603

Viscosité (mPa.s) à 37 ◦ C

2,9

1,19

5,3

2,06

1,4

2,0

2,0

1,3

4,96

Hydrophilie Log P BuOH/H2 O

—3,16

—2,11

—2,33

—2,11

—2,13

Non disponible —2,87

—1,98

—2

Formulation

DTPA libre (1 mM)

EOB-DTPA-Ca Pas d’ajout Fosveset de ligand libre (0,325 mM) 1,5 mM

DTPA-BMA-Ca DTPA-BMEA-Ca Pas d’ajout [HP-DO3A-Ca]2 BT-DO3A-Ca de ligand libre 0,5 mM (25 mM) (50 mM) 1,0 mM

log Ktherm

22,1

23,5

22,6

22,06

16,9

16,6

25,6

23,8

21,8

log Kcond

17,7

18,7

18,4

18,9

14,9

15,0

19,3

17,1

14,7

Nom de marque

J.-M. Idée et al.

HP-DO3A-Gd

Dénomination Acide commune gadopeninternationale tétique

DTPA-BMA-Gd DTPA-BMEA-Gd DOTA-Gd

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MS325

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Acronyme

EOB-DTPA-Gd BOPTA-Gd

Nom

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Tableau 1 Principales caractéristiques physico-chimiques des chélates de gadolinium commercialisés à ce jour [15,16]. General physico-chemical characteristics of currently-marketed gadolinium chelates [15,16].

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Figure 3. Demi-vie de dissociation des chélates de gadolinium commercialisés à ce jour comme agents de contraste (T1/2 , pH 1,0, 25 ◦ C) [16]. Dissociation half-life of gadolinium chelates marketed to date as contrast agents (T1/2 , pH 1.0, 25 ◦ C) [16].

Figure 4. Modélisation de la concentration de gadolinium libre libéré par les CG de différentes stabilités thermodynamique et cinétique. This diagram illustrates gadolinium chelates with distinct thermodynamic and kinetic stabilities. Adapté de [18] avec permission.

dans la paroi du récipient représente la stabilité thermodynamique alors que de son diamètre dépend la stabilité cinétique du chélate. Le meilleur scénario est le cas « A », pour lequel seul une faible quantité de Gd3+ sera libérée (stabilité thermodynamique élevée) et très lentement (stabilité cinétique élevée). À l’inverse, le scénario le plus défavorable correspondrait au cas « D », où une quantité importante de Gd3+ est libérée (faible stabilité thermodynamique) rapidement (faible stabilité cinétique) (Fig. 4) [18]. Si on attend suffisamment longtemps pour que l’équilibre entre le Gd3+ libre et la forme complexée soit atteint, la quantité de Gd3+ dissociée du chélate ne dépend que de la

stabilité thermodynamique. Cependant, dans des conditions physiologiques, il est probable que cet état d’équilibre ne soit jamais atteint. Par conséquent, la quantité de Gd3+ dissociée dépend, à la fois, des stabilités thermodynamique et cinétique. Une compétition peut intervenir dans un milieu physiologique, notamment des échanges métal-métal. On parle alors de « transmétallation ». L’ion Gd3+ libéré peut alors être complexé par des protéines, des ligands endogènes ou combiné à des anions précipitants (CO3 2− , OH− , PO4 3− , insolubles au-dessus de pH 6,2) alors que le ligand libre peut réagir avec des ions endogènes tels que Fe3+ , Cu2+ , Ca2+ et

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Zn2+ . Il y a donc un échange entre le Gd3+ et des ions endogènes, induisant la dissociation du chélate. Ce phénomène est résumé dans l’équation suivante : GdL + [M]2+  gd3+ + [ML]− ; avec M = métal ; L = ligand

(6)

Cette possibilité d’échange dépend de l’affinité entre l’ion endogène et le ligand du CG mais aussi de sa concentration dans le milieu biologique.

