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Rec¸u le : 16 mars 2015 Accepte´ le : 23 mars 2015

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E´ditorial

La pathologie infectieuse pe´diatrique : une discipline en pleine mutation Pediatric infectious diseases: A discipline in transition R. Cohena,*,b, pour le Groupe de pathologie infectieuse pe´diatrique de la Socie´te´ franc¸aise de pe´diatrie

a Unite´ court se´jour nourrisson, centre hospitalier intercommunal de Cre´teil, 40, avenue de Verdun, 94010 Cre´teil cedex, France b UPEC Universite´ Paris XII, 94000 Cre´teil, France

L

a pathologie infectieuse est a` un tournant avec deux points particulie`rement pre´occupants : d’une part, la re´sistance aux antibiotiques augmente pour certaines espe`ces bacte´riennes laissant certains patients en impasse the´rapeutique, d’autre part, une de´fiance croissante dans les vaccinations s’installe dans la socie´te´ franc¸aise. La multi-re´sistance aux antibiotiques touche essentiellement les bacilles a` Gram ne´gatif (BGN), non seulement des espe`ces bacte´riennes connues depuis des de´cennies pour cumuler plusieurs me´canismes de re´sistance (Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baumanii, Burkholderia cepacia complex), mais aussi des ente´robacte´ries comme Escherichia coli, a` la fois un des principaux acteurs du microbiome intestinal et responsable d’infections tre`s courantes chez des sujets sains comme immunode´prime´s [1,2]. Ces bacte´ries multi-re´sistantes (BMR), outre la mortalite´ et la morbidite´ qu’elles entraıˆnent, risquent de compromettre les progre`s re´alise´s au cours des dernie`res anne´es dans le pronostic des patients d’he´matologie, cance´rologie, re´animation, greffes. . . Pour limiter ou ralentir cette e´volution de´favorable, en l’absence pre´visible dans les prochaines anne´es de mole´cules innovantes re´pondant a` ces enjeux, le pe´rime`tre des actions a` mener se dessine :  ame ´ liorer nos proce´dures diagnostiques afin de limiter les antibiothe´rapies inutiles [3] ;  utiliser les antibiotiques les moins se ´ lectionnant (souvent ceux qui ont les spectres les moins larges) [4] ;  mieux comprendre et connaı ˆtre les crite`res pharmacocine´tiques et pharmacodynamiques pre´dictifs d’efficacite´ et souvent de moindre se´lection des antibiotiques, y compris pour ces souches re´sistantes [5] ; * Correspondance. e-mail : [email protected].

 renforcer les mesures d’hygie ` ne dans les services cliniques pour diminuer la diffusion de ces BMR ;  renforcer la collaboration avec les laboratoires de microbiologie clinique, en particulier pour les infections lie´es a` des BMR qui justifient plus de tests in vitro (CMI, e´tudes de synergie des associations etc.) ;  de ´ velopper enfin dans toutes les structures pe´diatriques la mise en place de me´decins re´fe´rents en infectiologie pour coordonner et animer cette politique de bon usage des antibiotiques et de lutte contre les BMR [6,7]. Si l’application de recommandations d’utilisation des antibiotiques a e´te´ et est toujours un progre`s pour la grande majorite´ des situations cliniques, l’e´mergence d’infections a` BMR change le paradigme : il faut passer du « preˆt a` porter » que constituait l’application des protocoles au « sur mesure » fonction des me´canismes de re´sistance et des CMI des bacte´ries implique´es. La vaccination est aussi en situation de crise. Non pas que l’innovation soit en panne, mais du fait de la de´fiance d’une partie croissante de la population franc¸aise qui rend l’implantation de tout nouveau vaccin plus difficile que dans n’importe quels autres pays occidentaux [8] :  la couverture vaccinale contre le me ´ ningocoque C, vaccin recommande´ en France depuis plus de 6 ans, ne de´passe pas 50 %, interdisant d’escompter un « effet de groupe » comme ceux qui ont e´te´ observe´s en Angleterre ou en Hollande [9]. En effet, la protection confe´re´e par de nombreux vaccins est la re´sultante de la protection individuelle et de la re´duction du portage de l’agent pathoge`ne concerne´ limitant le risque de transmission de la maladie. Pour le me´ningocoque C, on sait que les anticorps, garants de la protection individuelle, ne persistent que quelques anne´es quand les enfants sont vaccine´s avant l’aˆge de 5 ans [10]. Du fait du faible taux de couverture vaccinale, ce me´ningocoque continue de circuler et

