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Annales Pharmaceutiques Françaises (2015) xxx, xxx—xxx

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REVUE GÉNÉRALE

Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques夽 Pharmacokinetics, metabolism, and analytical methods of ethanol J.-P. Goullé ∗, M. Guerbet Laboratoire de toxicologie, faculté de médecine et de pharmacie, 22, boulevard Gambetta, 76183 Rouen cedex, France ¸u sous la forme révisée le 5 mars 2015; accepté le 6 mars 2015 Rec ¸u le 28 novembre 2014 ; rec

MOTS CLÉS Éthanol ; Pharmacocinétique ; Métabolisme ; Dosage

Résumé L’alcool est une substance licite dont la consommation est largement répandue, et à ce titre, elle constitue un problème majeur de santé publique, non seulement en raison des nombreux décès liés à son usage, mais également du fait de son implication dans les accidents de la voie publique ou du travail, ainsi que dans des actes de violence. Les aspects cinétiques de l’éthanol sont abordés : absorption et devenir dans l’organisme. L’absorption de l’éthanol s’effectue principalement au niveau de l’intestin grêle. À l’exception des os et des graisses, il diffuse dans tous les tissus de manière homogène, en suivant les mouvements de l’eau, et traverse la barrière fœto-placentaire. La principale voie de détoxication de l’éthanol est hépatique. Elle fait appel à deux étapes d’oxydation saturables qui fonctionnent au maximum de leurs possibilités dès que l’alcoolémie atteint 0,10 g/L : oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase, puis de l’acétaldéhyde en acide acétique par l’acétaldéhyde déshydrogénase. De nombreux facteurs sont susceptibles de modifier l’absorption ou/et le métabolisme de l’éthanol : génétiques ou médicamenteux en particulier. Les méthodes analytiques de mise en évidence d’un état d’imprégnation alcoolique font appel au dosage dans l’air expiré ou dans le sang. Dans le cadre de la sécurité routière, les mesures sont réalisées dans l’air expiré. Un éthylotest est utilisé pour le dépistage préalable. En cas de dépassement du seuil légal (0,25 mg/L d’air expiré), un dosage est effectué avec un éthylomètre. En milieu

夽 Cet article a fait l’objet d’une communication orale à l’Académie nationale de Pharmacie lors de la séance thématique du 19 novembre 2014 intitulée « L’alcoolisme ; bases physiopathologique ». ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Goullé).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003 0003-4509/© 2015 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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J.-P. Goullé, M. Guerbet hospitalier, le dosage sanguin constitue la règle. Celui-ci est le plus souvent pratiqué en routine par une méthode enzymatique sur automate. En toxicologie médico-légale, la chromatographie en phase gazeuse constitue la règle. © 2015 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Ethanol; Pharmacokinetics; Metabolism; Analytical methods

Summary Alcohol is a licit substance whose significant consumption is responsible for a major public health problem. Every year, a large number of deaths are related to its consumption. It is also involved in various accidents, on the road, at work, as well as during acts of violence. Ethanol absorption and its fate are detailed. It is mainly absorbed in the small intestine. It accompanies the movements of the water, so it diffuses in all the tissues uniformly with the exception of bones and fat. The major route of ethanol detoxification is located into the liver. Detoxification is a saturable two-step oxidation. During the first stage ethanol is oxidized into acetaldehyde, under the action of alcohol dehydrogenase. During the second stage acetaldehyde is oxidized into acetate. Genetic factors or some drugs are able to disturb the absorption and the metabolism of ethanol. The analytical methods for the quantification of alcohol in man include analysis in exhaled air and in blood. The screening and quantification of ethanol for road safety are performed in exhaled air. In hospitals, blood ethanol determination is routinely performed by enzymatic method, but the rule for forensic samples is gas chromatography. © 2015 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction L’éthanol, substance licite très répandue, rentre dans la composition de nombreuses boissons. Il s’agit, d’une part, des boissons alcooliques obtenues par fermentation comme le vin, le cidre ou la bière ; par distillation pour le calvados ou le whisky, par macération telles les liqueurs. Les boissons alcoolisées quant à elles font l’objet d’une adjonction d’alcool. La consommation d’alcool en France qui est au troisième rang européen et dont le vin reste la source principale, représente un problème majeur en santé publique. Les complications et maladies liées à l’alcool sont individuelles, mais aussi sociales comme les accidents de la voie publique ou du travail, les actes de violences conjugales et envers soi-même ou autrui. Le nombre de décès annuels imputables à l’alcool est estimé à 49 000 dont 15 000 par cancers, 12 000 par maladies cardio-vasculaires, 8000 par maladies digestives [1]. Rappelons que l’alcool est, après le tabac, la seconde cause de mortalité évitable.

Propriétés physico-chimiques de l’éthanol [2] De formule C2 H5 OH et de masse molaire 46, l’éthanol est totalement miscible à l’eau, mais peu soluble dans les graisses. C’est un produit volatile qui bout à 78,5 ◦ C, il absorbe dans l’infra rouge à 3,4 ␮m (liaison carbone— hydrogène) et à 9,4 ␮m (liaison carbone—hydroxyle). Ces deux dernières caractéristiques physico-chimiques sont mises à profit pour le dosage de l’éthanol dans l’air expiré. Plus léger que l’eau, sa densité de 0,79 permet de calculer la quantité d’éthanol contenu dans une boisson. Le

degré alcoolique ou degré alcoométrique centésimal est le pourcentage volumétrique d’éthanol pur dans un mélange liquide. Ainsi un verre standard de 10 cl de vin titrant 12 degrés alcooliques renferme 12 mL d’éthanol pur soit 12 × 0,8 (arrondi de 0,79) = 9,6 grammes d’alcool. Le même calcul peut être fait pour 25 cl de bière titrant 5 degrés (5 × 2,5 × 0,8 = 10 grammes d’alcool), ou avec 3 cl de whisky à 40 degrés (40 × 0,3 × 0,8 = 9,6 grammes d’alcool). Chaque verre ou ‘‘unité alcoolique’’ contient donc 10 grammes d’éthanol pur.