Aspects pharmaceutiques Les solutions injectables de CG sont généralement disponibles à la concentration de 500 mM Gd (sauf celles de gadofosveset et d’acide gadoxétique : 250 mM Gd et de gadobutrol : 1 M). À cause de leur stabilité thermodynamique intrinsèquement médiocre, la formulation pharmaceutique de certains CG inclut la présence d’un large excès de ligand libre, ou de chélate de calcium afin de déplacer la réaction vers la forme complexée du gadolinium et d’éviter ainsi la libération du gadolinium dans la solution pharmaceutique pendant la conservation. La concentration de ce ligand peut aller, pour les CG linéaires non ioniques, jusqu’à 25 mM (soit 5 % mol/mol) (gadodiamide) voire même 50 mM (10 % m/m) (gadoversétamide) (Tableau 1). Il convient d’insister sur le fait que la solution pharmaceutique ne doit contenir strictement aucune trace de Gd3+ . Ce métal libre peut provenir de la dissociation du CG lui-même ou de celle d’impuretés complexantes de faible stabilité thermodynamique présentes dans la solution pharmaceutique. La présence de dépôts de Gd a été mise en évidence dans le foie de rats (hépatocytes, cellules de Kuppfer, canalicules biliaires, neutrophiles) après injection d’un sel soluble de Gd [6]. Dans le cas des CG, il faut être prudent dans la définition et l’établissement de normes réglementaires sur les teneurs en impuretés, ces dernières devant tenir compte de la toxicité potentiellement importante d’impuretés peu stables susceptibles de libérer du Gd3+ libre dans la solution pharmaceutique, même si elles sont présentes à des taux très faibles. De très faibles quantités d’un chélate peu stable peuvent en effet représenter déjà des quantités substantielles de métal facilement échangeable.

Pharmacocinétique et distribution Les CG sont administrés par voie intraveineuse à la dose recommandée de 0,1 mmol/kg en bolus, pendant l’examen d’imagerie. Des solutions très faiblement concentrées d’acide gadotérique et d’acide gadopentétique sont également disponibles pour la réalisation d’arthro-IRM (dans ce cas, l’injection est intra-articulaire). La pharmacocinétique des CG non spécifiques administrés par voie intraveineuse est décrite par un modèle bi-compartimental. Les CG non spécifiques sont rapidement distribués dans le compartiment extracellulaire. Leur distribution est exclusivement extracellulaire [18]. Les CG sont excrétés presque exclusivement par voie rénale. Leur demi-vie d’élimination est de l’ordre de 1,5 heures chez l’Homme adulte dont la fonction rénale est normale. Elle est, logiquement, augmentée en cas d’insuffisance rénale, ce qui peut conduire à une rétention tissulaire du CG suivie d’une libération in situ du métal

[19]. Les CG ne sont pas métabolisés [18]. Contrairement aux CG non spécifiques, l’acide gadobénique, le gadofosveset et l’acide gadoxétique sont captés par les hépatocytes et donc éliminé en partie par le système hépatobiliaire, ce qui justifie leur utilisation en imagerie du foie. Contrairement aux CG non spécifiques, ces chélates se lient aux protéines [18].

Tolérance La tolérance des CG a longtemps été considérée comme excellente, au point qu’un auteur a pu avancer qu’ils sont la mieux tolérée de toutes les catégories de médicaments [20]. Les CG n’induisent pas de toxicité cardiaque et notamment pas de prolongation de l’espace QT sur l’électrocardiogramme [21], ni de modification des marqueurs biologiques classiques [22]. Leur toxicité rénale est faible aux doses cliniques, même si des insuffisances rénales aiguës ont été rapportées chez des patients à risque [23]. Ils peuvent toutefois induire des réactions d’hypersensibilité, parfois très sévères, voire létales. Ces dernières restent, cependant, très rares (ainsi, 40 décès pour 51 millions de doses administrées ont été rapportés aux autorités de santé des États-Unis entre 2004 et 2009) [24]. La survenue d’effets indésirables varie entre 0,03 et 2,4 % des cas selon les études, la grande majorité étant transitoires et de faible gravité. Il n’existe pas d’études prospectives démontrant, avec une méthodologie correcte, une quelconque différence entre les CG en matière d’hypersensibilité [25]. La récente crise sanitaire consécutive à l’identification de certains CG de faibles stabilités cinétique et thermodynamique en tant que facteur causal de la fibrose systémique néphrogénique a cependant conduit à une réflexion approfondie sur la tolérance de ces agents.

