Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 11 : 467-469, 1992

GAS CLINIQUE

Fuite persistante de liquide c phalorachidien apr s retrait d'un site d'analg sie sous-arachnoidienne Persisting leakage of cerebrospinal fluid after removal of a subarachnoid analgesia catheter with an implanted reservoir M. HIDOU, J.P. CARAMELLA, E. CLAUDE Departement d'Anesth6sie-R6animation, H6pital de Vittel, 88800 Vittel RI~SUM# : Lors du retrait d'un site d'analg6sie sous-arachnoidienne implant6 pour des douleurs n6oplasiques chez un homme de 79 ans, apparait au niveau de la cicatrice d'explantation une fuite persistante de liquide c6phalorachidien. AprSs 6chec de diff6rents traitements incluant le d6cubitus prolong6, le blood patch et l'injection p6ridurale de colle biologique, c'est finalement la ligature transcutan6e du trajet pr6sum6 de la fistule qui permet le tarissement d6finitif de l'6coulement. Les circonstances 6tiologiques et le traitement des fistules cutan6es de liquide c6phalorachidien apr6s ponction de la dure-m6re sont pass6s en revue. Mots-cl6s : A D M I N I S T R A T I O N (VOIES D') : sous-arachnoMienne ; ANALGt~SIE : pdrimddullaire, sousarachnoMienne ; OP1ACI~S : morphine.

La morphine administr6e a faible dose par voie sous-arachnoidienne induit une analg6sie intense et durable. Cette technique a ouvert une voie originale duns le traitement symptomatique de la douleur rebelle d'origine canc6reuse [7]. Satisfaisante sur le plan fonctionnel, elle peut 6tre responsable de certaines complications. Parmi celles-ci figurent les fuites de liquide c6phalorachidien (LCR), dont nous rapportons une observation. OBSERVATION Un patient fig6 de 79 ans, atteint d'un cancer du bus rectum et souffrant de douleurs p6rin6ales intenses, b6n6ficie de l'implantation en position lombaire (L3-L4) d'un cath6ter sousarachnoidien en silicone (diam~tre = 1,5 mm), connect6 ~ un site d'injection sous-cutan6e (Cordis ®), ins6r6 duns le flanc droit. Ce dispositif permet de pratiquer des injections it6ratives de morphine, assurant une analg6sie de bonne qualit6. Cinq mois plus tard, un 6pisode de m6ningite est trait6 par une antibioth6rapie g6n6rale et locale par injection duns le site qui est conserv6. Quinze mois apr~s l'implantation, le patient est hospitalis6 pour une nouvelle m6ningite h staphylocoque dor6, confirm6e par le pr61~vement de LCR sur le site d'injection. Le traitement antibact6rien comprend de la p6floxacine par voie intraveineuse et de la vancomycine par voie sous-arachnoidicnne par l'interm6diaire du site. Le syndrome m6ning6 r6gresse rapidement. Huit jours plus tard, l'ablation du mat& riel d'injection est r6alis6e de principe, car il s'agissait du deuxi6me 6pisode infectieux. Un abord de la loge permet de scctionner les ills d'amarrage du boitier, de le d6connecter du

Regu le 14 janvier 1992, accept6 apr~s r6vision le 10 mars 1992.

catheter et de proc6der ~ son retrait. Le cath6ter est enlev6 par simple traction, ~ partir de la m6me incision qui est referm6e en deux plans. Le soir m~me, on constate que le pansement est continuellement imbib6 de liquide s6reux qui sourd de la cicatrice. Le pr616vement d'un millilitre de ce liquide, par ailleurs st6rile, montre un aspect et une composition compatibles avec du LCR (prot6ines totales = 0,50 g - 1-1 ; glucose = 0,24 g - 1 1 ; chlorures = 119 mmol • 1-t ; 2 h6maties/mm 3 ; 80 leucocytes/mm3). Le diagnostic de fuite de L C R le long du trajet du cath6ter est 6voqu6. Aucune c6pha16e n'est not6e. Trois jours plus tard, la fuite persiste, malgr6 le d6cubitus ventral, la restriction hydrique et les pansements compressifs au niveau de la loge qui contenait le boitier. Un blood-patch s'av6re inefficace. Le lendemain, l'injection p6ridurule selon une technique identique h celle du blood-patch, de 5 ml de colle biologique (Tissucolle ®) duns l'espace of1 si~ge la fuite est r6alis6e, sans succ6s. Finalement, le passage transcutan6 d'un point de fil non r6sorbable autour du trajet pr6sum6 de la fistule, h mi-chemin entre le rachis et la loge off 6tait ins6r6 le boltier, permet le tarissement imm6diat de l'6coulement, lequel ne r6cidive pus lors du retrait du fil une semaine plus tard. Le patient, revu tt distance de l'6pisode, est asymptomatique. Sa douleur est calm6e de faqon satisfaisante par de la morphine h lib6ration prolong6e per os (Moscontin ®).