Cinétique de l’éthanol Absorption d’éthanol par voie digestive L’absorption par voie digestive s’effectue par simple diffusion, principalement au niveau du duodénum et du jéjunum proximal (70 à 80 %) et pour une plus faible proportion à partir de l’estomac [2]. Un certain nombre de facteurs sont susceptibles de la ralentir ou de l’accélérer. Parmi les paramètres qui vont la ralentir, citons la prise d’aliments, qu’il s’agisse de lipides, de protéines ou de la plupart des glucides. La consommation simultanée d’aliments a tendance à minimiser le pic d’alcoolémie, mais ensuite ne modifie pas sa cinétique d’élimination. En fait, c’est la vitesse de vidange gastrique qui est déterminante, puisque l’absorption de l’éthanol est beaucoup plus rapide au niveau du duodénum et du jéjunum [2]. Par ce même mécanisme, certains médicaments sont également susceptibles de modifier la motilité gastro-intestinale et ainsi d’agir sur la vitesse d’absorption. Parmi les facteurs qui vont l’accélérer,

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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énergétique lié à la consommation chronique d’éthanol [2].

Pénétration d’éthanol par voie respiratoire L’éthanol est présent dans de très nombreux produits de consommation courante : produits d’entretien, nettoyants, lave-vitres, détergents liquides, produits d’hygiène, cosmétiques, désinfectants, encres, peintures et vernis, arômes, alcool à brûler par exemple. Chez les sujets exposés en milieu professionnel, l’éthanol étant très volatil, sa pénétration par voie respiratoire est importante. Celle-ci est estimée en moyenne à 60 % [4]. Hormis des mesures collectives qui peuvent être prises en milieu industriel, les personnels les plus exposés doivent être équipés de protections respiratoires individuelles [4].

Pénétration d’éthanol par voie cutanée Figure 1. Éthanolémies médianes au cours du temps après consommation de vodka, de vin et de bière selon M.C. Mitchell Jr et al. [3]. Geometric values for blood alcohol following consumption of vodka, wine, and beer according to M.C. Mitchell Jr et al. [3].

Il s’agit d’une voie de pénétration négligeable chez l’adulte, de l’ordre de 1 % [4]. Cependant, elle doit être prise en considération sur une peau lésée ou très perméable comme celle des nouveau-nés et des nourrissons. Chez ces derniers, l’application large d’une solution alcoolique d’eau de toilette peut conduire à un véritable coma éthylique.

figurent la vacuité de l’estomac, l’accélération de la motilité gastro-intestinale, mais également l’élévation du degré alcoolique de la boisson, ainsi que la présence de gaz carbonique. Dans une étude très récente, Mitchell et al. [3] ont montré qu’après la consommation à jeun d’une quantité équivalente d’éthanol, 0,5 g/kg de poids corporel, l’alcoolémie maximale était significativement plus élevée avec de la vodka (0,77 ± 0,17 g/L — p < 0,001) qu’avec du vin (0,62 ± 0,11 g/L) ou de la bière (0,50 ± 0,10 g/L). Le pic d’alcoolémie est également plus précoce après l’ingestion de vodka (36 ± 10 min — p < 0,01) que de vin (54 ± 14 min) ou de bière (62 ± 23 min). La comparaison des aires sous la courbe (AUC) montre une valeur plus élevée pour la vodka (1,51 ± 0,22 g/L/h — p < 0,001) comparativement au vin (1,38 ± 0,22 g/L/h) et à la bière (1,19 ± 0,18 g/L/h). Il convient de remarquer que les courbes d’alcoolémie sont superposables après une heure pour la vodka et le vin et après 1 h 30 pour les trois boissons (Fig. 1). Le tube digestif joue un rôle capital dans la cinétique de l’éthanol. En effet, il a été constaté après absorption de grandes quantités d’éthanol sur une période courte, que l’évaluation de la quantité ingérée à partir de l’alcoolémie était sous-estimée [2]. Dans un tel contexte d’alcoolisation aiguë, en dehors de la possibilité d’une élimination directe accrue d’éthanol, l’effet de premier passage dès l’estomac et un métabolisme enzymatique direct au niveau de l’estomac et de l’intestin par l’alcool déshydrogénase (ADH) pourraient l’expliquer [2]. De plus, ce métabolisme qui évite le foie, conduit à une production locale d’acétaldéhyde pouvant être à l’origine de lésions tissulaires [2]. De surcroît, le métabolisme bactérien dans le tube digestif a été largement étudié et il a été avancé qu’il contribuait non seulement à la toxicité locale, mais aussi à la maladie alcoolique et au déficit