Fibrose systémique néphrogénique La fibrose systémique néphrogénique (FSN), initialement identifiée en 1997 chez 15 patients dialysés, a été décrite en 2000 [26]. Cette maladie rare et très invalidante se caractérise par un épaississement cutané étendu avec induration, associé à des papules plus ou moins érythémateuses qui confluent en plaques érythémateuses à brunâtres avec un aspect de « peau d’orange ». Des nodules sont parfois décrits. Les patients peuvent développer des contractures articulaires qui les confinent progressivement au fauteuil roulant. Ils souffrent fréquemment de prurit, de causalgie et de douleurs aiguës. Les parties du corps les plus fréquemment atteintes sont les extrémités distales (avec une distribution allant des chevilles jusqu’à la partie médiane de la cuisse et des poignets jusqu’à la partie médiane du bras), puis le tronc. Les lésions sont classiquement symétriques. Le visage et le cou sont toujours épargnés. La FSN n’a été décrite que chez des patients souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC) sévère ou terminale (débit de filtration glomérulaire estimé ≤ 30 mL/min/1,73 m2 ), et majoritairement chez ceux dont l’état nécessite un traitement par dialyse. La FSN peut concerner tous les groupes d’âge, et ne semble pas avoir de prédilection particulière pour une zone géographique, une race ou un sexe. De nombreux traitements ont été évalués, avec des résultats très souvent

Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

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décevants. La transplantation rénale semble présenter les meilleurs résultats [27]. En 2006, deux équipes européennes ont, indépendamment, proposé l’existence d’un lien entre l’administration de CG et la survenue d’une FSN chez des patients insuffisants rénaux [28,29]. De nombreuses études rétrospectives ont rapidement suivi, confirmant ce lien de causalité [27]. Le délai d’apparition des symptômes varie de quelques jours à quelques années après l’exposition au chélate de gadolinium. La majorité des cas publiés sont survenus dans un délai de 3 mois après la dernière administration d’une série généralement importante d’administrations pour des examens récurrents (par exemple chez des patients dialysés) [27]. Le lien causal entre les CG et la maladie est admis par toutes les autorités de santé et la communauté scientifique au niveau international. De plus, la quasi-disparition de la maladie après la mise en place de mesures de précaution (type de CG administré, réduction de la dose, estimation de la fonction rénale avant administration d’un CG à risque élevé. . .) confirme ce lien de causalité [30,31]. Dans les cas de FSN dits « confondus » (dans lesquels le patient a rec ¸u plusieurs CG différents lors d’examens IRM consécutifs), il est difficile de déterminer la responsabilité d’un CG en particulier. En revanche, la quasi-totalité des cas provoqués par un type unique de CG (cas dits « purs »), concerne les CG linéaires, et plus particulièrement le gadodiamide et l’acide gadopentétique. L’Agence européenne du médicament rapporte 583 de cas « purs » dont 75,1 % sont associés au gadodiamide et 23,2 % avec l’acide gadopentétique [30]. Il est très difficile de connaître la prévalence exacte de la FSN dans le monde. Elle peut être surestimée car certains cas sont publiés plusieurs fois. La FSN ressemble beaucoup à certaines pathologies, conduisant ainsi à une surévaluation. Au contraire, une sous-estimation de la prévalence est probable à cause de la difficulté du diagnostic et parce que certains praticiens ignorent l’existence de cette pathologie. Aux États-Unis, en 2010, la FDA rapportait environ 1600 cas de FSN dans sa base de données (dont 600 cas estimés « purs ») [32]. Le lien entre la structure moléculaire des CG et la prévalence des cas de FSN a amené les autorités de santé de nombreux pays (Europe, États-Unis, Japon, etc.) et de nombreuses sociétés savantes à émettre des recommandations basées, notamment, sur un risque relatif selon la structure moléculaire des CG [30,31]. Le risque de survenue de FSN et la sévérité des lésions ne dépendent pas de la dose moyenne administrée lors de chaque procédure, mais de la dose cumulée [33]. Le mécanisme de la FSN a fait l’objet de très nombreux travaux précliniques et cliniques. Notamment, le lien entre une possible dissociation in vivo des CG de faible stabilité thermodynamique (pour lesquels la quasi-totalité des cas de FSN ont été rapportés) et les lésions de fibrose, a été largement débattu. Sur la base de données in vitro, certains auteurs ont proposé un effet propre aux CG peu stables (gadodiamide) eux-mêmes, sans qu’intervienne la dissociation du chélate [34]. Au contraire, de nombreuses études in vivo, notamment chez le rat insuffisant rénal, sont cohérentes avec une dissociation progressive des CG de faible stabilité thermodynamique, pouvant conduire à un effet profibrosant du Gd3+ , peut-être après migration de fibrocytes circulants issus de la moelle osseuse

