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Communication brève

Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature Paraneoplastic Cushing’s syndrome, a real diagnostic and therapeutic challenge: A case report and literature review A. Meftah a,∗ , A. Moumen a , M. Massine El Hammoumi b , S. Hajhouji a , H. El Jadi a , A. Anas Guerboub a , S. Elmoussaoui a , H. Mayaudon c , E. Hassane Kabiri b , K. Hakkou a , G. Belmejdoub a a

Service d’endocrinologie et métabolisme, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Hay Riad, 10100 Rabat, Maroc Service de chirurgie thoracique, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Hay Riad, 10100 Rabat, Maroc c Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Syndrome de cushing paranéoplasique Tomographie par émission de positons Tumeur carcinoïde typique

r é s u m é Introduction. – Le syndrome de Cushing paranéoplasique est une cause rare d’hypercorticisme endogène. Il est dû à une sécrétion ectopique d’ACTH par une tumeur endocrine non hypophysaire. Les données biologiques et radiologiques à visée étiologique sont souvent non concluantes posant un problème de diagnostic différentiel avec la maladie de Cushing. En outre, ces tumeurs sont souvent de petite taille et leur siège est extrêmement variable d’où les difficultés de localisation imposant le recours à des techniques d’imagerie moderne notamment la tomographie par émission de positons au 18-fluoro-désoxyglucose (TEP-18 FDG) ou au 18-fluoro-dihydroxyphénylalanine (TEP au 18 FDOPA). Observation. – Nous rapportons l’observation d’un homme âgé de 50 ans présentant un syndrome de cushing sévère et rapidement évolutif, en rapport avec un hypercorticisme par sécrétion ectopique d’ACTH. Devant la sévérité du tableau clinique, la résistance au traitement par kétoconazole et l’impossibilité de localiser la tumeur causale par les techniques d’imagerie conventionnelle, une surrénalectomie bilatérale de sauvetage était réalisée. Deux ans plus tard, la tomodensitométrie thoracique objectivait un nodule de 11 mm isolé au niveau du lobe inférieur gauche, la TEP au 18 FDG retrouvait un hypermétabolisme discret du nodule pulmonaire sans spécificité, et la TEP au 18 FDOPA confirmait la nature hyperfixante de ce nodule en faveur d’un carcinome endocrine. L’examen anatomopathologique était en faveur d’une tumeur carcinoïde typique et le complément immuno-histochimique montrait une positivité des cellules tumorales pour l’ACTH, le CD56, la chromogranine et la synaptophysine. Conclusion. – Cette observation illustre le dilemme entre la nécessité de localiser la sécrétion ectopique de l’ACTH et le contrôle d’un syndrome de Cushing agressif et menac¸ant. Le recours précoce à la TEP au 18 FDG ou au 18 FDOPA doit être envisagé si le diagnostic topographique de la tumeur causale ne peut être fait par les techniques d’imageries conventionnelles. © 2015 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Paraneoplastic Cushing’s syndrome Positron emission tomography Classical carcinoid tumor

Introduction. – Paraneoplastic Cushing’s syndrome is a rare cause of endogenous hypercortisolism attributable to ectopic ACTH secretion by non-pituitary tumors. Imaging and biochemical results are often inconclusive and differential diagnosis with Cushing’s disease can then be challenging. Moreover, these tumors may be occult and difficult to find and thus the need of new imaging tools such as 18 FDG-PET scan and 18 DOPA-PET scan.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Meftah). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008 0248-8663/© 2015 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Meftah A, et al. Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008