Distribution de l’éthanol Une des caractéristiques essentielles de l’éthanol, liée à sa faible masse molaire et à sa grande hydrosolubilité, est qu’il diffuse très facilement dans tous les tissus de l’organisme car il suit les mouvements de l’eau. À l’exception des os et des graisses dans lesquels sa pénétration est négligeable, sa diffusion est très homogène, d’où un faible volume de distribution (Vd). Mesuré par Widmark en 1932, il s’établit en moyenne à 0,68 pour l’homme et à 0,55 pour la femme [5]. Cette différence s’explique par une masse graisseuse plus importante chez la femme. Pour l’éthanol, il existe une étroite corrélation entre le volume de distribution apparent et la teneur en eau dans l’organisme dans les deux sexes [6]. Des variations individuelles sont également possibles en fonction de la masse graisseuse [2]. À partir du Vd, il est possible de calculer l’alcoolémie maximale moyenne (A) en fonction de la quantité d’éthanol consommée (Q) et du poids du sujet (P) : A = Q/P × Vd [2]. Prenons l’exemple d’un sujet masculin pesant 75 kg qui consomme une unité alcoolique, soit un verre standard de vin, de bière ou de whisky, c’est-à-dire 10 grammes ; son alcoolémie maximale est estimée à A = 10/75 × 0,68 = 10/51 = 0,20 g/L. Ainsi, après l’absorption rapide de 5 verres standards ou unités alcooliques, l’alcoolémie estimée sera voisine de 1,0 g/L. Pour une femme d’un poids moyen de 63 kg, la consommation d’un verre conduira à une alcoolémie estimée de 10/63 × 0,55 = 10/35 = 0,29 g/L. On peut ainsi estimer qu’en matière de sécurité routière, les seuils contraventionnel et délictuel seront respectivement atteints avec 2,5 et 4 unités alcooliques chez un sujet naïf masculin et un peu moins chez un sujet féminin. Il convient de mentionner que l’éthanol traverse la barrière fœto-placentaire et que sa consommation peut être à l’origine d’un syndrome d’alcoolisme fœtal [2].

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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J.-P. Goullé, M. Guerbet

Élimination Une faible proportion de l’éthanol, de l’ordre de 10 à 15 %, est éliminée en l’état par différentes voies et il est retrouvé dans les urines, la sueur, la salive, le lait, les larmes, l’air expiré. La présence d’éthanol dans l’air expiré constitue un moyen analytique indirect d’appréciation de l’imprégnation alcoolique d’un sujet. En effet, le rapport moyen de concentration dans l’air expiré et dans le sang à l’état d’équilibre est voisin de 1/2100 (voir les méthodes de dosage de l’éthanol) [2].

Métabolisme de l’éthanol La principale voie de détoxication de l’éthanol est oxydative. Elle est essentiellement hépatique et représente 90 à 95 % de cette détoxication oxydative alors qu’au niveau de l’estomac, de l’intestin et du rein, elle n’est que de 5 à 10 % [2]. Elle conduit à la formation d’acétaldéhyde puis d’acétate libéré dans la circulation sanguine, oxydé à son tour dans les tissus périphériques en gaz carbonique et en eau. Il existe d’autres voies tout à fait mineures de métabolisation de l’éthanol, non oxydatives, principalement hépatiques.

Métabolisme oxydatif hépatique Il fait appel à deux étapes d’oxydation saturables catalysées de manière prépondérante par deux familles d’enzymes : • l’oxydation de la fonction alcool en fonction aldéhyde qui fait intervenir l’alcool déshydrogénase (ADH) : CH3 CH2 OH + NAD+ → CH3 CHO + NADH + H+ ; • l’oxydation de la fonction aldéhyde en fonction acide sous l’influence de l’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH) : CH3 CHO + NAD → CH3 COOH + NADH + H+

Première étape : oxydation de la fonction alcool en fonction aldéhyde par l’ADH L’ADH est une famille d’enzymes à zinc, NAD+ dépendantes, oxydant l’éthanol en acétaldéhyde. Les ADH sont en réalité ubiquitaires, catalysant différents alcools en aldéhydes. Principalement localisées dans le cytosol hépatique, elles sont réparties en 5 classes définies par la structure primaire de l’enzyme, la mobilité électrophorétique des isozymes, leur affinité pour l’éthanol [7]. Sur le plan génétique, on connaît chez l’homme 8 gènes codant pour des ADH, situation qui se complique encore par le fait qu’il existe un polymorphisme génétique au niveau des loci ADH2 et ADH3. Des variations génétiques de l’ADH individuelles et/ou liées à la race vont affecter le métabolisme de l’éthanol [2]. Sur le plan fonctionnel, chez l’homme, ce sont les isozymes de la classe I qui présentent le plus d’affinité pour l’éthanol et qui sont inhibées par le pyrazole et ses dérivés alkylés comme le 4-méthylpyrazole [7]. Cette première étape aboutit à la formation d’acétaldéhyde, métabolite toxique de l’éthanol [2] responsable en cas d’accumulation d’une symptomatologie à type de nausées, de vomissements, de céphalées, d’asthénie. Il existe également un métabolisme gastrique, lié à l’activité de l’ADH gastrique, indépendant du sexe, habituellement mineur, de l’ordre de 10 % de la

quantité d’alcool ingérée ; métabolisme diminué en cas de lésion de la muqueuse gastrique [2]. Notons que tout le tube digestif (oropharynx, estomac, duodénum, intestin, rectum) sécrète diverses isozymes de l’ADH. La majorité des facteurs modulant l’activité de l’ADH gastrique agissent également sur le premier passage de l’éthanol (consommation chronique d’alcool, infection par hélicobacter pylori, cimétidine. . .) [2]. La production locale d’acétaldéhyde au niveau des muqueuses digestives contribue à la toxicité locale et éventuellement à une cocarcinogénèse. En effet, il a été constaté une augmentation du risque de cancer rectal et non du risque de néoplasie colique chez l’alcoolique chronique [8]. Dans le même temps, le NAD réduit en NADH fragilise l’hépatocyte.