DISCUSSION

La premi6re question soulev6e par cette observation concerne l'origine de l'6coulement. D'autres hypotheses que celle d'une fuite de LCR doivent ~tre envisag6es. Il peut s'agir d'un exsudat provenant des tissus sous-cutan6s. La faible teneur en Tires a part: d.P. Caramella

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protides du liquide va ~ l'encontre de cette hypoth6se, de m6me que i'absence d'0ed6me. L'ext6riorisation d'un 6panchement pleural par un cath6ter insdr6 de mani6re ddfectueuse a 6t6 rapportde [2]. Cependant, il n'existait pas dans le cas pr6sent6 d'6panchement pleural ou p6riton6al. De plus, le contr61e radiologique r6alis6 apr6s l'insertion, la pr6sence d'un reflux de LCR lors de l'aspiration ainsi que l'efficacit6 des injections de morphine durant une p6riode prolong6e permettent d'exclure une malpositionk du cath6ter. L'6coulement est donc tr6s probablement constitu6 de LCR. Les fuites cutandes de LCR sont d6crites apr6s ponction lombaire [9], anesthdsie p6ridurale [5, 8], infiltration p6ridurale de corticoides [1] ou my61ographie [4]. Ces observations sont caract6ris6es par l'intensit6 des c6phal6es, absentes dans notre observation. Cela peut 6tre dfi ~ un ddbit de fuite trop faible pour engendrer une baisse de la pression du LCR (le ddbit n'a pas 6t6 quantifi6 dans notre observation, mais il peut atteindre 200 ml par jour chez des patients souffrant de c6phaldes apr6s rachianesth6sie) ; mais cela peut 6tre dfi aussi h l'gtge du patient. En effet, la moindre distension des m6ninges et des structures vasculaires chez le vieillard rdduit la sensibilit6 ~ l'hypotension du LCR et att6nue le risque de c6phal6es apr6s rachianesth6sie [3]. La fuite de L C R le long d'un cath6ter d'analgdsie p6ridurale chronique, en direction du site d'injection, est connue [7]; le bo~tier baigne dans une poche liquidienne ou ~ hygrome ~. Quand la fistule se manifeste pr6cocement apr6s l'implantation, le L C R peut s'ext6rioriser par la cicatrice, ce qui a dans certains cas motiv6 l'ablation du r6servoir. I1 faut diff6rencier la fuite provenant d'une br6che de la dure-m6re de celle issue du d6me multiperfor6 par les injections multiples, survenant donc tardivement et disparaissant apr6s remplacement du bo~tier. A notre connaissance, aucune ext6riorisation de LCR n'a 6t6 rapport6e apr6s ablation du rdservoir. Dans ce cas, le passage du liquide t6moigne de la persistance d'un tunnel fibreux partant de la dure-m6re, traversant les espaces p6ridural puis inter6pineux et enfin les tissus sous-cutands, pour aboutir /t la loge du boitier. Diffdrentes m6thodes ont 6t6 proposdes pour traiter les fistules cutandes de LCR. Certaines visent h favoriser le tarissement spontan6 en diminuant la pression du L C R au niveau de la br6che : repos au lit en ddcubitus lat6ral ou ventral, glyc6rol per os, et restriction hydrique [1, 5]. Dans de nombreux cas, la technique du blood patch est utilisde, avec des rdsultats souvent favorables [4, 6, 8]. BALL et coll. proposent une ligature transcutande de l'orifice fistuleux [1]. Cette m6thode est voisine dans son principe de celle que nous avons employ6e. Enfin, en cas d'6chec, un abord direct

M. HIDOU ET COLL.

par laminectomie a parfois 6t6 n6cessaire, afin de fermer l'orifice de la dure-m6re [4]. Darts le cadre des fuites survenant sur un site implant6, le pansement compressif au niveau de la loge contenant le bo~tier peut 6tre efficace [7]. Pour notre part, nous avons successivement mis en pratique la plupart de ces techniques en y ajoutant une variante du blood patch, ofa le sang 6tait remplac6 par de la colle biologique, ce qui n'avait jamais 6t6 r6alis6 notre connaissance. En dernier recours, afin d'6viter une intervention chez ce patient fragile, une ligature transcutan6e du trajet de la fistule a 6t6 r6alis6e. Cette technique simple a permis de tarir d6finitivement la fuite de LCR. Cette observation pose avec acuit6 le probl6me des indications de l'analg6sie morphinique rachidienne dans le traitemerit des algies canc6reuses. I1 s'agit d'une technique complexe, en raison de l'implantation du dispositif, des injections quotidiennes et en dernier lieu des complications m6caniques ou infectieuses survenant avec une incidence 61ev6e [7]. Bien que des dispositifs plus r6cents munis d'un r6servoir assurant une autonomie d'une ~ deux semaines soient apparus sur ie march6 (Sercor Cordis ®), les indications de cette technique se sont restreintes, -en particulier avec l'apparition de la morphine per os ~ lib6ration prolong6e (Moscontin ®).

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FUITE DU LCR APRILS RETRAIT D'UN CATHI~TER SOUS-ARACHNOIDIEN

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ABSTRACT: A case is reported of a persisting leakage of cerebrospinal fluid (CSF) occurring after removal of a subarachnoid analgesia kit. The kit had been inserted in a 79-year-old man who had severe perineal cancer pain. Fifteen months later, after a second episgde of meningitis, the kit was removed. The leakage was noticed a few hours after removal of the kit. Biological parameters confirmed the fluid was most certainly CSF. Despite making the patient lie prone, water restriction and a compressive dressing, the leakage was still present three days later. A blood patch, and the epidural injection of biological glue, were of no avail. The leakage was only stopped by tying off the fistula with a ligature. The actiology and treatment of skin CSF fistulae after puncture of the dura mater are discussed.

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[Persistent leakage of cerebrospinal fluid after removal of a device implanted for subarachnoid analgesia].

A case is reported of a persisting leakage of cerebrospinal fluid (CSF) occurring after removal of a subarachnoid analgesia kit. The kit had been inse...
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