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Case report. – We report a 50-year-old man who presented with very aggressive clinical features related to Cushing’s syndrome. Biological work-up confirmed the hypercortisolism and was consistent with an ectopic ACTH secretion. Conventional localization techniques failed to show any tumor and bilateral adrenalectomy was performed because of life-threatening complications. Two years later, thoracic computed tomography reveals an 11 mm mass in the left lower pulmonary lobe, 18 FDG-PET scan found a non-specific mild hypermetabolism of the lung nodule, and the 18 DOPA-PET scan confirmed the high uptake of this nodule suggesting an endocrine carcinoma. Histology confirmed a typical carcinoid tumor. The tumor cells stained positive for ACTH, CD56, chromogranin and synaptophysin. Conclusion. – This case illustrates the dilemma between the need for morphological diagnosis of the ectopic ACTH source and control of the life-threatening hypercortisolism. 18 FDG-PET scan and 18 DOPA-PET scan should be considered early as a secondary diagnostic tool when conventional imagery fails to show any tumor. © 2015 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Le syndrome de Cushing paranéoplasique représente 10 à 17 % des cas de syndrome de Cushing ACTH dépendants. Il réalise, dans sa forme classique, un tableau d’hypercorticisme majeur et rapidement évolutif [1,2]. Cependant, la présentation clinique d’un hypercortisolisme lié à ce syndrome est parfois strictement identique à celle d’une maladie de Cushing ce qui rend le diagnostic difficile [3,4]. Cette sécrétion ectopique est secondaire à des tumeurs neuroendocrines de taille et de localisation variables, mais dont les plus fréquentes sont les tumeurs carcinoïdes du poumon. Ces tumeurs étant souvent de petite taille, leurs localisations difficiles posent un vrai défi pour les cliniciens. C’est dans ce contexte que nous rapportons l’observation d’un patient qui présentait un syndrome de Cushing sévère et rapidement évolutif, secondaire à une tumeur carcinoïde typique du poumon localisé après deux ans d’évolution par TDM thoracique et confirmé par la TEP au 18 FDG et au 18 FDOPA.

2. Observation Un homme de 50 ans, se présentait au service d’endocrinologie au mois de mars 2010, avec une symptomatologie très évocatrice de syndrome de Cushing associant une érythrose faciale, une bosse de bison, une répartition facio-tronculaire des graisses, une amyotrophie des racines des membres mais sans vergetures et ni mélanodermie (Fig. 1). Le bilan biologique réalisé montrait des taux de cortisol libres urinaires (FLU) élevés à 3 reprises (1770 nmol/24 h, 994 nmol/24 h, et 366 nmol/24 h pour une normale entre 30 et 200 nmol/24 h), une rupture du cycle de cortisol, un freinage faible à la dexaméthasone négatif, et un freinage fort à la dexaméthasone également négatif (FLU de base à 994 nmol/24 h et FLU après freinage à 1422 nmol/24 h). Le bilan morphologique réalisé comportait une IRM hypothalamo-hypophysaire qui se révélait normale et une TDM thoraco-abdomino-pelvienne normale à l’étage thoracique mais montrant une hyperplasie surrénalienne bilatérale. Le bilan des complications permettait de noter une HTA bien contrôlée sous losartan 100 mg/j, un diabète évoluant depuis 4 ans, insulinorequérant, déséquilibré avec une HbA1c à 9 %, une hypokaliémie à 3 mmol/L, une dyslipidémie avec LDL cholestérol à 1,19 g/L, et des triglycérides à 3,11 g/L, une hypothyroïdie centrale avec une T4 basse à 0,56 ng/mL (normale entre 0,62 et 1,12 ng/mL) et une TSH normale à 2,60 UI/mL, et un taux de testostérone bas, avec FSH, LH et prolactine normaux. L’ostéodensitométrie montrait une ostéoporose sévère avec un T-score à –4 DS au rachis lombaire. L’ACTH, le freinage fort à la CRH et le cathétérisme des sinus pétreux n’étaient pas disponibles. Le patient était alors traité par anti-cortisolique (800 puis 1200 mg de kétoconazole/j), bien toléré cliniquement et biologiquement.