Seconde étape : oxydation de la fonction aldéhyde en fonction acide sous l’influence de l’ALDH Les aldéhydes déshydrogénases (ALDH) sont un groupe d’enzymes de détoxication, NAD+ dépendantes. L’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH2) catalyse dans la mitochondrie, la transformation de l’acétaldéhyde en acide acétique, selon un processus irréversible. Ces enzymes actives sur divers substrats aldéhydiques existent sous plusieurs formes avec des localisations tissulaires et cellulaires variées. Douze gènes des ALDH sont connus qui codent pour 10 isozymes : ALDH1 à ALDH8, ainsi que ␥ABDH et FALDH [7], dont les formes actives sont des homodimères et des homotétramères. Chez l’homme, ce sont des isozymes de l’ALDH qui sont à l’origine des variations de susceptibilité individuelle, une métabolisation moins efficace de l’acétaldéhyde conduisant à son accumulation dans le sang. Celle-ci est responsable du syndrome de flushing des populations asiatiques, caractérisé par une congestion faciale, une tachycardie, des brûlures digestives. L’ALDH est inhibée par le disulfirame avec pour conséquence une accumulation d’acétaldéhyde. C’est l’effet antabuse qui se manifeste chez les sujets traités par ce médicament et qui consomment de l’alcool.

Troisième étape : oxydation de l’acétate en dioxyde de carbone L’acétate formé est oxydé à son tour en dioxyde de carbone et en eau au niveau des tissus périphériques et de certains organes : muscles, cœur, cerveau. L’acétate se combine au coenzyme A pour donner l’acétylcoenzyme A, impliqué dans la biosynthèse du cholestérol et des acides gras dans les tissus périphériques et le cerveau.

Autres voies de biotransformation Il existe deux autres voies enzymatiques accessoires présentant une affinité moindre pour l’éthanol [2] : • la voie des monooxygénases à cytochrome P450 (CYP450) : la voie des monooxygénases à cytochrome P450 (CYP450) : anciennement microsomal ethanol oxidizing system (MEOS) : CH3 CH2 OH + NADPH+ + H+ + O2 → CH3 CHO + NADP+ + 2H2 O. L’isozyme à fer NADP+ dépendant, oxyde comme précédemment l’éthanol en acétaldéhyde. Le CYP2E1 est non spécifique ; il présente

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques un polymorphisme génétique et est induit par un certain nombre de substances comme l’alcool et certains médicaments. Cette voie, principalement inductrice, est active chez l’alcoolique chronique et en cas d’alcoolisation aiguë. Elle produit des formes radicalaires diverses à l’origine de la lipoperoxydation membranaire, de la dénaturation d’enzymes, de mutations de l’ADN du noyau, responsables de la mort hépatocytaire. Mentionnons qu’il existe d’autres isozymes des CYP450 (CYP1A2, CYP3A4) inductibles par l’éthanol, moins actives que le CYP2E1 [9] ; • la voie de la catalase : la catalase est une hémoprotéine localisée dans les peroxysomes de la plupart des tissus, est accessoire comme la précédente, sauf chez l’éthylique chronique. Cette voie qui fait intervenir entre autres la xanthine oxydase et la catalase n’est active qu’en fonction de la quantité d’eau oxygénée produite au cours des réactions du métabolisme intermédiaire et parvenant au peroxysome [2] : CH3 CH2 OH + H2 O2 → CH3 CHO + 2H2 O. L’acétaldéhyde est ensuite métabolisé comme indiqué précédemment.

Bilan des voies métaboliques oxydatives La voie métabolique oxydative hépatique principale qui fait appel à l’ADH puis à l’ALDH est une voie saturable qui fonctionne à la vitesse maximale dès que l’alcoolémie atteint 0,10 g/L, soit dès la consommation d’une demiunité alcoolique. De nombreuses études ont été publiées sur la vitesse ␤ d’élimination de l’éthanol dans le sang, souvent appelée improprement coefficient d’éthyle oxydation. À partir d’une revue de la littérature, AW Jones propose une valeur moyenne ␤ de 0,16 g/L/h [10]. Pour Al Lanquavi et al. [11], la décroissance horaire dans le sang total est de 0,15 g/L/h. Winek et Murphy [12] l’ont mesurée à 0,12 g/L/h chez les non-buveurs, à 0,15 g/L/h chez les buveurs modérés et à 0,30 g/L/h chez des sujets alcooliques. Selon Jones et Sternebring [13], chez des alcooliques en cure de désintoxication, sa valeur moyenne est de 0,23 g/L/h avec des extrêmes allant de 0,13 à 0,36. Des chiffres supérieurs ont été rapportés, pouvant atteindre 0,52 g/L/h [14]. Une observation tout à fait exceptionnelle avec une vitesse d’élimination vérifiée de 1,0 g/L/h a même été constatée [15]. Ces chiffres importants et parfois considérables sont dus à une augmentation du métabolisme chez les alcooliques chroniques dont l’origine est une induction enzymatique microsomiale hépatique [10]. Les situations de stress semblent majorer modérément la vitesse d’élimination de l’éthanol dans le sang. En 1994, Breslin et al. ont mesuré 0,15 g/L/h chez des sujets témoins et des valeurs de 0,17 et 0,18 g/L/h chez des sujets stressés, en fonction de la nature du stress [16]. Ceci a été confirmé par Friel et al. [17] avec des valeurs ␤ de 0,19 et de 0,20 g/L/h, ainsi que par Jones avec 0,19 g/L/h [18]. En fonction de cette valeur moyenne de ␤ exprimée en g/L/h, de l’alcoolémie (A) mesurée en g/L à un temps (t) exprimé en heures après l’ingestion, du poids (P) du sujet en kg, il est possible d’évaluer la quantité Q d’alcool consommée en grammes en appliquant la formule de Widmark [5] : Q = Vd × P (A + ␤ t). Si l’on admet que g/kg et g/L sont peu différents, on peut remplacer dans la formule g/kg par g/L (la densité du sang est de 1,055). À partir de

