Table ronde L’expérience INFOVAC (APLF, GPIP)

Conduite à tenir devant un effet indésirable post vaccinal à l’échelon collectif R. Cohena,b,c*, E. Grimprelb,c aUnité Court Séjour Nourrisson, Centre hospitalier Intercommunal de Créteil, 40 Avenue de Verdun, 94000 Créteil et UPEC, Université Paris XII, France bInfovac, 27 Rue Inkermann, 94100, Saint Maur, France cUniversité Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France ; Service de pédiatrie, AP-hP, hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur Arnold-Netter, 75012 Paris, France

L

es polémiques vaccinales existent depuis les débuts de la vaccination. Elles ont pris une ampleur considérable depuis l’intrusion de l’Internet et des réseaux sociaux qui font office de puissants systèmes d’amplification agissant comme une polymerase chain reaction (PCR) pour l’ADN. Malheureusement, les sources des réseaux sociaux ou des sites Internet ne sont contrôlées par aucune autorité scientifique, les rumeurs et les informations dénigrant la vaccination y sont très abondantes, notamment en France. Dans cet environnement, chaque praticien doit savoir • Faire la distinction entre réactions secondaires (réellement dues au vaccin) et les évènements intercurrents apparaissant au décours d’une vaccination mais sans relation de cause à effet. • S’informer auprès des bonnes sources sur l’état des connaissances, comme les organismes gouvernementaux nationaux (Agence nationale de sécurité des médicaments, Comité technique des vaccinations et Haut conseil de santé publique) et internationaux (Organisation mondiale de la santé, Institut of medicine...) ainsi que les revues scientifiques nationales et internationales. • S’enquérir sur le rapport bénéfice / risque des vaccins en questions. Il est tentant d’établir un lien de causalité entre deux évènements se succédant dans le temps (association temporelle) et ce d’autant plus que l’évènement est jugé sévère ou grave, inattendu, de physiopathologie obscure et touchant des personnes en bonne santé. Parmi les manifestations survenant après une vaccination, certaines sont des réactions secondaires causées directement par le vaccin ou son administration, d’autres cependant sont des évènements intercurrents indépendants qui se déclarent dans les suites de la vaccination de façon fortuite et aléatoire. Ces évènements sont inévitables et il importe de déterminer la présence ou non d’un lien potentiel de causalité. Les maladies neurologiques démyélinisantes et les maladies auto-immunes, qui sont les maladies les plus souvent en cause dans les polémiques vaccinales actuellement prégnantes ont des causes multifactorielles associant généralement un terrain

*Correspondance : [email protected]

26 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):26-27

génétique prédisposant plus ou moins défini et des facteurs environnementaux dont l’association à un moment de la vie de l’individu peuvent être à l’origine d’un déclenchement ou d’une poussée. Elles ont chacune de ce fait une incidence naturelle. Ces incidences sont connues et l’on peut donc savoir le nombre de cas attendus après un instant donné (invariable qu’il soit lié à l’administration d’un placebo ou d’un vaccin) et dans un intervalle de temps défini  [1]. Il est clairement établi que ces taux d’incidence sont nettement plus élevés chez les adultes jeunes et les jeunes filles de plus de 15 ans en comparaison à celles de moins de 15 ans [1]. Quels sont les critères pour déterminer l’imputabilité d’une telle maladie liée à un vaccin ? • Une augmentation de l’incidence de la maladie suspectée dans la population vaccinée par rapport aux non vaccinés (ou incidence « naturelle » attendue). • Un regroupement des cas sur une période donnée sans augmentation de l’incidence globale. • Une démonstration biologique dans de très rares cas. • Un terrain génétique identifié en particulier dans le cadre des maladies auto-immunes. Les systèmes de pharmacovigilance modernes notamment en Europe du Nord et aux États-Unis, permettent de détecter des signaux (ou évènements inattendus) à très faible incidence (< 1/10 000). Deux exemples d’évènements inattendus et mis en évidence : narcolepsie post Pandemrix® et invagination intestinale post vaccination contre le Rotavirus [2,3]. Ces événements rares ont été très facilement identifiés grâce à la qualité des systèmes de pharmacovigilance mis en place et les critères d’imputabilité ont été rapidement réunis pour établir la relation de causalité. Il existe en revanche dans la littérature des réponses claires et non ambiguës qui permettent de réfuter les arguments qui alimentent les 3 polémiques les plus entretenues en France. Pour la vaccination contre l’hépatite B et les maladies démyélinisantes, le nombre de cas déclarés dans la population vaccinée est inférieur au nombre de cas attendus dans la population générale et il n’y a pas plus de cas chez les vaccinés que chez les non-vaccinés. Ces données sont cohérentes avec les dernières données de surveillance internationale récemment publiées [4]. Pour les vaccins contre les infections à HPV aussi, de nombreuses études ont

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réfuté le lien entre vaccination et affections démyélinisantes [4]. En 2015, Scheller et al. ont publié une étude cas-témoins réalisée en Suède et au Danemark, incluant la population féminine (soit près de 4 millions de femmes dont près de 800 000 vaccinées) des 2 pays âgée de 10 à 44  ans sur la période de 2006 à 2013, qui n’a pas retrouvé d’association entre vaccination anti-HPV et sclérose en plaque [5]. Enfin, toutes les discussions polémiques actuelles autour de la vaccination et de l’aluminium sont essentiellement franco-françaises. En effet, l’aluminium est l’adjuvant majoritairement utilisé dans les vaccins inactivés et sous-unitaires depuis 1920. Le lien entre la vaccination et la présence dans les muscles de granulomes contenant de l’aluminium est reconnu (tatouage vaccinal), mais aucune étude dans la littérature ne permet d’affirmer le lien de causalité entre les signes cliniques rapportés par un petit nombre de patients et la présence de granulomes contenant de l’aluminium. Il n’y a pas de donnée scientifique à ce jour permettant de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium [6]. Une revue systématique de la littérature concernant la sécurité des vaccins recommandés pour les enfants de moins de 6  ans a été publiée récemment et fournit d’excellentes réponses aux questions qui nous sont posées [7].

Références [1] Siegrist CA, Lewis EM. Eskola J. et al. Human papilloma virus immunization in adolescent and young adults: a cohort study to illustrate what events might be mistaken for adverse reactions. Pediatr Infect Dis J 2007;26:979-84. [2] Partinen M, Saarenpää-Heikkilä O, Ilveskoski I, et al. Increased incidence and clinical picture of childhood narcolepsy following the 2009 H1N1 pandemic vaccination campaign in Finland. PLoS One 2012;7:e33723. [3] Yih WK, Lieu TA, Kulldorff M, et al. Intussusception risk after rotavirus vaccination in U.S. infants N Engl J Med 2014;370:503-12. [4] Langer-Gould A, Qian L, Tartof SY, et al. Vaccines and the risk of multiple sclerosis and other central nervous system demyelinating diseases. JAMA Neurol 2014;71:1506-13. [5] Scheller NM, Svanström H, Pasternak B, et al . Quadrivalent HPV vaccination and risk of multiple sclerosis and other demyelinating diseases of the central nervous system. JAMA 2015;313:54-61. [6] Rapport HCSP 2013 : « Aluminium et vaccin ». http://www.hcsp. fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=369 [7] Maglione MA, Das L, Raaen L, et al. Safety of vaccines used for routine immunization of U.S. children: a systematic review. Pediatrics 2014;134:325-37.

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[Pharmacovigilance of vaccines].

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