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ANNDER-1698; No. of Pages 4

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Paracoccidioïdomycose localisée au pavillon d’une oreille Paracoccidioidomycosis of the external ear E. Sambourg a, M. Demar b,c, S. Simon b,c, D. Blanchet b,c, J. Dufour a,b, D. Sainte-Marie a,b, A. Fior d, B. Carme b,c,e, C. Aznar b,c, P. Couppié a,∗,c a

Service de dermatologie, centre hospitalier de Cayenne, BP 6006, 97300 Cayenne, Guyane Service de parasitologie-mycologie, université des Antilles et de la Guyane, centre hospitalier de Cayenne, BP 6006, Cayenne, Guyane c EA 3593-EPaT, université des Antilles et de la Guyane, BP 6006, Cayenne, Guyane d Service d’anatomo-pathologie, centre hospitalier de Cayenne, BP 6006, Cayenne, Guyane e CIC-EC Antilles-Guyane, CIE 802 Inserm, centre hospitalier de Cayenne, BP 6006, Cayenne, Guyane b

Rec ¸u le 5 juin 2013 ; accepté le 2 avril 2014

MOTS CLÉS Paracoccidioïdomycose ; Maladie tropicale ; Mycose systémique ; Paracoccidioides brasiliensis ; Guyane franc ¸aise



Résumé Introduction. — La paracoccidioïdomycose est une infection fongique systémique fréquente en Amérique latine. Les atteintes cutanées sont fréquentes et habituellement multiples, le plus souvent associées à des lésions de la muqueuse oro-pharyngée. La forme cutanée isolée est rare. Observation. — Nous rapportons un cas de paracoccidioïdomycose cutanée isolée de l’oreille chez un homme immunocompétent de 43 ans. La lésion formait un placard partiellement ulcéré du pavillon de l’oreille gauche. L’examen mycologique direct, l’examen anatomopathologique et la PCR permettaient de mettre en évidence, dans la lésion cutanée, des levures identifiées comme Paracoccidioides brasiliensis. Discussion. — Les localisations à l’oreille de la paracoccidioïdomycose peuvent être confondues avec d’autres pathologies tropicales fréquentes en région amazonienne, notamment la leishmaniose, la lèpre ou la lobomycose. Le caractère unique de cette localisation cutanée faisait discuter son origine primitive ou secondaire. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Couppié).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.121 0151-9638/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Sambourg E, et al. Paracoccidioïdomycose localisée au pavillon d’une oreille. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.121

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E. Sambourg et al.

KEYWORDS Paracoccidioidomycosis; Systemic mycosis; Paracoccidioides brasiliensis; Tropical disease; French Guiana

Summary Background. — Paracoccidioidomycosis is a systemic fungal infection common in Latin America. Cutaneous involvement is frequent and usually affects multiple sites, being most frequently associated with lesions of the oropharyngeal mucosa. The cutaneous form on its own is rare. Patients and methods. — We report a case of paracoccidioidomycosis isolated from the ear of a 43-year-old immunocompetent man. The lesion consisted of a partially ulcerated plaque on the auricle of the left ear. Direct examination, histopathological examination and PCR revealed the presence in the skin lesion of yeasts identified as Paracoccidioides brasiliensis. Discussion. — The sites of paracoccidioidomycosis on the ear can be confused with other tropical diseases frequently found in the Amazon region such as leishmaniasis, leprosy and lobomycosis. The absence of any other cutaneous sites in this case raised the question of whether the lesion was of primary or secondary origin. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les mycoses profondes systémiques tropicales du continent américain — paracoccidioïdomycose, coccidioïdomycose, histoplasmose — sont dues à des agents fongiques dimorphiques issus de l’environnement. La contamination se fait généralement par inhalation de spores, entraînant une infection respiratoire primaire. Des cas d’infection cutanée par inoculation directe à la peau, bien que rares, sont néanmoins décrits pour ces trois mycoses profondes. Nous rapportons ici l’observation d’un patient ayant une paracoccidioïdomycose à lésion cutanée unique, sans atteinte ganglionnaire ou viscérale mise en évidence. Cette observation fait discuter la focalisation cutanée d’une infection diffuse versus une forme cutanée primitive ; elle pose aussi le problème du diagnostic différentiel d’une pathologie du pavillon de l’oreille en région amazonienne.