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la valeur moyenne de ␤ exprimée en g/L/h, l’alcoolémie à un moment donné ou « alcoolémie a retro », peut également être estimée si le prélèvement sanguin a été réalisé longtemps après les faits [2]. Une fois connue la quantité Q d’alcool consommée, il est également possible de déduire le volume V de boisson consommée en mL, en fonction du degré alcoolique (deg) en pourcentage et en tenant compte de la densité de l’éthanol (d = 0,8) : V = Q × 100/deg × d. La formule de Widmark a été réévaluée par divers auteurs qui obtiennent des résultats très convergents. Ainsi, Gullberg et Jones [19] ont fait appel à 108 hommes ayant rec ¸u de 0,51 à 0,85 g d’éthanol/kg de poids corporel, chez lesquels les alcoolémies ont été réalisées 2 h et 5 h après ingestion. Les valeurs de Vd et de ␤ sont très voisines de celles établies dès 1932 par Widmark avec Vd = 0,69 L/kg et ␤ = 0,13 g/L/h. De plus, pour une absorption modérée d’alcool, ils montrent qu’avec un simple dosage d’alcoolémie, la quantité ingérée peut être calculée avec une précision inférieure à 20 %.

Autres facteurs susceptibles de modifier l’alcoolémie En dehors des facteurs génétiques susceptibles de faire varier le métabolisme oxydatif de l’éthanol évoqués précédemment, d’autres paramètres peuvent également modifier la cinétique globale de l’alcool dans l’organisme [2]. Il s’agit en particulier de médicaments pouvant agir, soit sur la vitesse d’absorption de l’éthanol, soit sur son métabolisme oxydatif hépatique par induction des CYP450. Les principaux mécanismes des interactions alcool—médicament sont rapportés Tableau 1 [20]. Il convient de mentionner que certains médicaments, voire des produits variés, peuvent contenir de l’éthanol. Des boissons « sans alcool » peuvent également renfermer des quantités non négligeables d’alcool, puisque la réglementation autorise pour cette appellation une teneur maximale de 5 g/L [2].

Métabolisme non oxydatif Si le métabolisme non oxydatif de l’éthanol est tout à fait accessoire pour l’élimination de l’alcool, il revêt une grande importance au plan biologique. En effet, les métabolites issus de ce métabolisme oxydatif sont utilisés en routine depuis quelques années à des fins de diagnostic en biologie clinique et médico-légale. Leur analyse dans divers milieux (sang, urines, cheveux) permet de diagnostiquer et de suivre une consommation chronique d’alcool [21,22]. Le métabolisme non oxydatif de l’éthanol conduit à la formation de biomarqueurs dans le foie, le pancréas et divers tissus : • des esters éthyliques d’acides gras (FAEEs) : l’éthanol estérifie des acides gras sous l’action d’une synthétase d’esters éthyliques d’acides gras. Ces FAEEs, en s’accumulant, vont être à l’origine de dégâts tissulaires. Leur dosage dans le sang ou les cheveux est utilisé comme biomarqueur d’une consommation excessive d’alcool [21,22] ; • du phosphatidyléthanol : l’éthanol se lie au phosphate libéré de la phosphatidylcholine après action d’une phospholipase. Sa synthèse est responsable de perturbations

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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J.-P. Goullé, M. Guerbet Tableau 1 Mécanisme des interactions alcool-médicaments selon Fraser [20]. Mechanism of alcohol-drug interactions according to Fraser [20]. Mécanisme

Médicaments

Commentaires

Inhibition de l’ADH gastrique

Cimétidine, ranitidine et aspirine

Augmentation de la vitesse de vidange gastrique

Cisapride et érythromycine

Augmentation de l’hépatotoxicité

Paracétamol, isoniazide et phénylbutazone Benzodiazépines, narcotiques, barbituriques et warfarine Phénytoïne et warfarine Aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens Benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques et antihistaminiques Tolbutamide, métronidazole, sulfonamides, griséofulvine, céfopérazone, céfamandole Hypoglycémiants oraux à effet retard, aldomet, hydralazine et nitroglycérine

Augmentation modérée de l’éthanolémie Augmentation de l’alcoolémie par diminution du premier passage hépatique Risque de nécrose hépatique chez les gros buveurs Alcooliques chroniques

Diminution du métabolisme Induction d’enzymes Hémorragie gastro-intestinale Sédation atteinte psychomotrice Réactions de type disulfirame

Hypoglycémie et hypertension

membranaires. Il constitue également un marqueur biologique direct d’alcoolisation chronique [21,22] ; • de l’éthylsulfate (ES) : l’éthanol se fixe sur un groupement sulfate provenant de la phosphoadénosinephosphosulfate sous l’effet d’une sulfotransférase. Ce métabolite peut être dosé dans les milieux biologiques ou les phanères [21,22] ; • de l’éthylglucuronide (EG) : l’éthanol se conjugue à l’acide glucuronique sous l’action d’une glucuronosyl transférase. L’EG constitue un des biomarqueurs directs d’une consommation excessive d’alcool parmi les plus utilisés en routine biologique. Il s’agit d’un métabolisme tout à fait mineur, dans un rapport voisin de 1‰, ce qui explique qu’il a été longtemps ignoré en raison des très faibles concentrations d’EG formées. En effet, à l’état d’équilibre, une éthanolémie de 1 g/L produit une concentration sanguine de l’ordre de 1 mg/L. Bien que métabolite mineur, la mesure de l’EG revêt une importance capitale du fait de sa longue demivie dans le sang et les urines où il est encore présent dans les milieux biologiques alors que l’alcool a totalement disparu. De plus, sa mesure dans le sang ou les urines constitue un marqueur spécifique d’une consommation récente d’alcool [21,22]. Enfin son dosage dans les cheveux permet de mettre en évidence un alcoolisme chronique. La Society of Hair Testing, lors de son dernier congrès à Bordeaux en juin 2014, a actualisé un consensus quant à l’interprétation des concentrations capillaires d’EG et de FAAEs [23]. Des concentrations respectivement supérieures à 7 pg/mg et à 30 pg/mg d’EG dans les cheveux, suggèrent fortement une consommation répétée et une consommation chronique excessive d’alcool [23]. Pour les FAAEs, il s’agit de la somme des quatre acides gras suivants : myristate d’éthyle, palmitate d’éthyle, oléate d’éthyle et stéarate d’éthyle. Toute concentration