L’évolution, six mois plus tard, était marquée par la persistance du syndrome de Cushing avec un FLU à 1630 nmol/24 h, la normalité du bilan hépatique et de l’IRM hypothalamo-hypophysaire. Un an après la mise sous traitement par anti-cortisolique, on notait la persistance du syndrome de Cushing et l’apparition d’un lymphœdème compliquant un érysipèle du membre inférieur droit. Le FLU était toujours élevé à 983 nmol/24 h, l’IRM hypothalamohypophysaire était toujours normale tandis que la TDM étagée montrait une hyperplasie bilatérale des surrénales et un aspect de pachypleurite du lobe inférieur gauche du poumon. Les marqueurs tumoraux : CYFRA, AFP, HCG et PSA étaient négatifs, et les dérivés méthoxylées urinaires étaient normaux. Le retentissement de cette pathologie était sévère. On notait en effet, une rétinopathie diabétique, une néphropathie diabétique et une hypokaliémie profonde à 2,6 mmol/L. L’ostéoporose se compliquait de fractures de côtes et de tassements vertébraux sans retentissement médullaire à l’IRM rachidienne. L’échographie hépatique retrouvait une stéatose hépatique. Le patient était adressé en chirurgie en vue d’une surrénalectomie bilatérale de sauvetage et d’un bilan de localisation de la lésion primitive responsable de ce syndrome de Cushing. L’exploration pratiquée montrait un cycle de cortisol rompu avec une cortisolémie à 8 h 00 à 712 nmol/L, à 23 h 00 à 814 nmol/L, un test de freinage faible à la dexaméthasone négatif, un test de freinage fort à la dexaméthasone négatif et un taux d’ACTH élevé sur l’ensemble du cycle : 332, 312, 277, 348 ng/mL respectivement à 8 h 00, 11 h 00, 14 h 00 et 17 h 00. L’IRM hypothalamo-hypophysaire était normale. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien retrouvait un nodule pulmonaire de 11 mm isolé au niveau du lobe inférieur gauche (aspect de pachypleurite sur le scanner ancien) et une hypertrophie bilatérale modérée des surrénales. La TEP au 18 FDG objectivait un hypermétabolisme discret du nodule pulmonaire sans spécificité et un hypermétabolisme bilatéral des surrénales. La TEP au 18 FDOPA confirmait la nature hyperfixante de ce nodule en faveur d’un carcinome endocrine ce qui était concordant avec sa nature faiblement hypermétabolique en TEP au 18 FDG (Fig. 2). Dans ce contexte de syndrome de Cushing paranéoplasique périphérique ACTH dépendant, une surrénalectomie bilatérale de sauvetage était réalisée sous anesthésie générale. L’examen anatomopatholgique retrouvait au niveau de la surrénale droite une hyperplasie corticale sans atypie cytonucléaire et sans signe de malignité et une surrénale gauche présentant un corticosurrénalome sans signe de malignité (score de Weiss inférieur à 1). L’évolution, trois mois après la chirurgie sous hormonothérapie substitutive, était marquée par une nette amélioration clinique, la normalisation des chiffres tensionnels et des chiffres glycémiques avec une HbA1c à 4,77 %, une cortisolémie de 8 h effondrée et une kaliémie normale à 4,2 mmol/L (Fig. 3). À distance, en juillet 2013, le patient bénéficiait d’une résection pulmonaire emportant le nodule pulmonaire en totalité par

Pour citer cet article : Meftah A, et al. Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008

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Fig. 1. Bouffissure du visage, érythrose, comblement des creux sus-claviculaire et « bosse de bison » au niveau de la nuque.

incision thoracique latérale gauche. L’examen anatomopathologique de ce nodule était en faveur d’une tumeur neuroendocrine bien différenciée de grade I sans signes histologiques de malignité : absence de mitoses, d’emboles vasculaires et de nécrose en faveur d’une tumeur carcinoïde typique. L’examen immunohistochimique montrait une positivité des cellules tumorales pour l’ACTH, le CD56, la chromogranine et la synaptophysine. Le Ki 67 était estimé à 5 %, le mélan A et la vimentine étaient négatifs. 3. Discussion Le syndrome de Cushing est la traduction clinique d’une hypersécrétion permanente et non freinable du cortisol. Il peut être secondaire à une atteinte tumorale de l’hypophyse ou de la surrénale ou relever d’une sécrétion d’ACTH d’origine extrahypophysaire dans le cadre de syndromes paranéoplasiques. Cette sécrétion ectopique représente 10 à 17 % des cas de syndrome de Cushing ACTH dépendants [5,6]. Elle est secondaire à des tumeurs neuroendocrines qui se développent dans de nombreux organes, principalement au niveau du tissu broncho-pulmonaire. Le syndrome de Cushing paranéoplasique touche à fréquence égale les hommes et les femmes, alors que la maladie de Cushing intéresse plus souvent les femmes jeunes. Il réalise, dans sa forme

Fig. 2. Coupe axiale d’une TEP-scanner au 18 FDOPA montrant une hyperfixation du nodule pulmonaire visualisé à la TDM.