[35—39]. Dans ces études précliniques, seul le gadodiamide a présenté des effets profibrosants, contrairement aux CG macrocycliques, ce qui est cliniquement pertinent. Une dissociation in vivo de CG linéaires, mais pas des CG macrocycliques, a été démontrée [32,33]. De nombreux auteurs considèrent désormais que le Gd3+ progressivement dissocié joue un rôle majeur dans la survenue de cette pathologie [40—43]. Enfin, plusieurs études ont montré la présence de dépôts insolubles de Gd3+ , parfois associés à du phosphate, dans des biopsies de peau ou d’autres organes de patients souffrant de FSN [43—45].

Risque d’accumulation intracérébrale Les CG ne traversent pas la barrière hématoencéphalique (BHE) saine. C’est d’ailleurs le principe même de l’imagerie du système nerveux central, où les lésions tumorales sont associées à une rupture de cette BHE. Très récemment, deux études cliniques ont remis ce dogme en question. Au Japon, Kanda et ses collaborateurs ont analysé rétrospectivement les IRM de 381 patients (dont seulement 10 % présentaient une insuffisance rénale modérée) et constaté la présence d’un hypersignal au niveau du noyau dentelé du cervelet et du globus pallidus, corrélé avec le nombre d’IRM injectées au préalable chez ces patients. Il faut souligner que ces structures cérébrales n’étaient pas pathologiques. Les CG injectés préalablement étaient le gadodiamide et l’acide gadopentétique, deux chélates linéaires. Ces résultats sont cohérents avec une accumulation progressive de gadolinium dans ces deux structures cérébrales [46]. Si c’est le cas, ce phénomène est intéressant, au plan clinique, à deux titres : • le risque de faux diagnostic ; • les conséquences potentielles à long terme d’une accumulation de Gd3+ dans des structures spécifiques du cerveau. Une autre étude rétrospective a confirmé l’association entre la présence d’un hypersignal T1 au niveau du noyau dentelé et le nombre d’IRM injectées (avec le gadodiamide) chez des patients souffrant de sclérose en plaque ou de métastases cérébrales, et l’existence d’une relation linéaire entre cet hypersignal et le nombre d’IRM injectées [47]. Ces études rétrospectives souffrent notamment de l’absence de données histologiques et analytiques permettant de confirmer la présence de Gd3+ dans ces structures cérébrales spécifiques. Des études précliniques comparatives avec examen histologique du cerveau, imagerie expérimentale, dosage et caractérisation du Gd3+ éventuellement stocké sont indispensables pour expliquer ce phénomène.

Conclusion Les CG sont très souvent indispensables pour permettre l’établissement d’un diagnostic lors d’une IRM. Ils ont permis des progrès majeurs dans la prise en charge de patients souffrant de pathologies sévères en oncologie, cardiologie, hépatologie ou rhumatologie. Même si de nombreuses questions subsistent, de considérables progrès dans la compréhension de la pharmacotoxicologie des CG ont été obtenus récemment, et notamment après la démonstration d’un lien causal avec la FSN. Pendant très longtemps, ces molécules ont profité d’une excellente réputation en matière de tolérance,

Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

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10 qu’il convient de nuancer selon leur structure moléculaire et ses conséquences physico-chimiques. Enfin, des études précliniques approfondies de toxicologie, toxicocinétique et pharmacocinétique devraient être réalisées préalablement la mise sur le marché de CG génériques comme c’est le cas des molécules princeps, le processus de fabrication étant susceptible de conduire à la présence de Gd3+ libre ou d’impuretés chélatantes dans la solution pharmaceutique.

Déclaration d’intérêts Jean-Marc Idée, Nathalie Fretellier, Bruno Bonnemain et Claire Corot auteurs sont salariés de Guerbet, laboratoire pharmaceutique spécialisé dans les agents de contraste pour l’imagerie médicale. Majda Thurhner déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Idée J-M, et al. Physico-chimie et profil toxicologique d’agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique, les chélates de gadolinium. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.01.001

[Physico-chemical and toxicological profile of gadolinium chelates as contrast agents for magnetic resonance imaging].

Gadolinium chelates (GC) are contrast agents widely used to facilitate or to enable diagnosis using magnetic resonance imaging (MRI). From a regulator...
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