Abus chronique d’alcool Potentialisation des dégâts sur la muqueuse Potentialisation pharmacodynamique Risque chez les plus gros buveurs

Potentialisation de l’effet physiologique de l’alcool

supérieure à 0,2 ng/mg et à 0,5 ng/mg dans le segment de cheveux 0—3 cm suggère fortement une consommation répétée et une consommation chronique excessive d’alcool [23].

Bilan et conséquences des transformations métaboliques Le bilan général de l’éthanol est le suivant : C2 H5 OH + 3 O2 → 2 CO2 + 3 H2 O + 7,1 calories par gramme. Il fournit donc 7,1 cal/g alors que les glucides et les lipides produisent respectivement 4 cal/g et 9 cal/g. Contrairement aux glucides et aux lipides, l’éthanol n’est pas un nutriment. De plus, si on prend en compte la régénération des cofacteurs enzymatiques impliqués dans la métabolisation de l’éthanol, alors le bilan énergétique global devient négatif. Il n’est pas utile à l’effort musculaire, ni pour lutter contre le froid contrairement à une idée encore parfois répandue. De plus, certaines transformations métaboliques exercent un effet délétère, telle la surproduction de NADH cytosolique hépatocytaire qui est très réducteur. Pour que le processus d’oxydation puisse se poursuivre, il faut qu’il y ait une réoxydation du NADH cytosolique en NAD. Ceci se réalise grâce à la réduction du pyruvate en lactate catalysée par la lactico-déshydrogénase cytosolique dont la conséquence est une hyperproduction de lactate [7]. Celle-ci est à son tour à l’origine d’une augmentation de l’uricémie. De plus, l’afflux de NADH dans la mitochondrie retentit sur la chaîne d’oxydation phosphorylante, entraînant une carence relative en NAD+ indispensable au cycle citrique et surtout au processus de ␤-oxydation des acides gras qui se trouve bloquée conduisant à une stéatose hépatique.

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques

Toxicologie analytique de l’éthanol Dépistage dans l’air expiré : éthylotests de catégorie A et B Les éthylotests de catégorie A Les éthylotests de catégorie A sont des dispositifs à usage unique qui font appel à une réaction chimique. Un tube réactif est associé à une poche souple dont la contenance est d’environ un litre, dans laquelle le sujet souffle. La fonction alcool de l’éthanol réduit en milieu sulfurique, le chrome Cr6+ du dichromate de potassium de couleur jaune orangé en chrome Cr3+ de couleur verte. Trois minutes après avoir soufflé dans le dispositif, on mesure la longueur du changement de couleur dans le tube réactif, sensiblement proportionnel à la concentration en alcool dans l’air expiré. Un repère indique le dépassement du seuil de 0,25 mg/L d’air expiré (seuil contraventionnel). La précision est de l’ordre de 20 % [24]. Ces dispositifs à usage unique donnent de fausses réactions positives avec d’autres alcools légers (méthanol, 1-propanol, 2-propanol) mais également avec des aldéhydes contenus parfois en grande quantité dans des boissons obtenues à partir de fruits pressés [2,24].

Les éthylotests de catégorie B Les éthylotests de catégorie B sont des appareils électroniques portatifs utilisés avec des embouts buccaux à usage unique dans lequel le sujet souffle jusqu’à un signal correspondant à un volume d’air déterminé. Grâce à un catalyseur, l’oxydation de l’éthanol en acide acétique libère des électrons qui produisent un courant électrique proportionnel à la concentration en éthanol. Après environ 20 secondes, le résultat s’affiche sous forme numérique [24]. La précision est voisine de 5 %. Ces éthylotests de catégorie B sont également sensibles aux interférences parmi lesquelles figurent le méthanol, l’éther diéthylique, le 2-propanol, le toluène et le xylène [2]. Dans le cadre de la sécurité routière, tout test positif obtenu avec un éthylotest de catégorie A ou B doit faire l’objet d’une confirmation par l’une des deux méthodes légales : dosage dans l’air expiré si le sujet est en mesure de souffler, ou dosage sanguin dans le cas contraire.

Dosage de l’éthanol dans l’air expiré : éthylomètres Ces appareils mettent à profit l’élongation des groupements méthyle dans l’infrarouge entre 3,3 et 3,5 ␮m. La mesure s’effectue à 3,39 ␮m et à 3,48 ␮m pour éliminer l’interférence due à la présence éventuelle d’acétone. Une seconde mesure est réalisée 9,4 ␮m afin de supprimer tout signal lié à la présence d’autres substances volatiles (2propanol, éther diéthylique, 2-butanone, toluène) ainsi que de nombreux autres produits dont la liste est publiée au Journal Officiel [24].