classique, un tableau d’hypercorticisme majeur et rapidement évolutif, caractérisé par l’importance des signes d’hypercatabolisme protidique, notamment l’ostéoporose fracturaire, l’altération de l’état général, l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypokaliémie [1,2,7,8]. La mélanodermie est souvent associée. Cependant, la présentation clinique d’un hypercortisolisme lié à une sécrétion ectopique d’ACTH est parfois strictement identique à celle d’une maladie de Cushing ce qui rend le diagnostic difficile [3,4,9]. Certains arguments biologiques notamment l’hypokaliémie profonde, l’intensité de l’hypercorticisme biologique (FLU > 800 nmol/24 h) et la concentration plasmatique d’ACTH très élevée (> 200 pg/mL) étaient fortement évocateurs d’un syndrome de Cushing paranéoplasique [9,10]. Tous ces critères étaient bien présents dans cette observation. Toutefois, ces arguments restent insuffisants pour retenir le diagnostic d’une sécrétion ectopique d’ACTH. Ce fait souligne l’intérêt de réaliser des épreuves dynamiques et des dosages hormonaux destinés à identifier le caractère extra-hypophysaire de

Fig. 3. Nette amélioration clinique après la surrénalectomie bilatérale.

Pour citer cet article : Meftah A, et al. Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008

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la sécrétion d’ACTH. Dans la maladie de Cushing, l’adénome hypophysaire est sensible au test de freinage fort (dexaméthasone) et à la stimulation à la corticolibérine (CRH) contrairement à la tumeur neuroendocrine secrétant l’ACTH qui se caractérise le plus souvent par une autonomie de sécrétion et donc par une insensibilité à ces différents tests. Cependant, la valeur diagnostique de ces tests reste relative. Dans 20 % des maladies de Cushing, la sécrétion après test à la dexaméthasone est toujours présente et 30 à 40 % des tumeurs neuroendocrines bronchiques répondent positivement à ce test [9,11,12]. Les tests de stimulation hypophysaire à la métopirone et aux analogues de la vasopressine partagent certaines imperfections avec le test de freinage à la dexaméthasone. Le test de stimulation hypophysaire par la CRH offre la meilleure spécificité et sensibilité puisque les cas de sécrétion ectopique d’ACTH répondant à la corticolibérine sont exceptionnels [13]. Selon une étude du NIH, sous stimulation par la CRH, la valeur prédictive positive pour la maladie de Cushing est de 45 % lorsque l’accroissement de l’ACTH est nul, de 83 % lorsqu’il est compris entre 33 et 50 % et de 100 % lorsqu’il est supérieur à 50 %. Autrement dit, l’absence de réponse à la CRH ne permet pas de différencier formellement maladie de Cushing et sécrétion ectopique d’ACTH [14]. Plusieurs équipes préconisent l’association des tests de freinage à la dexaméthasone et le test à la CRH. En effet, une réponse franche aux deux tests rend improbable le diagnostic de sécrétion ectopique d’ACTH [15,16]. Dans l’observation rapportée, le test de stimulation à la corticolibérine n’a pas été réalisé et le test de freinage à la dexaméthasone à forte dose s’est révélé négatif. Des marqueurs tumoraux comme la calcitonine, les catécholamines, la chromogranine, la sous-unité alpha, la bêta-HCG ou autres peuvent être recherchés. En cas de positivité, ils pourront orienter vers le type de la tumeur et constituer un argument supplémentaire en faveur d’une sécrétion ectopique d’ACTH. Dans notre observation, la recherche des marqueurs tumoraux s’est révélée négative. Le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs est d’un excellent apport diagnostique en mettant en évidence un gradient d’ACTH entre les veines situées à proximité de l’hypophyse et la périphérie. La procédure est couplée à l’injection de CRH afin de stimuler une sécrétion par un éventuel adénome hypophysaire [9,17]. Il s’agit d’une procédure invasive, techniquement difficile et qui présente un risque faible mais non nul d’accident neurologique sévère. Le cathétérisme doit donc être réalisé par une équipe entraînée, chez un patient dont l’hypercorticisme ACTH dépendant pose un difficile problème de diagnostic. Un gradient d’ACTH centro-périphérique inférieur à 1,4 en dehors de toute stimulation évoque une sécrétion ectopique d’ACTH et celui d’une maladie de Cushing lorsqu’il est supérieur à 2. La stimulation par le CRH permet de poser le diagnostic de la maladie de Cushing dans 100 % des cas si le gradient est supérieur ou égal à 3 [12,18]. En l’absence de gradient centro-périphérique, le diagnostic étiologique est orienté vers une sécrétion ectopique d’ACTH même si la tumeur est occulte, comme cela a été affirmé dans la dernière étude du NIH par Ejaz et al. ainsi que dans d’autres travaux [6,15,19,20]. Si le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs suggère l’existence d’une maladie de Cushing, certains auteurs proposent une exploration chirurgicale hypophysaire même en l’absence d’adénome visible à l’IRM. D’autres préfèrent réaliser un traitement médical de l’hypercorticisme par anti-cortisoliques et surveiller morphologiquement l’hypophyse à intervalles réguliers. Si les résultats du cathétérisme des sinus pétreux inférieurs font évoquer une sécrétion ectopique d’ACTH, l’étape suivante, qui reste très difficile, consiste en la recherche de la tumeur responsable de cette sécrétion. Dans près de la moitié des cas, la tumeur est d’origine bronchique ; viennent ensuite par ordre de fréquence décroissant, les tumeurs thymiques, les carcinomes pancréatiques, les cancers médullaires de la thyroïde et les phéochromocytomes. Dans 30 à 50 % des cas, la tumeur reste occulte et son diagnostic topographique peut échapper aux techniques