Observation Un homme de 43 ans, originaire de l’état d’Amapa au Brésil et résidant depuis plusieurs mois en Guyane dans une petite commune du littoral, consultait pour une lésion indolore de l’oreille gauche évoluant depuis quelques semaines, sans notion de traumatisme initial. À l’examen clinique, l’état général était conservé, sans fièvre ni amaigrissement. On observait un placard cutané érythémateux partiellement ulcéro-crouteux de la région auriculaire gauche, englobant l’ensemble du pavillon de cette oreille et débordant sur la région pré-auriculaire (Fig. 1). À la palpation, on notait une infiltration de la lésion et l’absence d’adénopathies. L’examen du conduit auditif externe était normal. Il n’existait pas de lésion muqueuse. Le reste de l’examen clinique était normal. Une leishmaniose cutanée de l’oreille était suspectée. Un frottis coloré par une technique de May-GrünwaldGiemsa rapide (RAL555® ) mettait en évidence des éléments lévuriformes arrondis de taille variable, d’environ 10 ␮, évocateurs d’une mycose profonde (paracoccidioïdomycose, lobomycose ou cryptococcose) (Fig. 2). L’analyse anatomopathologique d’une biopsie de la lésion après coloration à l’hématoxyline éosine et au Gomori-Grocott mettait en évidence, au sein d’une inflammation granulomateuse, des éléments lévuriformes de taille variant entre 5 et 20 ␮. Ces

Figure 1. Lésion cutanée isolée à type de placard érythémateux de la région auriculaire gauche.

figures étaient constituées d’un élément central volumineux surmonté de multiples bourgeonnements périphériques, à l’origine d’images en « oreilles de Mickey » et en « roue de timonier » (Fig. 3—5), établissant ainsi formellement le diagnostic de paracoccidioïdomycose. Le diagnostic était confirmé par une PCR en temps réel, amplifiant une fraction du gène gp43 codant pour une glycoprotéine spécifique de Paracoccidioides brasiliensis. La sérologie VIH était négative. Il n’existait pas de syndrome inflammatoire biologique. Le patient était ensuite perdu de vue (retour au Brésil probable).

Discussion La paracoccidioïdomycose, anciennement appelée blastomycose sud-américaine, est due à un champignon

Pour citer cet article : Sambourg E, et al. Paracoccidioïdomycose localisée au pavillon d’une oreille. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.121

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Figure 5. Examen anatomopathologique, coloration de GomoriGrocott ; présence d’éléments lévuriformes avec bourgeonnement périphérique « en roue de timonier » (grossissement × 400). Figure 2. Frottis de la lésion coloré au RAL555® ; mise en évidence d’éléments lévuriformes de taille variable (grossissement × 1000).

Figure 3. Examen anatomopathologique, coloration HE ; présence d’éléments lévuriformes (grossissement × 1000).

Figure 4. Examen anatomopathologique, coloration de GomoriGrocott ; présence d’éléments lévuriformes avec bourgeonnement périphérique « en oreilles de Mickey » (grossissement × 400).

