Table ronde

Aide à la parentalité pour les parents handicapés (Pédiatrie sociale)

Parentalité et handicap E. Thoueille Puéricultrice, directrice, fondatrice du Service de guidance périnatale et parentale des personnes en situation de handicap (SAPPh), Fondation hospitalière Sainte Marie, 26 boulevard Brune, 75014 Paris, France

L

orsqu’il est question de parentalité et handicap dans la plupart des colloques ou des publications, il s’agit surtout du fait d’être parent d’un enfant porteur de handicap. Les enfants en situation de handicap, congénital ou survenu à différentes périodes de leur existence, bénéficient d’une espérance de vie aujourd’hui qui ne rend plus inenvisageables des projets de vie. Aux traditionnelles revendications d’accessibilité ou de compensation se sont substitués un droit à l’éducation, au travail, puis à la vie affective et sociale, droits que la loi du 11 février 2005 a encadrés. Au-delà de ces signes puissants de normalisation d’individus trop longtemps exclus du jeu social, il en est un autre tout aussi puissant sinon plus : celui d’avoir un enfant. Il ne s’agit plus d’un phénomène exceptionnel ou marginal. Mais il faut reconnaître que la solitude et l’incompréhension sont encore des réalités que ces parents vivent au quotidien. À la souffrance de ces femmes, se rajoutent les inquiétudes ou les maladresses de certains professionnels médico-sociaux, trop prompts encore à la suspicion qui déstabilise. L’anxiété de ces mères ne doit pas être comprise comme un état pathologique mais plutôt comme une préparation physique et mentale aux remaniements personnels qu’induisent la grossesse et le fait d’être parent. Même si la jeune femme a su déployer toutes ses capacités d’adaptation à sa situation singulière de personne en situation de handicap, elle peut être envahie par un sentiment d’incapacité avouée ou masquée. Pour réaliser une prise en charge adéquate, il faut sans cesse naviguer entre plusieurs écueils, une surestimation des compétences ou une mise en doute de leur savoir de parents, ou encore le fait de proposer une aide maladroite ou malvenue à des parents sans tenir compte du désir ou des besoins des personnes, imposant d’office une travailleuse familiale ou une place en crèche. Un tiers valide, c’est rassurant ! Les personnes en situation de handicap moteur sont largement entravées dans leur autonomie par les obstacles à l’accessibilité. L’accessibilité ne se réduit pas à l’installation d’une rampe d’accès aux locaux d’une maternité ou d’une consultation, mais elle exige tout un matériel spécifique d’examen ou de soins, un aménagement de chambres dédiées et du personnel sensibilisé que nous avons eu la chance de rencontrer auprès d’expériences pilote menées conjointement à l’Institut Mutualiste Montsouris (IMM) et à la maternité de la Pitié Salpétrière. Notre rencontre avec la sagefemme de l’IMM, Béatrice Chamois, l’équipe du Professeur Dommergues nous a permis de construire de nouveaux partenariats. Nous nous sommes appuyés, pour construire notre stratégie de prise en charge, sur les récits des parents qui témoignent de leurs

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34 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):34

difficultés. Ces rencontres, initiées au début auprès de parents déficients visuels, nous ont permis de structurer notre programme d’accompagnement. Les mamans bénéficient, dès le début de la grossesse et souvent avant, d’une prise en charge psycho-médicosociale qui se poursuit après la naissance. Depuis l’agrément du service par l’ARS en août 2010, notre proposition de soins s’est de plus en plus structurée et se déploie selon deux axes principaux : • Une forme concrète et active : guidance en puériculture adaptée tout au long de la grossesse, prêt de matériel adapté que nous avons réuni grâce à des fonds de mécénat sous le nom de handipuériculthèque . • Une écoute avec des propositions de dispositifs de soutien. Dans la mesure de nos disponibilités, nous nous efforçons de faire que lors du premier rendez-vous, la famille ou la femme soit accueillie par deux membres de l’équipe. Il s’établit ainsi une sorte de contrat individualisé. Nous évaluons le juste dosage de l’aide : ne pas faire à la place des parents, mais chercher ensemble la solution la mieux adaptée aux besoins de chacun en utilisant tous les supports disponibles. Ce que nous avons appelé « puériculture adaptée » consiste à proposer des aides pratiques aux parents : transcription tactile des échographies à l’aide de planches établies par nos soins, sélection de mode de portage adapté, conseils d’aménagement de l’espace domestique (bain, change, couchage du bébé…). Notre méthode repose sur la démonstration de certains soins à donner au bébé dans une sorte de corps à corps (le bébé, la maman et la puéricultrice) après micro-analyse des gestes possibles pour mieux les décrire et mieux les transmettre. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle ou une norme de puériculture, mais de bâtir ensemble ce qui est possible pour la mère, ce qui est souhaitable pour le bébé en fonction de ses besoins et de son âge. Bien des mères sont étonnées de découvrir en elles des capacités inconnues d’utilisation de leur corps et de leurs possibilités. Notre travail repose sur une collaboration active. En premier lieu les maternités, qui ont compris la nécessité d’une intervention précoce de notre part. Les équipes médicales ont ouvert à notre équipe un staff mensuel commun où sont examinés conjointement les dossiers des patientes. Chacun s’exprime sur l’opportunité d’un suivi médico-social par notre service et nous rendons compte au fur et à mesure des avancées de nos accompagnements. Cette expérience innovante a permis de mieux se connaître et de développer des projets de recherche en commun permettant de mieux comprendre le parcours de soins de ces jeunes femmes jusqu’ici largement ignorées des équipes de droit commun. Ces collaborations visent un effet préventif sur la constitution des premiers liens avec le bébé et l’accès au droit universel à l’autonomie.

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