d’imagerie conventionnelle [10,21]. L’exploration morphologique intéresse l’ensemble du corps mais une attention particulière doit être portée au thorax en raison de la fréquence des tumeurs neuroendocrines bronchiques. La radiographie thoracique est presque toujours normale du fait de la petite taille de la tumeur. Il est donc nécessaire d’avoir recours au scanner étagé en coupes fines ou à l’imagerie par résonance magnétique même si leur sensibilité et leur spécificité pour les tumeurs neuroendocrines de petite taille sont faibles. L’intérêt de la scintigraphie à l’octréotide marqué à l’indium-111 qui est donc l’examen de référence en raison d’une forte densité de récepteurs à la somatostatine dans les tumeurs carcinoïdes [22]. Cet examen a permis de visualiser les tumeurs responsables de sécrétion ectopique d’ACTH dans plusieurs observations rapportées dans la littérature depuis une dizaine d’années [21,23]. L’intérêt, encore controversé, de la TEP-18 FDG (tomographie par émission de positons au 18 F-fluoro-désoxyglucose couplée au scanner) dans le diagnostic, la localisation et le suivi de ces tumeurs est rapporté dans une dizaine d’observations [24,25]. Dans l’étude prospective de Pacak et al. portant sur 17 patients présentant un syndrome de Cushing paranéoplasique, 6 sur 17 des sources ectopiques d’ACTH ont été identifiées par TEP-18 FDG, avec une sensibilité équivalente à l’IRM dans cette série. Mais la scintigraphie à l’octréotide, utilisée dans 9 cas avec des doses plus importantes de radionucléides marqués, s’est révélée plus contributive que la TEP-18 FDG (sensibilité de 47 % versus 35 %), lorsque la tomodensitométrie et l’IRM étaient normales [22]. En l’absence de tumeur identifiable, il convient de traiter médicalement l’hypercorticisme et de réaliser régulièrement (tous les six mois ou tous les ans selon les cas) des bilans morphologiques hypophysaires et thoraciques à la recherche de la tumeur afin d’en permettre l’exérèse le plus précocement possible. Dans le contexte des possibilités limitées d’exploration de notre observation excluant la scintigraphie à l’octréotide et le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs, le patient a rec¸u un traitement médical. La surveillance hypophysaire par IRM et thoraco-abdominale par TDM toutes les 6 mois a permis de visualiser la tumeur après deux ans de suivi. Le pronostic de ces syndromes de Cushing paranéoplasiques est conditionné par les complications métaboliques comme l’alcalose hypokaliémique et par la nature de la tumeur causale [26]. Selon la classification anatomopathologique de l’OMS, modifiée en 1983 par Gould puis Travis en 1991, les tumeurs neuroendocrines pulmonaires regroupent plusieurs entités au sein desquelles les tumeurs carcinoïdes sont les plus fréquentes et les plus bénignes [3,27]. Les tumeurs carcinoïdes sont habituellement de localisation centrale (80 %) et à prédominance endobronchique mais elles peuvent être nodulaires et intra-parenchymateuses comme dans notre observation [28]. Le traitement curatif de la tumeur carcinoïde repose sur l’exérèse chirurgicale la plus complète possible ce qui conditionne le pronostic de fac¸on majeure. Durant la période préopératoire ou en cas de contre-indication ou d’échec de la chirurgie, le traitement médical repose sur les inhibiteurs de la stéroïdogenèse. Le kétoconazole, antifongique imidazolé, est indiqué en première intention. Il agit sur plusieurs cibles enzymatiques associées au cytochrome P450 et est généralement bien toléré, en dehors d’un risque d’hépatotoxicité [29]. Le mitotane ou OP’DDD présente une efficacité lente et une tolérance médiocre (effets secondaires gastro-entérologiques et neurologiques). Aussi, il est réservé au traitement en seconde intention [29]. Plus récemment, l’efficacité de la cabergoline, agoniste dopaminergique, en association aux analogues de la somatostatine a été rapportée dans une observation de syndrome de Cushing paranéoplasique [30]. La surrénalectomie bilatérale reste d’indication exceptionnelle mais elle permet une guérison immédiate de l’hypercortisolisme avec un taux de succès de 100 % au prix d’une hormonothérapie substitutive