environnemental appelé Paracoccidioides brasiliensis. Il est trouvé dans les sols, notamment les terriers de tatou, mais sa culture est difficile [1]. Les foyers principaux à proximité de la Guyane sont le Brésil et le Venezuela. Des cas ont été décrits en Guyane [2]. On distingue principalement deux formes cliniques. La forme aiguë/subaiguë (environ 10 % des cas), avec atteinte systémique généralement sévère, est le plus souvent décrite chez l’enfant. La forme chronique, de loin la plus fréquente, est surtout décrite chez des agriculteurs ou des mac ¸ons de sexe masculin, d’âge généralement supérieur à 30 ans, vivant en zone rurale avec un niveau socioéconomique bas [3]. Le mode de contamination suspecté initialement était que le champignon traversait les muqueuses lors de l’ingestion de végétaux [4]. Par la suite, l’hypothèse d’une contamination aérienne par inhalation de spores a été adoptée par analogie avec les autres infections fongiques systémiques tropicales. Exceptionnellement, une atteinte cutanée isolée pourrait être expliquée par une pénétration directe du champignon à travers la peau. L’atteinte cutanée fait partie du tableau clinique habituel des formes systémiques de la paracoccidioïdomycose ; elle est associée à des lésions muqueuses, ganglionnaires et viscérales. La localisation des lésions au visage et à la sphère oro-laryngo-pharyngée est prépondérante [5]. Les lésions ressemblent à la leishmaniose : nodules et plaques le plus souvent ulcérés, ulcérations. Si les atteintes muqueuses de la leishmaniose cutanéomuqueuse sont surtout localisées au nez, la paracoccidioïdomycose provoque surtout des lésions des muqueuses buccale et laryngo-pharyngée. Les adénopathies cervicales peuvent être volumineuses. Un petit nombre de cas de formes cutanées primitives, par inoculation transcutanée, sont décrites [6—10]. L’inoculation se produirait lors d’un traumatisme, avec une période d’incubation qui peut être assez courte (quelques semaines). Notre observation peut faire discuter une telle forme cutanée primitive. Cependant, l’absence d’imagerie thoraco-abdominale (nécessaire pour éliminer formellement une atteinte viscérale), l’absence d’adénopathie satellite et l’absence de traumatisme préalable empêchent de conclure sur ce point. De plus, l’atteinte du pavillon de

Pour citer cet article : Sambourg E, et al. Paracoccidioïdomycose localisée au pavillon d’une oreille. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.121

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E. Sambourg et al.

l’oreille n’est pas décrite dans les formes primitives, alors qu’elle est rare mais déjà décrite dans les formes systémiques [5]. Paracoccidioides brasiliensis est phylogénétiquement apparenté à Coccidioides immitis, Lacazia loboi et Histoplasma capsulatum, respectivement responsables de la coccidioïdomycose, de la lobomycose et de l’histoplasmose [11,12]. Tout comme Paracoccidioides brasiliensis, Coccidioides immitis et Histoplasma capsulatum provoquent habituellement une atteinte initiale pulmonaire avec dissémination secondaire de fréquence variable. Ces deux mycoses systémiques sont exceptionnellement impliquées dans des atteintes cutanées primitives [13,14]. Lacazia loboi ne provoque que des atteintes cutanées. La lobomycose se localise fréquemment au pavillon de l’oreille, la contamination étant très probablement toujours transcutanée. Le diagnostic différentiel d’une lésion cutanée isolée de paracoccidioïdomycose se pose avec de multiples pathologies provoquant plaques, nodules ou ulcérations. En région tropicale amazonienne, selon l’aspect clinique, des lésions et leur localisation doivent être évoqués : la leishmaniose, des mycoses profondes autres (histoplasmose, sporotrichose, lobomycose), des mycobactérioses dont la lèpre, un carcinome ou des maladies dysimmunitaires (notamment lupus et sarcoïdose). Chez notre patient, l’atteinte auriculaire unilatérale faisait évoquer, dans le contexte épidémiologique guyanais, une leishmaniose en premier lieu, éventuellement une lèpre (peu probable du fait de l’absence de troubles de la sensibilité). La durée d’évolution courte n’était pas en faveur d’une lobomycose, qui évolue très progressivement sur des dizaines d’années. En pratique clinique, cette observation indique qu’en zone tropicale amazonienne, des lésions ressemblant à une leishmaniose mais avec absence de leishmanies au frottis doivent faire évoquer, parmi d’autres diagnostics, des mycoses profondes et notamment la paracoccidioïdomycose.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Sambourg E, et al. Paracoccidioïdomycose localisée au pavillon d’une oreille. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.121

[Paracoccidioidomycosis of the external ear].

Paracoccidioidomycosis is a systemic fungal infection common in Latin America. Cutaneous involvement is frequent and usually affects multiple sites, b...
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