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.03.009 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-2 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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R. Cohen

il faut envisager de pratiquer une dose de rappel avant l’adolescence et de vacciner les nourrissons de`s la premie`re anne´e ;  la vaccination contre le virus du papillome humain (HPV) est en panne du fait des campagnes me´diatiques successives des diffe´rents opposants a` la vaccination [11] ;  quant a ` la vaccination contre le rotavirus, elle n’est pas rembourse´e en France malgre´ une recommandation du comite´ technique des vaccinations et du haut conseil de sante´ publique, le blocage e´tant effectue´ par la commission de transparence (ou` ne sie`ge aucun pe´diatre. . . pour une maladie essentiellement pe´diatrique). Les couvertures vaccinales pour les vaccins de´ja` installe´s dans le calendrier vaccinal ne sont pas a` l’abri d’une re´gression du fait des actions me´diatiques re´pe´te´es des opposants a` la vaccination. Faire un moratoire sur l’aluminium contenu dans les vaccins entraıˆnerait l’arreˆt de la vaccination contre la diphte´rie, le te´tanos, la poliomye´lite, la coqueluche, Haemophilus influenzae se´rotype b, les he´patites A et B, le pneumocoque, le me´ningocoque C. Apre`s un monde sans antibiotiques efficaces devra-t-on aussi envisager un monde sans vaccins ? Contrastant avec cette de´fiance entretenue par les me´dias et le peu d’implication des autorite´s de sante´ pour de´fendre la vaccination, de`s qu’une crise sanitaire survient (grippe pande´mique, dengue, chikungunya. . .), on se retourne vers les industriels en s’e´tonnant qu’aucun vaccin n’existe « de´ja` ». Par ailleurs, l’approvisionnement en vaccins est loin d’eˆtre satisfaisant. La liste des vaccins ayant eu au cours des 2 dernie`res anne´es des difficulte´s d’approvisionnement, voire une rupture de stock comple`te, est impressionnante (BCG SSIW, DTCaP-Hib, DTCaP, MeningitecW, typhoı¨de, he´patite A, fie`vre jaune, VarilrixW, TicovacW). Il va malheureusement falloir s’habituer a` ces difficulte´s et e´tablir rapidement des strate´gies de remplacement. Ces difficulte´s ont plusieurs origines. La premie`re est que la demande mondiale en vaccins augmente, notamment pour certaines valences (coqueluche acellulaire), obligeant les fabricants a` faire des choix sur les produits finis a` privile´gier. La seconde est que, les vaccins e´tant des produits biologiques, plusieurs mois, voire anne´es, sont ne´cessaires pour les fabriquer et les controˆler. Des variations dans les produits finis sont fre´quentes, ceux-ci n’atteignant pas toujours les spe´cifications requises lors des controˆles et conduisant a` une disponibilite´ insuffisante pendant des mois. Face a` ces de´fis, et pour mener a` bien diffe´rentes actions, deux axes sont a` mettre prioritairement en place :  sensibiliser les pe ´ diatres a` ces proble`mes et renforcer leur niveau de connaissances : peu de spe´cialite´s sont aussi souvent confronte´es aux situations infectieuses que la pe´diatrie ;

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 mettre en place un re ´ seau de me´decins re´fe´rents en infectiologie pe´diatrique, capables d’aider les pe´diatres a` mieux utiliser les antibiotiques, de les assister pour la prise en charge des infections dues a` des BMR et de re´pondre scientifiquement aux questions qu’ils se posent ou que se posent leur patients sur les vaccins. Le Groupe de pathologie infectieuse pe´diatrique de la Socie´te´ franc¸aise de pe´diatrie proposera tous les mois aux lecteurs des Archives de Pe´diatrie une rubrique sur les anti-infectieux ou la vaccination. Cette rubrique n’a pas pour objectif d’eˆtre une revue de la litte´rature a` propos des derniers articles publie´s, mais de mettre en perspective ceux qui sont susceptibles de changer nos pratiques quotidiennes dans le domaine de la pathologie infectieuse pe´diatrique.

De´claration d’inte´reˆts Robert Cohen a e´te´ invite´ en congre`s, ou participe´ a` des boards d’expert ou fait des pre´sentations lors des symposiums pour les firmes fabricantes de vaccins suivantes : GSK, Novartis, Pfizer, Sanofi-Pasteur MSD.

Re´fe´rences [1] [2]

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