Pour citer cet article : Meftah A, et al. Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008

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définitive. Réalisée aujourd’hui par cœlio-chirurgie, sa mortalité est quasi nulle et sa morbidité faible. Ce geste reste toutefois délicat sur un terrain fragile aussi cette intervention doit être confiée à une équipe entraînée. Elle est indiquée dans deux situations différentes : en urgence dans un but de sauvetage devant un syndrome de Cushing sévère et rapidement évolutif mettant en jeu le pronostic vital à court terme ; ou bien en l’absence de localisation de la tumeur responsable lorsque le traitement anti-cortisolique s’avère inefficace comme dans cette observation. La place de la chimiothérapie et de la radiothérapie en postopératoire reste débattue [26]. 4. Conclusion Les sécrétions ectopiques d’ACTH sont une cause rare du syndrome de Cushing. Elles constituent un redoutable piège pour le clinicien. La rapidité d’installation des signes cliniques et la sévérité des complications doivent orienter vers une origine paranéoplasique du syndrome de Cushing. Le recours à des moyens d’exploration sophistiqués et coûteux s’avère indispensable dans certaines observations afin d’affirmer et de localiser l’origine extrahypophysaire de la sécrétion d’ACTH. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Findling JW, Tyrell JB. Occult ectopic secretion of corticotropin. Arch Intern Med 1986;146:929–33. [2] Orth DN. Cushing’s syndrome. N Engl J Med 1995;332:791–803. [3] Malchoff CD, Orth DN, Abboud C, Carney JA, Pairolero PC, Carey RM. Ectopic ACTH syndrome caused by a bronchial carcinoid tumor responsive to dexamethasone, metopyrone and corticotropin releasing factor. Am J Med 1988;84:760–4. [4] Nieman LK, Chrousos GP, Oldfield EH, Avgevimos PC, Cutler GB, Loriaux DL. The ovine corticotropin-releasing hormone stimulation test and the dexamethasone suppression test in the differential diagnosis of Cushing’s syndrome. Ann Intern Med 1986;105:862–7. [5] Wajchenberg BL, Mendonca BB, Liberman B, Pereira MA, Carneiro PC, Wakamatsu A, et al. Ectopic adrenocorticotropic hormone syndrome. Endocr Rev 1994;15:752–87. [6] Isidori AM, Kaltsas GA, Grossman AB. Ectopic ACTH syndrome. Front Horm Res 2006;3:143–56. [7] Hage R, Delariviere AB, Seldenrijk CA, Vanden Bosh JR. Update in pulmonary carcinoid tumors: a review article. Ann Surg Oncol 2003;10:697–704. [8] Mason AMS, Ratcliffe JG, Buckle RM, Mason S. ACTH secretion by branchial carcinoid tumors. Clin Endocrinol 1972;1:3–25. [9] Newell-Price J, Bertagna X, Grossman AB, Nieman LK. Cushing’s syndrome. Lancet 2006;367:1605–17.

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Pour citer cet article : Meftah A, et al. Le syndrome de Cushing paranéoplasique, un vrai défi diagnostique et thérapeutique : à propos d’un cas et revue de la littérature. Rev Med Interne (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.008

[Paraneoplastic Cushing's syndrome, a real diagnostic and therapeutic challenge: A case report and literature review].

Paraneoplastic Cushing's syndrome is a rare cause of endogenous hypercortisolism attributable to ectopic ACTH secretion by non-pituitary tumors. Imagi...
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