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Variabilité du rapport éthanol dans l’air alvéolaire/éthanol sanguin — corrélation éthylomètre—dosage sanguin Les teneurs en éthanol mesuré dans l’air expiré sont exprimées en milligrammes par litre. Compte tenu du fait qu’il est admis — à tort — que le rapport de ces deux concentrations est de l’ordre de 1/2000 une fois l’absorption terminée, la concentration en éthanol dans l’air expiré est de 0,25 mg/L, pour une éthanolémie de 0,25 × 2000 = 500 mg/L, soit 0,50 g/L. En réalité, ce facteur de 2000 a été choisi en France par commodité. Dans d’autres pays d’Europe, il varie de 2000 à 2300. Plus ce facteur est faible, plus il « minore » l’état d’imprégnation éthylique d’un sujet par rapport à la moyenne de la population. Pour Jones et Anderson [25], alors qu’en Suède le facteur retenu est de 2100, la mesure dans l’air expiré constitue une minoration moyenne de 10 % pour les contrevenants par rapport à la concentration sanguine. En fait, il s’agit d’un facteur moyen qui ne prend pas en compte des variations individuelles parfois considérables. Ainsi, Dubowski [26] a mesuré un facteur moyen de 2280 ± 242 (écart type), mais les valeurs individuelles varient de 1706 à 3063 ! Jones en Suède et Beylich en Norvège [27] ont également confirmé les grandes variations constatées par Dubowski avec des facteurs variant respectivement de 2052 à 4400 et de 1972 à 3400. Ils constatent également un biais systématique entre les concentrations dans le sang et dans l’air expiré et suggèrent une correction. Jones et Anderson [25] montrent sur un échantillon de 799 sujets, qu’il est possible d’améliorer la dispersion du rapport sang-air en corrigeant les résultats en fonction du temps séparant les deux types de mesure, sur la base d’une diminution retenue pour l’alcoolémie de 0,19 g/L/h. Dans ces conditions, la valeur moyenne du rapport de la concentration d’éthanol dans le sang sur la concentration d’éthanol dans l’air est de 2407 ± 213. Pour 95 % de l’échantillon, les valeurs sont comprises entre 1981 et 2833, mais cette dispersion reste malgré tout importante. Dès 1987, Simpson [28] affirme que plus de 90 % de la dispersion est due à des variations biologiques individuelles. Cette variabilité est donc unanimement établie et reconnue de longue date par divers auteurs, mais aussi par Labianca et Simpson [29]. Signalons enfin, au plan du principe, que la détermination dans l’air expiré fait appel à la mesure en fin de période respiratoire [30]. Dans plusieurs articles, Hlastala [31,32], spécialiste incontesté de la physiologie des échanges gazeux, considère que la théorie de la mesure de l’éthanol dans l’air expiré utilisée dans les éthylomètres, fondée sur le savoir de la physiologie respiratoire des années 1940 et 1950, est obsolète. Depuis cette époque, les acquis ont été largement remis en cause suite à l’évolution fantastique des connaissances. En effet la dernière fraction de l’air expiré ne peut être le reflet de l’alcool réel contenu dans l’air alvéolaire, ce qui sous-estime le contenu en éthanol dans l’air alvéolaire. Une publication récente d’Hlastala et al. concernant la mesure de l’éthanol dans l’air expiré montre que la mesure dans l’air expiré par éthylométrie sous-estime en moyenne de 20 % la concentration en éthanol dans l’air alvéolaire [33]. Des études expérimentales et théoriques sur les échanges gazeux de composés très solubles ont conduit à un nouveau modèle sur les échanges d’alcool au niveau pulmonaire (Fig. 2). Il est maintenant

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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J.-P. Goullé, M. Guerbet une mesure dans l’air expiré ; elle dépasse ou ne dépasse pas le seuil fixé par la loi. Contrairement à d’autres pays, la loi franc ¸aise fixe les seuils contraventionnels et délictuels, tant dans l’air expiré que dans le sang. En France, dans l’air expiré, les seuils contraventionnels et délictuels sont respectivement de 0,25 mg/L et de 0,40 mg/L [34,35]. De la même manière, un dosage dans le sang total est réalisé selon l’une des deux méthodes légales, chromatographie en phase gazeuse (CPG) ou Cordebard ; il est inférieur ou supérieur aux concentrations retenues par la loi, soit 0,50 g/L pour la contravention et 0,80 g/L pour le délit. Dans ces conditions, un expert doit récuser toute mission visant à transformer une mesure d’éthylomètre en dosage sanguin et a fortiori l’interprétation d’une « alcoolémie a retro » à partir d’une valeur d’éthylomètre [2]. Il n’est pas davantage possible d’appliquer la formule de Widmark à des mesures réalisées dans l’air expiré [2]. Dans le cadre de la sécurité routière, à l’exception des sujets grièvement blessés ou décédés pour lesquels un prélèvement sanguin médico-légal est réalisé, seule la mesure par éthylomètre a force de loi. Enfin, les dosages d’alcoolémie réalisés dans un contexte de prise en charge médicale sont couverts par le secret médical.

Dosage de l’éthanol dans les milieux biologiques Seules seront abordées les méthodes utilisées en routine à des fins médicales ou médico-légales.

Les techniques enzymatiques Figure 2. Nouveau modèle sur les échanges d’alcool au niveau pulmonaire. New model on exchanges of alcohol at the pulmonary level.

bien établi que la majeure partie de la variabilité observée est due à des paramètres physiologiques, paramètres qui peuvent changer d’une mesure à l’autre. La prise en considération de l’ensemble des échanges dans l’air expiré plutôt que dans l’air alvéolaire, ouvre une nouvelle voie de recherche pour la mise au point d’appareils permettant d’améliorer la précision des mesures de l’alcool dans l’air expiré.

Contrôle de qualité des éthylomètres Ceux-ci doivent être soumis à un contrôle annuel, assuré par le service des poids et mesures, sous peine d’invalidation des résultats qui pourraient être produits. On peut regretter que ces appareils ne soient pas en outre l’objet d’un contrôle de qualité externe régulier. Enfin, il est dommage que tous les appareils ne soient pas équipés d’une imprimante. Par ailleurs, aucun échantillon d’air expiré n’est conservé, ce qui rend impossible toute analyse de contrôle [2].

