Annales de dermatologie et de vénéréologie (2015) 142, 305—306

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CHRONIQUE GÉNOMIQUE

Kératodermies palmoplantaires syndromiques : quelques nouveautés Palmoplantar keratoderma syndromes: New findings O. Dereure Département de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, université Montpellier I, unité Inserm U1058, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Disponible sur Internet le 23 mars 2015

Les kératodermies palmoplantaires (KPP) intéressent toujours autant les chercheurs en génétique moléculaire, qui traquent désormais des entités souvent syndromiques et plus confidentielles que les formes plus fréquentes, souvent isolées, bien connues des dermatologues et qui ont en grande partie déjà livré leurs secrets au moins en ce qui concerne les gènes en cause même si les mécanismes eux-mêmes restent parfois plus mystérieux. Ainsi, une équipe chinoise s’est penchée sur le rare syndrome KPP-hypotrichose-leuconychie totale, syndrome autosomique dominant proche d’une dysplasie ectodermique où l’hyperkératose souvent sévère n’est d’ailleurs pas limitée aux zones palmoplantaires mais peut s’étendre à d’autres régions cutanées ; l’hypotrichose y est souvent extrême, sous la forme d’une alopécie congénitale subtotale ou totale. Une analyse par la désormais très classique technique de séquenc ¸age d’exome, toujours aussi fructueuse, appliquée à une famille atteinte, a mis en évidence une mutation hétérozygote au sein du gène GJA1 et portant sur l’acide aminé no 8 (p.Gly8Val). Cette mutation est transmise en parallèle avec le phénotype pathologique dans la famille en question. La même mutation a été identifiée chez un autre patient non apparenté où l’affection était apparue de novo au sein d’une famille par ailleurs indemne. GJA1 code pour la connexine 43 qui permet la communication intercellulaire au sein des « gap junctions » ; elle est exprimée de fac ¸on ubiquitaire y compris dans l’épiderme et les follicules

Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2015.02.004 0151-9638/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

pileux. Les conséquences fonctionnelles de la mutation en question semblent converger vers un gain de fonction de la molécule et donc de l’efficacité de transfert intercellulaire de divers substrats et notamment de Ca++ ; ce gain de fonction est d’ailleurs tout à fait cohérent avec la transmission en dominance autosomique. La facilitation des flux de Ca+++ même en cas de maintien de la cellule à un potentiel de repos est probablement délétère pour la cellule qui le subit, avec abaissement du seuil apoptotique des kératinocytes, ce qui génère une hyperkératose réactionnelle [1]. Rappelons que l’implication de connexines dans des troubles de la kératinisation n’est pas nouvelle, notamment dans d’autres formes de KPP, en particulier de type Vohwinkel, et dans des érythrokératodermies. Par ailleurs, l’équipe britannique bien connue menée par McGrath s’est intéressée à une autre forme rare de KPP syndromique s’intégrant cette fois dans un tableau de type dysplasie ectodermique plus marqué avec dystrophies ou perte des ongles, KPP marginale, hypodontie, hypoplasie de l’émail, hyperpigmentation orale et dysphagie, plus ou moins associé à un asthme ou une surdité neurosensorielle. Deux familles koweïtiennes consanguines comprenant en tout 6 membres atteints ont été étudiées, familles où la transmission suivait un modèle plutôt autosomique récessif. Là encore, la technique de séquenc ¸age d’exome à la recherche de variants homozygotes de l’ADN a été fructueuse avec mise en évidence de mutations homozygotes portant sur le gène GRHL2 (pour Granyhead-like 2) dans les deux familles, portant respectivement sur les acides aminés 398 (p.Tyr398His) et 482 (p.Ile482Lys) selon la famille

306 étudiée [2]. GRHL2 est un membre déjà connu d’une famille hautement conservée de facteurs de transcriptions qui jouent un rôle essentiel dans le développement, à l’instar par exemple de p63 qui a d’ailleurs également été impliquée dans d’autres formes de dysplasies ectodermiques, de type Rapp-Hodgkin. Par ailleurs, certaines formes de surdité neurosensorielles ont été rapportées à des haploinsuffisances de GRHL2. Des kératinocytes immortalisés et porteurs de la mutation Ile482Lys montrent effectivement des anomalies morphologiques, de l’adhésion intercellulaire et une translocation cytoplasmique anormale de GRHL2 qui gêne probablement son activité de facteur transcriptionnel, comme l’atteste d’ailleurs une analyse du transcriptome des cellules mutées qui montre des modifications d’expression de gènes impliqués dans l’adhésion cellule/cellule et cellule/matrice extracellulaire.

O. Dereure

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Wang H, Cao X, Lin Z, Lee M, Jia X, Ren Y, et al. Exome sequencing reveals mutation in GJA1 as a cause of keratodermahypotrichosis-leukonychia totalis syndrome. Hum Mol Genet 2015;24:243—50. [2] Petrof G, Nanda A, Howden J, Takeichi T, McMillan JR, Aristodemou S, et al. Mutations in GRHL2 result in an autosomalrecessive ectodermal Dysplasia syndrome. Am J Hum Genet 2014;95:308—14.

[Palmoplantar keratoderma syndromes: new findings].

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