Conclusion concernant les éthylomètres En l’attente de la mise au point éventuelle d’appareils nouveaux tenant compte des acquis les plus récents en matière de physiologie, il est illusoire de vouloir transformer la teneur en alcool dans l’air expiré en « équivalent d’alcoolémie ». Une mesure dans l’air expiré est seulement

Le dosage d’éthanol par voie enzymatique est couramment pratiqué dans les laboratoires de biologie médicale. Les deux sources d’enzymes les plus utilisées, l’alcool déshydrogénase (ADH) ou l’alcool oxydase (AO) [36]. L’ADH est extraite d’une levure de bière Saccharomyces cerevisiae et fait appel comme coenzyme au NAD qui conduit à la formation de NADH. La variation de l’absorption du NAD à 340 nm est proportionnelle à la concentration en éthanol. Il existe de nombreuses trousses de réactifs prêts à l’emploi. La réaction est relativement spécifique de l’éthanol. S’il n’existe pas d’interférence avec le méthanol, en revanche des réactions croisées variables selon les coffrets sont constatées avec le 1-propanol et le 1-butanol en particulier [37]. Le dosage, facilement adaptable sur automate de laboratoire peut être appliqué au plasma, ou aux urines. Il constitue la méthode de choix en routine hospitalière, étant disponible 24 heures sur 24. La mesure dans le sang total nécessite une précipitation préalable, mais elle ne peut pas être appliquée aux prélèvements médico-légaux [2]. En ce qui concerne l’AO, Candida boïdinii figure parmi les sources disponibles, y compris en coffret pour automate [37]. La réaction consomme l’oxygène dissous dans le milieu pour produire de l’eau oxygénée dont la concentration est proportionnelle à la quantité d’alcool. La mesure de l’eau oxygénée formée fait appel après action d’une peroxydase, soit à une détermination photométrique d’un chromogène (la réaction de Trinder est fréquemment utilisée) sur lequel se fixe l’oxygène libéré, soit à la mesure directe par ampérométrie de l’oxygène libéré [36]. Pour l’AO, il existe une très importante réaction croisée avec le méthanol, l’enzyme étant plus une méthanol oxydase qu’une éthanol oxydase. Hormis ce

Pour citer cet article : Goullé J-P, Guerbet M. Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques. Ann Pharm Fr (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2015.03.003

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Éthanol : pharmacocinétique, métabolisme et méthodes analytiques problème d’interférence, les performances analytiques des méthodes enzymatiques sont globalement satisfaisantes, ainsi la linéarité de 4 g/L offre une large gamme de mesures avec une fidélité intermédiaire inférieure à 5 % et une limite de détection voisine de 0,02 g/L [37]. Les résultats d’analyses de routine sont bien corrélés avec la CPG [37].

Les techniques faisant appel à la chromatographie en phase gazeuse La CPG constitue la méthode de choix pour le dosage de l’éthanol. La méthode de Cordebard par distillation n’étant plus utilisée, seuls les résultats obtenus par CPG ont une valeur légale dans le cadre de la sécurité routière. Cette méthode physique permet non seulement de quantifier l’éthanol, mais également de mettre en évidence d’autres molécules volatiles éventuellement présentes. Le sang qui demeure le milieu de choix, doit impérativement être prélevé sur fluorure pour éviter toute dégradation ou production d’éthanol par des bactéries et/ou levures. Il existe deux variantes principales d’utilisation de la CPG : l’injection directe et l’espace de tête [38]. L’injection directe présente les avantages d’être rapide et économique pour des petites séries, détrônée aujourd’hui par l’injection par espace de tête qui, d’une part, est automatisable, et d’autre part, préserve la durée de vie de la colonne chromatographique [38]. En ce qui concerne l’injection directe, la méthode recommandée par la Société franc ¸aise de biologie clinique fait appel à une simple précipitation du sang par un mélange sulfo-tungstique [39]. De nombreuses variantes ont été proposées [38], avec parfois un mode opératoire très simple consistant par exemple en une simple dilution de l’échantillon biologique dans un milieu contenant l’étalon interne. La CPG a fait l’objet de nombreuses évaluations, y compris d’études corrélatives avec les méthodes enzymatiques sur le sérum et le sang total [40]. La majorité des méthodes faisant appel à la CPG offrent une linéarité de 10 g/L et une fidélité intermédiaire inférieure à 2 % avec une limite de détection voisine ou inférieure à 0,01 g/L [40]. Les techniques de dosage sanguin de l’éthanol montrent que si les méthodes enzymatiques sont tout à fait satisfaisantes pour les besoins de la clinique, la CPG s’impose comme méthode incontournable, étant la seule légale dans le contexte de la sécurité routière et pour l’expertise toxicologique de référence.

Conclusion Le métabolisme de l’éthanol est complexe. Il conduit à la formation de métabolites et dérivés toxiques pour de nombreux tissus, en particulier le tractus digestif, mais aussi le foie, le cœur et le cerveau. Les effets délétères de l’éthanol sont à l’origine de pathologies variées responsables de près de 50 000 décès annuels évitables. Il est donc primordial de ne pas banaliser sa consommation et d’encourager toutes les actions visant à la limiter. Enfin, il convient de rappeler qu’il traverse la barrière fœto-placentaire et qu’à ce titre, il constitue un poison redoutable pour le fœtus.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Pharmacokinetics, metabolism, and analytical methods of ethanol].

Alcohol is a licit substance whose significant consumption is responsible for a major public health problem. Every year, a large number of deaths are ...
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